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ОглавлениеCACAO. s. m. Fruit dont on fait le chocolate avec quelques autres ingrédiens; il croît en abondance dans la nouvelle Espagne à un arbre qui se nomme la cucuhua-guahuilt; il est de la même grandeur que l'oranger; il a les mêmes feüilles, mais un peu plus grandes. Ce fruit est de la figure d'un concombre, ou melon, qui est rayé, cannelé & roux, plein de plusieurs noix qui sont proprement appellées cacao, plus petites qu'une amende: il est d'une moyenne saveur, entre le doux & l'amer; d'un temperament froid & humide. Il y a dix ou douze cacao enfermez dans une même coque; cet arbre est si delicat qu'il le faut planter auprés d'un grand arbre nommé atlinan afin qu'il le couvre de sa grande ombre, autrement le Soleil le brûle. On en tire aussi du beurre, dont les femmes se font un fard pour le visage. Le cacao sert aussi de menuë monnoye dans la Province; Laët, Acosta, Clusius en ont écrit.
CALANDRE. s. f. Terme de Manufactures. C'est une machine propre pour presser les draps, les toiles, & autres étoffes, & pour les rendre polies, unies & lissées: elle sert aussi pour y faire ces ondes qui sont sur le tabis & les moheres: Elle est composée de deux gros rouleaux de bois, autour desquels on roule les piéces d'étoffe; on les met entre deux gros madriers de bois dur, large, épais & poli; celui de dessous sert de base, celui de dessus est mobile, par le moyen d'une rouë telle que celle des gruës. Un cable est attaché à un tour qui compose son axe; cette partie du dessus est d'un poids prodigieux, par fois de cinquante ou soixante milliers; c'est cette pesanteur qui fait les ondes sur les étoffes qui sont autour de ces rouleaux par le moyen d'une legere gravûre qu'ils contiennent: on met & on ôte ces rouleaux en inclinant un peu la machine. Ce mot vient du Latin cylindrus, parce que tout l'effet de la machine vient d'un cylindre. Borel dit que ce nom lui vient d'un petit oiseau de même nom, parce que les marques qu'elle imprime sont semblables à ses plumes.
Calandre, petit oiseau du genre des alloüettes, qui n'a point de crête: En Latin corydalos minima.
Calandre, petit ver qui se fourre dans le bled & le mange, qu'on appelle aussi charançon, ou patepeluë: en Latin curculio.
Calandrer. v. act. Mettre une étoffe sous la calandre pour la presser ou tabiser.
Calandré éé. part.
CALCINATION. s. f. Action par laquelle on réduit en chaux, ou en poudre trés-subtile les métaux & les minéraux, avec un feu violent. La calcination actuelle se fait seulement par le feu, la potencielle se fait par le moyen d'un esprit corrosif, qui les pénétre & les dissout, comme l'argent & l'or par les eaux fortes & l'eau régale, & cette calcination est appellée immersive.
Calciner. v. act. Terme de Chimie. Réduire les métaux ou les minéraux en chaux, ou poudre trés-subtile par le moyen du feu. L'or se calcine au feu de Reverbere avec le mercure & le sel armoniac. L'argent avec le sel commun & le sel alkali: le cuivre avec le sel & le soulfre: le fer avec le sel armoniac & le vinaigre: l'étain avec l'antimoine, le plomb & le soulfre: le mercure avec l'eau forte, il se calcine aussi tout seul par le feu. Tous les autres minéraux se calcinent au feu, sans addition d'aucune drogue.
CAMPHRE. s. m. C'est la gomme d'un arbre qui croît aux Indes dans les montagnes maritimes, lequel est de telle hauteur & largeur, qu'un escadron de cent hommes pourroit demeurer dessous à l'ombre. On dit qu'elle sort en plus grande abondance durant la tempête & les tremblemens de terre. Il y en a de plusieurs sortes, car on en trouve une entre les veines du bois, & une autre qui sort par l'écorce rompuë, comme une résine, & demeure attachée à l'arbre: elle est rouge d'abord, & devient blanche, ou par la chaleur du Soleil, ou à force de feu. Il y en a une brune & obscure qui est moins estimée. Il y a aussi un camphre en rose, qui n'a point passé par le feu, & un autre qui a été purifié & blanchi, & fait par sublimation. Le camphre est si subtil que souvent de lui-même il se resout en fumée. Il est si odorant, que sur les lieux on s'en sert en guise d'encens; pour être bon il doit être blanc, pur, reluisant, transparent, de forte odeur, & il faut qu'il devienne moüillé quand on le met sur un pain chaud. Quelques-uns, comme Fuchsius, croyent que c'est un Bitume des Indes. On l'appelle en Latin camphora, qui vient du mot Hebreu copher.
