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CHAPITRE PREMIER
LE DÉPART—KABAROVA—LA MER DE KARA—LE CAP TCHÉLIOUSKINE—L'ENTRÉE DANS LA BANQUISE

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Table des matières

Le 24 juin 1893, en Norvège, le jour de la fête de l'été. Pour nous, il arrive plein de tristesse. C'est le moment du départ. Je quitte ma maison, et seul je descends à travers le jardin vers la grève où m'attend la vedette du Fram. Derrière moi je laisse tout ce que j'ai de plus cher au monde. Maintenant quand les reverrai-je, ces êtres adorés? Ma petite Liv est là, assise à la fenêtre, elle bat des mains. Pauvre enfant, elle ignore encore heureusement les vicissitudes de la vie!

Le canot file comme une flèche sur la nappe unie du fjord et accoste bientôt le Fram. Tout est paré à bord. Aussitôt le navire lève l'ancre, salué par la population de Christiania massée sur les quais, et lentement descend le fjord… Encore un dernier salut aux miens et à ma petite maison située là-bas sur cette presqu'île… Ce jour du départ a été le plus triste du voyage.

De Christiania nous longeâmes la Norvège jusqu'à Vardö, Sur presque toute leur étendue, les côtes de notre pays sont protégées par un large archipel; en quelques points seulement cet abri fait défaut, par exemple au cap Stat et au Lindesnæs, et devant ces promontoires la mer est toujours très forte. Au Lindesnæs nous eûmes la mauvaise chance de rencontrer une grosse houle qui faillit causer de sérieuses avaries à notre navire lourdement chargé. Le Fram roulait comme une futaille vide et embarquait d'énormes paquets d'eau qui brisaient tout sur le pont. Sous les chocs répétés des vagues, les daviers des grosses embarcations menacèrent d'être brisés. Si pareil accident était arrivé, non seulement les embarcations auraient été enlevées, mais encore une partie de la mâture serait venue en bas. Devant le Lindesnæs nous passâmes un mauvais quart d'heure.

Le 12 juillet seulement, nous mouillons devant Tromsö, le petit Paris du Nord. Là nous sommes salués par une tourmente de neige. Tout le pays est encore enfoui sous un épais linceul. Nous sommes arrivés au seuil du domaine du froid.

A Vardö, après avoir pris congé du monde civilisé, nous levons l'ancre dans le calme du matin pour commencer notre voyage. Un triste début: pendant quatre jours nous naviguons dans un épais brouillard. Dans la matinée du 25 juillet, lorsque je monte sur le pont, un clair soleil illumine le ciel bleu, et la mer, doucement bercée par une légère houle, luit dans un chatoiement de lumière éclatante. Après les longues journées tristes de brume, ce rayonnement de la nature nous met au cœur la joie et l'espérance. Dans l'après-midi, la Nouvelle-Zemble est en vue. Immédiatement les fusils et les cartouches sont préparés, et déjà nous nous réjouissons à la pensée de nous régaler de gibier. Sur ces entrefaites le brouillard arrive de nouveau et couvre rapidement la mer de sa nappe grise; nous voilà encore isolés et séparés du monde!

Le 27 juillet, tout à coup la brume blanchit: les premières glaces sont en vue! Nous les traversons facilement, mais le lendemain matin elles sont beaucoup plus compactes. La navigation au milieu d'une banquise, par un «temps bouché», n'est pas précisément facile, comme cela se conçoit aisément; on risque en effet d'être «pincé» avant de savoir où l'on se trouve. La présence de cette glace dans une mer ordinairement complètement libre à cette époque de l'année, était un indice de mauvais augure. A Tromsö et à Vardö, du reste, les nouvelles que l'on nous avait données n'avaient pas été encourageantes. Quelques jours seulement avant notre arrivée, la mer Blanche avait été débloquée et un navire, parti comme nous pour le Yougor Char, avait été arrêté par la glace. Dans la mer de Kara quelle serait la situation? Nous n'osions trop y penser.


LES PREMIÈRES GLACES.

Le 29, nous faisons route vers le Yougor Char. Nous avançons pendant plusieurs heures sans pouvoir découvrir les terres qui enserrent le détroit. Enfin, après une longue attente, on distingue comme une ombre à la surface de la mer, c'est Vaïgatch; une autre tache plus au sud marque la côte russe. Une terre toute basse, toute unie; pas le moindre accident de terrain, et elle s'étend ainsi infinie vers le nord comme vers le sud. Nous sommes au seuil des immenses plaines de l'Asie septentrionale. La vigie cherche la position de Kabarova, où nous attend Trontheim avec sa meute. Sur la côte sud du détroit apparaît un mât de pavillon avec un drapeau rouge. Kabarova doit être là par derrière. Bientôt, en effet, nous découvrons quelques baraques entourées de tentes coniques. Une barque se détache du rivage et accoste le navire. Un homme de taille moyenne, qui a l'air d'un Scandinave, monte à bord, suivi d'une bande de Samoyèdes, vêtus de larges robes en peau de renne traînant jusqu'à terre. C'est Trontheim, il nous amène trente-quatre chiens en parfait état.


