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CHAPITRE I.
Des Couvertures faites avec du Chaume ou avec du Roseau.

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Table des matières

POUR faire une couverture solide avec du chaume, on recommande aux Moissonneurs de couper les froments assez haut pour qu’il reste une plus grande longueur de paille sur terre: c’est la partie du pied de cette paille qui est la plus forte,&qu’on appelle le chaume A (Pl. I. fig. 1.); c’est celle qui a te plus de consistance,&qui fait une bien plus solide couverture que ne pourroit faire la paille ordinaire. Dans les années où les fourrages sont forts&très-élevés, les chaumes donnent une meilleure couverture que lorsqu’ils font bas&menus.

On emploie de préférence, le chaume de seigle pour couvrir les glacieres, parce qu’il est important que ces couvertures ne puissent donner aucun passage à l’air; au défaut de chaume de seigle, la paille la plus menue est la plus propre à employer pour cet usage.

Les Paysans qui font chargés de ramasser le chaume, se servent quelquefois pour cela d’un Fauchon, qui est un instrument composé d’une courte lame de faux d’environ un pied de longueur, emmanchée d’un bois de12à14 pouces de long. Pour faire ce travail, ils se mettent un genou en terre, s’ils ne veulent pas se tenir le corps très-courbé. Ils saisissent le chaume avec la main gauche,&de la droite ils coupent cette poignée avec le fauchon: s’il arrive que le chaume ait été foulé, ou qu’il soit mouillé, ils se servent alors, pour le ramasser, d’un rateau à dents de fer, qu’on appelle Fauchet.

Dans quelques endroits, on coupe le chaume B, avec une petite faux, qu’on nomme Chaumette, dont la lame n’a que15à18pouces de longueur (fig. 19), &qui est emmanchée de façon que la lame, quand le manche est tenu verticalement, repose presque à plat sur le terrein. La figure I de la Planche I. fait voir, en B, un homme occupé à faucher le chaume au ras de terre; pour cela, il le rapproche avec fa faux contre le sabot de son pied gauche, qu’il doit toujours porter en avant,&il retient avec la lame de cette faux le chaume qu’il vient de couper, en l’appuyant contre son sabot; ensuite il avance un petit pas,&donne un second coup de faux: il rapproche ainsi de son sabot une autre poignée de chaume, qui se joint à celle qu’il avoit ramassée en premier lieu;&en répétant cinq ou six fois cette même manœuvre, il parvient à former une petite brassée de chaume, qui se trouve ramassée entre la faux&son sabot: il pose cette brassée à côté de lui, puis en recommençant de la même façon, il travaille à en former une autre, qu’il pose auprès de la premiere: il en réunit ainsi jusqu’à cinq C (fig. 1), ce qui est commode pour pouvoir les compter; car ce travail, ainsi que l’emploi du chaume pour la couverture d’un toit, se paye au millier de poignées semblables à celles que nous venons de décrire. On transporte ensuite le chaume auprès du lieu où l’on doit l’employer en couverture; là on l’amoncele en gros tas formés, comme on le voit en D (fig. I).

Comme le chaume fait une couverture légere, il est par conséquent inutile de donner beaucoup de force à la charpente du toit; mais il faut aussi que le toit ne soit ni trop plat, ni trop roide: s’il étoit trop plat, l’eau y couleroit trop lentement,&pourroit pénétrer plus aisément dans le chaume, ce qui le pourriroit en peu de temps; si au contraire le toit étoit trop roide, plusieurs parties du chaume s’échapperoient peu à peu,&on appercevroit bientôt l’eau des pluies pénétrer dans le bâtiment. On observe ordinairement de donner au toit une pente de45degrés: cela regarde le Charpentier qui chevale&brandit les chevrons sur le faîte E (fig. 6), ainsi que fur les pannes F,&qui les fait déborder de18pouces la face extérieure du mur, afin que le Couvreur en chaume puisse former l’égout pendant G.

On pose ordinairement les chevrons à deux pieds de distance les uns des autres, à compter du milieu d’un chevron au milieu d’un autre, parce qu’il suffit qu’il y ait trois chevrons fous chaque latte.

