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QU'EST-CE QU'UNE ABEILLE?—ORGANISATION GÉNÉRALE ET FONCTIONS.

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Table des matières

On n'a longtemps connu sous le nom d'Abeille que l'antique mouche à miel, l'Apis des Latins, la Melissa des Grecs.

Fig. 1.—Une Abeille.

Linné étendit le nom à plusieurs hyménoptères vivant tous, comme l'Abeille domestique, du nectar des fleurs et de leur poussière fécondante. De plus en plus distendu par la multitude croissante des espèces qui venaient y prendre place, le genre Apis de Linné ne tarda pas à se résoudre en un grand nombre de genres et à s'élever au rang de tribu ou de famille.

On désigne aujourd'hui sous le nom d'Abeilles, d'Apiaires, de Mellifères ou d'Anthophiles, les hyménoptères dont la larve se nourrit de miel et de pollen, quels que soient d'ailleurs le genre de vie et les mœurs de l'adulte.

Ce groupe est un des plus importants de l'ordre des Hyménoptères, car il ne compte pas moins de 12 à 1500 espèces, en Europe seulement, et il serait difficile d'évaluer avec quelque précision le nombre de celles qui habitent les autres parties du monde.

Fig. 2.—Tête d'Abeille.

Une grande diversité règne, naturellement, dans une famille aussi nombreuse. Néanmoins l'organisation fondamentale est toujours la même et se maintient au milieu de l'extrême variabilité des détails. C'est ce fonds commun à toutes les abeilles que nous jugeons utile de faire connaître sommairement, avant d'aborder l'étude particulière des genres.

Le corps d'une Abeille, comme celui de tout insecte, se compose de trois parties nettement séparées par deux étranglements: la tête, le thorax et l'abdomen. Ces trois parties sont rattachées entre elles par un trait d'union parfois très grêle et très court, flexible et mou, faisant office à la fois et de ligament et de conduit tubuleux, livrant passage aux viscères.

La tête (fig. 2), le plus important de ces segments par les fonctions élevées qui lui sont dévolues, présente en avant et en dessous l'ouverture buccale. Sur les côtés; deux surfaces luisantes, convexes, se résolvant, à la loupe, en une multitude de petits compartiments polygonaux, sont les yeux composés ou en réseau (b). Au haut du front et en son milieu, trois petits points, brillants comme des perles, ordinairement disposés en triangle, sont les yeux simples ou les ocelles, appelés aussi stemmates (a).

Vers le centre de la face sont insérés deux organes linéaires, coudés, très mobiles, les antennes, rappelant assez bien, par leur forme générale, un fouet avec son manche (c). Elles comprennent une partie basilaire, simple,—le manche du fouet,—appelée le scape, et une seconde partie, plus longue, formée de plusieurs petits articles placés bout à bout, le funicule ou flagellum, représentant la corde du fouet.

Inutile de définir autrement la face, partie antérieure et moyenne de la tête, les joues, situées plus bas et sur les côtés, le front, le vertex, l'occiput, qui se partagent la partie supérieure de la tête, sans aucune délimitation bien précise.

Immédiatement au-dessus de la bouche, dont la structure complexe sera plus loin décrite, se voit une plaque tégumentaire un peu bombée, assez distinctement limitée sur son pourtour, occupant toute la largeur de la partie inférieure de la face. C'est le chaperon ou clypeus (i).

La seconde partie du corps, le thorax ou corselet, comprend, comme chez tous les insectes, trois segments: le prothorax, ou segment antérieur, le mésothorax, ou segment moyen, et le métathorax, ou segment postérieur.

Le prothorax, ordinairement peu développé dans sa partie dorsale, souvent semblable à une étroite collerette, porte la première paire de pattes.

Le mésothorax, très apparent en dessus, où il forme la majeure partie du dos, porte en dessus la deuxième paire de pattes, et, sur les côtés, la première paire d'ailes.

Le métathorax, assez développé d'ordinaire, porte la troisième paire de pattes et la deuxième paire d'ailes. Il présente, en dessus et dans la région médiane, deux organes assez importants au point de vue descriptif, l'écusson et le postécusson, dont les formes variables et la coloration sont fréquemment utilisées pour les distinctions spécifiques.