LES ÉGLISES DE KABAROVA

Après le souper, escortés par une troupe de Russes et de Samoyèdes qui nous contemplent avec la plus vive curiosité, nous allons visiter les monuments de Kabarova; deux églises en bois, l'une très ancienne, de forme oblongue et rectangulaire; l'autre toute neuve, une construction octogonale qui ressemble à un pavillon de jardin. Un peu plus loin se trouve un monastère. Les six moines qui l'habitaient sont morts du scorbut, disent les indigènes. Vraisemblablement l'œuvre de la maladie a été singulièrement facilitée par l'alcool.


LES GLACES DANS LA MER DE KARA

Nous fîmes à Kabarova une relâche de plusieurs jours, nécessitée par le nettoyage de la chaudière et des cylindres. J'en profitai pour aller reconnaître l'état des glaces de l'autre côté du Yougor Char. Au cours de cette expédition notre canot à pétrole nous donna pas mal de tablature, et finalement nous dûmes revenir à la rame. Longeant d'abord la côte de Vaïgatch, nous traversons ensuite le détroit. Au milieu du chenal nous découvrons un banc recouvert seulement de 30 à 50 centimètres d'eau et balayé par un courant très rapide. Les hauts-fonds sont extrêmement nombreux dans cette passe, notamment le long de la côte méridionale; la navigation dans ce détroit exige donc de grandes précautions.

Sur le continent nous allâmes gravir des mamelons dominant un vaste panorama. A perte de vue s'étendait la toundra. Combien différent était l'aspect de ce désert de l'idée que l'on s'en fait généralement. Loin de présenter l'image d'une affreuse désolation, la vaste plaine était partout couverte d'une nappe de verdure foncée, parsemée de fleurs d'une rare beauté. Pendant tout le long hiver de Sibérie, ces immenses solitudes dorment enfouies sous une épaisse couche de neige; mais, dès que le soleil brille, la nappe blanche disparaît, découvrant de merveilleux tapis de frêles et délicates fleurs. En face de cette verdure, lorsqu'un beau ciel bleu et transparent rayonne au-dessus de vous, on en vient presque à douter de la position septentrionale du pays. Les toundras sont le séjour des Samoyèdes. Au milieu de ces déserts sans fin ils mènent une libre vie errante, dressant leur tente là où il leur plaît, puis repartant plus loin quand bon leur semble. Point de soucis, point de tracas; dans ces solitudes, l'existence s'écoule douce et facile, toujours pareille, et j'en viens à envier presque la vie de ces simples.


LE Fram DANS LA MER DE KARA

De notre observatoire nous apercevons sur la mer de Kara une banquise s'étendant jusqu'à l'horizon. Elle paraît relativement compacte et massive; heureusement, entre la glace et la côte s'étend un chenal libre. Il sera donc possible d'avancer facilement dans cette direction.

Le lendemain, avec l'aide d'Amundsen, je remets en état la machine du canot à pétrole; mais, par ce travail, je crains bien d'avoir perdu pour longtemps l'estime des habitants de Kabarova. Pendant cette opération plusieurs Russes et Samoyèdes qui se trouvaient à bord, me virent peiner comme un manœuvre, les mains et le visage pleins d'huile et de cambouis. Lorsqu'ils revinrent à terre, ils interpellèrent Trontheim et lui déclarèrent que, très certainement je n'étais pas le grand personnage qu'il s'était plu à leur représenter. A bord je travaillais comme un simple matelot, et j'étais plus sale que le plus pauvre mendiant. Trontheim, ignorant ce qui s'était passé, ne put malheureusement me disculper dans l'esprit des indigènes.

Le soir, nous procédons à l'essai des chiens. Trontheim en attelle dix à un traîneau samoyède; à peine ai-je pris place sur le véhicule, que la meute part d'un bond à la poursuite d'un malheureux chien qui est venu rôder dans le voisinage. Au premier moment je suis abasourdi par cette course folle et par les hurlements des animaux; enfin, je parviens à sauter à terre, tombe sur les plus acharnés, et réussis à arrêter la poursuite. Après avoir remis l'ordre dans l'attelage, Trontheim s'assied à côté de moi et fait claquer son fouet, en poussant une sorte de hennissement que l'on peut traduire par Pr-r-r-r, pr-r-r-r. Aussitôt toute la bande fuit dans une course folle à travers la plaine herbeuse, nous entraînant vers une lagune. J'essaye d'enrayer, Trontheim hurle: Sass, sass; nous ne réussissons à arrêter l'attelage que lorsque les chiens de tête sont déjà entrés dans l'eau. Nous nous remettons en route dans une autre direction; aussitôt la meute prend une telle allure, que j'ai toutes les peines du monde à me maintenir sur le traîneau. Je revins à bord très satisfait de cette expérience; les chiens devaient, en effet, avoir une très grande force pour pouvoir traîner deux hommes à une pareille vitesse sur un semblable terrain.

