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ÉCOLE PRÉPARATOIRE AU PROFESSORAT DU PIANO

SIXIÈME ANNÉE

Table des matières

LECON D’OUVERTURE

EXPOSITION

DE MA

MÉTHODE D’ENSEIGNEMENT

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

Table des matières

Un ensemble de principes et de procédés formulés en corps de doctrine constitue ce qu’on appelle une méthode.

Pour juger une méthode, il faut examiner la nature du but qu’elle se propose et l’efficacité des moyens qu’elle emploie pour y parvenir.

Pour appliquer ensuite cette méthode avec intelligence et sûreté, pour se pénétrer de son véritable esprit, il faut l’avoir pratiquée soi-même avec conviction et l’avoir choisie en connaissance de cause.

Or, pour que les jeunes aspirantes-maîtresses puissent, en toute liberté de conscience musicale, adopter ou rejeter la méthode d’enseignement qui est suivie à mon école, il est nécessaire que je leur dise préalablement en quoi elle consiste, quels en sont les traits caractéristiques et sur quels principes elle repose.

Avant de formuler cet exposé de principes, je crois devoir retracer, en quelques mots, les diverses phases par lesquelles a passé mon esprit au cours de ma carrière professorale.

Pendant les premières années qui ont suivi ma sortie du Conservatoire, exclusivement vouée à l’enseignement, j’ai vu passer entre mes mains une grande quantité d’élèves dont la diversité, pour l’âge et la nature, m’a fourni de nombreux sujets d’observations.

A cette époque, parcourant les routes tracées, je faisais faire à mes élèves ce que j’avais fait moi-même.

A mesure que l’expérience m’apportait ses clartés, des idées nouvelles surgissaient en moi, mes horizons s’élargissaient, des questions qui ne m’avaient jamais préoccupée jusque-là s’imposaient à mon examen.

Je me demandais si les résultats obtenus dans la plupart des éducations musicales d’amateurs étaient en rapport avec le temps que l’on passe au piano et la peine que l’on y prend; et, non esprit subissant inconsciemment sans doute, le contre-coup du mouvement pédagogique du siècle, je m’étonnais que l’on n’eûtpas encore appliqué à renseignement de la musique les procédés qui, par leur caractère général, sont de nature à être employés avec succès dans tous les ordres de connaissances.

Je constatais, par exemple, que le raisonnement, base de toute étude intellectuelle, ne tenait que fort peu de place dans l’étude et dans l’enseignement du piano.

On part, en général, de cette donnée, exacte au fond, que les aptitudes musicales sont innées, et l’on accorde à l’instinct, au sentiment, à l’inspiration, un rôle non seulement prépondérant, mais, pour ainsi dire, exclusif.

Assurément l’importance du rôle que joue l’instinct musical (sans lequel il n’y a point de véritable artiste) est chose indiscutable, mais les qualités de jugement et d’intelligence générale, bien loin de nuire au développement d’une organisation artistique, apportent précisément aux qualités natives de cette organisation le contrepoids nécessaire pour les équilibrer.

Que si, au contraire, l’instinct musical fait défaut ou n’existe qu’à l’état rudimentaire, (n’oublions pas que l’étude de la musique n’est plus l’apanage exclusif des élèves nés artistes), l’intelligence et le raisonnement peuvent, sinon combler cette lacune, du moins remédier, dans une certaine mesure, aux inconvénients qui en résultent.

L’esprit d’initiative, comme l’habitude du raisonnement, me paraissait manquer à la plupart des élèves. Beaucoup ne savent pas étudier seuls avec fruit. Très peu, même parmi ceux qui disposent de moyens d’exécution suffisants, sont en état d’apprendre un morceau sans le secours du professeur.

Malgré moi, un rapprochement se faisait dans mon esprit entre certains apprentis pianistes et ces boîtes à musique qui contiennent, à la vérité, un joli choix de morceaux se déroulant à l’occasion, mais dont le mécanisme ne peut être mis en marche que par une intervention étrangère.

Tous ces faits d’observation, répétés pendant des années, m’ont incitée à chercher, par l’expérimentation, des voies nouvelles.

C’est ainsi que j’ai été amenée à fonder mon enseignement sur un ensemble de procédés que je considère comme m’étant personnels, parce qu’ils ne m’ont jamais été transmis, qu’aucun ouvrage, à ma connaissance, n’en fait mention, et que je ne les ai jamais vu appliquer autour de moi.

Et d’abord, il y a un lien intime entre ma manière de comprendre l’enseignement et ma manière de comprendre la musique, considérée comme art d’agrément. L’étude du piano me semble devoir être, pour l’amateur qui s’y livre, non pas seulement un moyen d’obtenir quelques succès de salon pendant la période de l’éducation musicale, mais encore et surtout la source de jouissances personnelles plus élevées; quelque chose de ce qu’est la lecture pour celui qui l’aime, un plaisir dont on peut jouir à tous les âges, un moyen de s’élever l’esprit, parfois même, pour l’âme, une consolation ou un refuge.

