Читать книгу Les moments perdus de John Shag - Gilbert de Voisins - Страница 17
7 POUR LA LUNE
ОглавлениеJe voudrais bien chanter une louange qui te fût agréable! mais tant d'autres l'ont fait avant moi! Tant d'autres ont composé des litanies, des ballades, des sonnets et des centons de pauvres vers, afin de te célébrer, bel astre orphelin, fille plâtrée, céleste assiette, odalisque pour jeunes gens pâles!
Tu m'intéresses, car je sais que tu me comprends; je t'aime, parce que tu m'écoutes, même lorsque je divague, même lorsque tu ne me réponds pas. Tu as une façon plaisante et polie de prêter l'oreille à mes effusions. Je t'ai lu de nombreuses poésies et jamais tu n'as fait une critique; cela me fut très doux.
Je souffre de ne point te témoigner dignement ma tendresse, mais, pour qu'une ode, fût-elle en prose, te satisfît, il faudrait que j'eusse à ma disposition tout un lot d'adjectifs, de substantifs et de verbes frais, or je t'assure qu'il n'y en a plus! Tout est rance, tout est connu, tout a servi! Je tomberais dans le plagiat dès la première ligne!
Et pourtant, je voudrais parler de toi, belle médaille sans revers, pièce d'argent mat, chère incuse! Je voudrais connaître l'artiste qui te frappa, les dieux qui te manièrent, avant de te placer dans l'azur, et les longues nuits qui t'ont donné la patine qui te singularise.
J'aime ta couleur, où l'on retrouve des reflets d'infusions aromatiques; j'aime le profil qui sourit sur ta face, si l'on veut bien y regarder de près; j'aime tes fantaisies et les fantaisies que tu m'inspires, et les rêves que tu conduis dans ma pauvre cervelle...
Je t'aime tout entière et de tout mon amour!