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AVANT-PROPOS
ОглавлениеEn publiant cette nouvelle Collection des Classiques populaires, nous avons eu la pensée de donner aux enfants et aux jeunes gens une première idée des grands écrivains français, et, du même coup, les premiers traits d'une grande morale, générale, large, profonde, vraiment humaine.
La première éducation morale de l'enfant se fait par les entretiens du foyer. Mais qui de nous ne sait que ces premiers entretiens, quand nous les tirons de notre fonds, manquent bien vite de matière?
Pour suppléer à notre insuffisance propre, nous devons inventer des livres pleins d'histoires ou de contes édifiants, que nous mettons entre les mains des enfants. Faible ressource! Ces contes sont souvent bien puérils et d'une cruelle insignifiance. Pourquoi ne s'est-on pas avisé qu'il faut du génie, et du plus grand, pour parler à l'enfance et à la jeunesse? Mais les hommes de génie ont écrit pour des hommes; soit, aussi pour les confier à l'enfant, faut-il les expliquer. Le fond de la pensée de ces grands écrivains, c'est la vérité morale, qu'il suffit de démêler des ornements, ou des vérités particulières, dont ils l'ont entourée, pour donner aux jeunes gens la nourriture la plus forte, la plus simple, la plus accommodée et la seule qui soit digne d'eux.
C'est ce que nous avons essayé de faire. Ce qu'ont pensé, au fond, La Fontaine, Corneille, Bossuet, Molière, Fénelon, Racine, Chateaubriand, Lamartine, Victor Hugo, sur l'homme, sur la vie, sur le travail, sur la douleur, sur la joie, sur le progrès, sur la nation, sur la patrie, tel est l'enseignement que nous avons voulu dégager des œuvres de ces écrivains pour le donner à l'enfant et au jeune homme. Cet enseignement, on le trouvera ici, sous une forme simple et pure, tantôt en lisant l'auteur lui-même, tantôt en suivant les résumés exacts et clairs que nous ferons de cet auteur.
L'enfant, à ce régime, aura à la fois formé son bon sens et son cœur, et il se trouvera, par surcroît, et sans y penser, être entré déjà dans la familiarité de grands génies dont il pourra plus tard étudier plus profondément les œuvres.
Quelle sera la méthode? Donnerons-nous d'abord une notice sur un grand écrivain, puis des extraits de ses œuvres reliés par des analyses? Il y aurait à craindre que la notice ne fût pas lue et que par suite les extraits ne fussent pas compris dans leur ensemble.
Ramenons toujours les choses pédagogiques à la pratique naturelle, c'est-à-dire à l'usage familial. Un père de famille cause avec ses enfants. Il leur parle de respect filial et songe au Cid. Que fera-t-il? Il dira qu'il y a eu un grand homme qui s'appelait Corneille, qu'il vivait à une certaine époque, qu'il a fait des pièces de théâtre nommées tragédies; qu'il y en a une, entre autres, très belle, qui s'appelle le Cid, et il racontera le sujet. Puis il prendra le livre, et, tout en indiquant la suite et la conduite de la pièce, il lira les passages les plus à la portée de l'enfance.
Voilà précisément ce que nous nous proposons de faire. Un entretien continu, où s'introduisent, chemin faisant, naturellement, et à leur place, analyses, extraits et explications, tel est le plan que nous suivrons pour chaque volume de notre collection.
Tous les grands Ecrivains sont-ils susceptibles de cette adaptation? La plupart, assurément. Cependant nous avons pensé que nous devions restreindre notre cadre, et le limiter aux XVIIe et XIXe siècles, sauf à l'élargir plus tard. Les œuvres des écrivains appartenant à ces deux siècles conviennent particulièrement à l'enfance parce qu'elles sont empreintes, pour la plupart, d'un caractère de majestueuse sérénité.
Nous avons fait appel au concours très précieux et à la collaboration de plusieurs de nos collègues et camarades de l'Université, qui ont bien voulu nous prêter l'appui de leur talent et nous aider à atteindre le but que nous nous proposons:
Confier l'éducation de nos enfants aux grands écrivains populaires dont la france est fière, et, sur nos fils et nos filles, dès leur age tendre, faire tomber, selon l'expression de Victor Hugo:
«De tous ces livres pleins de hautes harmonies,
La bénédiction sereine des génies.»
Emile Faguet