L'abdomen ou ventre, dénué d'appendices locomoteurs, est formé de plusieurs segments placés bout à bout, susceptibles de jouer les uns sur les autres, de s'invaginer plus ou moins chacun dans celui qui le précède, ou de s'en retirer, de manière à diminuer ou augmenter la capacité de l'abdomen, ou, inversement, de se laisser distendre ou rétracter, suivant la turgescence ou la vacuité des viscères.

Après l'énumération sommaire qui vient d'être faite des parties du corps de l'Abeille visibles extérieurement, nous allons rapidement passer en revue ses différentes fonctions. Nous aurons l'occasion de revenir sur la plupart des organes déjà signalés, pour en mieux faire connaître la structure et en indiquer les usages.

Organes de la digestion.—La bouche d'un insecte quelconque comprend: une lèvre supérieure, une lèvre inférieure, et, entre les deux, une paire de mandibules et une paire de mâchoires, se mouvant en un plan horizontal et non de haut en bas, comme chez les animaux supérieurs. Ces différentes pièces, au fond toujours les mêmes, subissent des variations fort remarquables suivant le régime de l'animal, et leurs modifications fournissent des éléments d'une importance majeure pour la caractéristique des groupes. Chez l'Abeille, la structure compliquée des parties de la bouche, leur adaptation à des usages multiples, en font un appareil d'une rare perfection.

La lèvre supérieure ou labre (fig. 2, h), fait immédiatement suite au chaperon. Mobile sur sa base, articulée au bord inférieur du chaperon, elle recouvre plus ou moins les autres pièces buccales. Sa forme varie considérablement suivant les genres.

Les mandibules (g), faibles ou robustes, variées à l'infini dans leurs formes, sont instruments de travail et non de mastication; elles font office de scie, de ciseaux, de tenailles, de pelle, de bêche, de truelle, de polissoir, au besoin d'armes pour combattre.

Sous les mandibules, les mâchoires—de nom seulement,—s'allongent, s'effilent en minces lames (f), acuminées ou obtuses, souvent barbelées, propres à lécher, à humer les liquides, fonction dans laquelle elles viennent en aide à la lèvre inférieure. Sur le côté externe, dans une sorte de pli ou d'échancrure, s'insère un appendice linéaire, formé d'un petit nombre d'articles, comme une très petite antenne, le palpe maxillaire.

Bien différente de la large plaque qui mérite véritablement le nom de lèvre, chez un insecte broyeur, la lèvre inférieure, chez une abeille, est tout un appareil compliqué. Une partie basilaire, épaisse et solide, constitue la lèvre proprement dite. A une certaine distance de son point d'attache à la partie inférieure de la tête, elle émet plusieurs organes distincts: un médian, qui en est le prolongement direct, c'est la langue (d), et deux latéraux, les palpes labiaux (e).

Sur les côtés de la langue, se voient deux petites écailles allongées, qui embrassent sa base rétrécie, et qu'on appelle paraglosses. La langue elle-même, garnie de petits poils nombreux sur sa surface, est très variable dans sa forme. Tantôt très longue, tantôt très courte, elle est aiguë chez la majorité des abeilles, courte et élargie, échancrée au milieu, étalée de part et d'autre en deux lobes arrondis, chez un petit nombre (fig. 3 et 4).

Les palpes labiaux, courts quand la langue l'est elle-même, conservent alors aussi la forme normale de leurs articles. Quand la langue s'allonge, ils s'allongent eux-mêmes; mais l'élongation ne porte que sur les deux articles basilaires qui en même temps s'aplatissent et prennent à eux deux l'aspect d'une mâchoire. Les articles terminaux, conservant leur forme, ou bien s'étendant sur le prolongement des premiers, ou bien, insérés non loin de l'extrémité acuminée du second article, se déjettent en dehors comme d'insignifiants appendices.

Fig. 3.—Langue d'Abeille courte et aiguë. Fig. 4.—Langue d'Abeille courte et obtuse.

La longueur de la langue a une plus grande importance que sa forme aiguë ou obtuse. Nous venons de voir déjà que la conformation des palpes labiaux est en relation étroite avec la longueur ou la brièveté de la langue.

D'autres caractères importants correspondent à ces deux types de conformation de cet organe. D'où la division des abeilles en deux grandes tribus: les Abeilles à langue longue ou Apides et les Abeilles à langue courte ou Andrénides. Ce dernier groupe se subdivise d'ailleurs, d'après les deux formes de langue courte que nous avons signalées, en Acutilingues et Obtusilingues, dénominations qu'il n'est pas nécessaire de définir.