On fait du camphre artificiel avec de la sandaraque, qu'on appelle autrement gomme de genévre, vernis blanc, ou mastic bien pulvérisé, du vinaigre blanc bien distilé, qu'on met vingt jours dans le fumier de cheval, & qu'on laisse aprés au Soleil pendant un mois pour secher, & on trouve le camphre fait comme une croûte de pain blanc. La chymie ne travaille point sur le camphre, puisqu'il surmonte en pureté, en subtilité, en volatilité & en pénétration tout ce qu'on en pourroit tirer par la distillation: Elle ne peut enchérir sur sa perfection: sa diaphanéïté est grande, sa blancheur égale à celle de la neige; son goût acre, son odeur forte témoignent sa volatilité; son inflammabilité dans l'eau, & sa totale consomption sans laisser aucune trace au vaisseau dans lequel on l'allume, montrent sa pureté & la subtilité de ses parties. On a fait ce proverbe sur le camphre.
Camphora per nares castrat odore mares.
La principale qualité du camphre est de retenir & de conserver un feu inextinguible qui brûle dans l'eau, sur la glace, & dans la neige, à cause qu'il est d'une nature fort tenuë & grasse, jusques-là que si on en jette dans un bassin sur de l'eau de vie, & qu'on les fasse boüillir jusqu'à leur entiére évaporation dans quelque lieu étroit & bien fermé, & que par aprés on y entre avec un flambeau allumé, tout cet air renfermé conçoit en un moment le feu qui paroît comme un éclair sans incommoder le bâtiment, ni les spectateurs.
CHARTEPARTIE. s. f. Terme de marine, c'est l'acte d'affretement sur l'Ocean, ou de nolissement sur la Mediterranée; c'est un écrit contenant la convention pour le loüage d'un Vaisseau, ou la Lettre de facture & le Contract de cargaison du Vaisseau: elle doit être rédigée par écrit, & passée entre les Marchands & le Maître, ou le propriétaire du Bâtiment: Elle doit contenir le nom & le port du Vaisseau, celui du Maître & de l'Affreteur, le prix du fret, & les autres conditions dont les parties seront convenuës, comme il est porté au Livre troisiéme de l'Ordonnance de la marine: dans cet acte les Capitaines & Officiers confessent avoir reçû un tel Navire bien & dûment calfeutré, étanché, victuaillé, munitionné, & agréé pour un tel voyage. La chartepartie est distinguée d'avec le connoissement, parce que celle-la se fait pour l'entier affrettement du Navire, & pour l'aller & pour le retour; au lieu que le connoissement n'est fait que pour une partie de la charge, & se fait par une promesse particuliére, pour l'aller ou pour le retour seulement. Le Président Boyer dit que ce mot vient de ce que per medium carta incidebatur & sic fiebat carta partita; parce qu'au temps que les Notaires étoient moins communs, on n'expédioit qu'un acte de la convention qui servoit aux deux parties, on le coupoit en deux pour en donner à chacune sa portion; elles les rassembloient au retour pour connoître si elles avoient satisfait à leurs obligations; ce qu'il atteste avoir vû encore pratiquer de son temps, de même qu'en usoient les Romains dans leurs stipulation, au rapport d'Isidore, qui rompoient un bâton dont chacun gardoit un morceau pour en conserver la marque.
CHIEN. s. m. Chienne. s. f. Animal domestique, qui aboye, qui sert à garder la maison, & à la chasse. Le chien est le simbole de la fidélité. Les chiens sont en telle abomination aux Maldives, que si un chien avoit touché quelqu'un du païs, il s'iroit incontinent baigner pour se purifier. Peirard. Au contraire chez les Gaures ils sont en si grande vénération, que les Prêtres se servent des chiens pour purifier leurs penitens. Tavernier.
Il y a plusieurs sortes de chiens differens, tant pour la taille que pour le naturel, ou le service qu'ils rendent aux hommes.