Le harnachement des chiens sibériens est très simple. Une corde ou un morceau de toile à voile, passé autour du ventre, fixé au collier par une autre corde. Les traits attachés sous le ventre des animaux passent entre leurs jambes.

Le lendemain, 1er août, c'est la Saint-Élie, la grande fête religieuse de Kabarova. De tous côtés arrivent des troupes de Samoyèdes, dans leurs traîneaux attelés de rennes. Ils viennent assister aux cérémonies religieuses, et, en même temps, se proposent de rendre hommage au saint par de copieuses libations.

Dans l'après-midi, il ne fut pas facile de trouver les travailleurs dont j'avais besoin pour faire de l'eau. Trontheim décida cependant quelques pauvres hères à nous aider, par la promesse d'un salaire qui leur permettrait de se payer l'ivresse traditionnelle en ce jour de fête.

Dès le matin, les femmes avaient revêtu leurs plus beaux atours, chamarrés d'étoffes voyantes, de volants de peau de diverses couleurs, et de vieille ferraille. Partout, c'était des groupes pittoresques et amusants. Voici, par exemple, un vieux Samoyède et une jeune fille qui viennent offrir un renne fort maigre à l'ancienne église, le temple des vieux croyants.—La neuve est affectée au culte orthodoxe.—Jusque dans cette contrée lointaine des divergences religieuses divisent les hommes! La fête fut célébrée dans les deux sanctuaires. Tous les indigènes entraient d'abord dans l'église neuve, et en ressortaient presque aussitôt après pour se diriger vers la vieille chapelle. Aucun prêtre de la secte des vieux croyants ne se trouvant à Kabarova, les Samoyèdes offrirent au pope orthodoxe la somme de deux roubles pour célébrer le service dans leur église. Après un instant de réflexion, il se décida à accepter la proposition et se rendit en grande pompe à l'ancien sanctuaire. Dans l'intérieur, rempli d'une foule crasseuse vêtue de pelleteries, l'air était absolument irrespirable, et, après un séjour de deux minutes, je dus sortir en toute hâte.


LES PLAINES DE IALMAL

Dans l'après-midi, lorsque la fête battit son plein, le tumulte devint indescriptible. Des Samoyèdes parcourraient à toute vitesse la plaine dans leurs traîneaux attelés de rennes. Complètement ivres; ils roulaient à chaque instant par terre et étaient ensuite traînés sur le sol. C'étaient alors des hurlements de bêtes fauves et un sabbat infernal. Un jeune indigène attira surtout notre attention par sa fantasia désordonnée. Une fois monté dans son véhicule, il pique ses bêtes et les lance droit à travers les tentes, renversant tout sur son passage. Tout à coup, il culbute et est ensuite roulé sur une grande distance. Pendant ce temps les spectateurs, hommes et femmes, se gorgeaient d'alcool et tombaient ivres morts. Le bon saint Élie devait être flatté d'un tel hommage. Le matin seulement le tumulte diminua; peu à peu, un silence de sommeil s'étendit sur tous ces ivrognes.


DÉBARQUEMENT SUR LA CÔTE DE IALMAL

Un voilier norvégien devait nous apporter à Kabarova du charbon pour remplacer le combustible brûlé depuis le départ de Vardö. Ce tender n'étant pas encore arrivé, je résolus de ne pas l'attendre plus longtemps. Le 3 août, les chiens furent embarqués et logés à l'avant, où ils nous gratifièrent aussitôt d'une sérénade terriblement bruyante et discordante. Tout était prêt maintenant pour le départ; après avoir remis nos dernières lettres à mon secrétaire qui devait attendre l'arrivée du charbonnier, je donnai l'ordre de lever l'ancre.

Le 4 août, de grand matin, le Fram, entrait dans la mer de Kara. Maintenant le sort de l'expédition va se décider. Si nous réussissons à traverser cette mer et à doubler le cap Tchéliouskine, nous aurons surmonté les plus grandes difficultés du voyage. Aujourd'hui, les apparences ne sont pas mauvaises; entre la terre et la banquise qui couvre la pleine mer, un chenal libre s'étend vers l'est à perte de vue. Cette ouverture nous permet de gagner facilement la côte ouest de la longue presqu'île de Ialmal, mais bientôt la glace nous oblige à mouiller. Une morne solitude, cette terre de Ialmal; une immense plaine sablonneuse, parsemée de touffes de fleurs, percée de petites flaques d'eau circulaires, d'une régularité parfaite. D'après mes observations astronomiques, cette partie de la côte se trouve portée sur les cartes à 36 ou 38 minutes trop à l'ouest.

