Читать книгу L'Homme Au Bord De La Mer - Jack Benton - Страница 10
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ОглавлениеCette nuit-là, toujours sans avoir pris de décision sur ce mystérieux enregistrement, Slim rêvait de vagues déferlantes et de bras gris-bleu s’élevant des profondeurs glaciales pour le tirer vers le bas.
Conscient que sa démobilisation s’annonçait imminente, Slim avait récupéré ce qu’il pouvait de l’armée. Au cours des quinze années suivantes, il avait fait bon usage de ses contacts. En particulier les cinq premières années, il avait enchaîné les emplois de camionneur mal payés et sans intérêt avant de se lancer comme détective privé.
Tard, au matin suivant, un bol de céréales à la main — agrémenté d’une larme de whisky — il appela un vieil ami spécialisé dans les langues étrangères et la traduction.
En attendant une réponse, il s’installa sur son lit et posa son vieil ordinateur portable sur ses genoux. Après quelques recherches, l’Internet commença à révéler des réponses.
Cramer Cove avait été répertoriée parmi les meilleurs sites touristiques de la côte du Lancashire, mais pas depuis plus de trente ans. Selon un site web sur la législation locale, la baignade y était interdite depuis l’été 1952. En quelques semaines, ses crevasses béantes avaient causé la mort de trois personnes. Toutes les activités nautiques étaient officiellement interdites. Le glas avait sonné pour Cramer Cove en sa qualité de point névralgique pour l’été. Les habitants et les touristes abandonnèrent cette crique pittoresque pour les sables plus fades, mais plus sûrs de Carnwell et Morecombe. Cependant, quelques âmes robustes l’avaient clairement bravée, puisque quatre autres décès déclarés apparaissaient sur le registre depuis le début des années 1980. Et même si les circonstances qui entouraient chacun des accidents mortels demeuraient mystérieuses, tous étaient officiellement classés comme des morts par noyades.
Voyant la trame de la tragédie s’allonger, Slim hésitait à approfondir sa recherche. Sa seule affectation en activité pendant la première guerre du Golfe en 1991 avait anéanti une grande partie de sa curiosité. Son système avait dû atteindre un certain niveau où il se désactivait de façon permanente, et il se sentait déjà bien au-delà. Mais il cherchait une autre source de rémunération maintenant, et son loyer ne se payait pas tout seul.
Il vérifia les dates par rapport aux âges. Ted Douglas avait cinquante-six ans. En 1984, il célébrait donc ses vingt-trois ans.
Et la voilà !
25 octobre 1984. Joanna Bramwell, vingt et un ans, présumée noyée à Cramer Cove.
Ted se lamentait-il sur un amour perdu ? Aux yeux des détails que Slim avait recueillis auprès d’Emma Douglas, ils s’étaient rencontrés et mariés en 1989. À cette époque, Joanna Bramwell avait déjà perdu la vie depuis cinq ans.
Slim s’estimait heureux de ne pas avoir à enquêter sur une liaison. Cette situation trop ordinaire l’aurait déçu à bien des égards.
L’Internet avait fermé boutique sur un nom et une cause de décès. Par un matin frisquet, Slim décida donc de ramener sa vieille Honda Jazz à la vie pour se rendre à la bibliothèque de Carnwell. Il alla fouiller dans les archives de journaux sur microfiches.
Les trois victimes après Joanna étaient une adolescente, un enfant et une dame âgée. Une page attira l’attention de Slim, elle aurait dû contenir un article sur la mort de Joanna, mais il la trouva toute barbouillée, comme endommagée par l’eau. Les mots se mêlaient les uns aux autres, illisibles.
Malgré les protestations sceptiques de Slim, le bibliothécaire de service soutenait qu’il tenait entre les mains l’unique copie. Il l’interrogea sur la cause des dommages apparents sur la feuille, sa demande fut accueillie par un haussement d’épaules.
« Vous cherchez un article sur une fille morte ? » demanda le bibliothécaire. Accoutré d’un pull à col roulé, d’une écharpe accessoire et de lunettes à monture métallique, l’homme d’une trentaine d’années avait l’air d’un romancier en herbe.
« Peut-être que quelqu’un ne veut pas que vous le lisiez.
— En effet, peut-être pas, déclara Slim.
— Ou peut-être que la personne que vous cherchez à déterrer préférerait ne pas être dérangée. »
Le jeune bibliothécaire lui adressa même un clin d’œil, comme pour entrer dans une sorte de jeu de connivence.
Slim força un sourire et ce qu’il considérait comme le gloussement attendu, mais en quittant la bibliothèque, il ressentit uniquement de la frustration. Joanna Bramwell, semble-t-il, souhaitait en effet rester tranquille.