Les Abeilles à langue longue sont les plus parfaites de toutes. Elles comprennent l'Abeille domestique et celles qui s'en rapprochent le plus. Les Abeilles à langue obtuse sont de toutes les moins perfectionnées, celles que, pour cette raison, on a lieu de considérer comme les représentants actuels des Abeilles primitives.

C'est un organe si important que la langue d'une Abeille, il est si hautement spécialisé et si caractéristique de cette famille d'insectes, qu'il ne nous paraît point suffisant d'avoir indiqué sa conformation générale. Nous jugeons indispensable de donner une idée plus exacte et plus complète de sa complication et de son admirable adaptation à la fonction qui lui est dévolue.

Fig. 5.—Extrémité de la langue de l'Abeille domestique.

Nous n'en décrirons qu'une, qui n'est peut-être ni la plus complexe ni la plus parfaite, mais du moins la mieux étudiée, celle de l'Abeille domestique. Elle a fait l'objet de bien des recherches, donné lieu à bien des controverses, et l'on n'en est point surpris, quand on connaît sa structure.

Un médiocre grossissement, celui d'une simple loupe, montre la langue de l'Abeille comme une tige graduellement rétrécie vers le bout (fig. 2), que termine un petit renflement globuleux, une sorte de bouton (fig. 5). Des poils raides, modérément serrés, en garnissent toute la surface, non point irrégulièrement semés, mais naissant tous de lignes circulaires assez rapprochées, qui, du haut en bas, rayent toute sa surface en travers.

Fig. 6.—Section de la langue de l'Abeille. m, mâchoires; p, paraglosses; pl, palpes labiaux.

Ses faces antérieure et latérales sont régulièrement convexes; la face postérieure présente tout du long un profond sillon, dont la forme et les rapports ne sont bien mis en évidence que par une section transversale de la langue (fig. 6). On voit ainsi que ce sillon longitudinal donne accès dans un vaste canal, dont toute la surface intérieure est tapissée d'une fine villosité. Cette même section, en avant de ce conduit en révèle un autre beaucoup plus fin, comme un second sillon dans le fond du premier. Ce conduit capillaire est lisse intérieurement; ses bords seulement sont garnis de poils tournés en sens inverse d'un côté et de l'autre, de manière à produire une obturation complète et isoler le petit canal du plus grand.

En haut, les parois du canal capillaire se déjettent à droite et à gauche, et s'étalent; le conduit s'ouvre ainsi vers la base et au-dessous de la langue. Un peu avant le bout de l'organe, l'étroit canal est partagé en deux par une cloison médiane, qui, parvenue à la base du bouton terminal, s'étale en une sorte de cuiller (fig. 5), où viennent aboutir les deux branches du conduit.

Nous verrons dans un instant comment fonctionne cet étrange appareil.

Quelle que soit sa forme, la langue, avec les mâchoires, est logée dans un vaste sillon longitudinal creusé dans la partie inférieure de la tête. Mais ce sillon, même pour une langue courte, serait insuffisant à la loger, s'il était, au repos, étalé dans toute sa longueur. Aussi est-elle ployée en deux, chez les Andrénides, le pli étant au niveau de la base de la langue. Les mâchoires prennent part elles-mêmes à cette plicature, vers le point où s'insèrent leurs palpes, et, appliquées sur la langue au repos, elles la recouvrent complètement, comme deux valves protectrices.

Chez les Apides, la longueur de la langue est telle, que le pli dont nous venons de parler serait insuffisant. Il en existe encore un autre, celui-ci formant un coude vers le milieu de la partie basilaire de la lèvre, pli qui jamais ne s'efface entièrement, pour tant que l'organe s'étende. Ici, comme chez les Abeilles à courte langue, cet organe, au repos, est recouvert par les mâchoires appliquées; mais il est des genres où il est tellement développé, qu'il dépasse plus ou moins l'extrémité de ces opercules.

Le schéma ci-joint exprime clairement les deux dispositions de la langue au repos, chez une Abeille à langue courte et chez une Apide: a est la base de l'organe ou la lèvre, b est la langue.

