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CHAPITRE Ier

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Table des matières

Jutteninge. — Verchaix-Morillon. — Le Bérouze. La Bourgeoise.

Pour le géologue, la manière la plus intéressante de faire la course de Taninges à Samoëns, est de passer par le sommet des montagnes de la rive droite du Giffre, en visitant le Grand massif de Serpentine que nous connaissons depuis notre course à Loy.

Le touriste a trop hâte d’aller contempler les merveilles qui l’attendent, pour ne pas prendre la ligne du tramway qui se dirige tout droit vers le Buet, dont la coupole argentée domine tous les monts de la vallée. La course à pied demande 2 h. 1/2 à travers le plus ravissant des paysages. Moins déflorée que beaucoup d’autres par les guides, et plus agreste encore, la région est pleine de séductions.

Au sortir de Taninges, la plaine longue et étroite se déroule entre deux versants mi-boisés. Le Giffre serpente au loin, sur la droite, derrière un rideau de vernes.

La nature capricieuse et tourmentée des montagnes qui forment le cadre du paysage, étale aux regards de ravissants contrastes. A droite et à gauche du Buet se dressent fièrement de hautes cimes marbrées de neiges, au-dessus de la robe verte et fraiche des alpages: c’est l’hiver qui sourcille en face des sourires de l’été.

Cette superbe pyramide rocheuse qui se détache de la grande chaîne sous forme d’un gigantesque éperon qui domine Samoëns, c’est le Criou (du celte Greg-You, rocher de Jupiter) . La cime terminale de ces aiguilles rapides et serrées qui, partant de la pointe du Criou, semblent escalader le ciel, c’est l’Avoudru ( de avou, aiguille, dru, rapide), étroit belvédère trop ignoré des touristes, dont le brillant glacier du Folly encadre gracieusement les bases. Le Buet semble appuyer sur les scintillantes ondulations du Grenier et du Grenairon son dôme colossal. L’Aiguille Verte aux parois éblouissantes perce dans le lointain l’azur du ciel: Au-dessus des forêts, vers le S. s’élèvent les pointes de Salles, piles colossales aux dentelures puissantes, aux flancs noirs, au front soucilleux; on dirait une forteresse aérienne élevant au-dessus des nues ses créneaux ravinés et ses tours démantelées.

La route entièrement plane est bordée de pommiers, de cerisiers, de noyers qui la rafraîchissent d’une ombre perpétuelle: des champs bien cultivés, des prairies verdoyantes et émaillées de fleurs, des coteaux aux pâturages éclatants couverts de maisonnettes blanches à demi cachées par une végétation luxuriante, une série de hameaux et de villettes qui s’égrenent le long du chemin en vous présentant leurs habitants anciens et nouveaux. tout ce tableau est à la fois si agreste, si coquet et si séducteur, qu’on n’a pas eu tort de comparer la vallée à une véritable Arcadie.

Voici la villa des Hôtes dont l’éminent historien de la région cite les personnes distinguées qui y vécurent l’autre siècle. Vient ensuite la ferme des Bochillies, ancienne résidence des Seigneurs de Bochillies, nobles de Mandolle que nous avons déjà cités du haut de Marcilly. Ce joli hameau qui est à gauche c’est Gelinge (Gillingium) où vivait en 1297 un Rodolphe de Gillinge. Sur une console de cheminée de la maison Garin, M. Tavernier nous montre gravées les armes des Mandolles: «d’or à la bande d’azur, accompagnée de trois cotices de sable.» Voici sucessivement les beaux villages de Chessin et la Palud que nous connaissons depuis notre panoroma de Marcelly. On voit à la Palud une grosse villa créée par M. Audéou, de Genève, qui a cherché à acclimater les mérinos dans la région, mais dont les louables efforts n’ont pas été couronnés de succès. Cette propriété appartenait, avant la révolution, au marquis de Taninges. Le village a vu naître la mère du cardinal Gerdil. Nous laissons en amont de la Palud le joli hameau de Vernex qui donna son nom à une antique famille.

Nous traversons Plonnay, berceau de la famille Vuy dont nous avons parlé à Taninges. Le village, avec ses gracieuses habitations est coquettement assis au bas d’une combette d’où une cascatelle se précipite sur la roue d’un moulin. Nous savons que l’endroit possède une source minérale.