Les premiers sont les chiens de chasse dont les plus nobles sont les chiens courans, ou allans, qui chassent par la force de l'odorat. Entre les chiens François, quelques-uns sont appellez de race Royale, qui courent à force les cerfs, chevreüils, loups, & sangliers. Les chiens courans appellent les Veneurs, & pour cela dit qu'ils chassent de gueule.
Il y en a d'autres de race commune, qui chassent seulement le chevreüil, le loup & le sanglier; d'autres de race mêlée, ou petite racine, qui chassent les liévres tant dans les bois que dans la plaine.
Il y a aussi des chiens Anglois de trois sortes, ceux de la race Royale servent à chasser cerfs, daims, & chevreüils. Les chiens Baubis sont pour les liévres, renards & sangliers, on leur couppe presque à tous la queuë; ils sont plus bas de terre & plus longs que les autres, de gorge effroyable, qui heurlent sur la voye, & qui ont le nez dur, & sont barbets à demi poil. Les Bigles sont pour les liévres & lapins; il y en a de grands & de petits, & sont excellens pour courir le liévre dans les plaines.
Les levriers sont chiens à hautes jambes, qui chassent de vîtesse. Voyez Levrier.
Limiers sont des chiens muets, qui servent à quêter & à détourner le cerf, chien quêtant & requerant.
Chiens Baux, qu'on surnomme Greffiers, sont des chiens blancs, dont la race vient de Barbarie, ils sont bons chasseurs requerans & forcenans; ils chassent de haut nez, gardent bien le change; ils sont de bonne creance, & tiennent mieux dans les chaleurs; ce sont les meilleurs pour courir le cerf.
Les chiens gris sçavent faire tous métiers, & courent toutes sortes de bêtes. Les chiens noirs, qu'on appelle de saint Huber, sont bons pour les bêtes puantes; on en conserve sa race en mémoire de ce Saint, en l'Abbaye qui porte son nom dans les Ardennes. Les chiens fauves ou rouges sont chiens de grand cœur, fort hardis & chiens d'entreprise. On appelle chiens tout d'une piéce ceux qui sont tout d'une couleur, tout blancs, ou tout noirs, &c.
Les chiens couchans sont chiens de l'arquebuse, qui chassent de haut nez, & arrêtent tout: les meilleurs viennent d'Espagne, ils servent à faire lever les perdrix & les cailles, & ces chiens sont au poil & à la plume; & on dit que des chiens piquent la sonnette, pour dire qu'ils courent trop vigoureusement aprés l'oiseau.
Braques sont des chiens de même allure, aussi bien que les turquets & metis.
Epagneuls, ou espagnols sont des chiens qui chassent de gueule, & forcent les lapins dans les brossailles, ils rident ou suivent la piste de la bête sans crier, ils sont bons aussi pour les oiseaux, & chassent le nez bas.
Griffon, se dit aussi d'une espece de chiens qui chassent le nez haut, & qui arrêtent tout; ils viennent d'Italie & de Piedmont.
Bassets, qu'on appelle autrement chiens de terre, sont des chiens qui entrent dans les taniéres des renards & taissons; ils viennent de Flandres & d'Artois; ils attaquent tout ce qui se terre, comme blereaux, renards, chats harets, foüines, putois; ils quêtent bien & servent aussi à l'arquebuse; ils sont noirs à demi poil, avec la queuë en trompe: il y en a qui ont double rang de dents comme les loups, & qui sont sujets à mordre, qui ont les pattes de devant tortuës. On parle aux bassets en leur criant, coule, coule Bassets.
Barbets, sont chiens frisez qui chassent le nez bas quand le gibier fuit, & le nez haut quand il demeure; Ils l'arrêtent sur terre & dans l'eau: leur principale nature est de rapporter, & ce sont les plus fideles chiens du monde, qui ne veulent connoître qu'un maître, & ne le perdre jamais de vûë: on les appelle aussi chiens à gros poil.
Dogues, sont chiens de combat, qui servent à assaillir les grosses bêtes, comme des taureaux, des lions, &c. Les Espagnols doivent une partie des conquêtes de l'Amerique à des Dogues d'Angleterre, comme on voit dans Herrera.
Mâtins, sont chiens de garde qu'on laisse dans les bassecours pour aboyer. Il y a aussi des Mâtins dans le vautrait, pour chasser au sanglier.
