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CHAPITRE III
1778-1779

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Succession de Bavière. – Mort de l'électeur Maximilien-Joseph. – Négociations de Joseph II avec Charles-Théodore, électeur palatin. – Projets belliqueux de l'Empereur. – Prudence de Marie-Thérèse. – Sa correspondance avec Marie-Antoinette et avec Mercy. – Le baron de Goltz, ministre de Prusse. – Hésitations de la Reine. – Impressions de Bombelles. – Commencement d'hostilités. – Reprise des négociations. – Traité de Teschen.

On se rappelle le mot de Louis XVI au comte de Vergennes lors du séjour prolongé, à Versailles, de son beau-frère l'empereur Joseph II: «Ceci doit donner une furieuse jalousie au roi de Prusse». C'était en grande partie dans le but de tâter le pouls de la France pour le cas où la succession de Bavière amènerait un conflit que le frère de la Reine s'était éternisé dans son personnage de mentor. Frédéric68 avait eu beau répandre méchamment que Joseph II traitait Louis XVI d'«imbécile» et d'«enfant», l'Empereur, d'ailleurs revenu sur le compte de son beau-frère69, n'en sentait pas moins que la France était une des premières puissances d'Europe et qu'il lui était nécessaire de gagner la confiance de celui qui la gouvernait. Cette confiance, on le sait, Joseph II l'acquit assez vite pour qu'il ait pu, au sortir d'une de ces conférences qui excitaient tant le mécontentement de Madame70, confesser à Mercy: «Si je m'y étais prêté, le Roi m'aurait montré ses papiers et tout ce que j'aurais voulu.» Mais il était un point sur lequel le Roi de France entendait ne pas se prononcer: les affaires d'Allemagne, gros point noir à l'horizon.

Nul n'ignorait dans les cercles diplomatiques que l'Autriche convoitait un agrandissement de territoire du côté de la Bavière. Lors du traité de Versailles il avait été sérieusement question de permettre l'annexion de la Bavière à l'Autriche contre la cession des Pays-Bas à la France.

Si ces échanges de territoire n'avaient pu se réaliser, l'occasion ne tarderait pas à s'offrir pour l'Autriche de revendiquer des prétentions, qui jusqu'alors étaient restées à l'état de rêve. La succession de Bavière allait s'ouvrir à la mort, escomptée dès longtemps, de l'électeur Maximilien-Joseph: ses états devaient passer à l'électeur palatin Charles-Théodore, dont la puissance était minime. Une fois réveillés d'anciens droits sur certains districts, Joseph II négocia durant toute l'année 1777 avec Charles-Théodore, pour obtenir cette cession à l'amiable, et il était sur le point de conclure un arrangement avec le Palatin, satisfait de s'assurer la possession du reste de la Bavière moyennant ce sacrifice partiel, lorsque, subitement, le 30 décembre, mourait l'électeur Maximilien-Joseph. A peine quelques jours s'étaient-ils écoulés que l'Empereur signait un traité avec Charles-Théodore: le 15 janvier 1778, 12.000 Autrichiens envahissaient les districts cédés de la Basse Bavière. Joseph II avait agi témérairement. Il expliquait à son frère Léopold: «ce vrai coup d'État, cet arrondissement pour la monarchie d'un prix inestimable»; il mandait à Mercy: «C'est une de ces époques qui ne viennent que dans des siècles et qu'il ne faut pas négliger». Il se proclamait la «cheville ouvrière» d'une affaire que Kaunitz réprouvait, contre laquelle l'impératrice Marie-Thérèse se révoltait en femme d'expérience et en bonne mère de famille71. «Si même nos prétentions sur la Bavière étaient plus constatées et plus solides qu'elles ne sont, on devrait hésiter d'exciter un incendie universel pour une convenance particulière… Je ne m'oppose pas d'arranger ces affaires par la voie conciliante de négociation et convenance, mais jamais par la voie des armes ou de la force, voie qui révolterait à juste titre tout le monde contre nous dès le premier pas, et nous ferait même, perdre ceux qui seraient restés neutres… Je ne vois donc aucun inconvénient de différer la marche des troupes; mais beaucoup de grands malheurs en ne la différant pas.»

