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INTRODUCTION.

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Table des matières

Chaque jour les lumières de l’époque mettent à découvert les inconvénients qui se rencontrent dans les lois civiles, pénales et criminelles qui règlent la marche de l’humanité. La politique des peuples, fondée sur les passions de l’homme, sur le degré de son intelligence, sur sa capacité morale, sur ses vertus organiques ou acquises, est sujette à des phases ou révolutions qui portent l’homme à regarder aujourd’ hui comme bien ce qui était mal hier, et comme mal ce qui était bien.

Les sociétés passent successivement par les différents âges qui marquent la durée de toute création: elles ont une période d’enfance, d’éducation, de développement; puis vient la période de vigueur, d’audace, de force; après, celle d’expérience, de perfectionnement et d’amélioration générale; enfin, l’âge de retour où elles s’épuisent et ont besoin d’être régénérées, ce qui s’obtient à l’aide de commotions provoquées ou accidentelles.

L’état est une machine informe, grossière et simple dans l’origine; chaque âge, en amenant des besoins, vient ajouter un rouage ou un levier qui en complique le jeu, mais lui donne de la force et de la puissance. A cette seconde époque, la solidité et la rudesse des engrenages nuisent à la beauté et à la perfection de l’ensemble; on éprouve le besoin d’adoucir, de polir toutes les pièces de l’appareil, d’établir des rapports plus exacts, mieux coordonnés, afin que les leviers divers dont la résultante des efforts met en action le moteur principal évitent ces frottements qui ne servent qu’à la dépense de forces inutiles au but du mécanisme.

Dans cette série de perfectionnements se présente une ère plus brillante: tous les ressorts alors fonctionnent avec un ordre, une précision admirable; mais la vitesse du mouvement détruit, use et ruine cet appareil économique. Les sexes divers, les différents âges, à partir du jour où ils reçoivent cette lumière bienfaisante qui leur donne la vie, le mouvement et la force, jusqu’à celui où l’action de cette lumière, devenue trop vive, flétrit et dessèche l’organisation, partout et envers tous, ont des obligations à remplir.

Cet assujettissement dans lequel l’homme naît et dans lequel il est condamné à passer son existence est souvent opposé à ses instincts, à ses inclinations naturelles. La société est là qui s’empare de lui et le livre, suivant sa condition, aux langes rudes et grossiers de la misère et de l’opprobre, ou aux mains empressées et douces de la fortune. N’est-ce pas la société qui nous jette dans un bouge ou dans un palais, qui classe le nouveau né parmi les hommes du peuple ou les hommes privilégiés, prédestiné par la loi aux souffrances, aux peines, aux fatigues du corps et au béotisme de l’intelligence, ou bien prédestiné par la même civilisation aux plaisirs, à toutes les jouissances physiques et intellectuelles?

L’homme est en naissant un Morel ou un Saint-Remy, un misérable lapidaire ou un heureux coquin. Le premier, outre les privations de tous genres, en proie à toutes les tracasseries de la police, victime de la faim, devient la pâture des tribunaux; toutes les lois pénales l’entourent et le menacent sans cesse, parce que la situation du pauvre, malgré les résolutions les plus tenaces, lui fait éprouver toutes les tentations et toutes les nécessités de les enfreindre. Le prolétaire est continuellement en lutte avec le devoir qui lui crie: Abstiens-toi, et la faim qui lui crie: Il n’y a pas de loi; le plus fort la donne, le plus adroit s’y soustrait, et pour le pauvre elle est toujours despotique, inflexible et en action. Aussi la rébellion lui paraît-elle toujours permise contre la faim, ce tyran de la misère.

Notre société est dans un moment de tourmente, l’horizon se couvre de plus en plus, l’orage sourd commence à gronder; mais, loin de chercher à prédire l’avenir, en gardé contre la tempête et les rafales politiques, en architecte prudent, nous n’ôterons point à l’édifice social une pierre pour y substituer un ornement.

Deux causes contribuent au malaise actuel des peuples.

La première est toute intellectuelle. Il règne dans les intelligences une activité qui ne sait où se dépenser; cette fièvre de produire mine le corps social, et comment cette énergie des esprits ne consumerait-elle pas la société lorsqu’elle manque d’aliment?

La deuxième cause est toute matérielle; c’est la gêne de la population ouvrière, privée de travail et de pain, dont la corruption, commencée dans la détresse, court s’achever dans la prison.

Plus on contemple ce triste et douloureux spectacle, plus on est forcé d’avouer qu’il existe des maux contre lesquels il est généreux de lutter, mais que nos vieilles sociétés semblent impuissantes à guérir.

Le remède de la première de ces plaies est bien plus au pouvoir des circonstances que des hommes. Plus d’un effort a déjà été tenté pour cicatriser la deuxième, et par amour de l’humanité, plutôt que dans l’espoir de conjurer le mal, nous venons à notre tour prêcher le bien.

On nous saura mauvais gré peut-être de passer outre sans nous intéresser au sort du prisonnier politique, et sans chercher à lui créer une place de réserve dans le régime pénitentiaire nouveau. Nous n’entrerons point dans une discussion aussi délicate, par des motifs que chacun appréciera; toutefois, voici notre opinion:

Sous un gouvernement sincèrement patriotique, avec une chambre représentant sérieusement le pays, c’est-à-dire avec un système d’élection où le peuple exerce d’une manière convenable ses droits politiques, le citoyen qui, dans cet état de choses, trouble la paix intérieure, doit être assimilé à celui qui ne respecte pas la propriété ; rien, en effet, n’est plus sacré à nos yeux que la volonté nationale.

La philanthropie physiologique du jour trouve pour excuse au crime la violence et l’irrésistible entraînement de l’organisation, oubliant que la force de végétation dépend du sol et des éléments. C’est ce qui porte la législation à tourner ses efforts contre le mal et à négliger les moyens de le prévenir.

Cependant la première réforme à opérer n’est assurément pas dans le régime pénitentiaire, mais dans les institutions qui régissent les sociétés.

Le dogme du paupérisme et de la misère actuelle des peuples touche à la partie matérielle de l’économie politique, et n’est pas d’ailleurs de notre ressort.

Mais nous serions impardonnables de ne pas signaler ici la cause principale des vices de l’éducation générale. Tout en Europe tend à faire de l’homme un être mystique, superstitieux et fanatique. Son enfance est entièrement consacrée à l’étude des mystères de sa religion, et la pratique n’abandonne aucun instant les préceptes; ces impressions intellectuelles, souvent mal interprétées, dénaturent le bon sens, égarent la raison et altèrent les facultés physiques et morales. Les sentiments religieux ne suffiront jamais à former le cœur de l’homme; on accorde trop à l’église et rien à la société.

L’étude d’un catéchisme incompréhensible, simplement dogmatique, occupe les premières années de la vie intellectuelle; là se bornent les connaissances morales de l’homme au sortir du berceau. Mais les devoirs de la famille, les droits du citoyen, ses obligations en société, quand et comment les lui enseignera-t-on? Cependant l’ignorance sur ce point est bien déplorable. Il conviendrait donc d’avoir aussi un catéchisme social. C’est sur ce terrain qu’il faut encore appeler la réforme. On donne toujours trop d’importance à l’accessoire, pendant qu’on abandonne le principal. Nons nous proposons, dans un tableau sur les vices de l’éducation en Europe, d’aborder franchement ce sujet.

Physiologie des systèmes pénitentiaires

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