Le 13 août, le Fram doublait l'extrémité nord de Ialmal et l'île Blanche (Béli-Ostrov). Aucune glace ne se trouvant en vue, je pris la résolution d'abandonner la côte et de marcher au nord, vers l'île de la Solitude, afin d'abréger la distance qui nous sépare encore du cap Tchéliouskine. Bientôt, dans cette direction, une banquise compacte nous arrête. Nous changeons alors de cap pour faire route vers l'est et le sud-est. De ce côté nous découvrons une île à laquelle nous donnons le nom de Sverdrup, notre vaillant capitaine, qui, le premier, a signalé cette terre. Plus loin, la côte de Sibérie est en vue vers l'embouchure de l'Ienisseï, un peu plus haute ici qu'à Ialmal, parsemée de larges traînées de neige qui s'étendent jusqu'au rivage. Le 19 août, apparaissent les Kamenni-Ostrov (Iles des pierres), remarquables par la netteté de leurs anciennes lignes de rivage. Dans cette région comme dans le nord scandinave, un changement s'est produit dans les niveaux respectifs de l'Océan et des terres, depuis l'époque glaciaire.

20 août.—Temps admirable. La mer est bleue et le soleil éclatant. Impossible de se croire à une aussi haute latitude. Dans l'après-midi les îles Kjellman sont signalées; plus au sud, nous apercevons un archipel qui ne se trouve pas marqué sur les cartes. Partout les rochers présentent des surfaces polies et arrondies, indice certain que ces terres ont été recouvertes par des glaciers quaternaires.


UNE CHASSE A L'OURS

Pour permettre aux mécaniciens de nettoyer la chaudière, nous relâchons devant la plus grande de ces îles. Du haut du nid de corbeau[2], la vigie annonce la présence de plusieurs rennes en train de paître tranquillement près du rivage. Aussitôt émoi général; nous sautons sur nos fusils et de suite nous mettons en quête du gibier. Pendant vingt-quatre heures, sans une minute de repos, nous battons le terrain. Deux rennes et deux ours, tel fut le butin de cette chasse acharnée.

[2] Tonne vide placée au sommet au grand mât, servant d'observatoire. (Note du traducteur.)

La sortie de l'archipel fut particulièrement pénible; partout de petits fonds; avec cela, un courant très rapide et un vent contraire, très frais, soufflant par moments en tempête. A chaque instant le Fram risquait de s'échouer. Le 24 août seulement, nous sortîmes de cette situation dangereuse. Ensuite, c'est toujours la même navigation monotone entre la côte et la banquise. La mer est très peu profonde: de tous côtés des bancs et des groupes d'îles inconnues. La terre se trouve précédée par un archipel dont l'existence a jusqu'ici échappé à l'attention des précédents explorateurs derrière le rideau des brumes endémiques dans ces parages. A coup sûr, une expédition qui se proposerait d'exécuter l'hydrographie de la côte septentrionale de Sibérie ferait d'intéressantes découvertes, mais le but de notre voyage est tout différent. Pour nous, avant tout, il s'agit de doubler le plus rapidement possible le cap Tchéliouskine et la saison avance. L'hiver approche. Le 23, une abondante chute de neige s'est déjà produite.

27 août.—Mon livre de bord renferme à chaque page la même mention: «Toujours des îles nouvelles et des bas-fonds.» Dans l'après-midi, le continent est en vue, une terre peu élevée, mollement ondulée, découpée par des fjords. Déjà, à plusieurs reprises, j'ai aperçu de profonds goulets pénétrant à une grande distance dans l'intérieur. Sur cette côte de Sibérie, relativement basse, la formation fjordienne me paraît très développée.

En vue de l'île de Taïmyr la situation devint critique. Au milieu des îles qui apparaissent de tous côtés, impossible de nous reconnaître. Je prends alors le parti de gagner la pleine mer et de passer au large des îles d'Almqvist, situées au nord-ouest de l'île de Taïmyr. Tout à coup, voici que, à travers la brume une terre se découvre droit devant nous. Nous venons immédiatement dans l'ouest pour la doubler et reprendre ensuite notre route vers le nord. Dans cette direction nous distinguons un archipel très étendu (Archipel Nordenskiöld), qui nous empêche de poursuivre notre route. Pendant l'après-midi nous atteignons enfin l'extrémité septentrionale de cette chaîne d'îles; là, à notre grand désappointement, une banquise compacte nous barre la route. Y engager le Fram serait risquer de se faire «pincer» définitivement pour l'hiver. Dans ces conditions, il faut revenir en arrière et essayer de passer entre ces îles et Taïmyr.