Nous passons au pied du roc sourcilleux de Guillami que nous distinguions comme un point blanc du belvedère d’où nous avons parlé de Ver-devant, cette capitale de six villages, qui s’étale devant nous sur les rives d’un torrent parfois grincheux. Nous nous rappelons son esquisse historique. Nous traversons plus loin des sources sulfureuses et ferrugineuses qui seront peut-être dans un prochain avenir des trésors pour la région.

Jutteninge. — Les deux Jutteninge (Justigningium), nous rappellent l’antique famille du nom, que nous avons citée après M. Tavernier. Le patois oral Chegninge, signifierait par son étymologie un lieu abondant en chênes, la Chênaie, que confirme la flore locale. Le Grand-Jutteninge a sa chapelle dédiée à la Vierge Marie et à saint Théodule, et un antique tilleul.

L’ancienne route, à partir de Chessins, serpentait entre plaine et coteau et desservait chacun de ces villages. L’entretien était, dit M. Tavernier, à la charge des propriétaires riverains, sous la surveillance du châtelain. La plaine sans défenses, était livrée au caprices du Giffre qui s’y montra terrible dévastateur en 1763.

Verchaix-Morillon. — Au sortir de Jutteninge on laisse à gauche les ravissantes agglomérations de Clos-Luche, et plus haut le hameau d’Etry. Le site est enchanteur et mérite une promenade que nous ferons depuis Verchaix que voici, et où nous descendons. Montons au sommet du cône d’évasement du torrent de Graveruaz. On aborde un joli sujet pour une page d’album: ce moulin campé devant une cascade qui raffraichit le site des flots de sa vapeur argentée. Franchissons le Nant, tournons au S. un mamelon boisé et, gravissons la côte près d’une ferme isolée, nous atteignons une terrasse bordée de fayards, d’où la vue sur la vallée est de toute beauté. L’esplanade, large de 18 mètres, longue de 40, est flanquée de pans de murailles en maçonnerie, ruines d’un château féodal, qui étalent dans un site superbe leurs glorieuses misères. La route de Taninges à Samoëns passait jadis au pied du manoir qui nous rappelle l’ancienne famille ou seigneurs de Verchaix, dont l’origine était celtique, et dont le dernier rejeton, Vuillelme de Verchaix, eut la tête tranchée, dans les circonstances que nous savons. Au sujet de ces ruines, l’Histoire de Taninges et ses environs nous apprend que les chroniques du XVe siècle parlent d’une maison forte de Gravernel, qui s’écrit aussi Graveruel, et mentionnent des personnes de ce nom, dont Humbert de Gravernel, prieur de Sixt en 1400. Cette seigneurerie qui s’étendait sur les six villages disséminés sur les pieds de Loy, passa aux sires de Thoire et, de ceux-ci, aux barons de Saint-Christophe, de Samoëns. L’écusson de cette antique maison de Gravernel portait: «De sable à la croix d’argent, cantonnée de quatre coquilles oreillées d’or.»

Au moment de leur expulsion de Mélan en 1848, les Jésuites offraient 3000 livres de cette terrasse au propriétaire, pour y construire un pavillon d’été. Il est indubitable qu’un hôtel sur cet emplacement qu’on nomme Au-Devant, aurait le plus grand et le plus légitime succès. On a trouvé dans les décombres des pièces d’or carrées.

L’histoire déplore la perte d’un sac plein de parchemins que le propriétaire du lieu a détruits. Faut-il regretter d’être venu trop tard, dit M. Tavernier, et ne pas en savoir d’avantage? Non. dit Méry: «l’histoire précise tue la fleur de l’émotion; devant la ruine, rien n’est beau que le vague de l’ignorance!»

Après une dernière contemplation du paysage, nous descendons par les prés en fleurs au chant des merles sous la ramée. Par ces tableaux aussi riants que pittoresques, on croirait parcourir les plus poétiques cantons de la Suisse. A Verchaix, ( 440 hab. haut. 800 m.) comme à la Balme, on peut se procurer le luxe du tir au canon pour réveiller les surprenants et multiples échos de la vallée. A Morillon (800 hab. haut. 691 m.) qui est en face sur la rive gauche, et dont le clocher roman émerge au-dessus des arbres fruitiers, au centre de la vallée du Giffre, on voit s’étaler des habitations environnées de riants vergers, où tout annonce un bien-être et une aisance peu ordinaires dans les Alpes, seul fruit de l’industrie des habitants. L’hospitalité est une des premières vertus de la région. Le malheureux qui traverse la vallée, est sûr de trouver un toit bienfaisant sous lequel il sera bien reçu, et des hommes assez vertueux pour respecter son infortune. Heureux peuples, puissiez-vous jouir longtemps du bonheur que vous possédez dans vos vertes campagnes. Que le philantrophe vienne au milieu de vous pour y jouir du plaisir de vous voir heureux.

