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II

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Son séjour à Rome marque la période de sa vie la plus féconde. Le Rêve de bonheur, œuvre par laquelle il a forcé l’universalité des suffrages sinon au point de vue des tendances, tout au moins en ce qui concerne la somme d’efforts dépensés, fut commencé pendant cette période qui ne dura pas moins de cinq années.

La première œuvre qu’il envoya tut une Femme couchée, manière d’odalisque peinte selon les procédés d’école, à laquelle succéda une copie du Mercure, de Raphaël, page sévère et classique. (Musée de Marseille).

J’ai trouvé dans les papiers de Magaud la copie d’une lettre adressée à Aubert et au cours de laquelle il fait connaître son opinion concernant cette œuvre, opinion qui, d’ailleurs, fut celle de tous les critiques parisiens:

Quant à la figure de Papety, d’après l’opinion de tous les élèves et de moi-même, elle serait des envois de Rome le plus correct en dessin et le plus beau en couleur. Il est vrai que, comme tous les pensionnaires de Rome. il était dans la couleur de M. Ingres et, quoique cette figure fût d’un ton généralement un peu gris et terne dans les ombres, elle ne laissait pas d’avoir de l’éclat par je ne sais quoi de brillant que n’avaient pas les autres envois. Et cela ajouté à un dessin pur et à la force du modelé composait un tableau qui ne manquait pas d’harmonie et qui semblait lutter avec la Nature. Ce que l’on peut reprocher à cette étude, c’est un ton violet régnant sur l’ensemble du tableau.

Par la même occasion, j’ai vu son tableau des prix... On peut le placer facilement parmi l’un des premiers de tous les prix remportés depuis la fondation de l’École de France à Rome. (Paris, 27 octobre 1839).

Son Moïse sauvé des Eaux lui avait été commandé, avant son départ pour Rome, par M. Chassérian, architecte bien connu à Marseille, où il a exécuté divers travaux importants. Après avoir figuré à Paris, ce tableau a été envoyé dans notre ville en janvier 1839.

L’artiste a placé la scène au soleil couchant dont les reflets ensanglantent les eaux jaunâtres du Nil. Sur la gauche, Memphis s’estompe dans le lointain et, au milieu, apparaît la fille de Pharaon. Deux esclaves nubiennes agenouillées lui présentent l’enfant à qui elle sourit, tandis que d’autres se tiennent auprès d’elle dans une humble attitude, l’une portant un écran, l’autre des bandelettes, une troisième des anneaux et un vase. Les personnages, dont les traits sont fortement accusés, se détachent en vigueur sur le fond lumineux. La princesse, d’une beauté parfaite, n’est autre, en réalité, qu’une jeune.Romaine que Papety avait remarquée. Cette toile, pour la composition de laquelle l’artiste avait consulté les archives du Vatican et mis à profit des récits de voyageurs, inspira à Méry une enthousiaste poésie dédiée à Autran et dont voici une strophe:

Quand tu feras ta lettre à ce noble jeune homme,

Que Marseille confie aux ateliers de Rome,

Et que le ciel dota d’un précoce talent,

Dis-lui bien que Marseille, aux tableaux qu’il enfante,

Réserve un clou de bronze, une hymne triomphante,

Un cadre d’or étincelant.

Dis-lui que tous ici, les mains jointes en foule,

Aux pieds de sa Memphis, où le Nil jaune coule,

Nous avons admiré l’enfant sauvé de l’eau.

Et qu’au tomber du jour, toute lumière éteinte

Du soleil d’Orient la merveilleuse teinte

Brillait encor sur son tableau.

Au nombre des toiles envoyées de Rome, il faut citer Femmes à la Fontaine (coll. Sabatier d’Espeyron), montrant de jeunes Grecques autour d’une fontaine. L’une d’elle a approché son amphore qui s’emplit, quelques autres, l’urne posée sur la tête, attendent leur tour. On y voit notamment une jeune fille dont la tête, à demi-cachée sous le feuillage, est empreinte d’un indéfinissable mystère. Au fond, se détache une ville ponctuée, çà et là, de quelques silhouettes humaines.

Magaud, qui s’intéressait beaucoup aux travaux de Papety, écrivait à leur ancien maître commun, à propos de cette toile:

Paris, 25 août 1840.

CHER MONSIEUR AUBERT,

... Le tableau est trop systématique; la simplicité en est affectée. Le dessin est excellent, mais la figure principale est sans mouvement. La couleur est très brillante, quoique les carnations soient de la même couleur que les terrains.

En 1840, il fit présent à Joseph Autran d’un paysage: Soleil couchant sur le Tibre, en souvenir des heures inoubliables qu’ils vécurent ensemble devant ce spectacle. Le poète remercia par des vers qu’il lui adressa le 22 octobre et dont je détache le fragment suivant:

Tout est là : tes pinceaux sur cette étroite plage,

Des beaux soirs d’Italie ont mis l’entière image

Et je retrouve enfin devant sa vérité

Tout ce que tant de fois mon âme a regretté 1

Si bien que maintenant, dans ma cellule obscure,

Quand je trouve au réveil ta charmante peinture,

Devant elle souvent, pressé d’aller m’asseoir,

Je commence le jour par admirer ton Soir!

Et puis, quand le jour vient, à l’heure où de sa vue

L’ombre grise poursuit le jour qui diminue

Si mon œil pour jouir des splendeurs d’un beau ciel,

Compare l’authentique à l’artificiel,

Je ferme ma croisée au soleil de Marseille,

Et, seul près d’un flambeau qu’avant l’heure j’éveille,

Du couchant véritable insultant les rayons,

Je contemple celui que m’ont fait tes crayons.

L’année suivante, il donna avec son tableau de sainte Philomène, dont il est parlé dans un autre chapitre, un saint Jacques suivi de deux acolytes, où il montre le saint, revêtu du pallium, appuyé sur son bâton pastoral et escorté de deux diacres ayant le costume du Bas-Empire. S’inspirant de saint Epiphane, qui a indiqué que saint Jacques portait de longs cheveux et allait les pieds nus, l’artiste en a fait une figure de haut relief, un héros sacré. Il envoya en même temps le Portique de Pompeï. Cette peinture, qui a toute la sensualité anacréontique, met en scène des femmes aux poses lascives venues là pour puiser de l’eau à la fontaine. Au pied d’une colonne, une jeune Italienne, blonde, s’est mollement assise, abandonnée à ses instincts paresseux. C’est une évocation frappante de la vie oisive des femmes dans l’antiquité. Presque à la même époque, il expédiait à Paris deux autres morceaux. Il convito degli Dei, copie de la magnifique fresque de Raphaël, qui décore le plafond de la Farnésine, et un dessin lavé ayant pour titre le Bûcher d’Achille. Le premier est une copie fidèle de l’œuvre de l’illustre peintre, celle où il a le plus manifestement affirmé ses tendances michelangesques; la musculature y est puissamment développée et le relief des contours poussé jusqu’à la dureté. Quant à l’autre morceau, il est exclusivement exécuté avec du blanc et du noir pour mieux symboliser la mort et le deuil.


Papety: d'apres sa correspondence, ses oeuvres, et les moeurs de son temps

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