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PRÉFACE.

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Hélas! ce n’est plus l’usage

Des poètes de nos jours

De parler de leur visage

Et d’en peindre les contours.

A quoi bon prendre la peine

De parler de nos cheveux,

Dans cette espérance vaine

De le dire à nos neveux?

Dans nos gloires éphémères,

La plus folle, en vérité.

Et la Reine des chimères,

C’est bien la Postérité.

Ah! si notre dynastie

N’avait pas le front si haut,

On prendrait la modestie

Pour notre moindre défaut;

Mais grands, petits ou difformes,

Si nos auteurs d’aujourd’hui

Laissent nos grâces énormes

Captives dans leur étui,

Chacun dans son coin s’arrange,

A ses heures de loisir,

Une façon d’ame étrange

Qu’il se modèle à plaisir;

A sa manière il l’habille,

Le plus souvent d’habits noirs,

Et de ses maux il babille

Des matins jusques aux soirs:

C’est quelque grande blessure

Qu’il aura reçue au cœur,

Et qui saigne outre mesure

Sous un teint frais et moqueur.

Du mendiant au Poète,

Toujours le même couplet,

Toujours la même requête:

–La charité, s’il vous plaît?–

Ils ont le même artifice.

Et, pour se moquer de nous,

Le mal est souvent factice

Aux ames comme aux genoux.

Nous comblons de dons injustes

Un tas d’ingambes perclus,

Et les cœurs les plus robustes

Sont ceux qui pleurent le plus.

Jadis on n’affichait guères

Ces erreurs de sentiment,

Et quand on pleurait nagueres.

C’est que l’on souffrait vraiment.

Les plus grandes tricheries

Des Poètes, nos aïeux,

Etaient, dans leurs rêveries,

De se faire les doux yeux.

Avec Philis ou Charlotte

A peine un plus langoureux

Dans un sonnet se dorlotte

Et se feint d’être amoureux;

Mais, pour plaire à sa conquête,

Chacun d’eux, complaisamment.

Lui peint des pieds à la tête

Son respectueux amant.

Le Pays le fit en prose,

Saint-Pavin le fit en vers,

L’un avait la lèvre rose,

L’autre, le dos de travers.

A leur exemple que j’aime,

Je veux faire mon portrait,

Et le dessiner moi-même,

Ligne à ligne, et trait pour trait.

Je suis Normand d’origine,

Mais je n’ai de mes aïeux

Gardé que la bonne mine,

Et j’ai pris ailleurs mes yeux.

Nos Rollons et nos Guillaumes,

Qui, dans un âge plus pur,

Usurpèrent des royaumes,

Avaient tous des yeux d’azur.

Deux prunelles assez brunes,

Sous un double sourcil noir,

Sont, aux heures opportunes,

Hôtesses de mon miroir.

J’ajouterais quelque chose

Sur leur fier ou doux éclat,

Mais, en vérité, je n’ose,

Je passerais pour un fat.

Mensonge, hélas! éphémère!

Ce que j’en sais, il faudrait

Le demander à ma mère,

Et ma mère mentirait.

Chaque amour pour sa conquête

Est aveugle et triomphant.

Et toute mère est Poète

Pour embellir son enfant.

Un barbare et vieil usage

Semble exiger que les nez

Soient au milieu du visage

Dans les minois bien tournés;

Mais les nez, surtout en France.

S’en vont de tous les côtés,

–La France est par excellence

Le pays des libertés.–

Le mien, pour suivre l’exemple,

A droite s’en est allé,

Mais, lorsque je me contemple,

J’en suis presque consolé,

Car il se recroqueville.

Comme un bec de fauconneau.

Mon nez est de la famille

Du nez de feu Cyrano.

Et j’aurais fait ma fortune

Sans courir aucuns hasards,

Dans ce pays de la lune

Où l’on bernait les camards.

De ma bouche assez petite

Je ne dirai que deux mots:

C’est qu’elle s’ouvre trop vite

Et ne se ferme à propos.

D’un menton comme le nôtre.

Gloser serait hasardeux:

Ils y perdraient l’un ou l’autre,

Car, bien comptés, j’en ai deux.