Chiens allans ou gentils sont de gros chiens, qui en allant détournent le gibier: On le dit aussi des chiens de Bouchers qui servent à conduire leurs troupeaux.
On appelle chiens trouveurs, des chiens qui vont requerir un Renard, quand il y auroit vingt-quatre heures qu'il seroit passé.
Chien barreur est le meilleur chien pour le chevreüil.
On appelle un chien secret, un limier qui pousse la voye sans appeller; on l'appelle aussi muet, & on dit qu'il ride.
Un chien babillard, ou qui caquette, est celui qui crie hors la voye, & le plus souvent d'ardeur, ou qui crie des matinées entiéres.
Un chien menteur est un chien qui cele la voye pour gagner le devant.
Un chien vicieux, celui qui chasse tout ce qu'il rencontre, & qui s'écarte toûjours de la meute.
Un chien de bonne créance, de bonne affaire, celui qui est docile & obéïssant: un chien qui chasse de forlonge, qui sent de loin le gibier; un chien qui ne se rompt point au bruit.
Un chien sage, qui chasse bien, qui tourne juste, chien de tête & un chien d'entreprise, qui est hardi & vigoureux.
On dit qu'un chien a le nez dur, lors qu'il rentre mal-aisément dans la voye, & qu'il reprend lentement; qu'il est de haut nez lors qu'il va requerir sur le haut du jour; & qu'il a le nez fin lors qu'il chasse bien dans les chaleurs, & dans la poussiére.
On appelle chien d'aiguail, celui qui chasse bien le matin lors que la rosée est sur la terre, & qui ne vaut rien au haut du jour; & au contraire un chien du haut du jour, qui ne vaut rien dans l'aiguail.
On appelle chien étruffé celui qui a une cuisse qui ne prend point de nourriture, & qui est boiteux; chien butté celui à qui la jointure des jambes de devant grossit; chien épointé, celui qui a des os des cuisses rompus; chien allongé, celui qui a les doigts du pied étendus par quelque blessure qui a touché les nerfs; & chiens courtauts ceux à qui on a coupé la queuë.
On dit qu'un chien a belle gorge lors qu'il crie bien, & qu'il a la voix grosse & forte, qu'un chien aboye quand il sent le gibier; ou quelque chose d'étrange; qu'un chien jappe lors qu'il crie sans sujet, ou au moindre bruit de nuit ou de jour; & qui hurle lors qu'il sent des loups, ou une chienne chaude qu'il ne peut joindre. On dit que le chien sonne, pour dire qu'il appelle au bon chemin ayant trouvé la trace.
On appelle chien armé, quand il est couvert pour attaquer un sanglier.
C'est une bonne qualité de chien d'avoir le jarret droit & bien herbé.
A la chasse on dit parler aux chiens, pour dire les réjouïr comme on fait à la chasse du cerf; ou les exciter ou les menacer, comme on fait à celle du sanglier avec des cris rudes & furieux, & avec la trompe. On appelle titre de chiens le lieu où on pose les chiens, afin que quand la bête passera ils la courent bien à propos. Ces chiens sont mis en bon titre, pour dire sont postez en un bon relais.
Trait de chiens se dit des laisses de crin, & des colliers qui servent à coupler les chiens; ainsi on dit qu'un cerf, ou une autre bête, a senti le vent du trait, pour dire des chiens.
Rompre les chiens se dit de la faute d'un Piqueur & Chasseur, lors qu'ils passent à travers des chiens, pendant qu'ils courent, & ainsi rompent leur course. Il faut quelquefois rompre les chiens, les menacer, les recoupler, & frapper à route, afin de suivre & relancer le cerf, qui leur a donné le change & les a fait tomber en defaut.
On dit figurément en ce sens rompre les chiens, quand on interrompt quelqu'un dans son discours, pour empêcher qu'il ne dise quelque chose desavantageuse, ou qu'il n'entreprenne quelque affaire.
Le droit des chiens est ce qu'on leur donne à la curée, comme la langue, le muffle, les oreilles d'un cerf.
Il y a enfin des chiens de chambre pour le divertissement des Dames, qu'on nourrit pour leur petitesse, & leur beauté, & qu'on appelle chiens de manchon, comme les chiens de Boulogne, d'Artois, épagneuls, bichons, barbets, levrons, chiens ras ou de Barbarie, &c.
