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INTRODUCTION

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Table des matières

ZOOLOGIE ET HISTOIRE

DU CHEVAL

Le Cheval a été classé par les naturalistes dans l’ordre des PACHYDERMES, la famille des SOLIPÈDES et le genre Equus qui constitue à lui seul cette famille.

Le genre Equus a pour caractères: un seul doigt et un seul sabot à chaque pied; de chaque côté du métatarse et du métacarpe des stylets osseux représentant les rudiments de deux doigts latéraux; six insisives et douze molaires à chaque mâchoires et dans les deux sexes; des canines chez les mâles, absentes ou rudimentaires chez les femelles.

Le genre Equus se compose de nos jours de six espèces qui présentent de grandes ressemblances; chez toutes on trouve sur le corps un poil ras en été qui s’allonge et s’épaissit pendant la saison froide; chez toutes, ce pelage tend à présenter des bandes transversales alternativement claires et foncées; toutefois cette tendance est peu prononcée dans l’Ane et dans l’Hémione, tout à fait exceptionnelle chez le Cheval domestique et très-prononcée au contraire chez le Couagga, le Dauw et surtout le Zèbre. Toutes les espèces du genre Equus ont un instinct qui les porte à se réunir en troupes nombreuses et à accepter pour chef celui d’entre eux que sa force, son courage et sans doute aussi son expérience rendent plus digne de ce poste élevé. C’est cet instinct qui, détourné à son profit par l’homme, lui a permis de soumettre à son empire et de rendre domestique le Cheval, le Bœuf, le Mouton, etc. Les animaux sauvages chez lesquels l’instinct d’obéir à un chef n’existe pas, peuvent être domptés et apprivoisés, mais jamais réduits à la domesticité.

Les six espèces du genre Equus sont les suivantes:

1° Le Cheval (Equus caballus, L.).

2° L’Ane (Equus asinus, L.).

3° L’Hémione (Equus hemionus, Pallas).

4° Le Couagga (Equus quaccha, Gmel.).

5° Le Dauw (Equus montanus, Burchell).

6° Le Zèbre (Equus zebra, L.).

Nous ne nous occuperons dans ce travail que des deux premiers et du produit infécond de leur accouplement.

LE CHEVAL (Equus caballus, L.)

Le Cheval, d’après M. H. Milne Edwards, se distingue des autres espèces du genre par sa queue garnie de crins dès sa racine et par ses petites oreilles.

A propos de sa robe, on sait combien sont grandes les variétés de couleur qu’elle présente chez nos chevaux domestiques: les trois couleurs, blanc, alezan ou rouge jaunâtre et noir, s’y remarquent, soit seules, soit combinées deux à deux et trois à trois d’un grand nombre de façons. On peut cependant remarquer un fait, c’est que le poulain, quelle que soit la robe qu’il aura définitivement naît toujours avec une robe uniforme, souris, fauve ou isabelle, fréquemment accompagnée de raies de mulet et de zébrures; cela indiquerait, — d’après une science toute nouvelle qui se fonde en ce moment, la science des origines, — que telle était la robe des types primitifs, c’est-à-dire des types sauvages. On sait, en effet, que les Trapans ou Chevaux sauvages des stéppes de la Tartarie, que quelques naturalistes regardent sans preuves aucunes, comme descendant de Chevaux domestiques, sont tous isabelle ou gris-souris. Les Chevaux sauvages des pampas de l’Amérique, que l’on regarde généralement aussi comme ayant pour souche des Chevaux d’Europe échappés à la domestication après la découverte du Nouveau-Monde — on a trouvé cependant depuis quelques temps des Chevaux fossiles dans ce pays — sont au contraire plus généralement bai-châtain.

L’espèce cheval présente un grand nombre de variétés ou de races que nous étudierons plus loin.