La tête ainsi façonnée,

Qu’à loisir je vous dépeins,

Est en outre couronnée

De cheveux blonds et châtains.

Malgré sa brûlure adroite.

Le fer ne leur fit jamais

Déserter la ligne droite

Pour la courbe que j’aimais.

Pour sa chétive nature,

Vous savez qu’Agésilas

Faillit servir de pâture

Aux poissons de l’Eurotas:

Sparte, la ville de guerre,

Aux Héros brutaux et nus,

Dans son sein ne souffrait guère

Ni l’esprit ni les bossus;

Si la coutume malsaine.

Au lieu des estropiés,

Dévouait à l’eau de Seine

Tous ceux qui n’ont pas cinq pieds,

Sans qu’on entendit ma cause,

J’eusse été mâché menu,

Et, sans la Métempsychose,

Serais poisson devenu.

Splendide eût été l’aubaine.

Un requin se fût repu

De toute la chair humaine

De mon corps de nain trapu,

Car, dans ma large attitude,

Aisément l’on reprendrait

Les degrés de latitude

Qu’en longitude on perdrait.

Mais de ma lourde machine.

Nature, oignant les ressorts,

Me fit une souple échine

Et des jarrets assez forts.

Cabrioles et culbutes

Etaient mes jeux favoris.

Et j’aimais toutes les luttes,

Jusqu’à celle des esprits.

Des jeux de force et d’adresse

J’étais zélé partisan,

Et j’avais toute souplesse.

Hors celle du courtisan;

Car je blâme un auteur fade:

Sans souci d’être galant,

Je suis fier, souvent maussade.

Aucuns disent insolent.

J’étais, en l’adolescence.

Leste, fringant et dispos;

Mais de cette effervescence,

Pour la garde de mes os.

Les ans, tombant goutte à goutte,

Ont déjà pris le plus beau:

Demain ce sera la goutte,

Après-demain le tombeau.

De ma nature plaisante

Voici, sauf quelque défaut.

La peinture complaisante,

Depuis le bas jusqu’en haut.

Si quelque personne austère.

Sur l’écorce jugeant mal.

S’informait du caractère

Du présent original:

Le Normand eut en partage,

Comme de plus ébahis,

Une ame faite à l’image

Du ciel vert de son pays.

Le matin, ce sont nuées

Au flanc noir, au brun contour,

Par tous les vents remuées;

A midi c’est un beau jour.

Puis, le soir, ce sont encore

D’autres nuages venus

Qui sont partis, dès l’aurore.

Vers des pays inconnus.

La chaleur est excessive

Tant que dure le soleil,

Mais quand le nuage arrive,

Il fait un froid sans pareil.

Dans les jours les plus splendides,

Vers le soleil nous voyons

Flotter des vapeurs timides

Qui nous voilent ses rayons;

Mais dans le jour le plus sombre,

Toujours, de quelque façon,

Un rayon d’or perce l’ombre

Et sourit sur le buisson.

Ainsi, folle ou nuageuse,

Du chaud au froid va l’humeur

Dans la tête voyageuse

Et légère du rimeur.

Suivant le soleil et l’heure,

Sombre ou calme est son esprit;

C’est tantôt Jeannot qui pleure,

Et tantôt Jeannot qui rit.

Par moments, un doux sourire

Luit sur ses plus tristes jours,

Et, lorsque Jeannot veut rire,

Jeannot éclate toujours;

Mais à l’heure la plus gaie.

Sous le rire le plus franc.

Dans sa tête fatiguée

Erre le nuage blanc.

Triste espèce que l’humaine.

Ainsi réduite au désir,

Qui ne sait prendre sa peine

Et qui prend mal son plaisir!

Faut-il, pour te satisfaire,

Encor quelque autre détail.

Lecteur courtois, et te faire,

En un étrange travail.

La confidence hypocrite

Des travers de mon esprit

Et l’aveu de mon mérite

Orgueilleusement écrit?

Pour faire un pareil ouvrage.

Je te le dis franchement,

Il me manque le courage

Ainsi que le jugement.

Dans une aussi grave affaire

Ne t’en rapporte qu’à toi,

Pour me louer ou te taire,

Mon ami lecteur, lis-moi.

Septembre1845.

Poésies fugitives

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