Chien, se dit aussi par injure, & pour reprocher à quelqu'un ses defauts. Les Turcs nous appellent chiens, nous traitent comme des chiens. On appelle un chien de valet, un chien de Procureur, un chien de frippon. On appelle une femme paillarde une chienne, une carogne, une chienne chaude, chienne de voirie: ce qui se dit aussi des choses: voilà des beaux chiens de vers; voilà un beau logement de chien, un beau present de chien.
On appelle Cerbere le chien à trois têtes, que les Poëtes ont feint être commis à la garde des Enfers.
Le chien céleste est une constellation; il y en a deux; le grand chien, qu'on nomme autrement Sirius, est une constellation composée de 18 étoiles selon Ptolomée, de la nature de Jupiter & de Venus, dont la principale est tenuë plus grande que tous les autres Astres, même que le Soleil. La petite chienne, qu'on appelle autrement la canicule, on Procyon, n'a que deux étoiles, dont l'une est de la premiére grandeur, & de la nature de Mars, c'est celle qui cause les plus grandes chaleurs de l'Eté.
Chien de mer ou marin, est un poisson long & à museau pointu, qui a des dents, en Latin galeus. Le grand chien de mer qu'on appelle canis carcharias, a quatre ou cinq rangs de dents à chaque mâchoire, dont quelques-unes ont un pouce de long, & sont extrêmement rudes, tranchantes & pointuës, qui ne leur servent pourtant point à manger leur proye, parce qu'on a trouvé des hommes tout entiers dans leur ventre.
Chien de pistolet, est une piéce de fer mobile appliquée sur la platine d'un pistolet, d'un fusil, d'une arquebuse; elle tient la pierre & fait le feu, quand elle est lâchée. Il courut le pistolet bandé, la carabine à la main, avec le chien abattu, &c.
Chien se dit proverbialement en ces phrases; on dit de deux amis qui ne vont point l'un sans l'autre, que c'est saint Roch & son chien. On dit, qui aime Bertrand aime son chien, pour dire qu'il faut prendre les passions, les intérêts, & les sentimens de son ami. On dit d'un traître, d'un hypocrite, d'un flatteur, qu'il fait bien le chien couchant. On dit de deux ennemis, que leurs chiens ne chassent pas ensemble. On dit d'un homme odieux qui entre en quelque lieu, qu'il y est bien venu comme un chien dans un jeu de quilles. On dit des gens qui se haïssent, qu'ils s'accordent comme chiens & chats. On dit encore de celui dont on souhaite la mort, & qui échappe de quelque péril, qu'il mourroit plûtôt un bon chien de Berger. On dit qu'il vaut autant être mordu d'un chien que d'une chienne, pour dire que de quelque côté que vienne le mal, il est également sensible. On dit qu'il ne se faut pas moquer des chiens qu'on ne soit hors du village, pour dire qu'il ne faut pas choquer un homme tant qu'on est en un lieu, où il est le plus fort, où il nous peut nuire.
