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Dani, Planète Everis, localisation exacte inconnue

Il était là. Après des heures de marches suivant mon réveil, après mon corps en manque suite à notre rêve passionné, je l’avais enfin trouvé. J’avais suivi mon instinct de descendante de Chasseur, mon cœur de Compagne Marquée à la recherche de sa moitié d’âme. Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine. Je vis la chaîne rouillée fixée au mur, qui serpentait sur le sol et sous son corps. À des années-lumière de la Terre, j’avais trouvé l’homme qui me correspondait parfaitement. La Gardienne Égara et le Test l’avaient su. Je le savais. J’étais en sueur à cause de mon trek, mais dans la grotte, je frissonnais.

Ce trou à rat. Dans lequel on l’avait laissé souffrir. Mourir.

Personne ne l’aurait trouvé. Jamais. Seulement moi, seulement sa Compagne Marquée, à cause de notre lien. La marque sur ma paume se mit à brûler, et je poussai un sifflement. Un gémissement s’éleva de sa silhouette blessée, et je sus qu’il ressentait la même chose. Qu’il ressentait ma présence.

Je parcourus la distance qui nous séparait, et j’ouvris l’énorme verrou de la cage en métal rouillé qui le maintenait prisonnier. Je jetai le lourd morceau de métal le plus loin possible et ouvris la porte, avant de me laisser tomber à genoux devant lui. Ma cheville protesta, mais je n’y prêtai pas attention. Je survivrais, mais Gage ? Je ne connaissais pas la gravité de ses blessures.

Il était assis sur le sol dur, adossé à la pierre nue derrière lui. Des chaînes pendaient au-dessus de sa tête en dehors de la cage, hors de portée, les liens de métal sombre accrochés aux menottes qu’il avait aux poignets. Il dormait, ou il était inconscient. Je l’ignorais. Son corps et ses bras étaient tous mous, ses mains posées sur ses genoux. Son visage, Seigneur, son magnifique visage était plein d’ecchymoses, ses lèvres tuméfiées, ses cheveux trempés de sang qui lui coulait sur la tempe. Je tendis la main et la lui posai sur l’épaule. Il était froid, son torse nu couvert de sang et de brûlures, sa peau glacée. On lui avait laissé son pantalon, mais ses pieds étaient nus. Une veste épaisse était posée par terre, hors de sa portée. Elle ressemblait à celle portée par les Chasseurs sur la Pierre Angulaire, sauf qu’elle était sale.

— Gage.

Quand il ne répondit pas, je le secouai.

— Gage !

Je savais qu’il était vivant, grâce à ma marque, et à sa réaction face à notre proximité.

— Dani ?

— Je suis là. Allez, réveille-toi.

Je le sentis se crisper, car il venait peut-être de réaliser qu’il ne rêvait pas, que j’étais vraiment devant lui, à l’encourager à bouger.

— Dani ? demanda-t-il encore, cette fois avec des yeux écarquillés, conscient de ce qui se passait.

Il poussa un grognement, les dents serrées. Son pantalon noir était en lambeaux, le tissu visiblement imprégné de sang en plusieurs endroits. Je regardai son torse plus attentivement, ses muscles couverts d’entailles, de brûlures et de sang. Il semblait avoir vécu un enfer, mais j’ignorais si ses blessures étaient uniquement superficielles, ou s’il souffrait également d’hémorragies internes. Des côtes cassées ? Un rein perforé ? Il était dans un sale état, et le voir blessé faisait hurler toutes mes cellules.

Il était mien. Je ne pouvais pas le permettre.

— Tu es dans un sale état.

— Que fais-tu ici ? rétorqua-t-il en serrant les genoux contre la poitrine.