Or, si l’élève s’est borné à être un instrument entre les mains de son maître; si, sans chercher à savoir pourquoi il fait telle chose plutôt que telle autre, il se laisse simplement mettre des morceaux dans les doigts, il les exécutera sans doute d’une manière satisfaisante, les ayant appris sous la direction de son professeur, mais il aura le même besoin des conseils de ce professeur pour tous les morceaux à venir; n’ayant pas l’habitude de raisonner, d’analyser, de comparer, le jour où les leçons lui feront défaut, il sera complètement désorienté .

Si à ce manque d’initiative dans le travail se joint une insuffisance de lecture, si l’élève déchiffre péniblement et sans plaisir, comment, livré à lui-même, pourrait-il continuer à pratiquer un art dans lequel, désormais, il se sent impuissant?

C’est là qu’il faut chercher le secret de tant d’avortements parmi les talents d’amateurs qui, après avoir présenté, pendant des années, toutes les apparences de la solidité, s’effondrent du jour au lendemain .

Je crois donc qu’il faut, par tous les moyens possibles, développer l’initiative individuelle de l’élève, lui faire aimer la méthode et détester la routine, l’habituer à vouloir tout comprendre et à savoir tout raisonner.

Je crois que le professeur, tout en enseignant à l’élève la manière de jouer tel ou tel morceau et en accordant à la virtuosité une place importante, doit aussi se préoccuper de l’état général, pour ainsi parler, de l’élève, reprendre en sous-œuvre la cure de ses défauts, combler les lacunes qui peuvent résulter d’une première éducation musicale insuffisante, veiller enfin à ce qu’aucune branche des études ne reste en souffrance, et que la lecture, par exemple, soit cultivée à l’égal de l’exécution .

Je crois encore que le maître doit non seulement dire tout ce qu’il sait, se donner tout entier, se livrer sans réserve, mais encore faire profiter la masse des élèves de toute l’expérience qu’il a acquise, de toutes les découvertes qu’il a pu faire. Ce n’est qu’en jetant la semence à pleines mains et à tous les vents que l’on peut voir germer les idées que l’on croit fécondes et contribuer ainsi à l’avancement de l’art auquel on a voué sa vie.

Les leçons prises et données dans cet esprit deviennent un travail en collaboration aussi intéressant pour le professeur que fructueux pour l’élève.

A celui-ci de savoir étudier; de préparer son travail, en dehors du professeur et par ses seules lumières, au double point de vue de l’exécution et de l’interprétation, et de l’amener au degré de maturité voulu pour que les conseils artistiques qui lui sont donnés, à la leçon, par le maître, puissent lui être réellement profitables.

Au maître, il appartient d’aider l’élève à acquérir toutes les qualités qui sont le résultat du travail, de développer en lui les dons naturels, d’imprimer à l’ensemble des études une direction intelligente.

Le maître est l’initiateur qui doit ouvrir l’esprit de l’élève et y susciter le vouloir comprendre, qui, seul, peut conduire à l’initiative raisonnée.

Le maître doit aussi faire office de critiqué éclairé et sévère, et, tout en aidant l’élève à dégager sa propre individualité, il doit le préserver des écarts d’une fantaisie mal réglée .

Et qu’on ne croie pas que cette méthode, fondée sur le raisonnement, soit difficile à pratiquer; qu’on ne croie pas que les résultats en soient longs à obtenir; qu’on ne croie pas surtout qu’elle soit aride pour l’élève.

Si l’enfant est dirigé ainsi dès le début, ses progrès sont plus prompts et plus sûrs; il voit clair dans ce qu’il fait, il sait où il va, et, bien loin de le rebuter, cette méthode l’intéresse en donnant tout d’abord un rôle à sa petite personnalité.

Si, au contraire, après plusieurs années de travail machinal, l’élève cherche à sortir de l’obscurité où il tâtonne, l’initiation sera, sans doute, plus laborieuse (l’esprit qui dort depuis longtemps ne s’éveille pas sans un effort); mais, une fois entré dans la voie du travail raisonné, l’élève s’étonnera d’avoir jamais pu procéder autrement.

Lorsque la culture d’un art a pris une assez grande extension pour qu’il lui soit fait une place dans le programme d’études de toute éducation libérale, il importe que les méthodes concernant cet art se modifient et se transforment dans le sens des idées générales, de manière à répondre à des besoins nouveaux. Or, de notre temps, toutes les jeunes filles, à tort ou à raison, apprennent le piano. Il faut donc que les méthodes d’enseignement pour le piano puissent s’appliquer avec succès à la majorité des élèves, c’est-à-dire à la moyenne des organisations, et que l’aptitude musicale ne soit plus considérée comme l’unique facteur à utiliser.

De plus, le programme des études classiques est infiniment plus chargé qu’autrefois. Il en résulte que le temps consacré à la culture des arts en général, et du piano en particulier, devient de jour en jour plus limité. Il faut donc que la méthode inculquée par le professeur soit plus serrée et le travail fourni par l’élève plus substantiel, afin qu’un maximum de progrès puisse être obtenu avec un minimum de temps.

Les organisations privilégiées, spécialement douées pour la musique, chercheront, dans l’emploi d’une méthode rationnelle, un moyen d’arriver plus vite et plus loin.

Peur les natures moins bien partagées au point de vue artistique, cette méthode qui développe l’intelligence et féconde le travail, leur donnera, avec la certitude de réussir, le droit d’aspirer au véritable talent.

Exposition de ma méthode d'enseignement pour le piano

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