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II

LES MEMBRES ET L’ESTOMAC.

Table des matières

Je devois par la royauté

Avoir commencé mon ouvrage:

A la voir d’un certain côté,

Messer Gaster[17] en est l’image; S’il a quelque besoin, tout le corps s’en ressent.

De travailler pour lui les membres se lassant,

Chacun d’eux résolut de vivre en gentilhomme,

Sans rien faire, alléguant l’exemple de Gaster.

Il faudroit, disoient-ils, sans nous qu’il vécût d’air.

Nous suons, nous peinons comme bêtes de somme;

Et pour qui? Pour lui seul: nous n’en profitons pas;

Notre soin n’aboutit qu’à fournir ses repas.

Chômons, c’est un métier qu’il veut nous faire apprendre.

Ainsi dit, ainsi fait. Les mains cessent de prendre,

Les bras d’agir, les jambes de marcher.

Tous dirent à Gaster qu’il en allât chercher.

Ce leur fut une erreur dont ils se repentirent.

Bientôt les pauvres gens tombèrent en langueur;

Il ne se forma plus de nouveau sang au cœur;

Chaque membre en souffrit; les forces se perdirent.

Par ce moyen, les mutins virent

Que celui qu’ils croyoient oisif et paresseux

A l’intérêt commun contribuoit plus qu’eux.

Ceci peut s’appliquer à la grandeur royale.

Elle reçoit et donne, et la chose est égale.

Tout travaille pour elle, et réciproquement

Tout tire d’elle l’aliment.

Elle fait subsister l’artisan de ses peines,

Enrichit le marchand, gage le magistrat,

Maintient le laboureur, donne paie au soldat,

Distribue en cent lieux ses grâces souveraines,

Entretient seule tout l’État.

Ménénius le sut bien dire.

La commune s’alloit séparer du sénat:

Les mécontents disoient qu’il avoit tout l’empire,

Le pouvoir, les trésors, l’honneur, la dignité;

Au lieu que tout le mal étoit de leur côté,

Les tributs, les impôts, les fatigues de guerre.

Le peuple hors des murs étoit déjà posté,

La plupart s’en alloient chercher une autre terre,

Quand Ménénius leur fit voir

Qu’ils étoient aux membres semblables,

Et par cet apologue, insigne entre les fables,

Les ramena dans leur devoir.



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