Nous nous observâmes, nos regards baladeurs. Il était grand. Gigantesque, même avec ses jambes repliées. Ses cheveux noirs étaient un peu longs et ses boucles lui retombaient sur les oreilles. Ils étaient épais, et j’eus envie d’enfouir mes doigts dedans, de découvrir leur texture. Une barbe recouvrait sa mâchoire carrée. Même dans la lumière tamisée provenant de l’entrée de la grotte, je voyais qu’elle avait des reflets roux, contrairement à ses cheveux. Ses lèvres étaient gonflées, mais aussi ouvertes et ensanglantées. Son visage était plus fin que dans mes rêves, comme s’il n’avait pas mangé à sa faim depuis quelques jours, mais ses yeux me transperçaient, me clouaient sur place. Des yeux de prédateur. Complètement concentrés sur moi, repérant chaque détail, ne ratant rien. Il s’attarda sur ma cheville, sur ma hanche relevée pour ne pas m’appuyer sur mon pied. On aurait dit qu’il pouvait lire dans mes pensées, qu’il connaissait déjà mon corps, que nous étions en symbiose.

Ses yeux étaient presque noirs, perçants par leur intensité. Je le reconnaissais, pas seulement grâce aux rêves que nous avions partagés, mais dans mon cœur, dans mon ADN lui-même.

Il m’examinait avec tout autant d’attention et il leva la main vers moi, avant de la laisser retomber.

— Tu es réelle ? demanda-t-il d’une voix rocailleuse sèche. Est-ce que je rêve ?

Je pris mon sac à dos et en sortis une gourde. J’enlevai le bouchon et la tendis à Gage.

— Je suis réelle. Bois.

Il prit la gourde et avala l’eau à grandes gorgées. Depuis combien de temps se trouvait-il dans cette grotte ? Avait-il été privé d’eau et de nourriture pendant des jours. Alors qu’il buvait, je regardai autour de moi. On l’avait laissé dans une grotte abandonnée, assez grande pour que quatre ou cinq hommes la traversent en marchant de front. Je parvenais largement à me tenir debout à son entrée. Si je levais les bras, je ne parviendrais pas à en toucher le plafond. Le sol était fait de pierre. De la terre et des feuilles mortes couvraient la roche grise et froide comme un tapis pourrissant. Nous étions à cinq mètres de l’entrée environ, la lumière du jour étouffée par les épaisses parois. J’entendais de l’eau couler au loin, un petit plop, plop. Les chaînes qui maintenaient Gage étaient épaisses et lourdes, mais vieilles et rouillées, tachées par l’âge. Les anneaux et les verrous de métal fixés aux murs étaient là depuis longtemps, comme si Gage n’était pas le premier à avoir été emmené ici. À avoir été torturé et négligé jusqu’à ce qu’il en meure presque.

Une cage au milieu de nulle part ? Pourquoi ?

— Quel genre de monstre créerait un endroit comme ça ? me demandai-je à voix haute.

— Mon arrière-grand-père, répondit-il.

Je tournai immédiatement le regard vers lui. Il souriait, mais sans joie.

— C’est ma grotte, Dani. Amusant, n’est-ce pas ?

— Non. Pas du tout, dis-je en ramassant sa veste et en la lui passant autour des pieds. Il va falloir qu’on te sorte de là.

Du dos de la main, il s’essuya la bouche.

— Je te repose la question. Que fais-tu là ?

Je fronçai les sourcils.

— Je te sauve.

Il secoua lentement la tête.

— Tu n’aurais pas dû. Trop risqué.

— Tu allais mourir.

Il croisa mon regard. Une veine battait à sa tempe.

— Je sais.

— Alors...

Il leva une main, mais elle retomba sur ses genoux, comme s’il était trop affaibli. Je fouillai de nouveau dans mon sac à dos et lui tendis une espèce de barre protéinée parmi les rations militaires que j’avais volées dans le garde-manger de la Pierre Angulaire.

— Mange lentement, dis-je.

Il en cassa un morceau, qu’il mit dans sa bouche et mâcha. Je regardai cet acte simple, le mouvement de sa gorge alors qu’il avalait. Je pris sa main libre et la retournai.

Juste là.

La marque.

Je plaçai ma main dessus, paume contre paume pour la première fois.