Fig. 7.—Schéma de la disposition d'une langue courte et d'une langue longue.

Grâce aux nombreuses villosités qui la couvrent, la langue est un véritable pinceau, très propre à s'imbiber des liquides dans lesquels elle est plongée. Associée aux palpes labiaux, aux mâchoires, elle constitue un appareil admirablement conformé pour humer les liquides. D'après M. Breithaupt, qui a récemment fait une intéressante étude anatomique et physiologique de la langue de l'Abeille, c'est le vaste conduit dont la langue forme le plancher et les mâchoires le plafond, qui est la principale voie par où le liquide aspiré s'élève jusqu'à la bouche. Les mouvements de va-et-vient lentement répétés de ces organes favorisent cette ascension.

L'Abeille peut encore lécher, à la manière d'un chien, en promenant le dessus et les côtés de la portion terminale de sa langue sur les surfaces humectées.

Quand il s'agit de recueillir un liquide étalé en couche très mince sur une surface, ni l'un ni l'autre des moyens précédents n'aurait la moindre efficacité. C'est alors qu'intervient le rôle du canal capillaire, qui peut d'ailleurs agir aussi dans les autres circonstances. L'extrémité de la langue, le petit bouton terminal, s'applique par sa face antérieure sur la surface humide; l'organe en cuiller s'emplit de liquide, qui aussitôt monte par capillarité dans l'intérieur du conduit, et parvient ainsi dans la bouche.

La langue agit donc, dans ce dernier cas, comme une véritable trompe. C'est encore son seul mode d'action possible, quand il s'agit d'atteindre un liquide trop éloigné pour qu'elle y puisse plonger à l'aise. Un apiculteur américain, Cook, en a fait l'expérience en mettant à la portée de ses abeilles du miel contenu dans des tubes étroits ou à une certaine distance d'une toile métallique, dont les mailles laissaient passer la langue des abeilles. Toutes les fois que le miel était accessible à la cuiller, il était absorbé.

Ce rôle de trompe, qui tour à tour a été attribué et dénié à la langue de l'Abeille, paraît donc bien établi. Cette trompe, suivant sa longueur, est capable d'aller chercher un aliment plus ou moins profondément situé. C'est en pareilles circonstances que la lèvre inférieure se déploie et s'étend par l'effacement de ses plicatures, afin de porter l'extrémité de la langue aussi loin qu'il est nécessaire ou possible.

Sans jamais être aussi bien douées, sous ce rapport, que les Lépidoptères, certaines abeilles sont en mesure d'atteindre le nectar de fleurs assez longuement tubulées. Par contre, la plupart des abeilles à langue courte se voient interdire l'accès de nectaires placés au fond de corolles trop étroites pour admettre leur corps tout entier; elles lèchent bien plus qu'elles ne hument, et les Obtusilingues ne peuvent faire autre chose que lécher.

La conformation des pièces buccales, et plus particulièrement de la lèvre inférieure, peut donc servir de mesure à la perfection relative des abeilles.

A ces organes compliqués, réellement extérieurs, fait suite une cavité médiocre, le pharynx, à proprement parler la cavité buccale. A l'entrée de cette cavité, un rebord transversal supérieur, l'épipharynx, et un inférieur, l'hypopharynx, comme deux lèvres internes, la séparent des pièces buccales.

Au pharynx fait suite un œsophage grêle (fig. 8, a), qui se renfle, à une certaine distance de la tête, en un sac globuleux et très extensible, le jabot (j).

Dans le fond du jabot est logé le gésier, organe conoïde, dont les parois sont garnies intérieurement de quatre colonnes charnues. La contraction de ces muscles fait ouvrir, par abaissement, quatre pièces valvulaires fermant hermétiquement, à l'état de repos, l'ouverture cruciforme du gésier. Un col assez long prolonge cet organe en arrière; il ne s'aperçoit pas, dans l'état normal du gésier, invaginé qu'il est dans le réservoir suivant.

Fig. 8.—Tube digestif de l'Abeille.

Le ventricule chylifique (v), cavité cylindroïde assez vaste, semble suivre immédiatement le jabot. Mais il suffit d'une certaine traction, rompant quelques adhérences, pour évaginer le tube capillaire, continuation du gésier, ce qui montre les véritables rapports des trois organes. Des sillons annulaires plus ou moins prononcés se dessinent en travers sur le ventricule, graduellement rétréci vers sa terminaison à l'intestin.