Le 30 août, nous nous engageons dans ce chenal. Le Fram avance rapidement; nous allons donc enfin pouvoir sortir de ce dédale, lorsque, subitement, le détroit se trouve complètement barré par une épaisse nappe de glace. Au delà, la mer est probablement libre; mais il nous est absolument impossible de nous frayer de vive force un chemin à travers cette nappe cristalline. A coup sûr, une telle masse de glace ne pourra fondre avant l'hiver. Notre situation devient par suite très critique. Peut-être, il est vrai, le détroit de Taïmyr entre l'île du même nom et le continent est-il libre? mais, d'après Nordenskiöld, les fonds y sont trop petits pour permettre le passage d'un bâtiment, même de faible tonnage. Dans ces conditions, nous n'avons qu'à attendre. Notre salut ne peut venir que d'une tempête du sud-ouest qui disloquera cette banquise et nous ouvrira la route. En attendant, le bâtiment est mouillé et les mécaniciens procèdent à un nettoyage complet de la chaudière, tandis que nous allons donner la chasse aux nombreuses troupes de phoques qui s'ébattent sur la glace. Ces animaux sont ici aussi abondants que sur la côte occidentale du Grönland. Si, en 1878, Nordenskiöld ne rencontra dans ces parages qu'un très petit nombre de ces amphibies, c'est que, cette année-là, les glaces qui constituent leur milieu d'élection étaient rares dans la mer de Kara.

Une fois la machine remise en état, je résolus de tenter le passage par le détroit de Taïmyr. De ce côté la route se trouvant également fermée par la glace, le cap est mis au sud pour essayer de trouver une ouverture dans cette direction. Bien que le temps soit très clair, impossible de savoir où nous nous trouvons; nous n'apercevons pas des îles marquées sur la carte, et, par contre, nous en distinguons d'autres que ce document n'indique pas… Finalement découvrant un chenal étroit, nous nous y engageons. Bientôt nous reconnaissons que la terre qui s'étend au nord et que nous pensions être le continent est une île et que la passe se prolonge encore plus loin dans l'intérieur des terres. Le mystère devient de plus en plus impénétrable. Peut-être après tout, sommes-nous dans le détroit de Taïmyr? Apercevant quelques flaques de glace, je donne l'ordre d'ancrer dans un mouillage abrité. Le lendemain, partant en canot, je réussis à avancer très loin, dans un goulet suffisamment profond pour le Fram; cependant le soir, nous trouvons de nouveau la glace. Le temps est froid; la nuit dernière il a neigé abondamment; à vouloir nous engager au milieu de cette banquise, nous risquons d'être faits prisonniers.

5 septembre.—Voilà déjà neuf jours perdus. Aujourd'hui encore il neige et la bise est très fraîche. Dans la soirée, poussées par le vent, des masses de glace arrivent sur nous. Peut-être allons-nous être bloqués pour l'hiver avant qu'un chenal se soit ouvert dans cette banquise diabolique. Si l'expédition est détenue dans ces parages pendant de longs mois, elle y trouvera, il est vrai, un emploi utile de son activité. Toute cette côte de Sibérie est très peu connue, et l'intérieur du pays n'a jamais été exploré. Mais non, je ne puis m'habituer à cette idée d'un hivernage prématuré. Ensuite, c'est par série d'années que la glace est abondante; si, à cette époque-ci, nous sommes bloqués en 1893, peut-être la saison prochaine ne serons-nous pas plus heureux.


ITINÉRAIRES DU Fram AUTOUR DE L'ÎLE TAÏMYR

Le 6 septembre est l'anniversaire de ma naissance. J'avoue ma superstition; en me réveillant, je suis convaincu que, si un changement doit survenir dans l'état des glaces, c'est aujourd'hui qu'il se produira. Je monte donc en toute hâte sur le pont. Le vent a diminué et le soleil brille; dans cette radieuse clarté l'avenir me semble moins sombre. Le chenal qui s'ouvre à l'est est couvert d'un solide embâcle. Si le Fram n'avait pas abandonné le détroit, il serait maintenant prisonnier, pour Dieu sait combien de temps. Par contre, la passe située au nord du mouillage a été débloquée par la tempête. Peut-être également les glaces qui, il y a dix jours, nous ont barré la route au delà de l'archipel situé au nord de Taïmyr, ont-elles également été disloquées par la bourrasque. Essayons donc de passer de ce côté. Je suis sûr qu'aujourd'hui la chance me sera favorable. En effet, le lendemain, à six heures du matin, nous doublons le cap Laptef, la pointe nord de l'île Taïmyr.

Mais nous n'en avons pas fini avec les difficultés. De l'autre côté de ce passage redoutable, voici de nouveau la glace. Nous nous frayons un chemin à la vapeur, mais au delà la mer est très peu profonde: 15, 13, 11 mètres. On avance lentement, la sonde à la main. L'eau est bourbeuse, et un courant très violent porte dans le nord-est. Plus loin la mer devient bleue et transparente; en même temps, la profondeur augmente. En passant, notons que la séparation entre les eaux bleues et argileuses était marquée par une ligne absolument nette.