La sensation m’arracha une exclamation, et la brûlure dévorante me traversa tout le corps. Un désir s’épanouit en moi, mais ce n’était pas le moment. Je me sentais complète, toutefois. Comme si une part de moi m’avait toujours manquée. Je me demandais comment j’avais fait pour vivre ma vie, pour supporter mon existence. C’était peut-être parce que je n’avais pas su que j’étais incomplète.

Mais à présent... il n’y avait plus de retour en arrière possible. Gage était mien et il pourrait me crier dessus autant qu’il voudrait, je m’en fichais.

— Quelqu’un veut ma mort, dit-il avant de fourrer un autre morceau de barre protéinée dans sa bouche. Je ne veux pas qu’on s’en prenne à toi.

— Je sais prendre soin de moi. Et je refuse de te laisser mourir.

Il bougea son poignet menotté, et la chaîne tinta.

— Comme tu peux le voir, dit-il, je n’irai nulle part. Ça fait des jours que j’essaye de trouver un moyen de sortir d’ici.

Je fouillai de nouveau dans mon sac.

— J’ai récupéré des choses qui pourraient nous être utiles sur la Pierre Angulaire. Un appareil de communication.

Je plaçai le petit objet sur le sol, mais il le ramassa immédiatement.

— Récupéré ?

Je lui jetai un rapide regard, puis repris ma tâche. Je n’allais pas lui dire que je les avais volés. Mon intention était de les emprunter et de les rendre une fois que j’aurais sauvé Gage et que je serais rentrée avec lui. Mieux valait demander pardon que de demander la permission, surtout que ces hommes des cavernes ne m’auraient jamais laissée les accompagner. Et ils n’auraient pas réussi à le trouver, pas sans moi. Sans la marque qui m’appelait comme un phare dans le brouillard.

— Une unité de communication ? Comment ça se fait qu’ils ne t’aient pas retrouvée avant que tu te sois éloignée à plus d’un kilomètre de la Pierre Angulaire ?

— Elle n’est pas allumée. Évidemment. J’ai retiré la batterie. Je ne voulais pas qu’on puisse me suivre, parce que connaissant mes amies, une fois qu’elles auraient impliqué leurs compagnons, ils se seraient lancés sur mes traces. M’auraient arrêtée.

— Qui sont ces compagnons dont tu parles ?

— Des Chasseurs de la Pierre Angulaire.

— Ils auraient dû t’arrêter. Je parlerai de cet échec avec eux.

Je fronçai les sourcils, les lèvres pincées. Il aurait dû me remercier, pas m’énerver, mais je lui laissais le bénéfice du doute pour l’instant. Il devait délirer. Et comme nous nous trouvions dans une grotte... pas étonnant qu’il se prenne pour un homme des cavernes.

— Eh bien, je suis là. Avec une unité de communication. Et ça.

— Bon sang ! Un pistolet à ions ? s’écria-t-il en m’arrachant l’arme des mains et en vérifiant quelque chose, sûrement que la sécurité était enclenchée. Tu aurais pu te tirer dessus.

Je poussai un soupir.

— Tu n’es pas accouplé à une idiote. Je sais me servir d’un flingue. Je sais tirer. Je connais les mesures de sécurité à respecter pour ne pas me blesser. Si tu n’avais pas encore remarqué, je t’ai pisté. Je ne suis pas une citadine, Gage.

Il plissa les yeux, mais garda le silence.

— Personne d’autre ne t’a trouvé, si ? ajoutai-je.

Il expira et me regarda presque à contrecœur, réalisant que j’avais raison. J’étais là, à lui sauver les miches. Il replaça le pistolet dans son holster et se leva lentement, avant de pointer l’arme vers le mur au-dessus de nos têtes, là où la chaîne était fixée, non loin de la cage.

— Place-toi derrière moi.

J’obéis, mais son bras me poussa quasiment encore plus loin.

Le tir résonna sur les parois de la grotte, tout comme le cliquètement de la chaîne lorsqu’elle heurta le sol. Je regardai autour du corps de Gage et constatai qu’il n’était plus attaché à la caverne.