On dit à un glorieux qui se fâche, qu'on le regarde trop fixement, un chien regarde bien un Evêque. On dit encore, il ne faut pas tant de chiens aprés un os, pour dire qu'il est fâcheux de partager un profit avec beaucoup de personnes, ou d'être plusieurs à avoir les mêmes prétentions. On dit aussi, jamais à un bon chien il ne vient un bon os, pour dire que ceux qui ont bonne envie de travailler, n'en trouvent pas les occasions. On dit jetter un os à la gueule d'un chien pour le faire taire, ce qui a lieu au figuré, pour dire faire un present à quelqu'un pour l'empêcher de crier & de venir troubler quelque affaire importante. On dit qu'il n'est telle chasse que de vieux chiens, & qu'un bon chien chasse de race, pour dire que la naissance & l'experience donnent de grands avantages sur les autres. On dit d'un homme peu consideré, qu'il a du crédit comme un chien à la boucherie. On dit cela n'est pas tant chien, pour dire cela n'est pas mauvais. On dit qu'un homme n'est pas bon à jetter aux chiens, quand il a fait quelque lâcheté, quelque indignité. On dit, de celui qui a des prétentions à quelque chose, quoi que fort éloignées, qu'il n'en jette pas sa part aux chiens. On dit aussi, petit chien belle queuë. On dit à ceux qui ont une méchante cause, si vous n'avez pas d'autre filet vôtre chien est perdu. On dit d'un homme peu complaisant, qui ne fait rien de ce qu'on desire, que c'est un chien de Jean de Nivelle qui s'enfuit quand on l'appelle. Voyez l'origine de ce proverbe au mot de Jean. On dit d'un envieux qu'il est comme le chien du Jardinier, il ne mange point de choux, & ne veut pas que les autres en mangent. On dit de ceux qui entreprennent quelque chose au delà de leurs forces, qu'ils font comme les grands chiens, qu'ils veulent pisser contre les murailles. On dit des pécheurs qu'ils font comme les chiens, qu'ils retournent à leur vomissement. On dit de ceux qui font quantité de cris & d'imprécations inutiles, que ce sont des chiens qui aboyent à la Lune. On dit aussi de ceux qui font des menaces vaines, chien qui aboye ne mord pas. On dit aux gens quéreleux, que les chiens hargneux ont toûjours les oreilles déchirées. On dit des gens timides, entrez il n'y a point de danger, nos chiens sont liez: On dit aussi pour reprocher ou plaindre la misere de quelqu'un, on l'abandonne comme un pauvre chien, il mene une vie de chien; il n'a ni foy ni loy, il vit comme un chien; il est comme un chien à l'attache, il est las comme un chien, on l'a battu, on l'a étrillé comme un chien courtaut. Les coups de bâton sont pour les chiens. On dit d'un miserable qu'on abandonne, qu'on ne lui demande pas, és-tu chien, és-tu loup. On dit aussi quand on veut noyer son chien, on l'accuse de la rage. On dit d'un jeune étourdi, qu'il est foû comme un jeune chien, qu'il court comme un chien foû. On dit d'une chose tortuë, d'une jambe mal faite, qu'elle est droite comme la jambe d'un chien. On appelle figurément un chien au grand collier celui qui meine les autres, qui est principal dans une maison, dans une assemblée. On dit d'un homme accoûtumé à la fatigue, il y est accoûtumé comme un chien à aller nud tête, d'aller à pied. On dit encore tandis que le chien pisse le loup s'enfuit, pour dire que tous les momens sont précieux en certaines occasions. Un bon chien n'abboye point à faux, ce qui se dit au figuré d'un habile homme qui fait toûjours bien réüssir ses entreprises, parce qu'il sçait bien prendre son temps, & ménager les occasions. On dit battre le chien devant le lion, pour dire châtier un petit devant un plus puissant, qui a commis la même faute. On dit encore entre chien & loup, pour signifier le crepuscule, ou le temps sombre qui est entre le jour & la nuit, & où on ne peut discerner le chien d'avec le loup.
COCAGNE. s. f. C'est le nom qu'on donne en Languedoc à un petit pain de pastel avant qu'il soit réduit en poudre, & vendu aux Teinturiers: on en fait grand trafic en ce païs-là; & parce qu'il ne vient que dans des terres fort fertiles, & qu'il apporte un trés-grand revenu à ses maîtres, vû qu'on en fait jusqu'à cinq ou six récoltes par an; quelques-uns ont nommé le haut Languedoc un païs de cocagne. Et c'est là-dessus qu'est fondée la fable du Royaume de Cocagne, des païs imaginaires, où les habitans vivent fort heureux sans rien faire.
COCATRIX. s. m. Espece de basilic qui s'engendre dans les cavernes & les puits, en Latin Basiliscus, regulus. Il y a en la Cité de Paris un fief qui s'appelle Cocatrix, dans une ruë du même nom.
COHUE. s. f. Vieux mot qui signifioit autrefois l'assemblée des Officiers de Justice, que se faisoit en certain lieu pour juger les procés, comme on voit dans les Ordonnances de l'Echiquier de Normandie de l'an 1383. On s'en est servi depuis pour signifier le lieu destiné à tenir la Justice dans les Villages par des Juges pedanées, ainsi appellez à coëunte multitudine. Ménage témoigne que coüa a été dit autrefois pour halle; or c'est dans les halles que se tiennent la plûpart des petites Justices. On appelle encore la halle & cohuë de Quintin en Bretagne, le lieu où se font les publications de justice.