Joseph II n'écouta ni sa mère ni Kaunitz. Lui que nous avons vu donneur de conseils sensés à la cour de Versailles, s'embarquait, non sans imprudence, dans une affaire dont l'issue pouvait être dangereuse. Sans doute il se faisait l'illusion, comme il l'écrivait à Léopold, de réussir sans guerre, par une simple démonstration armée. C'était compter sans Frédéric qui, dès l'invasion de la Basse Bavière, réunissait une armée sur les frontières de Bohême, prêt à les franchir si l'Empereur persistait dans son plan d'agrandissement injustifié de territoire. Le roi de Prusse entendait prouver à l'Empereur d'Allemagne qu'il n'avait pas le droit d'agir comme lui Frédéric avait agi en Silésie.

A ces nouvelles toute l'Allemagne s'agitait, entrait en rumeur. L'électeur de Saxe qui avait des prétentions à la succession de Maximilien, faisait cause commune avec la Prusse, envoyait ses troupes rejoindre celles de Frédéric; le duc des Deux-Ponts, autre héritier de l'Électeur, soutenu par le roi de Prusse, protestait énergiquement contre l'attitude prise, et cependant les Bavarois que, dans l'espèce, on n'avait guère pris soin de consulter, se refusaient, dans leur haine contre l'Autriche à cet arbitraire changement de domination72. Et cette effervescence des Bavarois qu'alimentera la Prusse durera assez longtemps pour qu'à son retour de France le marquis de Bombelles la retrouve très vivace et la signale de nouveau dans une dépêche au baron de Breteuil, ambassadeur à Vienne: «Le dernier paysan bavarois a de l'aversion pour l'Autrichien et de la bonne volonté pour le Français.» Rappelons-nous ces rapports peu favorables à l'injuste ingérence de l'Empereur dans les affaires de l'Allemagne, et nous aurons la clef des réticences et des mauvaises dispositions de Marie-Antoinette à l'égard de Bombelles quand il s'agira pour lui d'un changement de poste.

«Cela ne plaira pas trop là où vous êtes», avait écrit Joseph II à Mercy, dès le début de l'affaire. Il ajoutait d'ailleurs: Mais je ne vois pas ce qu'on pourra trouver à y redire, et les circonstances avec les Anglais y paraissent très favorables. L'Empereur ne pouvait se dissimuler dans quel état d'agitation ces nouvelles précipitées allaient jeter la cour de France, il n'était pas sans prévoir ce que serait l'attitude du baron de Goltz, attisant le feu, réveillant et remuant parmi les ennemis de Choiseul et de l'alliance autrichienne les vieilles préventions contre l'avidité impériale73.

Devant l'effet produit à Paris par les démonstrations de l'Empereur, Marie-Antoinette s'agitait, écrivant à Mme Polignac qu'elle craignait bien que son frère «ne fît des siennes74». Le Roi ne cherchait pas à dissimuler son mécontentement. La Reine, ayant parlé vivement sur l'affaire de Bavière et sur le danger d'un refroidissement de l'alliance, Louis XVI répondit: «L'ambition de vos parents va tout bouleverser, ils ont commencé par la Pologne, la Bavière fait le second tome; j'en suis fâché par rapport à vous.» – Mais, reprit Marie-Antoinette, n'étiez-vous pas informé et d'accord sur une affaire de Bavière? – J'étais si peu d'accord, répliqua le Roi, que l'on vient de donner ordre aux ministres français de faire connaître, dans les cours où ils se trouvent, que ce démembrement de la Bavière se fait contre notre gré et que nous le désapprouvons75.

L'affaire une fois engagée, sans qu'on eût pris ses avis, Marie-Thérèse, ne pouvant rien empêcher de ce qui était fait, s'employa du moins à conjurer les conséquences d'une aventure de tous points dangereuse. Que faire, sinon s'efforcer d'abord et avant tout de resserrer l'alliance entre la France et l'Autriche? Cette alliance, bien des gens à la Cour et dans le monde politique en France seraient enclins peut-être, vu les circonstances où l'Autriche a mis les apparences contre elle, à la vouloir dénoncer. Il faut à tout prix empêcher ce malheur, peser de toutes ses forces de mère et de souveraine sur la jeune princesse qui avait été le nœud de l'alliance et devait servir à la consolider ou au moins à l'empêcher de se rompre.