— Encore, dit-il en visant son poignet, trois anneaux au-dessus de sa menotte. Je voulais d’abord faire un test. Voir ce qui se passerait. J’aimerais éviter de me faire exploser la main.

Il tira une nouvelle fois, et une grande longueur de chaîne tomba au sol comme un serpent mort. L’autre était toujours fixée à la menotte de son autre poignet, et je réalisai qu’on l’avait attaché à une sorte de poulie. Il prit le pistolet dans son autre main et tira une troisième fois. Je poussai un soupir de soulagement quand la chaîne tout entière cliqueta contre la paroi de la grotte comme si elle était morte. En tout cas, j’aimais voir les choses ainsi. Il avait toujours une menotte autour de chaque poignet, mais il était libre de ses mouvements. Un problème à la fois.

Gage se tourna vers moi et me souleva le menton.

— Tirons-nous d’ici.

Il enfila sa veste, profitant du peu de chaleur qu’il pouvait trouver. Il se dirigea vers l’entrée de la grotte, et je le suivis. Lentement. En réfléchissant à voix haute.

— On ne peut pas regagner la Pierre Angulaire à pied. C’est trop loin. On n’aura pas assez d’eau ou de nourriture. Je pourrais cueillir des fruits et chasser s’il le faut, mais tu es affaibli. Blessé. On n’a pas le temps.

— Toi aussi, tu es blessée.

Il regarda ma cheville, comme s’il arrivait à voir qu’elle était gonflée à l’intérieur de ma botte. À la lumière du jour, je voyais son teint olivâtre sous tout ce sang, ses lèvres légèrement plus foncées et pulpeuses, le jeu d’ombres sur son torse et son dos très musclés. Nom de Dieu. Quel beau gosse. J’étais gâtée. Sa grosse voix rauque me donnait des frissons, et pas de froid.

— Tu as apporté une baguette ReGen ?

Je fronçai les sourcils. Une quoi ?

— Je ne sais pas ce que c’est.

Il poussa un soupir, puis me sourit pour la première fois.

— Ce n’est pas grave. Tu as fait du bon travail. Merci.

Je lui rendis son sourire.

— Maintenant que je t’ai trouvé, on peut appeler les hommes des cavernes à la rescousse.

— Les hommes des cavernes ?

— Les compagnons de mes deux amies terriennes.

Je lui repris l’unité de communication des mains et fouillai dans mon sac à la recherche d’outils ‒ un couteau que j’avais volé dans la cuisine, et la batterie (si c’était bien le nom de ce drôle de morceau de métal que je plaçais dans l’unité pour la faire fonctionner.)

— Tes amies sont accouplées à des Chasseurs qui vivent dans des cavernes ? Je n’ai jamais entendu parler de tels Chasseurs. Pas même dans les vieilles légendes.

Il secoua lentement la tête et prit une nouvelle bouchée de barre protéinée.

— Je ne pense pas que nous devrions faire appel à d’étranges Chasseurs primitifs. Quelqu’un veut ma mort. Si tu ne m’avais pas trouvé, ils auraient réussi.

— Qui ?

Il haussa ses larges épaules.

— Je n’en ai aucune idée.

Il regarda le ciel et ferma les yeux. Inspira profondément. C’était comme s’il s’était attendu à ne plus jamais revoir le ciel ou sentir l’air frais sur sa peau.

— On ne peut faire confiance à personne, ajouta-t-il.

— Pas même à tes amis ? À ta famille ? Tu en as une ?

Il me caressa la joue du bout du doigt.

— Je suis membre des Sept. Sur Everis, j’ai un rang très élevé. Je suis connu sur toute la planète. Ma famille possède ce siège depuis des millénaires, et nous nous le transmettons de génération en génération. Mais je suis également le dernier de ma lignée. J’ai beaucoup d’ennemis, Danielle. Il y a beaucoup de suspects potentiels. Je n’ai pas envie d’impliquer la compagne de mon père ou ma sœur. Quant aux amis ? Je n’en ai pas, seulement des gens qui tentent de profiter de moi.