Le Couvreur commence par latter le toit; il cloue les cours de lattes H, à six ou sept pouces de distance sur les chevrons. Dans les endroits où le bois est rare, par exemple, en Picardie, en Beauce,&c. on n’emploie point de lattes clouées; on y substitue de menues perches de6ou7pieds de longueur, qu’on attache avec des harts sur des chevrons de brin, qui ordinairement ne sont pas équarris,&qui font arrêtés avec des chevilles de bois for la panne&sur le faîtage; on les chevauche même inégalement for les pannes, &on n’observe point de les poser au bout les unes des autres. Cette partie de charpente grossiere s’exécute par les mêmes Ouvriers, qui entreprennent la couverture de chaume.

La Charpente étant établie, le Couvreur javelle le chaume I (fig. 5): il se sert pour cela d’une faucille qu’il tient de la main droite; il prend au meulon D, une petite brassée de chaume, qu’il secoue à terre pour faire tomber peu à peu les brins,&les égaler; il donne toutes ces secousses dans un même sens,&arrange les brins de chaume à peu-près parallélement les uns aux autres: s’il arrive qu’il laisse tomber quelque poignée un peu grosse, qui ne s’arrange pas bien, il la reprend&la divise avec la pointe de fa faucille, pour en mieux arranger les brins; ensuite il reprend au tas de nouveau chaume; il l’arrange de la même façon;&quand il a formé devant lui un tas d’environ3ou4pieds de longueur sur un pied d’épaisseur,&deux pieds de largeur, il fourre ses sabots fous la longueur du petit tas,&prend par petites parties le chaume qu’il vient d’arranger; il les appuie avec ses mains sur le devant de ses jambes K (fig. 2); il les peigne grossiérement avec ses doigts; il en presse les brins les uns contre les autres; il arrache avec ses mains les pailles qui débordent,&qui ne font pas bien engagées avec le reste; il frappe du plat de la main fur la portion qu’il a arrangée,&il forme ainsi ce qu’on nomme une javelle de chaume, c’est-à-dire, un petit tas dont les brins sont fort rapprochés les uns des autres,&qui forment un tout d’une consistance suffisante; ensuite il leve cette javelle,&il la pose dans un lieu propre, sur un lien de paille: après quoi, il forme une seconde javelle, comme il a fait la premiere;&il lie ces deux javelles ensemble avec le même lien de paille L (fig. 3), afin de pouvoir les monter commodément for le toit: quand l’Ouvrier a formé deux, trois, ou quatre cents bottes de javelles M (fig. 4), il commence la couverture du toit en s’y prenant de la maniere que je vais l’expliquer. J’observe ici qu’il n’est pas possible de bien javeler du chaume sec, parce qu’il est trop roide,&qu’il se rompt au lieu de s’arranger; on ne peut pas non plus faire une bonne couverture avec des javelles trop seches, ce qui oblige de les mouiller auparavant, fans quoi cette paille se romproit; ainsi quand il fait du hâle, il faut arroser le chaume avant de le javeler,&il faut encore mouiller les javelles avant de les mettre en place: cette opération augmente un peu les frais de l’ouvrage.

Le Couvreur commence par former l’égout du toit;&pour y parvenir, il choisit le chaume, de meilleure qualité,&en forme des javelles d’environ4pieds de longueur; il lie une de ces grandes javelles au quart de sa longueur, par un enlacement d’osier long a, b (fig. 7); il en appointit le gros bout b,&il tortille le bout menu a,&y fait une boucle; il pique cet osier dans la javelle de a en b (fig. 8); il en entoure la portion a, b; il passe ensuite l’osier dans la boucle b, après quoi il serre fortement la premiere portion a b de la javelle; puis il pique l’osier en c; il le pique encore par le dessous en d; enfin en le faisant revenir par le bord e, il ferre fortement la portion e d, comme il l’a pratiqué à l’autre bord de la javelle a b: en faisant de même à l’autre bout de la javelle, elle se trouve liée aux deux bouts, comme on le voit en f g&h k; alors, avec une faucille bien tranchante, il la coupe en deux, suivant la ligne ponctuée i; ce qui lui donne deux javelles ou coussinets d’égout (fig. 9), qui se trouvent enlacés d’osier par le milieu de leur longueur.

