Читать книгу Traité d'architecture pratique - Jean-François Monroy - Страница 6

MAÇONNERIE.

Оглавление

Table des matières

CHOIX DES MATÉRIAUX

LE sable de terrein est le meilleur, s’il est net& dépourvu de terrestriété;&pour s’en assurer, il faut le frotter dans un linge sans qu’il le tache,&qu’il soit rude aux doigts.

Le sable de riviere est bon quand il est fin; mais il ne faut l’employer que lorsqu’il est sec, afin que la chaux s’y incorpore,

Les eaux.

Il faut observer que toute eau quelconque n’est point bonne pour éteindre la chaux; celle de mer ne vaut rien, elle seche en œuvre trop facilement,&ne se lie qu’avec peine avec les matériaux: l’eau de mare qui croupit ne vaut rien, étant épaisse d’immondices; il faut se servir d’eau de riviere, de puits, de fontaine, ou de pluie.

Ces eaux de mer&de mare ne valent rien non plus pour l’emploi du plâtre, elles lui donnent une lenteur à se durcir,&font gercer les enduits.

Il ne faut jamais employer de poussiere dans le plâtre, elle lui ôte tous ses sels&le fait aussi gercer.

Ciment.

Il faut que le ciment soit de tuile concassée, composé de glaise desséchée,&non de ciment fabriqué, comme font la plupart, qui y mêlent de la poussiere qu’ils rougissent avec de la brique, pour mieux tromper; d’abord, c’est que la brique ne vaut rien, il faut de la tuile&carreaux composés de glaise pour que la chaux s’y incorpore, ce qu’elle ne fait pas avec la brique&la poussiere, qui n’est que terre.

Chaux.

La meilleure chaux, tant à Paris qu’ailleurs, est celle faite avec la pierre la plus dure&bien cuite. Celle préférée à Paris est de Senlis, la Chauffée&Châville; elle ne double pas à l’extinction comme celle de Melun, mais elle est beaucoup meilleure.

Pour bien éteindre la chaux, il ne faut mettre de l’eau qu’à mesure qu’elle s’échauffe, pour ne la point noyer, mais en mettre suffisamment pour qu’elle ne brûle point,&la raboter pour la broyer.

A l’extinction, il est aisé de s’appercevoir si elle n’est pas bien cuite, par les pierres non cuites que l’on y trouve, qui se nomment biscuits, en termes d’ouvriers, lesquelles l’on met de côté pour en faire déduction au Marchand sur sa livraison.

Meilleure façon d’éteindre la chaux, suivant M. Philibert de Lorme, Architecte,&approuvée après l’expérience faite.

Lorsqu’il est nécessaire d’une grande quantité de chaux pour toutes bâtisses, il faut s’assurer de la bonne cuisson, la déposer à pierre seche dans un trou fait dans terre, d’une grandeur suffisante, couvrir cette chaux d’environ deux pieds d’épaisseur de sable, sur lequel jeter de l’eau abondamment, remplissant le vuide de la cavité qui aura été observé entre le sable&le fol de la berge, l’eau filtrera à travers ce sable pour s’imbiber dans la chaux au-dessous sans se brûler, réitérant l’eau tant qu’elle s’imbibera; les pierres s’amortissent, la chaux venant à gonfler fait fendre le sable pour s’exhaler; il faut remplir cette fente de sable. La chaux éteinte ainsi s’amortit de même que si elle étoit broyée; cette façon de l’éteindre lui donne une qualité supérieure, conservant tous ses sels, qui ne peuvent s’évaporer.

Tous enduits faits de cette chaux, suivant cette derniere extinction, ne gercent point. C’est de cette façon que l’éteignent les Peintres pour faire les enduits pour peindre à fresque.

La chaux éteinte ainsi se conserve liquide longtemps, facilite à faire le mortier de sable ou ciment sans eau,&la construction est infiniment meilleure.

Plâtre.