Nous savons que c’est à Morillon que passe le chemin qui conduit à Arâches par la montagne des Sept-Frères.

Voici, au-delà de Verchaix et des Hôtes, le torrent au doux nom de Valentine, dont nous avons vu la source près des chalets de Nant-Golon, vers le col de Jourplane. Ici on perd de vue le Buet.

La géologie signale, par le professeur Favre, un grand développement de cargneule dans la partie inférieure du ruisseau. «Cette roche appartient, dit le savant naturaliste, à l’affleurement du terrain triasique qui se montre de Bex jusqu’ici, en passant aux cols de Golèze et de Couz. Elle disparaît sous les alluvions du Giffre pour reparaître au-delà de Morillon jusqu’à Châtillon. Dans cette ligne de gypse et de cargneule, il s’est fait, en 1845, près du hameau des Moutiers, un éboulement qui a mis à découvert du gypse inconnu jusqu’alors. Il est surmonté par le calcaire brèche de la montagne de la Bourgeoise.»

Le Bérouze. — La jolie station qui précède Samoëns de quelques minutes est le Bérouse , bien connu et apprécié des étrangers par sa villa au vaste jardin ombragé. Plusieurs nants dévalent ici des hauteurs de Jourplane, où l’on contemple avec admiration de riantes combes qui n’ont rien à envier aux plus séduisants vallons de la Suisse. Non loin, sur le coteau, s’éparpillent avec grâce les maisons de Vigny, puis de Mathonex. Près de ce dernier village, existe une source minérale qui a déjà été signalée par Albanis Beaumont et qui mérite d’autant plus l’attention de la Faculté, qu’elle se trouve dans une vallée où l’air est reconnu pour être un des plus sains des Alpes. Ces eaux ferrugineuses, légèrement acidulées et magnésiennes, sont reconnues très bonnes pour les faiblesses d’estomac et pour les obstructions. Il est certain que si l’on exploitait les eaux minérales très efficaces de la région, Samoëns ne tarderait pas à se placer dans un rang distingué parmi les résidences hygiéniques. Et qui sait si, dans un avenir plus ou moins prochain, le tramway ne s’arrêtera pas ici au cri de: Samoëns-les-Bains! ou Samoëns-les-Eaux! d’où les ravissants belvédères de Jourplane, cet autre Revard, seraient accessibles par un chemin de fer, à l’instar de celui d’Aix. Nous espérons être bon prophète à ce sujet. — De Mathonex, revenons sur nos pas, prendre le chemin du col de Jourplane, et montons, pendant deux petites heures, à travers les pelouses fleuries et les bois de sapins dont on respire l’odeur balsamique et vivifiante.

Du hameau de Noiret, on suit le chemin du col le long d’un petit nant, jusque sur les Châbles, où l’on prend, à droite, un sentier qui conduit en quinze minutes, après deux lacets, aux chalets de Mapellé. Notons ici qu’on donne généralement le nom de montagne à l’alpage, ainsi l’alpage de la Bourgeoise sera la montagne de la Bourgeoise.

La Bourgeoise. — Les touristes ne manquent jamais l’ascension de cette cime gracieuse, élégante et centrale qui se dresse sous son manteau de verdure, au-dessus de Mapellé, à une altitude de 1,773 mètres. Ce superbe belvédère, dont le nom urbain, Bourgeoise (La Borgeysa, au XVIe siècle — TAVERNIER, Histoire de Samoëns), est typique, comme pour dire la Dame, entre ses voisines à la montagne, est l’une des belles et innombrables attractions des environs de Samoëns. La splendeur du panorama, avec le mont Blanc pour fond de tableau, eet indescriptible.

Du Bérouze à Samoëns on cotoie de vastes prairies entremêlées de champs fertiles couverts d’une grande variété de productions et ombragés par de gros arbres fruitiers, noyers, pommiers, cerisiers, puis des sapins et des frênes, dont la diversité des couleurs charme la vue. A travers ces groupes d’arbres, l’on aperçoit, tapis sur la pente verte des collines qui cachent la base des montagnes latérales, des hameaux, dont les maisons bâties avec goût et propreté, entourées de grandes galeries comme sont celles de la Suisse, offrent une preuve de l’aisance des habitants, de leur population et de la fertilité de leur sol.

Samoëns-Sixt : vallées supérieures du Giffre, d'Annemasse à Sixt

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