Читать книгу Les arts de l'ameublement. La serrurerie - Henry Havard - Страница 8
ОглавлениеLA SOUDURE ET LA BRASURE
Le fer jouit de cette précieuse propriété que deux morceaux chauffés à une température de 1,200 à 1,400 degrés, placés l’un sur l’autre dans des conditions convenables et forgés avec soin, arrivent à ne faire qu’un seul et unique morceau. «Il semble, remarque à ce propos M. H. Landrin, que la nature, ayant refusé au fer la faculté de se fondre et de couler comme le cuivre, l’argent, le plomb, etc., a voulu établir une compensation en le rendant propre à se réunir à lui-même .» Aussi les soudures à chaud, obtenues par le travail de la forge, sont-elles d’un emploi constant dans les grands ouvrages de serrurerie. Sans elles, quantité de travaux deviendraient d’une exécution impossible. C’est pourquoi nous allons, sans plus tarder, examiner comment le serrurier procède, et les précautions nombreuses qu’il lui faut prendre.
Lorsqu’il doit souder deux barres d’une certaine grosseur, l’ouvrier commence par refouler légèrement le fer des extrémités et par amorcer au marteau ces deux barres en bec de flûte, c’est-à-dire qu’il étire en biseau les deux parties qu’il veut réunir, de telle manière que, posées l’une sur l’autre, elles se joignent à peu près comme si elles ne formaient qu’un seul morceau . Parfois, pour faciliter l’adhérence et lorsqu’il s’agit de gros fers, le forgeron martèle les faces qui doivent se toucher ou les entaille soit avec le ciseau soit avec la panne du marteau. De cette façon les deux fers, s’accrochant, ont moins de facilité à glisser et à couler l’un sur l’autre au moment où l’on forge la soudure. Mais cette précaution n’est point indispensable. On a remarqué, en effet, que les bavures ainsi produites s’effaceni souvent lorsqu’on donne la chaude au métal; et même, lorsqu’elle s persistent, ces entailles présentent presque autant d’inconvénients que d’avantages, car elles risquent de retenir du fraisil. Or, la présence de ce dernier suffit à empêcher la soudure de s’effectuer.
Fig. 20. — Tiges apprêtées en bec de flûte pour la soudure.
Cette première opération s’exécute sur l’enclume, les deux barres étant portées au rouge cerise. Lorsque les amorces sont en état, on replace les barres dans la forge; on leur donne une chaude blanche, en ayant bien soin que les deux morceaux soient également chauffés et dans toutes les parties qui doivent faire corps ensemble, mais pas trop au delà, afin que le fer ne s’amaigrisse pas auprès de la soudure. Quand on juge qu’ils ont atteint la température convenable, on les retire doucement du feu; on fait tomber le fraisil, on les pose sur l’enclume, l’un sur l’autre, comme il a été dit plus haut, donnant d’abord quelques petits coups pour commencer à produire l’adhérence; puis, lorsqu’on n’a plus de crainte que les amorces glissent l’une sur l’autre, on frappe fort et ferme jusqu’à ce que les deux barres, convenablement pétries, soient définitivement réunies ensemble. Une soudure bien faite devient ainsi invisible, et deux barres soudées ne forment plus qu’un seul morceau.
Il n’est pas besoin d’insister sur les nombreux avantages que présente cette faculté de réunir à chaud deux parties de fer. Le seul inconvénient qu’elle offre, c’est de raccourcir légèrement les deux barres; aussi le forgeron qui prévoit cette diminution de longueur a-t-il soin de se ménager toujours de la matière, de façon à n’éprouver de ce côté aucun mécompte. Mais il arrive parfois que l’ouvrier est tenu de rassembler deux pièces déjà travaillées qui ne peuvent rien abdiquer de leurs formes ou de leurs dimensions. Dans ce cas il est obligé de recourir à un autre procédé, qui se nomme brasure, et se rapproche singulièrement de la soudure de l’or et de l’argent décrite dans notre manuel sur l’ORFÈVRERIE .
Supposons que nous ayons, par exemple, à réunir les deux parties d’une clef accidentellement rompue. Si la tige de cette clef, comme il arrive souvent, est beaucoup plus longue qu’il n’est nécessaire, alors nous pourrons tailler à la lime les côtés de la brisure de manière à les façonner en bec de flûte, puis, après avoir donné une chaude convenable, nous les souderons sur l’enclume en les forgeant. Mais si la longueur de la tige n’excède pas les dimensions indispensables (comme le montre notre fig. 21), nous nous bornerons à aviver à la lime les deux parties à réunir. A l’aide d’un fil d’archal qu’on appelle à cause de cela fil à lier, nous les ajusterons ensuite pour les affermir et de façon qu’elles ne puissent bouger. Nous couvrirons l’endroit à braser avec de la soudure en poudre ou en petits paillons et du borax, chargé de faciliter la fusion. Puis nous soumettrons le tout à l’action de la chaleur. Celle-ci commencera par échauffer le fer, bientôt la soudure entrant en fusion coulera, s’étendra dans la fissure et produira l’adhérence des deux morceaux.
La composition de la soudure, ou, pour parler plus exactement, de la brasure qui sert à opérer ce genre de rapprochement, varie suivant la nature et la qualité de l’ouvrage. On en emploie trois espèces principales, qui sont: la brasure de cuivre, la brasure d’étain et la brasure d’argent. La première, résultat d’un mélange de cuivre rouge (rosette) et de zinc, est assez difficile à employer. Elle exige une grande habitude et laisse toujours des traces extrêmement visibles. Pour atténuer le contraste de couleur que présente cette petite bande de cuivre rouge interposée entre deux pièces de fer, on augmente la proportion de zinc; mais alors le mélange devient aigre et la brasure est cassante. C’est pourquoi dans les ouvrages de prix on se sert de préférence de soudure d’orfèvre ou brasure d’argent.
Jadis la chaude nécessaire à la fusion de la brasure s’obtenait à la forge et réclamait mille précautions spéciales. Aujourd’hui on ne fait plus guère usage, du moins pour les pièces de valeur, que du chalumeau. Cet appareil permet à l’ouvrier de suivre et de contrôler le travail. Toutefois, il n’est possible d’utiliser le chalumeau que pour les objets de dimensions réduites, et c’est encore à la forge qu’il faut recourir pour les gros ouvrages. Ajoutons que ces derniers exigent rarement d’être brasés.
Fig. 21. — Clef ancienne brasée au-dessous de l’anneau.