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Kourroglou est toujours, à mes yeux, une oeuvre très-belle et très-curieuse. Elle n’eut pourtant pas de succès dans la Revue indépendante, où j’en publiai la traduction abrégée. Des raisons d’amitié me firent suspendre ce petit travail que l’on me disait préjudiciable aux intérêts de la Revue. Mais je protestai et proteste encore contre l’intelligence des abonnés qui préférèrent les romans nouveaux à ces chants originaux d’une littérature étrangère. C’était une initiation à la manière des rapsodes et des improvisateurs de l’Orient, et l’on sait qu’en fait d’art, connue en toutes choses, le public veut être poussé par les épaules vers les découvertes, si faciles qu’elles soient.
La suite du poème, dont j’ai été forcée de résumer en deux pages les derniers chants et le dénouement superbe, a été publiée en abrégé sur le texte anglais de M. Chodzko, par M. C.-G. Simon, à Nantes. Cela fait partie d’une suite de travaux intéressants et agréablement présentés, qui ont paru dans les Annales de la Société académique de la Loire-Inférieure, sous le titre de Recherches sur la littérature orientale, Nantes, 1847.
Il est à regretter que M. C.-G. Simon, par des raisons analogues à celles que j’ai subies, n’ait pas continué son exploration dans cette littérature persane, une des plus riches et une des plus belles du monde, assurément, puisqu’on y trouve la manière d’Homère et celle de Cervantes se coudoyant avec franchise, grandeur et naïveté dans les mêmes récits. On me dira que tout cela est exploré déjà. J’objecterai que peu de gens lisent ces poëmes dans le texte, et qu’on ne les lit guère plus dans les traductions, puisque la mienne et celles de M. Simon, allégées autant que possible des redites et longueurs inévitables de la manière orientale, n’ont été goûtées et comprises que des littérateurs.
Et malgré ceci, j’insiste, et je dis: Lisez Kourroglou; c’est amusant, quoique ce soit beau.
GEORGE SAND
Nohant, 24 juin 1833.