Cohüe, se dit figurément des assemblées tumultuaires où il n'y a point d'ordre, où chacun parle en confusion. On tenoit autrefois de belles conferences chez un tel, mais il y est venu tant d'impertinens, que cela est dégéneré en cohuë.
COULEUR. s. f. lumiére refléchie & modifiée selon la disposition des corps, qui les fait paroître bleus, jaunes, rouges, &c. & qui les rend objets de la vûë. Les experiences modernes ont prouvé clairement que les Anciens se sont fort trompez, en distinguant les couleurs en vrayes & en apparentes. Virgile a eu raison de dire que la nuit ôtoit la couleur à toutes choses. Il y a des couleurs simples, comme sont les cinq couleurs matrices des Teinturiers, dont toutes les autres dérivent; il y en a de composées, sçavoir le bleu, le rouge, le jaune, le fauve, ou couleur de racine, & le noir. A l'égard du verd il n'y a point dans la nature de drogue qui serve à teindre en cette couleur, mais on teint les étoffes deux fois, d'abord en bleu, & puis en jaune, & elles deviennent verdes. Du mêlange des premiéres couleurs il s'en fait un grand nombre, comme le violet, le gris de lin, incarnat, &c. expliquées à leur ordre. Le mercure est le fondement des couleurs, comme le sel des saveurs, & le soulfre des odeurs.
On appelle aussi couleurs simples, celles qui servent aux Enlumineurs & aux Peintres, qui viennent des vegetaux, & qui ne peuvent pas souffrir le feu, comme le jaune fait de safran ou de graine d'Avignon, la laque, & autres teintures extraites des fleurs. Les autres sont minerales, qui se tirent des métaux, & qui souffrent le feu; ce sont les seules propres à faire l'émail: ainsi on tire de l'or & du fer le rouge, de l'argent le bleu, du cuivre le verd, du plomb le blanc ou la ceruse, quand il est dissous avec le seul vinaigre; mais quand la ceruse a été cuite dans le fourneau, elle donne du massicot, & du minium quand elle est poussée davantage au feu.
Les Peintres distinguent aussi les couleurs en legéres & en pesantes; sous le blanc on comprend toutes les couleurs légéres. L'outremer est mis au rang des couleurs légéres. Sous le noir on comprend toutes les couleurs pesantes & terrestres. Le brun-rouge, la terre d'ombre: le verd-brun & le bistre sont les couleurs les plus pesantes & les plus terrestres aprés le noir. Les Peintres appellent aussi couleurs rompuës, les couleurs trop vives qu'ils affoiblissent par le mêlange d'autres plus sombres. On dit que l'azur d'outremer est rompu de laque & d'ocre jaune, pour dire qu'il y entre un peu de ces couleurs. Les couleurs rompuës servent à l'union & à l'accord des couleurs, soit dans les tournans des corps, soit dans leurs ombres. On appelle couleurs noyées, celles qui s'affoiblissent insensiblement, comme sont celles que forment les nuances. Et on appelle un ton de couleur, un degré de couleur, par rapport au clair obscur. Les couleurs changeantes sont celles qui dépendent de la situation des objets à l'égard de la lumiére, comme celle des taffetas changeans, de la gorge des pigeons, &c. néanmoins quand on regarde attentivement avec un bon microscope les plumes de la gorge d'un pigeon, on voit que chaque petit fil de ses plumes est composé de plusieurs petits carrez alternativement rouges & verds, & ainsi ce sont des couleurs fixes. Le Pere Kircher dit que les couleurs changeantes qu'on void sur les plumes des pigeons & des paons viennent de ce que ces plumes sont diaphanes, & d'une figure semblable à celle des triangles de cristal, ou primes de verre, qui étant opposez à la lumiére font voir des iris. Les couleurs fixes & permanentes ne se font point par des réflexions comme les changeantes, mais par le passage de la lumiére à travers certains corps, soit en les traversant entiérement, soit en se reflêchissant sur quelques-unes de leurs parties internes, ou aprés avoir un peu pénétré leurs superficies. Il y a deux ordres differens dans les couleurs, pour passer du blanc au noir; l'un est le blanc, le jaune, le rouge, & le noir; l'autre est le blanc, le bleu, le violet & le noir; c'est la doctrine du Sieur Mariotte dans l'excellent Livre qu'il a fait des couleurs. Il y a des couleurs ou teintures fixes, comme la teinture jaune de l'or, ou la bleuë du lapis lazuli, que le feu ne diminuë point, & il est trés-difficile de les tirer par les dissolvans ordinaires.