— C’est horrible.

— Ça a toujours été comme ça, dit-il avec un grognement.

Il n’ajouta rien. Sa résignation me peinait. Sa vie n’avait pas l’air drôle.

— Eh bien, moi, j’ai des amies. On va appeler Katie et Lexi. Elles viennent de la Terre, comme moi. Elles ne sont sur Everis que depuis peu de temps, comme moi, et je peux te promettre qu’elles ne complotent pas pour te tuer. Elles ne savent même pas où tu te trouves. D’ailleurs, quand on s’est portées volontaires, on ne savait pas qu’on serait envoyées sur Everis. Tu peux leur faire confiance.

— Je ne les connais pas.

— Tu me fais confiance ? lui demandai-je en levant les yeux vers lui.

Il se redressa, comme si je l’avais insulté. Il bomba le torse.

— Tu es ma Compagne Marquée. Je te fais confiance les yeux fermés. Tu es la seule.

Je lui posai une main sur le bras. Mécontente que nos peaux soient séparées par des vêtements froids et rêches, je fis glisser ma paume jusqu’à ce que nos mains, nos marques, se touchent.

— Alors, fais-moi confiance là-dessus. Katie et Lexi nous aideront. Leurs compagnons ‒ des Chasseurs d’Élite ‒ nous aideront.

— Je ne sais pas. Le fait qu’ils vivent dans des cavernes ne m’inspire pas confiance. Comment font-ils pour prendre soin de leurs compagnes comme il se doit ?

J’éclatai de rire. Je ne pus pas m’en empêcher. Visiblement, les références terriennes aux hommes des cavernes n’étaient pas bien transposées par l’unité langagière de la Gardienne Égara.

— Ils ne vivent pas vraiment dans des cavernes. Sur Terre, c’est comme ça qu’on appelle les hommes trop protecteurs, dominants et autoritaires.

— Qui ça, on ?

— Les femmes.

Cela le fit sourire, et je sus que je voudrais le voir amusé beaucoup plus souvent à l’avenir.

— Alors ils doivent être d’excellents compagnons, car c’est exactement comme ça que je compte me comporter avec toi. Trop protecteur, autoritaire et certainement dominant.

Je battis des cils dans sa direction et je souris pour la première fois depuis une éternité.

— Tu sais ce qui est arrivé aux hommes des cavernes, sur Terre ?

Il me serra contre lui, nos corps pressés l’un contre l’autre dans une étreinte chaleureuse qui était bien plus qu’un premier contact. J’avais l’impression d’avoir trouvé mon foyer. Quand il pencha la tête et que ses lèvres s’attardèrent dans ma masse de cheveux emmêlés, juste au-dessus de mon oreille, je le sentis sourire.

— Ils ont gardé leurs compagnes en sécurité et très, très nues pour qu’elles ne passent pas une seule journée sans faire l’expérience d’un plaisir passionné et charnel aux mains de leurs maîtres ?

— Non.

Bon sang, est-ce que mon sexe était mouillé et douloureux ? Maintenant ? Dans ce trou à rats, alors que mon compagnon était blessé et plein de sang, couvert de plusieurs jours de sueur et de saletés ? Beurk.

Il me grogna à l’oreille et me serra davantage, jusqu’à ce que je sente son membre long et dur.

— C’est ce qui va t’arriver, Danielle, une fois qu’on aura échappé à cet endroit et que tu seras guérie. Je te revendiquerai selon l’ordre sacré des trois. J’apprendrai tous les secrets que ton corps tentera de me cacher. Je te pousserai à me supplier de te faire jouir et à crier mon nom. Je t’embrasserai de la tête aux pieds, compagne. Je te conquerrai. Te ferai mienne.

Beau parleur.

— Dès que je serai guérie ? Tu es dans un état lamentable. Moi, je vais bien.

— Non. Pas du tout. Et dès que nous aurons une baguette ReGen sous la main, tu seras soignée.

— Et toi ? demandai-je en reculant pour lever les yeux ‒ très haut ‒ vers les siens.

