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II

A M. HONORÉ LEMONTIER, A PARIS

Aix en Savoie, 2 juin 1861.

M’y voici. Il pleut. Je me suis enfermé dans l’espèce de chalet apocryphe que j’habite à côté d’Aix. Je ne veux m’occuper que de toi aujourd’hui. Ne me gronde pas si j’écris comme un chat. C’est déjà beaucoup que de pouvoir écrire.

Elle a vingt-deux ans. C’est trop pour moi, n’est-ce pas? Je me le suis dit. C’est, en raison de la précocité de son sexe et de l’expérience qu’elle a peut-être déjà du monde, dix ans de plus que mes vingt-quatre ans; mais, quand je l’ai vue d’abord, je l’ai crue beaucoup plus jeune. Son premier aspect est celui d’une enfant.

Tu vois que ce n’est pas d’Élise Marsanne que je te parle. Élise est une charmante personne. J’ai fait tout mon possible pour désirer d’être son mari. Tu le désirais, toi, et tu avais raisin. Elle est la fille de ton ami, elle est mon amie d’enfance. Je suis venu ici sous prétexte de flâner comme elle, et au fond pour te complaire en m’attachant à cette belle et chère enfant. Eh bien, je ne sais quel refus obstiné s’est fait entre nous. Je n’ai jamais pu venir à bout de l’aimer autrement que comme ma sœur, et on n’épouse pas sa sœur.

Ne dis pas que je suis capricieux, non. Je n’ai point encore fini d’être naïf, et surtout je n’ai pas travaillé à cesser de l’être; cela, je te le jure!

Et puis il n’y a pas de ma faute! Si Élise m’eût aimé,... que sait-on?... Mais point. Élise est toujours notre Lisette si gaie, si franche, si gentille, et, disons-le aussi sans reproche, si positive! Toujours la même raison enjouée, le même esprit d’ordre, les mêmes rires en présence de tout ce qui sent l’exagération. C’est comme cela, tu sais bien, qu’elle appelle tout ce qui émeut un peu vivement les autres, et il ne dépend pas de moi de n’être pas facile à émouvoir, si bien que je suis un exagéré à ses yeux, et qu’elle me pardonne d’être comme je suis. Elle est bien bonne, j’en suis très-reconnaissant; mais ce continuel pardon amical me laisse calme, et tu m’as permis de ne pas me marier sans amour.

Lucie a donc vingt-deux ans. Lucie est brune, assez grande;... elle a des yeux... Eh bien, non, je ne peux pas te décrire Lucie... Demande-moi la couleur des yeux et des cheveux d’Élise, comment sont faits ses doigts et ses bagues, comment elle s’habille: je sais tout cela, et je pourrais t’en faire un portrait aussi minutieusement étudié que si j’étais peintre; mais Lucie, non! Pour moi, son image remplit le monde et ne saurait être concentrée. Mon cœur m’étouffe, et ma main tremble rien qu’à écrire son nom!

Son père est le général La Quintinie, que tu ne connais pas, je pense, et qui commande dans je ne sais quel département. Descend-il du La Quintinie des jardins du temps de Louis XIV? Peu importe. Le grand-père maternel de Lucie, M. de Turdy, habite un château qu’il a sur le lac du Bourget. Lucie a été élevée par ce grand-père et par une grand’tante avec laquelle elle passe ses hivers à Chambéry. L’été, elle habite sans sa tante le manoir de l’aïeul.

Elle a passé deux ou trois mois à Paris dans le couvent où était Élise Marsanne. Malgré une certaine différence d’âge, elles s’aimaient beaucoup, et, en venant à Aix, Élise se faisait une grande fête de la revoir. Elle a été tout de suite lui rendre visite avec sa mère. Le soir même, elle m’a parlé d’elle.

„Si vous connaissiez Lucie, me disait-elle, vous n’auriez pas assez de mots à grand effet dans votre vocabulaire exalté pour dire l’impression qu’elle vous causerait.

–C’est donc une merveille?

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Mademoiselle La Quintinie

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