Quand les bâtiments font bas, un Manœuvre peut tendre avec une fourche les gerbes de chaume au Couvreur qui est monté fur le toit; cette fourche (fig. 15) est de fer,&semblable à celles dont on se sert lors de la moisson pour charger les gerbes sur les voitures; mais quand les bâtiments font trop élevés, le Manœuvre (fig. 10) est obligé de charger les javelles sur fa tête,&de les monter sur le toit à l’aide d’une échelle N

Le Couvreur fait l’égout en arrangeant les coussinets bien ferrés les uns auprès des autres, de forte même qu’ils se recouvrent un peu les uns les autres par le côté: on voit un rang de coussinets arrangés de cette façon en op (fig. 6); &afin que l’égout se soutienne mieux,&même qu’il soit un peu retroussé, on met fur la partie pendante des chevrons, en place de lattes, un cours de perches un peu grosses, fur lesquelles les bouts des coussinets puissent s’appuyer.

Quand l’égout a été garni de coussinets dans toute la longueur du bâtiment, le Couvreur forme fur le pignon la bordure P P (fig. 6), avec des javelles garnies de leur lien de paille, ou, ce qui est encore mieux, liées avec des harts; car comme cette bordure est plus exposée que le reste de la couverture à être emportée par le vent, le lien de paille ou la hart la mettent plus en état de résister;&c’est par la même raison que l’on a grand foin de lier avec des osiers toutes les javelles des rives ou des bordures, soit aux chevrons, soit à la latte; outre cela, on les traverse encore avec des chevilles de bois, qu’on fait entrer à coups de maillet dans le garni de la muraille; on en voit deux ponctuées en Q (fig.) Enfin, comme il est de la plus grande importance de fortifier cette partie contre l’effort du vent, il y en a qui mettent par dessus le chaume, quand la couverture est finie, deux chevrons R R, chevalés à leur tête,&liés par le bas à ceux de la charpente: cette précaution est très-bonne.

On se rappellera que le Couvreur a formé l’égout avec des demi-javelles, qui font l’office de coussinets pour relever l’égout: on voit ces coussinets en place sur le toit en O P (fig. 6);&on apperçoit leur situation en a (fig. II), avec le lien d’osier b, qui les tient attachés aux chevrons. On recouvre ces coussinets d’un rang de javelles c d (fig. 11), dont l’extrémité excede les coussinets,&on lie avec de l’osier b, ces javelles c d aux chevrons ou à la latte.

Il faut maintenant faire attention que les javelles font plus épaisses au milieu que vers les bouts, comme on le voit dans la figure12, qui représente une javelle de toute sa longueur,&vue par son épaisseur: or la partie la plus épaisse a b, doit répondre à la queue mince du coussinet; la partie mince c d de la javelle couvre entiérement le coussinet,&même le déborde un peu; &la partie e f s’appuie fur la latte en c (fig. 11); ainsi d (fig. LI) forme le pureau de cette javelle: on a encore attention que les javelles se recouvrent toutes les unes les autres par les côtés.