Le plâtre à Paris seroit encore bien supérieur à ce qu’il est, s’il n’y avoit de la supercherie par les Plâtriers, d’une part, lesquels souvent pèchent par le manque de cuisson qui lui empêche de se consolider vivement,&ce que l’Ouvrier nomme du plâtre lent, joint aussi à ce qu’ils mettent de la terre sur le four, qu’ils mêlent avec ledit plâtre lors de la cuisson, ce qui lui ôte de sa qualité;&d’autre part, l’Ouvrier y mêle de la poussiere pour l’employer à l’hourdis des murs, aires de planchers,&cloisons hourdées. C’est à toutes ces supercheries qu’il faudroit veiller, pour laisser au plâtre toute la qualité dont il est susceptible.

Mortier de chaux&sable.

Pour faire de bon mortier de chaux&sable, il faut le composer de trois mesures de sable&une de chaux éteinte, ainsi que pour le ciment, si l’on veut faire de bonnes constructions.

Mortier de terre.

Aux différens murs hourdés en terre, il faut faire choix de terre que l’on nomme argille ou terre neuve à four, laquelle est grasse. C’est celle qui se consolide le mieux avec le moilon,&cette construction qui en résulte n’est bonne que lorsqu’elle est faite l’été, où elle fait corps; car dans l’hiver, elle ne seche point; les pluies continuelles la délaient,&font écrouler la construction. Lorsque ces murs sont ravalés en plâtre, il faut bien dégrader les joints du moilon pour griper le plâtre, sans quoi le ravalement n’existeroit pas longtemps, le plâtre ne faisant point corps avec la terre.

Pierre dure.

Toutes pierres dures, pour être bonnes, doivent être sans fil, moye, ni bouzin; c’est à quoi tout Architecte ou préposés de sa part doivent veiller.

Le fil, 1o. est un défaut qui se trouve dans la pierre, occasionné par l’affaissement du terrein dans la carriere, qui a pris de la charge par endroits. 2o. Il est encore souvent occasionné par une autre charge ou effort, lorsque les Carriers font tomber un bloc de pierre dans la carriere, après avoir souchevé la masse. 3o. Autre effort par les Voituriers lorsqu’ils déchargent la pierre aux atteliers.

Un Entrepreneur qui a payé au Carrier cette pierre avec ce défaut, cherche les moyens de ne rien perdre, &fait tailler cette pierre avec tout le ménagement possible pour la mettre en place en son entier; alors quelle disgrace n’en survient-il pas? Il arrive que lorsque cette pierre a pris charge sous le fardeau de l’élévation du bâtiment, elle occasionne un affaissement à l’édifice; il est donc essentiel d’y prendre garde.

L’Entrepreneur raisonnable ne devroit point mettre de pierres semblables en œuvre; ces défauts ne sont point généraux: si cela arrive à quelques-unes, alors il doit en faire un autre emploi, ne devant pas oublier qu’il lui est accordé pour déchet de pierre un sixieme dans le prix de ses ouvrages,&que s’il n’y avoit aucun événement, où pourroit-il prouver du déchet?

La moye est une terrasse qui se trouve en délit dans la hauteur de la pierre non consolidée, laquelle se dissout à l’air&à l’humidité.

Le bouzin est de même du tendre qui est conservé par ménage par l’Entrepreneur, pour augmenter la hauteur de la pierre; ce bouzin n’est qu’une terre non consolidée qui, de même, peu-à-peu se dissout ou se mutile à l’intempérie de l’air, défaut essentiel de construction par la mauvaise qualité de ces matériaux.

Pour faire une bonne construction en pierre, il faut faire attention que toute liaison ne doit être que de la moitié de la hauteur de la pierre, afin d’éviter le porte à faux,&que les harpes ne cassent par un tassement.

EXEMPLE.

Une assise de douze pouces de haut ne doit avoir que six pouces de liaison, ainsi des autres à proportion: la pratique nous démontre qu’il se fait des tassemens presque dans tout édifice, quand les liaisons dérogent du principe ci dessus par excès; lors du tassement non général, les harpes cassent, vu le grand porte à faux, n’ayant pas assez de force pour y résister.

