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Jusqu'où la passion conduit

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- Hâlés fis-en, dit Nucingen en renvoyant son secrétaire par un geste.

- Pourquoi cet homme est-il dans un hôtel et moi dans un garni..., se disait Contenson. Il a trois fois roué ses créanciers, il a volé, moi je n'ai jamais pris un denier... J'ai plus de talent qu'il n'en a...

- Gondanson, mon bedid, dit le baron, vûs m'affesse garoddé ein pilet de mile vrancs...

- Ma maîtresse devait à Dieu et au diable...

- Ti has eine maîtresse ? s'écria Nucingen en regardant Contenson avec une admiration mêlée d'envie.

- Je n'ai que soixante-six ans, répondit Contenson en homme que le Vice avait maintenu jeune, comme un fatal exemple - Et que vaid-elle ?

- Elle m'aide, dit Contenson. Quand on est voleur et qu'on est aimé par une honnête femme, ou elle devient voleuse, ou l'on devient honnête homme. Moi, je suis resté mouchard.

- Ti has pessoin t'archant, tuchurs ! demanda Nucingen.

Toujours, répondit Contenson en souriant, c'est mon état d'en désirer, comme le vôtre est d'en gagner; nous pouvons nous entendre: ramassez-m'en, je me charge de le dépenser. Vous serez le puits et moi le seau...

- Feux-tu cagner ein pilet te saint sante vrancs ?

- Belle question ! mais suis-je bête ?... Vous ne me l'offrez pas pour réparer l'injustice de la fortune à mon égard.

- Di tutte, ché le choins au pilet te mile ké ti m'has ghibbé; ça vait kinse sante vrancs ke che de tonne.

- Bien, vous me donnez les mille francs que j'ai pris, et vous ajoutez cinq cents francs...

- C'esde pien ça, fit Nucingen en hochant la tête.

- Ça ne fait toujours que cinq cents francs, dit imperturbablement Contenson.

- A tonner ?... répondit le baron.

- A prendre. Eh ! bien, contre quelle valeur monsieur le baron échange-t-il cela ?

- On m'a did qu'il y affait à Baris ein ôme gapable te tégoufrir la phâme que chaime, et que tu sais son hatresse... Envin ein maîdre en esbionache ?

- C'est vrai...

- Eh ! pien, tonne moi l'hatresse, et ti hâs les saint sante vrancs.

- Voir ? répondit vivement Contenson.

- Les foissi, reprit le baron en tirant un billet de sa poche.

- Eh ! bien, donnez, dit Contenson en tendant la main.

- Tonnant, tonnant, hâlons foir l'ôme, et ti bas l'archant, gar ti bourrais me fendre peaugoup t'atresses à ce prix-là.

Contenson se mit à rire.

- Au fait, vous avez le droit de penser cela de moi, dit-il ayant l'air de se gourmander. Plus notre état est canaille, plus il y faut de probité. Mais, voyez-vous, monsieur le baron, mettez six cents francs, et je vous donnerai un bon conseil.

- Tonne, et vie-toi à ma chenerosidé...

- Je me risque, dit Contenson; mais je joue gros jeu. En police, voyez-vous, il faut aller sous terre. Vous dites: Allons, marchons !... Vous êtes riche, vous croyez que tout cède à l'argent. L'argent est bien quelque chose. Mais avec de l'argent, selon les deux ou trois hommes forts de notre partie, on n'a que des hommes. Et il existe des choses, auxquelles on ne pense point, qui ne peuvent pas s'acheter !... On ne soudoie pas le hasard. Aussi, en bonne police, ça ne se fait-il pas ainsi. Voulez-vous vous montrer avec moi en voiture ? on sera rencontré. On a le hasard tout aussi bien pour soi que contre soi.

- Frai ? dit le baron.

- Dame ! oui, monsieur. C'est un fer à cheval ramassé dans la rue qui a mené le Préfet de police à la découverte de la machine infernale. Eh ! bien, quand nous irions ce soir, à la nuit, en fiacre chez monsieur de Saint-Germain, il ne se soucierait pas plus de vous voir entrant chez lui que vous d'être vu y allant.

- C'esd chiste, dit le baron.

- Ah ! c'est le fort des forts, le second du fameux Corentin, le bras droit de Fouché, que d'aucuns disent son fils naturel, il l'aurait eu étant prêtre; mais c'est des bêtises: Fouché savait être prêtre, comme il a su être ministre. Eh ! bien, vous ne ferez pas travailler cet homme-là, voyez-vous, à moins de dix billets de mille francs... pensez-y... Mais votre affaire sera faite, et bien faite. Ni vu ni connu, comme on dit. Je devrai prévenir monsieur de Saint-Germain, et il vous assignera quelque rendez-vous dans un, endroit où personne ne pourra rien voir ni rien entendre, car il court des dangers à faire de la police pour le compte des particuliers. Mais, que voulez-vous ?... c'est un brave homme, le roi des hommes, et un homme qui a essuyé de grandes persécutions, et pour avoir sauvé la France, encore !... comme moi, comme tous ceux qui l'ont sauvée !

- Ai pien, di m'égriras l'hire tu Percher, dit le baron en souriant de cette vulgaire plaisanterie.

- Monsieur le baron ne me graisse pas la patte ?... dit Contenson avec un air à la fois humble et menaçant.

- Chan, cria le baron à son jardinier, fa temanter fint vrancs à Cheorche, et abborde-les moi...

- Si monsieur le baron n'a pas d'autres renseignements que ceux qu'il m'a donnés, je doute cependant que le maître puisse lui être utile.

- Chen ai t'audres ! répondit le baron d'un air fin.

- J'ai l'honneur de saluer monsieur le baron, dit Contenson en prenant la pièce de vingt francs, j'aurai l'honneur de venir dire à Georges où monsieur devra se trouver ce soir, car il ne faut jamais rien écrire en bonne police.

- C'edde trolle gomme ces caillarts onte de l'esbrit, se dit le baron, c'edde en bolice, dou gomme tans les avvaires.




Honoré de Balzac: Splendeurs et misères des courtisanes

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