L'Impératrice semble craindre de se rendre importune et suspecte au Roi en s'adressant à lui directement, elle dirige tous ses efforts sur la Reine à laquelle elle parle ou fait parler un tout autre langage que celui dont elle a coutume. Dans ses lettres à sa fille et à Mercy, vrais chefs-d'œuvre de diplomatie maternelle et féminine, elle va mettre tout en jeu: l'amour-propre de Marie-Antoinette, son affection pour sa mère, son antipathie naturelle pour le roi de Prusse, jusqu'aux espérances de grossesse, qui pour la première fois ont réjoui son cœur. «On y sent, dit l'historien qui a le mieux lu et compris l'auguste correspondante de Mercy, toute l'ardeur d'une souveraine qui tremble pour ses peuples, d'une mère qui tremble pour ses fils, toute l'habileté d'une femme de génie qui, vieillie dans la politique et connaissant jusque dans ses plus intimes replis l'esprit et le cœur de sa fille, savait merveilleusement quelle corde il fallait toucher, quels sentiments invoquer, pour faire de cette fille une auxiliaire dévouée et un instrument docile76

L'Impératrice va quitter les sévérités et les gronderies ordinaires quand elle écrit à sa fille, elle va renoncer pour un moment à lui reprocher très vivement sa passion pour le jeu77, les distinctions accordées à des favoris – y compris Esterhazy, – les tracasseries entre la princesse de Lamballe et Mme de Polignac. Avant d'entamer sa campagne diplomatique, elle a fait part de ses désirs: «Dans ce moment où la mort de l'Electeur de Bavière amène une crise violente, il serait intéressant que ma fille fît bon usage de son ascendant sur le Roi.» Marie-Thérèse éprouve des doutes sur le succès de sa démarche: «Peut-on s'en flatter tant qu'elle est enfoncée dans ses légèretés et dissipations habituelles?»

Au fur et à mesure qu'elle sent l'effet produit par ses lettres à Mercy et à sa fille, Marie-Thérèse change de ton. Elle ne raille plus, elle ne gronde pas; elle écrit serré, net, précis; un peu plus elle implorerait pour obtenir l'appui de sa fille. – Très montée contre la Prusse dont le ministre78 avec ses méchancetés excite son aversion, – mais ne voulant pas en principe s'occuper d'affaires, sentant sans nul doute, aux criailleries de toute une partie de la Cour, combien elle risque de se rendre impopulaire en exagérant son ingérence dans la question, Marie-Antoinette entend marcher prudemment puisque les premières ouvertures ont été mal accueillies du Roi.

Mais comment résister aux appels à la tendresse, aux cajoleries adroites, aux exposés dramatiques dont Marie-Thérèse émaille ses lettres? Dans une de ces missives elle avait parlé avec aigreur du roi de Prusse, qui voudrait se rapprocher de la France: «Tous deux nous ne pouvons exister ensemble, cela ferait un changement dans notre alliance, ce qui me donnerait la mort, vous aimant si tendrement…» Et Marie-Antoinette de pâlir en lisant ce fragment de la lettre de sa mère à Mercy. «C'est par cette secousse, mande l'ambassadeur, qu'elle a été mise dans le mouvement et l'inquiétude où je la trouvai.»

Mais voici qui est mieux et qui va définitivement secouer la Reine de sa demi-indifférence. «C'est à cinq heures du matin et bien à la hâte, dramatise l'impératrice le 19 février, le courrier étant à ma porte, que je vous écris. Je n'étais pas prévenue de son départ, et on se presse pour obvier aux plus noires et malicieuses insinuations du roi de Prusse, espérant, si le roi est au fait qu'il ne se laissera pas entraîner par des méchants, comptant sur sa justice et sur sa tendresse pour sa chère petite femme.» Jamais il n'y eut d'occasion plus importante de «tenir fermement» l'intérêt des deux maisons et des deux Etats. «Qu'on ne se précipite en rien et qu'on tâche de gagner du temps pour éviter l'éclat d'une guerre qui une fois commencée pourra durer et avoir des suites malheureuses pour nous tous…» L'idée seule la fait succomber… «et, si je n'y succombe, mes jours seraient pires que la mort…»

Maintes fois l'Impératrice reviendra sur le sujet et, quand elle craindra d'avoir trop insisté, elle atténuera: elle aime bien trop son gendre pour l'entraîner dans une entreprise contraire à ses intérêts ou à sa gloire: «Je sacrifierais plutôt la mienne; mais, si nous voulons faire le bien, il le faut faire conjointement: sans cela rien ne se ferait de solide.»