De même, lorsque l’on construit une jambe étriere, ne donner que la harpe suffisante pour se lier avec le moilon, en considérant que le moilon fait un tassement plus considérable que la pierre, par la multiplicité des joints,&fait casser la harpe de pierre qui se trouve en porte à faux quand elle n’est point proportionnée comme dessus, à la hauteur de la pierre, faute qui fe commet journellement&qu’il faut éviter.

Ne jamais engager un appui de croisée en pierre sous les trumeaux, vu le tassement continuel d’iceux par les deux bouts, lequel casse dans le milieu de la croisée, ce qui est assez ordinaire.

Pierres Vergelé&Saint-Leu.

Les pierres de Vergelé&de Saint-Leu sont égales en tout leur contenu; il peut, de même que la pierre dure, se trouver des fils, par les efforts qu’elles reçoivent lorsque les Charretiers les déchargent à l’attelier.

Les liaisons doivent être sur le même principe que dessus.

Il ne faut jamais permettre aux Ouvriers&Entrepreneurs de démaigrir les lits de pierre, ainsi qu’ils le font, à six pouces de l’arrête des paremens; il en survient que ce démaigrissement fait cavité dans l’épaisseur des murs, malgré que les pierres soient coulées ou fichées avec mortier ou plâtre; le fardeau de l’élévation les fait casser, vu que le plâtre coulé est noyé &ne peut se consolider pour résister à l’affaissement. L’Ouvrier dit que ce démaigrissement est fait pour que le mortier ou plâtre faffe corps avec la pierre, ne pouvant le faire avec une partie lisse. Cela est vrai, mais non pas un démaigrissement de cette espece; il ne faut faire que des abreuvoirs pour conserver toujours un plain pour appui dans toute l’épaisseur du mur, suivant la figure A.: il y aura plus de solidité.

D’ailleurs, lorsque ces lits sont totalement démaigris, le poids de l’élévation n’a d’appui que sur l’arrête des paremens,&excite par la charge à de grandes épaufrures, en termes d’Ouvriers, ou écornures.

Il est essentiel d’avoir un Inspecteur Praticien en partie pour la pierre Saint-Leu, afin de prendre garde qu’il n’en soit employé de lits en paremens; les lits n’étant pas plus durs que les paremens, on s’y trompe,&cette faute, ou mauvaise manœuvre, cause de la disgrace après la construction, les pierres se délitant par la charge&intempérie de l’air.

Observations concernant la bonne construction en pierre.

Lorsque l’on emploie de la pierre dure ou autre, l’Entrepreneur doit avoir soin de la faire poser toujours sur son lit pour plus de solidité, afin qu’elle soit dans le cas de résister sous le poids de l’édifice, se trouvant en même position que la nature l’a formée,&non sujette à s’épaufrer, comme il arrive lorsque les lits sont en parement; l’air&l’humidité la dissout&la délite, n’étant point sur son lit.

De même, de ne la point mettre de lit en joint, fondé sur les tassemens qui se font journellement dans les édifices. Comme il arrive qu’une partie de l’édifice peut tasser, l’autre partie lui résiste: si la partie résistante est de lit en joint, celle fléchissante sur icelle fait déliter la partie résistante par son affaissement.

Le lit de la pierre se connoît par les veines&les coquillages toutes de niveau qui s’y trouvent,&non perpendiculairement.

Le marbre se connoît de même, mais pas si distinctement, vu la variété des différens cailloux&congellations.

L’on peut cependant poser la pierre de lit en joint, dans la hauteur de l’entablement d’un édifice, en la faillie de l’assise supérieure seulement; elle résistera plus long-temps à l’intempérie de l’air, étant moins sujette à se déliter en sa faillie, qui se trouve en parement sous la mouchette pendante.

Cette observation n’est&ne doit pas être générale pour la bonne construction.

Pour empêcher l’écoulement des eaux pluviales en cette faillie, il faut observer la maniere de profiler la moulure supérieure, afin que l’eau ne s’écoule point dans la faillie de la mouchette pendante, ainsi qu’il est démontré ci-après, mais seulement pour faire connoître que la construction sera reconnue bonne, s’il s’en trouvoit quelqu’assises de lit en joint, tant en pierre dure qu’en pierre tendre en cette position.