Couleur, se dit encore des corps solides, des drogues qui servent aux Peintres & aux Teinturiers pour faire paroître ces couleurs. Un Peintre prépare ses couleurs sur sa palette. On appelle de mauvais Peintres des broyeurs de couleurs; & quand on dit que l'air mange les couleurs, on entend que son intemperie détache de petits corps des sujets, sur lesquels elles avoient été attachées, lors de leur teinture.
Couleur, est quelquefois opposée au noir, parce qu'en effet le noir n'est pas une couleur, à cause qu'il imbibe toute la lumiére, & qu'il n'en refléchit aucune partie. En ce sens on dit que les gens de guerre, & les Courtisans portent des habits de couleur, & que les gens de robbe, ou d'Eglise en portent de noirs.
En approchant de ce sens on appelle couleur haute, couleur rude, couleur forte, gaye, couleur éclatante, couleur claire, celle qui refléchit à nos yeux plus de rayons de lumiére, comme la couleur de cerise, la couleur de feu, l'incarnat; & au contraire on appelle couleur douce, sombre, morne, triste, modeste, celle qui en refléchit le moins, comme le gris de lin, feüille-morte, couleur d'olive, couleur de pensée, &c.
Couleur d'eau, c'est un certain brillant violet qu'acquiert le fer bien poli, quand il a passé au feu dans un certain degré de chaleur.
On dit qu'on met une chose en couleur, quand on rafraîchit les peintures, quand on les décrasse, quand on y met du vernis, & autres drogues qui en font revivre, ou paroître les couleurs à demi effacées.
Nuance de couleurs, est une certaine disposition de la même couleur, mêlangée & montant par degrez depuis le plus clair jusqu'au plus obscur: leurs noms seront expliquez à leur ordre.
Couleur se dit aussi de la disposition du teint, du visage, & des chairs. Les gens qui se portent bien ont la couleur vermeille, sont hauts en couleur. Les Espagnols ont la couleur olivastre. Les filles qui ont leurs ordinaires ont la couleur plombée; celles qui sont trop amoureuses ont les pâles couleurs. Quand la cangrene paroît, elle rend la chair de couleur livide.
On le dit aussi des alterations qui se font au visage par les mouvemens interieurs de l'Ame. Un reproche veritable fait à un homme, le fait changer de couleur, il rougit de honte, & pâlit de colere. La couleur lui a monté au visage, pour dire il a rougi.
Couleur, se dit encore des changemens qui arrivent aux corps par la differente cuisson & application du feu, & sur tout en Chymie. Ce pain, ce rost est cuit, mais il n'a pas encore assez de couleur. Les Chymistes admirent les changemens de couleurs qui se font dans les métaux, & cherchent sur tout le beau rouge, le beau citrin, qui sont les couleurs de la Benoiste.
Couleur, en termes de Fleuriste, se dit d'une tulippe qui n'est que d'une couleur, dont la plus fantasque est la plus estimée: On a mis les panachées dans ces carreaux, & les couleurs sont dans les costieres.
Couleur, en termes de blason, est une des principales désignations des piéces de l'Ecu: On n'en admet que cinq, gueule c'est le rouge, azur le bleu, sinople le verd, le sable le noir, le pourpre est mêlangé de gueules & d'azur: leurs significations seront expliquées à leur ordre, c'est une maxime qu'il ne faut point mettre couleur sur couleur, ni métail sur métail.
COUPELLE. s. f. Petit vaisseau plat préparé pour essayer les métaux; il est fait de cendres de bois leger, comme aubier de chêne, & de cendres d'os sans moëlle, comme de pieds de mouton. Dans ce vaisseau on fait fondre l'or, ou l'argent qu'on veut éprouver, ou purger, sur un feu ardent de charbon, & on y mêle un peu de plomb, lequel s'imbibe dans ce creuset, ou s'évapore; & il emporte avec lui toute l'impureté du métail.
On dit figurément qu'un homme a passé par la coupelle, quand il a subi un trés-severe examen, quand il a été bien seigné, & bien purgé, aprés une grande maladie, comme on examine & on purge les métaux par la coupelle.