Marie-Antoinette a parlé au Roi, mais avec hésitation79, au dire de Goltz, sans précision, commente Mercy. Louis XVI a fait dire au baron de Goltz qu'il n'entendait point se mêler des affaires de son maître. Cela ne suffit pas à Mercy: «Il faut, mande-t-il à l'Impératrice se mêler des affaires de l'Autriche dans le sens qui convient à un bon et fidèle allié.»

A son tour Joseph II s'adresse à sa sœur: «Puisque vous ne voulez pas empêcher la guerre, lui écrit-il, le 20 mars, nous nous battrons en braves gens, et dans toutes circonstances, ma chère sœur, vous n'aurez point à rougir d'un frère qui méritera toujours votre estime.»

Émotion de la Reine qui entrevoit le danger où peut se trouver son frère. Elle parle fortement aux ministres, insiste pour qu'en exécution du traité des démarches formelles soient faites.

La diplomatie européenne entre en mouvement, la Russie voit dans cette affaire un moyen de s'ingérer dans les affaires de l'Allemagne et de diriger vers Saint-Pétersbourg les regards jusque-là tournés du côté de Versailles. A Ratisbonne on s'agite: Bombelles confère avec M. de Schwarzenau, ministre de Prusse80; il sait lui tenir tête quand le ministre de Frédéric II représente son souverain comme protecteur des libertés de «l'Allemagne et n'ayant d'autre intérêt que celui de la justice»; mais, comme il n'a pas pris parti formel contre la Prusse, c'est s'exposer aux réclamations autrichiennes. On ne manquera pas de s'en souvenir à Vienne, et la Reine lui gardera longtemps rancune de sa neutralité qu'elle juge offensante.

Au milieu de juin on ne croit plus guère au maintien de la paix. L'Angleterre a envoyé à ses ministres en Allemagne l'ordre de se rapprocher le plus possible de l'Autriche81: c'est là un grave danger au moment où vient d'éclater la guerre d'Amérique. Marie-Thérèse espère encore que la France ne se laissera pas prendre aux cajoleries du roi de Prusse, que l'alliance austro-française sera maintenue. C'est à quoi tendent les efforts de Marie-Antoinette. Désireuse de servir à la fois les intérêts de ses deux pays, elle faisait malgré elle pencher la balance en faveur de l'Autriche. Dès le début de l'affaire elle était en discussion avec Vergennes: le ministre voulait rester fidèle à l'alliance, mais seulement dans certaines conditions. Il fit observer avec raison que les possessions garanties par le traité à Marie-Thérèse n'étaient pas contestées, et que la guerre avait pour objet des acquisitions dont les titres étaient parfaitement ignorés à l'époque de la conclusion de l'affaire; enfin, que rien n'autorisait l'Autriche à regarder cette alliance comme un moyen d'agrandir ses États. Louis XVI avait offert sa médiation… La guerre n'en éclata pas moins: le 5 juillet, Frédéric II entrait brusquement à Nachod, en Bohême, et, le 7, les premiers coups de feu étaient tirés.

Folle d'inquiétude, Marie-Thérèse ne renonce pas encore néanmoins à une solution pacifique. Elle tente une nouvelle démarche: Mercy est chargé de plaider sa cause auprès de Marie-Antoinette. La Reine, en lisant l'appel désespéré de sa mère, éclate en sanglots; elle décommande une fête qu'elle devait donner à Trianon. Le Roi, alarmé de la surexcitation de sa femme que, dans son état de grossesse, il veut contenter, lui promet de faire tout son possible pour apaiser sa douleur. Vergennes n'a pas l'air de vouloir rien changer à la ligne de conduite qu'il s'est tracée, il est urgent d'agir sur Maurepas. La Reine parle ferme au vieux ministre qui cherche des faux-fuyants pour ne pas répondre. Colère de la Reine. «Voilà, Monsieur, la cinquième fois que je vous parle d'affaires, s'écrie impérieusement Marie-Antoinette… Jusqu'à présent j'ai pris patience, mais les choses deviennent trop sérieuses et je ne veux plus supporter de pareilles défaites.»