LE CAP TCHÉLIOUSKINE

Une fois hors de cette zone difficile, nous poursuivons notre route en serrant la côte de près. Toujours des plaines basses s'élevant à peine au-dessus de la mer, constituées, semble-t-il, par des couches de sable et d'argile. Dans-ces parages, je découvre une vaste nappe d'eau paraissant s'étendre à une grande distance vers l'est, dans l'intérieur des terres. Probablement une large rivière qui s'épanche en lac avant de se jeter dans l'Océan, comme nombre d'autres cours d'eau de Sibérie.

Le 9 septembre, le baromètre est très bas: 733mm; le vent souffle de terre en rafales terribles, soulevant d'épais nuages de sable. Peut-être, en présence de la mauvaise apparence du temps, serait-il prudent de rester au mouillage, mais la tempête a chassé les glaces; profitons donc de l'occasion. Couvert de toile, le Fram file huit nœuds, avec l'aide de l'hélice. Jamais auparavant sa marche n'avait été aussi rapide; notre navire sembler avoir conscience de notre situation et vouloir rattraper le temps que les glaces nous ont fait perdre autour de Taïmyr. Les caps succèdent aux caps, les fjords aux fjords, et vers le soir, dans un lointain vaporeux, nous distinguons, à l'aide de la lunette, des montagnes. Le cap Tchéliouskine, l'extrémité septentrionale de l'ancien monde, n'est pas bien loin.

La côte est toujours basse, mais à une certaine distance dans l'intérieur des terres s'élèvent des chaînes de montagnes campaniformes, très escarpées, qui paraissent formées de couches sédimentaires horizontales. Les plus éloignées sont entièrement couvertes de neige. Sur un point, ce relief semble revêtu d'une carapace de glace ou de neige descendant en larges franges sur les pentes. Nous approchons du cap Tchéliouskine. Lorsque nous aurons doublé ce promontoire, une des principales difficultés du voyage sera vaincue. Je monte dans le «nid de corbeau» pour examiner l'horizon. Depuis longtemps le soleil a disparu, laissant dans le ciel une longue traînée jaune, une lumière de rêve, une lueur irréelle. Une seule étoile scintille au-dessus de ce cap redouté, comme un phare céleste qui nous promet l'espérance. Et, dans la mélancolie de cette belle nuit claire, le Fram avance lentement vers le nord, sans bruit, comme le vaisseau fantôme.

Le 10 septembre, à quatre heures du matin, le cap Tchéliouskine est doublé; en l'honneur de cet heureux événement les «couleurs» sont hissées, aux acclamations de l'équipage.

Après avoir échappé aux dangers d'un hivernage dans la mer de Kara, devant nous la route s'ouvre maintenant libre vers la banquise des îles de la Nouvelle-Sibérie, qui doit nous entraîner à travers l'inconnu glacé du bassin polaire.

Un peu plus tard, nouvelle alerte. Une nappe de glace nous ferme le passage entre le continent et quelques îlots situés à l'est du cap Tchéliouskine. Après une courte reconnaissance à terre, nous réussissons cependant à doubler ces îles; toute la nuit, nous avançons rapidement vers le sud le long de la côte. Par moments, notre vitesse atteint neuf milles.


LA CÔTE A L'EST DU CAP TCHÉLIOUSKINE

11 septembre.—Dans la matinée, une terre, hérissée de hauts sommets et découpée de profondes vallées, est en vue. Depuis Vardö, nous n'avons pas contemplé un paysage aussi accidenté; habitués aux plaines basses de Sibérie, nos yeux s'arrêtent avec plaisir sur ce panorama pittoresque.

Mettant le cap vers l'est, nous voyons disparaître la côte dans l'après-midi; plus tard, en vain, nous cherchons à apercevoir les îles Saint-Pierre et Saint-Paul; les cartes leur assignent pourtant une position très voisine de notre route.