Ce premier lit de javelles c d étant bien arrangé&fermement attaché fur les chevrons, on place le second rang e f (fig. 11), de façon que la partie mince cd de la javelle (fig. 12) forme le pureau f,&qu’elle recouvre plus de la moitié de la longueur de la premiere javelle c d: ainsi la partie la plus épaisse de la seconde javelle qui est représentée par ab (fig. 12), répond à la partie mince des premières javelles c d (fig. II). On lie les javelles du second rang sur les chevrons b (fig. 11); on les met un peu en recouvrement par les côtés sur les javelles qu’elles touchent: le Couvreur S (fig. 6) les presse fortement avec son genou&ses mains;&en continuant ainsi de rang en rang, il arrive, qu’au faîte, les deux rangs de javelles des deux côtés du toit recouvrent un peu la piece de charpente qui forme le faîte, mais non pas assez pour empêcher l’eau d’y pénétrer; c’est pourquoi on met dans toute la longueur du faîte de grandes&fortes javelles faîtieres i k (fig. 11), dont la longueur croise le faîte à angle droit: la partie épaisse de la javelle faîtiere i k, repose sur le faîte qu’elle croise;&les deux extrémités plus minces recouvrent d’un côté les javelles l,&de l’autre côté les javelles m (fig. 11); quoiqu’on lie ces javelles faîtieres au faîte même, le vent pourroit les emporter si l’on n’avoit pas la précaution de les charger avec de la terre n, un peu détrempée&battue avec la palette représentée par la figure13.

Le toit étant ainsi entiérement couvert de chaume, on le laisse en cet état environ deux ou trois mois sans le finir, afin de donner aux brins de chaume le temps de s’affaisser les uns fur les autres; au bout de ce temps, le Couvreur remonte fur la couverture pour en reconnoître l’état: s’il y trouve des endroits creux, qu’on nomme des gouttieres, comme cela ne manque gueres d’arriver, il fourre fa palette (fig. 13) dans la partie du chaume qui est la plus enfoncée,&en relevant le manche de cet outil, il forme un vuide dans lequel il introduit des javelles plus ou moins épaisses, selon que l’enfoncement est plus ou moins considérable; puis avec ses mains, il unit grossiérement la couverture, en retirant&jettant à bas le chaume superflu; ensuite il bat la couverture avec le plat du peigne, pour comprimer le chaume,& détacher les brins qui ne tiennent pas suffisamment: il finit ce travail en polissant son ouvrage avec les dents du peigne (fig. 14).

Il ne lui reste plus que l’égout à égaler, ce qu’il fait en tirant avec la main les brins de chaume qui débordent les coussinets;&file Couvreur s’apperçoit qu’il y ait quelque endroit qui ne soit pas assez garni de chaume, il y en remet de nouveau, en l’introduisant avec la palette (fig. 13). Cet instrument lui sert encore, en frappant de plat, à faire rentrer les brins de chaume qui ne débordent qu’un peu les coussinets: l’ouvrage étant ainsi ragréé, l’Ouvrier finit par mettre, avec une truelle, du mortier de terre entre la maçonnerie du pignon&le bord des javelles qui le recouvrent,&il forme en dedans les ravales avec de la maçonnerie.

On doit éviter, autant qu’il est possible, de faire des noues aux couvertures de chaume; mais quand la nécessité y oblige, il faut garnir avec de fortes javelles le fond de ces noues, en chargeant bien le noulet, afin que la noue, au lieu d’être creuse, forme un ados fort large, qui par ce moyen se lie assez bien avec les deux toits.

La même raison qui doit faire éviter les noues, doit engager à supprimer les lucarnes sur de pareils toits; il convient mieux de pratiquer une fenêtre dans le pignon, comme en T (fig. 6); mais si l’on étoit contraint d’en faire une dans la couverture, il faudroit du moins la tenir fort basse, chevaler les chevrons fur un petit faîte particulier,&les faire aboutir fur deux des chevrons de la grande charpente; alors, en garnissant de beaucoup de chaume les noues, ou formera fur cette lucarne un arrondissement en forme de dos de bahu. Si l’on veut élever davantage cette lucarne, il faut que les côtés soient de colombage,&la couvrir comme un toit ordinaire.

Pour faire un œil de bœuf dans les couvertures de chaume, on place entre les javelles la serche d’une seille fans fond, on met aux côtés deux coussinets liés à la latte,&on couvre le reste avec des javelles. Mais il est toujours mieux &plus solide de faire les toits de chaume pleins&sans aucune ouverture.