Reprenant toute la suite de l'affaire de Bavière, elle montre que la condescendance de la France est la seule cause de l'insolence de la Prusse. Et Maurepas, abasourdi par ce langage impérieux, de se confondre en excuses et en protestations de dévouement82.

Du côté autrichien il y a conflit d'action. Marie-Thérèse83, de son plein gré, a envoyé, le 13 juillet, Thugut à Frédéric pour traiter de la paix: elle a offert d'abandonner toute prétention sur la Bavière si la Prusse, de son côté, renonçait à la succession des margraviats d'Anspach et de Bayreuth. Démarche qui lui coûte beaucoup et qui sera inutile, car Joseph II la désavouera avec colère, Frédéric II la repousse avec dédain84. Au bout d'un mois toute négociation est rompue. Une armée de Prussiens et de Saxons sous les ordres du prince Henri s'est avancée sur le bord de l'Isar en face du maréchal autrichien Laudon, un autre corps de troupes couvre la Silésie. Laudon est obligé de se replier devant le prince Henri. Près de 400.000 hommes sont sur le point d'en venir aux mains dans une lutte terrible. Cette catastrophe peut-elle être encore évitée?

Ici Marie-Thérèse fait un nouvel effort: «Sauvez votre maison et votre frère, écrit-elle à Marie-Antoinette… Il ne convient pas à la France que nous soyons subjugués à notre plus mortel ennemi. Elle ne trouvera jamais un ami et un allié plus sincèrement attaché que nous.»

Restée sans nouvelles depuis deux semaines Marie-Antoinette se rongeait d'inquiétude. Dès qu'elle a reçu la lettre de l'Impératrice elle se précipite chez le Roi qu'elle trouve en conférence avec Maurepas et Vergennes et expose ses desiderata. Elle ne parle plus d'intervention armée puisqu'elle s'est heurtée à des refus formels, mais d'une médiation de la France pour rétablir la paix et arrêter l'effusion du sang.

La Reine ne rencontre plus d'objection dans le conseil du Roi, cette pensée d'une médiation qui ne compromet pas la France est conforme à la politique suivie dès le commencement de l'affaire; Vergennes y fait d'autant moins d'objections qu'il n'y a plus de temps à perdre. A Bombelles il ne dissimule par le déplaisir que le refus de Frédéric II a causé à la Cour de Versailles85.

Marie-Thérèse écrivait lettre sur lettre à sa fille, insistant pour un arrangement immédiat. Le temps devenait mauvais, la neige commençait à couvrir les montagnes, Maximilien était très malade, les armées souffraient… On pouvait tout craindre tant que ces malheureuses circonstances dureraient. «Tâchez, ma chère fille, de les faire finir au plus tôt; vous sauverez une mère qui n'en peut plus, et deux frères qui, à la longue, doivent succomber, votre patrie, toute une nation qui vous est si attachée… Il faut beaucoup de fermeté et égalité de langage et ne pas perdre un seul instant… Quel bonheur si vous pouvez faire vos couches en paix et de nous l'avoir procurée si glorieuse pour le Roi, en serrant de plus en plus les nœuds de notre alliance, la seule nécessaire et convenable pour notre sainte religion, pour le bonheur de l'Europe et de nos maisons.» Par le baron de Pichler l'Impératrice-reine fait dire de plus à Mercy: «Non seulement le bien de la monarchie mais ma propre conservation en dépend86

68

Frédéric II au baron de Goltz, décembre 1776, 22 août 1777. – Bancroft, Histoire de l'action commune de l'Amérique et de la France, t. III.