— Mes blessures ne sont rien comparées aux tiennes. Tu seras soignée en premier.

Il était sérieux ? Il tenait à peine debout. Il était en sang, à cause de blessures innombrables. Il était glacé. Affamé. Et c’était pour ma cheville qu’il s’inquiétait ?

— Ma blessure à la cheville date d’il y a plusieurs mois, sur Terre. Ce n’est rien. Elle me fait juste un peu mal parce que j’ai beaucoup marché.

— Tu seras soignée en priorité. Ce n’est pas négociable, Danielle. Si tu refuses, je te fesserai pour te punir de ta désobéissance, comme je devrais d’ailleurs le faire maintenant, puisque tu m’as défié.

— Je t’ai sauvé la vie.

Son regard passa de l’intensité à la sensualité en un instant.

— Et tu as risqué la tienne.

— Tu pourrais essayer de te montrer reconnaissant.

— Je suis content que par un miracle des dieux, tu m’aies trouvé et que tu aies survécu. Tu ne referas plus jamais rien d’aussi imprudent.

— Merde. Et moi qui croyais que Von et Bryn étaient autoritaires.

— Le Commandant Von ? Le Chasseur d’Élite ?

Son ton changea une fois de plus, passant de l’arrogance et l’autorité agaçantes à la curiosité. J’avais du mal à suivre, avec tous ces changements d’humeur. J’avais l’impression d’être un chat en train de courir après le faisceau d’un rayon laser. Saute ici. Non, là. Non...

— Oui. Von et Bryn sont des Chasseurs d’Élite. Ils sont accouplés à mes amies, Katie et Lexi. Je te l’ai déjà dit. C’est eux que nous devrions appeler. Je leur fais confiance.

Son visage se détendit et devint presque calme, même si je sentais la tension dans son corps alors qu’il restait attentif au monde environnant, observant, écoutant. Mais je faisais la même chose. Et je n’étais pas à moitié morte. Nous étions bel et bien seuls ici.

— Tu les connais ? demandai-je.

— J’ai entendu parler de Von lors de réunions du Conseil. Il y a peu de temps, nous avons confié une mission délicate à Bryn.

— Oui, sur Rogue 5. C’était un vrai bordel, dis-je en le regardant, les sourcils froncés.

Mais ma désapprobation n’était rien comparée à sa réaction.

— C’est une information top secrète, Danielle. Une affaire politique très sensible. Comment connais-tu ces détails ?

Je levai les yeux au ciel.

— Katie est la compagne de Bryn, tu te rappelles ? Et elle est l’une de mes seules amies là-bas. Elle a failli se faire revendiquer par ce type, Styx. Ça n’aurait pas été une bonne chose.

— Nos opérations sur Rogue 5 sont hautement sécurisées. Le fait qu’il y ait eu une brèche dans le protocole est inquiétant. Il a emmené sa compagne avec lui ? Bryn sera tenu pour responsable.

— Et moi qui croyais que Von était un dur à cuire, marmonnai-je.

Il était sérieux ? Il était à moitié mort, et il se préoccupait du protocole ?

— Je croyais que tu avais dit que Von était un homme des cavernes.

— Oui, enfin, il est du genre impitoyable quand il fait appliquer les règles, ce qui fait de lui un dur à cuire et un homme des cavernes.

Je reculai d’un pas, mais ma cheville céda. J’agitai les bras pour garder l’équilibre, mais Gage réagit plus vite. Avant même de pouvoir prendre une inspiration, je me retrouvai dans ses bras, à être portée comme un enfant.

— Repose-moi.

— Tu es blessée. Il est hors de question que tu marches avant d’être guérie.

— Tu es ridicule. Repose-moi. J’ai parcouru des kilomètres et des kilomètres pour arriver là, Votre Majesté. Je peux me débrouiller toute seule.

— Non. Et je ne suis pas une majesté. Je suis un prince. Un descendant des Sept originels.

Je poussai un soupir et rendis les armes, la tête appuyée conte son épaule, absorbant le plus de chaleur possible.