Ces fortes de couvertures font très-bonnes pour les maisons des Paysans; elles garantissent leurs logements de l’air chaud ou froid; ensorte qu’elles font fraîches en été,&chaudes en hiver: ces couvertures ont encore l’avantage d’épargner beaucoup fur la dépense de la charpente. Mais elles ne conviennent point dans les fermes, non-seulement parce qu’elles font exposées à être incendiées, mais encore parce qu’elles font sujettes à être endommagées par les pigeons&les volailles; de plus, elles fervent de réduit aux fouines, aux souris, aux rats, qui cherchent toujours les habitations où il y a du grain&des volailles. Quand les Paysans ramassent eux-mêmes le chaume, il ne leur en coûte que la moitié du prix ordinaire pour le faire employer par les Couvreurs; en conséquence, si lon paye à ceux-ci14livres par millier, il ne leur en coûte alors que7livres.

Réparations des Couvertures de Chaume.

EN SUPPOSANT qu’il n’arrive aucun accident étranger aux couvertures de chaume, elles doivent durer douze ou quinze ans fans avoir besoin de réparations considérables. Quelquefois un coup de vent emporte quelques javelles; en ce cas, on doit en substituer d’autres le plus promptement qu’il est: possible,&les lier aux chevrons, pour éviter qu’elles ne soient encore emportées. Lorsqu’après des pluies considérables accompagnées de vent, on s’apperçoit qu’il s’est formé des gouttieres sur les couvertures, il faut y piquer, avec la palette, de petites javelles de chaume; ces fortes d’accidents se réparent si aisément, que pour peu qu’un Paysan soit adroit, il peut exécuter lui-même ces petites réparations. Mais au bout de douze ou quinze ans, la superficie du chaume des couvertures est pourrie, on y voit croître de l’herbe&de la mousse: il faut alors, si l’on veut prévenir la perte totale de la couverture, y faire une grande réparation, qu’on nomme un manteau. Cette réparation consiste à mettre fur toute la superficie de la couverture une couche de chaume neuf; on commence par ôter tout le chaume pourri&réduit en terreau, jusqu’à ce qu’on ait découvert le chaume sain; ensuite en commençant par l’égout, on fourre avec la palette des javelles de chaume dans toute la longueur du bâtiment; puis en remontant toujours par des Orgnes horizontales, on garnit toute la couverture de javelles neuves, que l’on presse entre les anciennes, en les appuyant avec le genou,&en les frappant avec la palette ou le plat du peigne; après quoi on retire avec les mains tout le chaume superflu; on peigne le manteau, comme on fait aux couvertures neuves; on remet sur le faîte des javelles faîtieres neuves; on les charge de terre; on égalise l’égout;&on répare les rives ou bordures. Au moyen de cette réparation, ces couvertures durent encore douze ou quinze ans; les Paysans se contentent presque toujours de faire remettre des manteaux fur leurs bâtiments;&ils ne les recouvrent à neuf que quand la charpente a besoin d’une réparation considérable. En ce cas, ils font servir, pour la nouvelle couverture, une partie de l’ancien chaume qui se trouve ordinairement fort bon; mais avant d’en faire des javelles, ils les délient pour en secouer le chaume, qu’ils divisent le plus qu’ils peuvent. Les brins pourris, ainsi que ceux qui se trouvent brisés, tombent sous le bon, ils mêlent ce qu’il y a de meilleur de ce chaume ancien avec du chaume neuf,&javellent le tout comme nous l’avons déja expliqué.

De la Couverture des murs en Chaume.

UN DES meilleurs usages qu’on puisse faire du chaume, est d’en couvrir des murs des parcs, ceux des fermes,&généralement tous les murs qui n’exigent pas une grande propreté. Un pareille couverture, lorsqu’elle est bien faite, dure, fur un mur de clôture, vingt-cinq à trente ans; au lieu que les chaperons qu’on fait en pierre s’écroulent ou se délitent très-promptement, à moins que l’on n’ait l’attention de les asseoir sur un bon mortier de chaux&de fable, ou de ciment; mais cette dépense est considérable.

Pour faire ces sortes de couvertures, il faut que le sommet du mur soit bien régalé, afin que les javelles puissent s’y asseoir solidement; il est bon même pour cette raison, que les murs aient19à22pouces d’épaisseur dans le haut; car le chaume employé fur un mur qui a peu d’épaisseur, est sujet à tomber.