VUE DE LA BANQUISE DANS LAQUELLE LE Fram A ÉTÉ PRIS

12 septembre.—Des morses sont couchés sur un glaçon tout près du navire! crie à ma porte Henriksen. En deux minutes, je m'habille; les harpons et les fusils sont prêts, et aussitôt je pousse du bord avec Henriksen et Juell. Une légère brise souffle du sud; pour nous placer à faux vent, nous nous dirigeons vers la pointe nord du glaçon, tout en prenant nos dispositions de combat. Henriksen se tient à l'avant, un harpon à la main; je me place derrière lui, pendant que Juell continue à ramer très doucement. Un morse, chargé, sans doute, de la garde du troupeau, lève la tête; aussitôt nous nous arrêtons, puis continuons notre marche, dès qu'il ne regarde plus de notre côté. Entassés les uns contre les autres sur une petite plaque de glace, tous ces animaux forment un énorme monceau de chair. Quel tas de bonne nourriture! fait observer Juell, le cuisinier du bord. De temps à autre, une des dames de la société s'évente de ses nageoires, puis, après cet exercice, s'assoupit de nouveau. Au moment d'aborder le glaçon, Henriksen ajuste un morse et lance son harpon. Malheureusement il a visé trop haut; l'arme glisse sur la tête de l'animal et rebondit sur son dos. De suite, avec une agilité absolument extraordinaire, ces monstrueuses bêtes se jettent à l'eau et se tournent vers nous, la tête haute. J'envoie une balle à une des plus grosses, elle chancelle, puis disparaît; maintenant à une autre et celle-là, non moins gravement blessée, enfonce immédiatement. Toute la bande plonge pour revenir bientôt après, plus menaçante. Dressés à moitié hors de l'eau, les morses se précipitent vers le canot en poussant des hurlements terribles, puis de nouveau s'enfoncent, en battant l'eau furieusement pour reparaître à la surface aussitôt après. Leur exaspération est indescriptible; d'un instant à l'autre, je m'attends à voir un de ces monstres s'accrocher au bordage du canot et le faire chavirer. Les blessés, quoique perdant des flots de sang par le nez et la bouche, se montrent aussi acharnés que les autres. Au milieu de la bagarre, je parviens à leur envoyer de nouvelles balles. Touchés cette fois-ci à mort, ils flottent bientôt inertes à la surface de la mer. Pour les empêcher de couler, Henriksen les harponne. Nous tuons un troisième morse, mais le harpon avec lequel nous l'avions saisi, trop faible, lâche prise, et l'animal coule à pic. Pendant que nous remorquons notre gibier vers un glaçon, le reste de la bande nous suit, toujours menaçant et hurlant; inutile de leur envoyer des balles, nous n'avons aucun moyen de ramener à bord un butin plus considérable. Bientôt le Fram, vient à notre rencontre, et, après avoir embarqué nos deux morses, poursuit sa route. Dans cette région, ces amphibies sont très abondants; si nous en avions eu le temps, il eût été facile d'en tuer un grand nombre.

Passé l'embouchure de la Khatanga, nous avons à vaincre un fort courant contraire.—La partie orientale de la presqu'île de Taïmyr constitue une région montagneuse relativement haute, précédée, le long de la mer, par une zone de terres basses.

La mer paraissant assez dégagée, j'essaie de faire route dans l'est directement vers l'embouchure de l'Olonek; malheureusement, la glace nous arrête et nous oblige à rentrer dans le chenal côtier.


LE DÉPÈCEMENT DES MORSES

A l'est de la Khatanga, la mer est très peu profonde. Un moment, dans la nuit du 13 au 14, la sonde indique seulement 7m,20. Le 15, les fonds ne dépassent pas 12 à 13 mètres. Le bruissement des vagues indique la mer libre dans l'est. La couleur foncée de l'eau, sa faible salinité comme sa teneur en sédiments, annoncent l'approche de l'embouchure de la Léna.

Ce serait folie que d'essayer de remonter l'Olonek à une époque aussi avancée de la saison. D'abord, il n'est pas certain que nous puissions entrer dans le fleuve; en second lieu, si, par malheur, nous nous mettions au plein, cela serait une terrible aventure. Je serais certes très heureux de renforcer ma meute[3], mais je risquerais un hivernage dans cette région. Ce serait une année de perdue; le jeu n'en vaut pas la chandelle. En avant donc vers les îles de la Nouvelle-Sibérie!

[3] Des chiens de la Sibérie orientale destinés à l'expédition avaient été amenés à l'embouchure de l'Olonek par les soins d'un négociant sibérien (voir plus haut, p. 20).

16 septembre.—Route au N.-O. (du compas) à travers une mer libre. Aucune glace en vue; plus au nord, la couleur foncée du ciel indique également l'absence de banquise. Temps doux; température de la mer +1°,64. Courant contraire qui nous porte dans l'ouest; par suite de cette dérive, nous nous trouvons toujours à l'ouest de notre point estimé. Plusieurs vols d'eiders.

18 septembre.—Route au nord dans l'ouest de l'île Bielkov. Mer libre, bon vent d'ouest, temps clair; le Fram avance rapidement. Maintenant le moment décisif approche. Si la théorie sur laquelle repose toute l'expédition est exacte, nous devons prochainement rencontrer un courant portant dans le nord. Nous sommes par 75°30′ Lat. N.; pas trace de banquise! Dans la soirée, j'aperçois à la surface de la mer des taches blanches très régulières, peut-être les îles Bielkov et Kotelnoï, qui doivent être couvertes de neige. Malgré mon désir de visiter ces terres si intéressantes et d'inspecter les dépôts laissés à notre intention par le baron de Toll, je poursuis ma route. Les heures sont si précieuses!

Que nous apportera demain: l'espérance ou la désillusion? Si tout tourne bien, nous pouvons atteindre l'île Sannikov, une terre inconnue! Quelle joie de voguer ainsi vers des régions mystérieuses sur une mer que n'a jamais sillonnée aucun navire.—L'air est si doux que nous pourrions nous croire à des centaines de milles plus au sud.