— Comme tu voudras, homme des cavernes.

— Facile à cuire.

Je restai interdite.

— Comment tu viens de m’appeler ?

— Tu ne respectes pas les règles, contrairement à Von. Alors tu dois être une facile à cuire.

Sa main se posa sur mes fesses et entama un massage qui me fit très vite perdre toute combativité. Seigneur, s’il me déshabillait un jour, j’allais avoir des ennuis. Je ferai tout ce qu’il voudrait, où il voudrait.

— Oui, tu es facile à soulever dans tous les sens.

— Cette expression n’existe pas.

— Maintenant, si.

Il continua son massage, et je ne tentai même pas de retenir un soupir satisfait. Il était en sécurité, n’était pas mourant ‒ pas pour le moment, en tout cas ‒, et ma cheville me faisait effectivement un mal de chien. Mais mon émotion principale, celle qui faisait que j’avais baissé les armes, c’était le soulagement. Nous étions ensemble, à présent. Tout le reste s’arrangerait. Forcément.

— Sers-toi de cette unité de communication pour appeler Von et nous faire sortir d’ici, s’il te plaît, lui dis-je.

— Ces Chasseurs sont loin ?

Je parvins à hausser les épaules.

— Je ne sais pas. Ils sont sur la Pierre Angulaire. Mais ils ont été très occupés par cette histoire de « trois virginités » depuis qu’ils ont trouvé leurs compagnes. Ils les ont revendiquées, mais ils ne s’arrêtent pas pour autant. Ils ne seront peut-être pas disponibles... tout de suite.

Je sentis le rouge me monter aux jours alors que je tentais de lui expliquer l’évidence. Il avait dû percevoir quelque chose dans ma voix, car son regard était braqué sur mon visage, et ses yeux étaient pleins d’avidité. De fascination.

De possessivité.

J’avais vu cette expression sur le visage des autres Chasseurs quand ils avaient trouvé leurs compagnes. Et j’avais beau avoir l’impression d’être une amoureuse éperdue, romantique et un peu idiote, la voir sur le visage de Gage fit battre mon cœur à cent à l’heure et me fit oublier tout le reste tant je le désirais. J’avais envie qu’il me regarde comme ça quand il serait en mesure de passer à l’action.

Il réfléchit à ce que j’avais dit. J’étais patiente, lui laissais du temps. Je ne lui en voulais pas. Des gens voulaient sa mort. Vu son boulot, la liste devait être longue. Trop longue. Il ne voulait pas finir dans une grotte à nouveau.

— Bon, d’accord. On va appeler tes amis. Leur demander de nous aider dès qu’ils arriveront à se décoller de leurs compagnes.

Il n’y aurait pas de décollage à faire. Lexi et surtout Katie n’étaient pas du genre à jouer les femmes au foyer, mais je ne dis rien. Il apprendrait la vérité lorsqu’ils arriveraient. S’ils venaient nous chercher.

Il le fallait.

Je me servis de l’unité de communication pour appeler Katie. Je ne fus pas surprise lorsque Bryn répondit quelques secondes plus tard, en exigeant de savoir où je me trouvais. Je ne leur parlai pas de Gage. Lorsque Bryn m’assura qu’ils étaient en chemin, je raccrochai.

— Je pense qu’il est plus sûr de ne pas dévoiler ton nom par le système de communication avant qu’ils arrivent.

Il hocha la tête, son regard chaleureux alors qu’il m’observait.

— Tu es une femme intéressante, Danielle. Je ferai confiance à tes amis, mais pour l’instant, n’avertis personne d’autre.

Il leva les yeux pour regarder l’horizon, et je vis le Chasseur en lui pour la première fois. Dur. Froid. Impitoyable.

— La cérémonie de l’ascension se tient dans quelques jours. Jusque-là, nous devrons nous montrer prudents.

— Et ensuite ?

— Ensuite, je passerai cette planète au peigne fin, accompagné de Chasseurs loyaux, jusqu’à ce que le traître subisse le sort qu’il mérite.

Sa Princesse Vierge

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