On javelle le chaume comme pour couvrir les maisons; un Ouvrier monte fur le mur,&son Manœuvre lui fournit les javelles avec une fourche: le Couvreur les délie,&il jette à bas le lien de paille; puis il prend une javelle, qu’il pose en faîtiere sur le mur a b (fig. 16), où il la presse fortement fous ses genoux&avec ses mains; il place ensuite une seconde javelle, de maniere que ses bords recouvrent ceux de la javelle qui a été placée en premier lieu; il presse encore celle-ci de la même maniere que la premiere, &larrange avec ses mains: quand il a placé ainsi successivement quatre ou cinq javelles, il se fait apporter dans un panier (fig. 17) de la terre détrempée c (fig. 16), qu’il répand sur le milieu des javelles qui sont déja posées; il arrange ce mortier de terre,&le bat avec la palette; puis il continue de poser d’autres javelles dans toute la longueur de la muraille: il en faut cent pour couvrir une toise courante de muraille. Quelques-uns, pour empêcher que la pluie n’emporte la terre, chargent leur chaume avec des gazons, ou bien ils y plantent des sedum&des jourbarbes,&même de l’orpin. Les racines de ces plantes contribuent à retenir la terre qui charge les faîtieres. Quelques Couvreurs, pour rendre leur ouvrage encore plus solide, enfoncent dans le garni des chevilles à deux pieds de distance les unes des autres, de la même maniere qu’on en met aux rivets sur les pointes des pignons.

Quand les javelles sont suffisamment chargées de mortier, le Couvreur descend pour former l’égout, parce que le bout des javelles est pendant, comme on le peut voir (fig. 16) du côté de a;&pour leur donner la forme qu’on voit du côté b, il tire avec la main les brins qui pendent,&il les jette à bas; ensuite il frappe avec le plat de la palette. Si l’égout lui paroît trop mince en quelques endroits, il y fourre du chaume, à l’aide de la palette; puis il tire peu à peu les brins qui excedent trop,&renfonce avec la palette ceux qui débordent; quand l’égout est bien uni, il se soutient assez ferme, puisque le chaume déborde le mur de4à5pouces de chaque côté, fans être autrement soutenu.

Toutes ces manœuvres paroissent bien simples; néanmoins il y a une certaine adresse à bien asseoir les javelles fur les murs,&à faire ensorte que le milieu des javelles soit exactement fur le milieu du mur, ainsi que la charge du mortier de terre c (fig. 16); c’est à quoi quelques Ouvriers réussissent mieux que d’autres,&c’est pour cette raison que l’on voit quelques-unes des couvertures de cette espece qui résistent aux vents violents, pendant que d’autres en sont renversées.

Tout le chaume qu’on a jetté à bas en finissant les couvertures, ne doit pas être perdu; on le ramasse,&l’on en forme des javelles.

Des Couvertures de Roseau.

ON FAIT de fort bonnes couvertures avec les roseaux qui croissent dans les marais. Comme le terrein ou ils viennent est ordinairement rempli d’eau, on attend l’hyver,&on les coupe dans cette saison pendant la gelée: ils ont alors6pieds de hauteur; on les coupe par la moitié avec la faucille,&l’on en fait des bottes, que l’on lie avec de la paille: ces bottes (fig20) tiennent lieu de javelles de chaume. Nous avons dit que pour couvrir en chaume, on mettoit les cours de lattes à6pouces, les uns des autres: pour couvrir avec le roseau, on les met feulement à trois pouces, parce que comme le roseau est sujet à couler, il faut le lier en plusieurs points. On commence par former l’égout avec des coussinets de chaume ordinaire, &de la maniere que nous l’avons expliqué ci-dessus; on fait aussi les rivets avec des javelles de chaume, ainsi que la couverture du faîte.