On a vu des Appareilleurs commettre de grandes fautes à la construction des arrestiers de voûtes, d’arrêtés&arcs de cloître, n’ayant point observé que lorsqu’ils terminent la fermeture d’une de ces voûtes, la clef&arrestiers en douelles sont en délit. L’Appareilleur trace sans observation la retombée sur le lit de dessous,&coupe sur le lit de dessus: comme il y a peu de retombée à cette terminaison de voûte de un, deux&deux pouces&demi, la douelle se trouve en délit, ainsi que cela s’est pratiqué à Paris, à la gallerie à gauche de la face, sur le parterre, aux Tuileries, dont beaucoup sont mutilés par le délit provenant du manque d’attention,

C’est en cette position que les paremens sont& doivent pour lors être regardés pour lits, les douelles &coupes se trouvent en paremens,&la solidité selon l’art.

Il est donc essentiel de faire choix d’un bon Appareilleur, c’est de lui que dépend la bonne construction; mais aussi, pour exciter&son émulation&ses plus sérieuses attentions, il faut lui donner des appointemens proportionnés à son mérite,&non pas le molester comme sont la plupart des Entrepreneurs, qui n’ont d’autre connoissance dans la bâtisse que la maîtrise qu’ils ont achetée.

Autre Observation concernant les saillies d’Architecture, pour éviter que les eaux pluviales ne noircissent les moulures au-dessous du premier membre supérieur.

Pour un entablement, il faut que le profil soit suivant la figure50, avec jet-eau sous la faillie du carré ou congé triangulaire qui écarte l’eau pluviale, laquelle ne peut remonter ni s’écouler plus loin, son poid la faisant tomber à son à-plomb en cet endroit.

Et de même pour toutes plinthes, suivant les différentes figures51.

Moilons.

Le moilon doit être sans bouzins, bien gisans; chaque rang doit être de niveau, avec liaison de hauteur &épaisseur.

Il ne faudroit jamais permettre à un Entrepreneur de tailler son moilon sur son attelier, lorsqu’il en est nécessaire, attendu que quand il a fait choix du plus beau dans son approvisionnement pour le tailler, ce qui reste n’est nullement bon en construction, n’étant que des boules&rebuts qui ne sont plus propres qu’à employer à faire des massifs&non des murs; c’est ce qui fait qu’où il s’entaille, on voit des tassemens çonsidérables; conséquemment défaut essentiel. L’Entrepreneur doit l’acheter tout taillé du Carrier, ou le faire tailler sur la carrière.

Moilon provenant des carrieres à plâtre.

Ce moilon est de peu de valeur en construction; il ne vaut rien à rez-de-chaussée; l’humidité le faisant mutiler à l’intempérie de l’air, il s’écrase facilement sous le fardeau; il résiste mieux en élévation toutes les fois qu’il est ravalé en plâtre pour le mettre à couvert de ladite intempérie: cependant, aux endroits où il n’y en a point d’autres, on est contraint de s’en servir.

Platras.

Les platras des démolitions qui s’emploient aux bâtimens ne doivent être qu’en élévation, ne pouvant être à l’humidité, vu qu’ils salpêtreroient. Ils doivent être posés en liaison de hauteur&épaisseur.

Brique.

Il y a à Paris de trois sortes de brique de huit pouces de long, sur quatre pouces de large, dont de deux sortes, qui viennent de la Bourgogne; elle est très-dure &émaillée en partie par la nature du terrein; elle est bonne dans la partie inférieure du rez-de-chaussée pour résister à l’humidité, dont une sorte a deux pouces d’épaisseur, l’autre un pouce. La troisieme sorte est des environs de Paris, bonne à l’intérieur&en sur-élévation. Cette derniere est meilleure pour recevoir les ravalemens en plâtre, n’étant point émaillée &plus spongieuse; elles doivent être toutes posées en liaisons.

Traité d'architecture pratique

Подняться наверх