19 septembre.—Jamais je n'ai vu plus belle navigation. Poussé par le vent et par l'hélice, le Fram avance toujours, et toujours la mer libre! Combien cela durera-t-il? Instinctivement l'œil se tourne vers le nord. C'est regarder dans l'avenir. La même tache sombre, indice de l'absence des glaces, persiste à l'horizon. Depuis le 6 septembre, la fortune nous est favorable. On ne se doute guère, en Norvège, qu'à ce montent nous faisons route droit vers le pôle à travers une mer libre, et que nous nous trouvons aussi loin au nord. Si il y a deux jours seulement, on m'avait prédit pareille chance, j'aurais refusé d'y croire. Toute la journée nous marchons à vitesse réduite, de crainte de donner inopinément sur quelque chose—terre ou glace. Nous sommes maintenant par 77° Lat. N.—Jusqu'où irons-nous ainsi? J'ai toujours dit que je serais satisfait, si nous arrivions au 78° Lat. N.; mais Sverdrup est plus difficile, il parle du 80°, même du 84° et du 85°. Il croit sérieusement à l'existence de la fameuse mer libre du pôle, rêve des géographes en chambre dont il a lu les ouvrages, et il y revient sans cesse en dépit de mes railleries. Je me demande si véritablement je ne suis pas le jouet d'une illusion, si je ne rêve pas.

20 septembre.—Ce matin, je suis brutalement tiré de mon rêve. Tandis que, penché sur mes cartes, je songeais à la prochaine réalisation de mes espérances,—nous étions près du 78° Lat. N.,—le Fram éprouve tout à coup un choc. D'un bond je suis sur le pont, et que vois-je devant moi, à travers la brume? une large et compacte nappe de glace. Juste à ce moment, le soleil perce les nuages, vite le sextant! L'observation nous place par 77°44′ Lat. N.


LE Fram EN MER LIBRE

Dans la pensée de pouvoir avancer encore plus loin, je fais route au nord-ouest, le long de la banquise. Toute la journée brume: impossible de reconnaître si une terre se trouve dans ces parages, comme semble l'indiquer la présence de vols de petits échassiers.

21 septembre.—Bien que le temps soit plus clair, nous n'apercevons également rien. Nous nous trouvons cependant à la même longitude, mais plus au nord, que la côte méridionale de la terre Sannikov, telle qu'elle est portée sur la carte du baron de Toll. Suivant toute vraisemblance, cette île est donc de petites dimensions et ne doit pas avoir une grande extension vers le nord.

Dans l'après-midi, temps «bouché». Nous restons immobiles, dans l'attente d'une éclaircie. L'estime nous place par 78°30′. Sondé: pas de fond! Nous découvrons la présence de punaises à bord, des passagères dont il sera nécessaire de nous débarrasser.

22 septembre.—Nous sommes dans une baie formant, nous semble-t-il, l'extrême limite de l'eau libre. Devant nous la glace est compacte, et vers le nord la teinte blanchâtre de l'horizon indique l'extension de la banquise.

Les anciens explorateurs arctiques croyaient nécessaire à la sécurité de leur navire de prendre leurs quartiers d'hiver près de la côte. C'était précisément ce que je voulais éviter. Tout mon désir était de faire entrer le Fram dans une banquise en dérive et de le tenir éloigné de toute terre. En conséquence, j'amarrai le bâtiment à un gros bloc. Le navire flotte encore librement, entouré de quelques larges floe[4], mais j'ai le pressentiment que cette glace sera notre havre d'hivernage.

[4] Floe. Glaçon d'une certaine étendue, généralement très compact. (Note du traducteur.)

Aujourd'hui guerre aux punaises. Nous faisons passer un jet de vapeur à travers les matelas, les coussins des canapés, bref à travers tous les repaires supposés de nos ennemis. Après cela, les vêtements, enfermés dans un baril soigneusement clos, sont soumis au même traitement. Espérons que nous serons débarrassés de ces désagréables compagnons.


ITINÉRAIRE DE L'EXPÉDITION NORVÉGIENNE A TRAVERS LE BASSIN POLAIRE (1893–1896)

(agrandissement)

24 septembre.—Le Fram est complètement entouré par la glace. Entre les floe s'étend déjà de la slush ice[5] qui sera bientôt très solide. Dans le nord existe encore un petit bassin d'eau libre et du «nid de corbeau» la mer apparaît dégagée dans le sud. Un phoque (Phoca fœtida), des pistes d'ours vieilles de plusieurs jours, sont les seules traces de vie relevées dans cette solitude.

[5] Slush ice. Agrégat de petits disques de glace de formation nouvelle. (Note du traducteur.)

25 septembre.—La glace épaissit de jour en jour. Temps clair et beau. La nuit dernière −13°. L'hiver approche à grands pas!

Vers le pôle

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