Les coussinets a (fig. 9&21) étant placés, le Manœuvre porte au Couvreur une botte de roseaux (fig. 20) qu’il délie,&il la pose de maniere qu’elle puisse recouvrir entiérement le coussinet; puis il l’étend un peu, mais de façon qu’il y reste une épaisseur de roseaux de8à 9pouces; il l’arrête ensuite à la latte ou aux chevrons avec un lien b; puis il pose auprès de cette premiere botte une seconde, qu’il lie de la même façon;&quand il y en a établi un lit dans toute la longueur du bâtiment, il frappe avec la palette sur le bout des roseaux pour les faire couler, de forte que le bout de la botte qui d’abord étoit perpendiculaire comme le représente la ligne ponctuée a b (fig. 21), devient oblique comme en x, parce que tous les brins de roseau doivent faire une petite retraite d’environ deux ou trois lignes, les uns sur les autres;&comme les roseaux de la partie supérieure de la botte sont plus renfoncés que ceux de l’extrémité opposée, il en résulte que le derriere de la botte perd de son épaisseur;&elle en perd d’autant plus que cette partie de la botte est toujours la plus menue du roseau: ensuite on pose les liens c&d (fig. 21), en observant d’entrelacer tellement ces liens, qu’ils fassent joindre toutes les bottes du même lit les unes avec les autres: on met un second lit de bottes représenté par la ligne ponctuée e; on les attache à la latte avec des liens f; on fait couler les roseaux du dessus des bottes en frappant avec la palette,&on pose les liens g&h; ce qui étant continué de toute la longueur du toit, le second rang se trouve fait; il doit recouvrir les liens b, c, d, du premier rang; en continuant ainsi ce travail dans toute la hauteur du toit, on arrive au faîte, qu’on couvre avec de grandes javelles de chaume, comme nous l’avons déja dit: il faut observer que le roseau puisse recouvrir en partie le chaume des javelles des rivets.

Ces fortes de couvertures exigent plus d’adresse que celles de chaume; aussi coûtent-elles une fois plus de façon; mais elles résistent beaucoup plus au vent,&elles durent quarante ans&plus, fans être obligé d’y faire aucune réparation. On couvre aussi les murailles avec du roseau;& cette couverture n’exige d’autre attention que de bécheveter le roseau, afin que la couverture soit aussi épaisse d’un côté que de l’autre.

Dans quelques pays on fait encore des couvertures avec du Glaïeul, du Typha, qu’on nomme la Masse, des Souchets de grands joncs,&d’autres grandes herbes; mais nous n’en parlons point, parce que ces plantes font de mauvaises couvertures,&que d’ailleurs, on les emploie à peu-près de la même maniere que le chaume.

Comment on couvre de Paille les Meules ou Gerbiers de Froment, celles d’Avoine, ou de différents Fourrages.

QUAND on a fait un gerbier à peu-près semblable à celui de la figure I, marqué D: on le recouvre avec de la paille, pour empêcher que l’eau ne le pénetre. On choisit pour cela de la paille longue de seigle (fig. 22); on la mouille un peu; on en prend une poignée,&après en avoir replié le bout où font les épis, pour faire une espece de tête a, on lie cette partie avec un petit brin d’osier refendu; puis quand on a préparé un grand nombre de pareilles poignées, si l’on veut commencer la couverture à6pieds du terrein, on fait avec la palette un trou dans le chaumier, on y fourre la tête a de la poignée;&après avoir rabattu la paille qui déborde le gerbier, on étend, en forme d’éventail, le bout b c de la poignée: on continue de même dans tout le pourtour du gerbier, puis on commence un second rang, dont la paille recouvre la moitié de la longueur de celle qui forme le premier rang. On fait de même la troisieme rangée, puis la quatrieme,&ainsi jusqu’au faîte, où l’on met quelques bottes de paille longue, couchées sur leur lien, &on les retient avec quelques perches minces, qu’on attache à la pointe de la meule,&dont on arrête les bouts à des piquets fort longs, enfoncés dans le gerbier. Pour peu que ces couvertures soient bien faites, elles font en état de subsister beaucoup plus long-temps qu’il ne faut, pour garantir le gerbier, jusqu’à ce qu’il soit vuidé.

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