Celui-ci, grêle et filiforme dans sa première portion, est renflé et turbiné dans la seconde, le rectum (g), dont les parois sont munies de six fortes colonnes charnues longitudinales, et qui aboutit à l'anus.

Le jabot fait office de réservoir à miel, et, dans une certaine mesure, d'organe d'élaboration de ce produit. Ses parois sont musculeuses. Au retour des champs, l'abeille contracte son jabot distendu et en dégorge le contenu dans la cellule.

La valvule du gésier, close en temps ordinaire, s'ouvre quand il est besoin, pour laisser fluer dans le ventricule la quantité de miel nécessaire à l'alimentation de l'insecte.

C'est dans le ventricule que s'opère la digestion et en même temps l'absorption de ses produits. Cet organe cumule les fonctions de l'estomac et de l'intestin grêle des animaux supérieurs.

Fig. 9.—Glandes salivaires de l'Abeille.

Comme annexes de l'appareil digestif, il existe deux organes glandulaires importants: les glandes salivaires et les vaisseaux de Malpighi.

Les glandes salivaires sont très compliquées, et au nombre de trois paires, au moins chez l'Abeille domestique, une paire thoracique et deux paires cervicales, qui sécrètent des liquides jouissant, selon toute vraisemblance, de propriétés distinctes (fig. 9).

Les vaisseaux malpighiens, longs et nombreux tubes à fond aveugle, d'un blanc jaunâtre, flottants dans la cavité abdominale, vont déboucher tout autour de l'extrémité inférieure du ventricule chylifique. Ils remplissent le rôle d'appareil urinaire (fig. 8, m).

La circulation du sang, la respiration sont, chez l'Abeille, ce que l'on sait de ces fonctions chez les Insectes en général. Nous les supposerons donc connues, nous bornant à ajouter, en ce qui concerne les organes respiratoires, qu'il existe, chez elle, particulièrement dans l'abdomen, des trachées vésiculeuses d'un volume énorme, vastes réservoirs à air (fig. 10), alternativement comprimés et dilatés par des contractions rythmiques de l'abdomen, et contribuant ainsi à activer la circulation de l'air dans tout l'appareil, et par suite la fonction respiratoire elle-même.

Fig. 10.—Appareil respiratoire de l'Abeille. Fig. 11. Appareil à venin.

Appareil vulnérant.—La très grande majorité des Abeilles sont armées d'un aiguillon, dont la blessure est souvent douloureuse. Cet aiguillon est formé de deux stylets (fig. 11), élargis vers la base, aigus à l'extrémité et souvent barbelés sur les côtés. Entre ces deux pièces, une fine rainure est destinée à recevoir le venin et à l'inoculer dans la blessure. Une gaine, le gorgeret, formée de deux pièces creuses et allongées, aiguës aussi, enveloppe l'aiguillon et sert à le diriger au moment de l'action; l'extrémité de cette gaine pénètre, en même temps que l'aiguillon, dans la plaie. Le liquide vénéneux vient d'un réservoir ovoïde où il s'accumule, et dont il est expulsé par pression, au moment où la piqûre est produite. Ce liquide, très énergique chez certaines espèces, est le résultat de la sécrétion d'une double glande tubuleuse, à conduit excréteur simple, s'abouchant à la partie supérieure du réservoir à venin.

L'appareil vénénifique est spécial aux femelles. Les mâles en sont toujours dépourvus et sont absolument inoffensifs. Aussi le connaisseur peut-il impunément, au grand ébahissement des gens du peuple, saisir à la main les mâles d'abeilles de l'aspect le plus terrifiant, Bourdons ou Xylocopes.

C'est un préjugé assez répandu, que l'Abeille paye toujours de sa vie le moment de colère qui l'a portée à se servir de son aiguillon, celui-ci restant nécessairement dans la plaie. L'Abeille domestique est à peu près seule à perdre son aiguillon, dont les barbelures sont relativement très prononcées et l'empêchent parfois, et particulièrement quand elle s'en est servie contre l'homme, de le retirer des tissus. Mais il n'en est pas ainsi d'ordinaire, et l'on doit disculper la nature de l'inconséquence qui consisterait à produire une arme toujours fatale à l'animal qui l'emploie. Nombre d'Abeilles, Bourdons et Xylocopes surtout, blessent cruellement sans aucun danger pour elles.