69

Voir chapitre II. Le baron de Goltz, après avoir dit que l'Empereur «s'était montré peu édifié de l'affabilité du Roi», ajoute que, «quant au bons sens, il le trouvait supérieur à ce qu'il en croyait». (A Frédéric II, 18 mai 1777. Recueil Flammermont).

70

Correspondance du comte de Scarnafis avec le roi de Sardaigne (Recueil Flammermont).

71

Maria Theresia und Joseph II, t. II (Recueil Geffroy-d'Arneth). – Cf. Correspondance diplomatique du marquis de Bombelles. (Bib. nat.).

72

Correspond. diplomatique de Bombelles.

73

On devra lire les nombreux extraits de correspondance entre Frédéric II et Goltz donnés dans l'ouvrage de Bancroft (t. III). Le ministre prussien, moine scrupuleux encore que jamais, mit tout en œuvre pour exciter les esprits contre la Cour de Vienne. Mercy à la même époque ne se lassait pas de signaler, avec nombreuses preuves à l'appui, les inventions et les calomnies de son collègue.

74

Mercy à Marie-Thérèse, 17 janvier.

75

Le comte de Vergennes le mandait à M. de Bombelles, 9 février. C'était là le commentaire obligé des instructions données en 1775 au marquis (Voir chapitre I), et l'on doit se rappeler cette phrase: «… Loin de vouloir servir d'instrument aux projets d'oppression que la Cour impériale pourrait former, Sa Majesté se prévaudrait de l'alliance comme d'un moyen de plus pour servir la cause de l'Etat.» (Archives de Seine-et-Oise, E. 453). Les partisans de la Reine désapprouvaient hautement la circulaire du comte de Vergennes, disant que c'était une demi-démarche uniquement propre à exciter de la défiance entre des alliés. (Correspondance du comte de Scarnafis, Recueil Flammermont). – On doit aussi se souvenir des considérations sur le voyage de l'Empereur en 1777, que Vergennes soumit au roi le 12 avril… «Si cette alliance est intéressante à conserver, elle veut être maintenue avec assez d'égalité pour qu'un des alliés ne se croie pas en droit de tout exiger de l'autre sans être tenu à lui rien rendre; c'est ce qui arriverait immanquablement, Sire, si Votre Majesté, prêtant l'oreille à des insinuations spécieuses, se portait à donner plus d'extension au traité de 1756, ou (ce que la Cour a paru désirer singulièrement) si Votre Majesté prenait l'engagement d'employer toutes ses forces au soutien de l'alliance (Beauchesne, Vie de Madame Elisabeth, t. I, appendice).

76

M. de La Rocheterie, Hist. de Marie-Antoinette, I, p. 369.

77

Malgré les conseils de Joseph II, le jeu avait repris de plus belle au début de l'année. Les finances de la Reine en étaient obérées au point qu'elle «était obligée de se refuser aux actes de bienfaisance que lui dicteraient sa grandeur d'âme et sa générosité naturelle.» (Mercy, III, 155).

78

L'année précédente, le 3 février, elle écrivait déjà à sa mère: «Je suis plus révoltée qu'étonnée des vilenies et méchancetés du mauvais voisin; peut-être même est-il trompé sur quelques points par le ministre qu'il a ici; il est connu depuis longtemps pour un homme peu scrupuleux et qui, pour se faire valoir auprès de son maître, n'hésite pas à lui mander toutes sortes de fables.»

79

L'ingérence de Marie-Antoinette dans l'affaire a pourtant déjà indisposé contre elle le public. Voir la Correspondance du comte de Scarnafis (Recueil Flammermont, p. 356 et suivantes).

80

Bombelles à Vergennes: Corr. diplom. (Bib. nation.), mars à juin.

81

Bombelles à Vergennes.

82

Mercy à Marie-Thérèse, 17 juillet.

83

Marie-Thérèse à Joseph II.

84

Correspondance de Mercy, III, 231, 234; – Marie-Antoinette à Marie-Thérèse. – Marie-Thérèse à Marie-Antoinette. – Vergennes à Bombelles (Arch. de Versailles). —Maria Theresa und Joseph II, II, 345.

85

Vergennes à Bombelles (archives de Seine-et-Oise).

86

Correspondance de Mercy, 9 et 17 septembre.

Angélique de Mackau, Marquise de Bombelles

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