Membres.—Les organes de locomotion, chez l'Abeille, sont les pattes, pour la marche, les ailes, pour le vol.

Les pattes (fig. 12), comme chez tous les insectes, sont formées d'une pièce d'insertion, la hanche, a, d'un article plus court, le trochanter, b, qui unit la hanche au fémur, c, ou cuisse, après laquelle vient, le tibia, d, suivi des tarses, e, au nombre de cinq. Le premier article des tarses, le plus volumineux, égal d'ordinaire en longueur aux quatre articles qui le suivent, offre souvent un développement très marqué, qui en fait une sorte de palette; le dernier article, plus ou moins conique, est armé au bout de deux ongles divergents et crochus.

Fig. 12.—Patte d'Abeille.

Les pattes sont ordinairement garnies de poils plus ou moins abondants. Aux pattes postérieures, leur forme et leur arrangement particulier constituent des brosses, des étrilles, des peignes, des houppes, organes importants de récolte pour le pollen des fleurs, d'extraction des provisions amassées, de brossage, etc. Rarement simples, les poils des Mellifères sont le plus souvent rameux, pennés, palmés, et parfois d'une grande élégance dans leur complication.

Fig. 13.—Étrille ou peigne des antennes.

Signalons enfin les épines simples ou doubles qui arment l'extrémité des tibias. L'épine unique dont est muni le tibia de la première paire mérite une attention particulière (fig. 13, a). Elle s'élargit et s'amincit latéralement en deux sortes de lames, dont le tranchant regarde le bord supérieur et interne du premier article des tarses, qui porte une échancrure ou encoche profonde, b, à peu près semi-circulaire. Cet étrange appareil est un objet de toilette. L'Abeille qui veut nettoyer ses antennes, passe sur chacune d'elles la patte correspondante, de manière à amener l'antenne dans l'angle formé par le premier article des tarses et l'épine du tibia, et à la loger dans l'échancrure; et là, tandis qu'elle glisse de la base au bout du funicule, entre l'échancrure et la lame, elle est râclée et nettoyée de tous les grains de poussière qui peuvent la salir.

Les ailes, au nombre de quatre, sont insérées sur les côtés du corselet, au-dessous d'une écaille convexe qui protège leur articulation et se trouve en rapport avec quelques autres pièces cornées, auxquelles viennent s'insérer les muscles moteurs de ces lames membraneuses.

Les ailes, ordinairement transparentes, souvent enfumées, quelquefois obscurcies par une teinte noire ou bleuâtre, sont parcourues par des nervures qui les soutiennent et font leur rigidité. Ces nervures dessinent sur la membrane alaire un réseau, toujours compliqué, dont les mailles portent le nom de cellules.

La distribution des nervures, les cellules qu'elles forment, ont dès longtemps été employées dans la classification comme caractères génériques. Nous n'aurons garde d'exposer ici la terminologie passablement compliquée créée à ce propos. Nous nous contenterons de ce qu'il y a de plus indispensable à connaître dans la nervation de l'aile antérieure.

Le bord supérieur ou antérieur de l'aile de la première paire (fig. 14) est parcouru de a en b, par une nervure appelée radiale. Un peu en arrière de celle-ci, et lui étant parallèle, est une seconde nervure dite cubitale. Ces deux nervures sont arrêtées à une tache due à un épaississement de la matière chitineuse, qu'on appelle le point épais ou stigma. Les cellules portant dans la figure des chiffres inclus constituent la partie dite caractéristique de l'aile, à cause de l'importance de sa considération dans la caractérisation des genres. 1 est la cellule radiale ou marginale; 2, 3, 4 sont, dans cet ordre, les cellules 1re, 2e, 3e cubitales ou sous-marginales. On donne les noms de 1re et 2e nervures récurrentes aux nervures r et r', qui aboutissent à l'une ou à l'autre des deux dernières cellules cubitales, et en des points variables suivant les genres.

Le vol des Insectes a fait l'objet, dans ces dernières années, d'études importantes de M. Marey. Malgré l'intérêt de ces recherches, nous ne pouvons nous arrêter ici sur les résultats obtenus par ce savant.

Les abeilles

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