Jusqu’à ces derniers temps, on regardait toutes les races de Chevaux domestiques comme provenant d’une souche unique dont la patrie était l’Arabie pour les uns et l’Égypte pour les autres (Huzard). A cette dernière opinion, émise par l’auteur du plus remarquable traité des Haras que nous possédions, et qui s’étayait des textes les plus anciens et les plus savamment colligés, s’étaient ralliés les naturalistes les plus éminents; mais les découvertes paléontologiques et ethnographiques de ces dernières années sont venues détruire ces deux opinions aussi bien que celle émise par M. de Quatrefage, dans l’article étendu qu’il a consacré au Cheval dans le Dictionnaire d’histoire naturelle de d’Orbigny, à savoir: qu’il n’existait aucune trace de l’existence de cette espèce à l’état sauvage et que l’époque de sa domestication remontait si haut «qu’il semblait avoir été créé animal domestique. »

L’exploration de la grotte d’Aurignac, entre autres, faite par M. Lartet, dans ces dernières années, a prouvé qu’à l’époque où l’Ours des cavernes, le Rhinocéros et le Mammouth foulaient le sol de la France actuelle, le Cheval, l’Auroch et le Renne y vivaient aussi en grande abondance; que ces derniers animaux, surtout les jeunes sujets, y étaient l’objet d’une chasse très-active par les hommes de cette époque, car leurs os, fendus et brisés artificiellement pour en extraire la moelle, se trouvent en abondance dans les débris de cuisine humaine que cette grotte a fournis, et on y a même trouvé des vertèbres de Cheval et de Renne montrant encore les traces de coups, et même portant incrustées dans leur corps les pointes de flèches en silex qui avaient servi à tuer les animaux dont ces os provenaient.

Ainsi donc il est bien prouvé qu’à l’époque dite de l’âge de pierre, de grandes troupes de Chevaux sauvages, qui ne différaient en rien des Chevaux actuels, existaient sur le sol de notre pays, comme à l’époque tertiaire s’y trouvaient déjà les petits Chevaux à trois doigts, les Hipparions des paléontologistes, dont les premiers proviendraient d’après la théorie de Darwin.

Les fouilles des habitations lacustres de l’âge de pierre, qui prouvent, d’après Rutimeyer, que quelques espèces animales étaient déjà domestiquées, ou, dans tous les cas réunies en parcs d’approvisionnements, ne donnent encore aucun renseignement sur l’asservissement du Cheval; bien mieux, on ne trouve plus ses os dans les restes de cuisine, ce qui indique que sa chasse même était abandonnée, et que le Chien, le Bœuf, le Mouton et la Chèvre, devenus les hôtes de l’homme, étaient ses pourvoyeurs de viande fraîche: il ne s’exposait plus à chasser les grands pachydermes ou ruminants sauvages qui, auparavant, fournissaient les éléments de son alimentation.

Il faut arriver jusqu’à l’âge de bronze pour trouver des indices de la domestication du Cheval: elle est donc probablement due aux Gaëls, dont l’arrivée en Gaule remonte à dix-huit siècles avant notre ère, et qui y apportèrent les premiers arts métallurgiques; effectivement, à partir de cette époque, on trouve souvent le Cheval et son cavalier réuni dans le même tumulus.

Ce qu’il y a de curieux, c’est que l’avoine, ce pain du Cheval domestique des régions tempérées et septentrionales, ne s’est pas trouvée dans les fouilles des habitations lacustres de l’âge de pierre, qui pourtant ont fourni le froment, l’orge, le lin, aussi bien que les pommes, les poires et les prunes; cette graine n’apparaît qu’avec les métaux, en compagnie du seigle et du chanvre; c’est dire qu’elle nous a été apportée d’Orient par des hommes qui savaient dompter les chevaux et qui, s’ils ont pu amener avec eux du plateau central de l’Asie, leur pays d’origine, des Chevaux de cette contrée, ont certainement réduit à la domesticité les Chevaux sauvages indigènes, bien plus nombreux, et avec lesquels ils remplaçaient leurs montures au fur et à mesure de leur extinction; rien n’empêche non plus d’admettre qu’ils aient pu croiser les uns avec les autres.

Les races de Chevaux qui existent actuellement en France ont donc plusieurs origines: à côté de races certainement autochtones, et dont la taille et les formes ont été modifiées par les progrès de l’agriculture, s’en trouvent d’autres amenées à diverses époques par les envahisseurs qui se sont successivement rués sur notre pays; mais l’influence du sol et du milieu, aussi bien que les croisements avec les races indigènes les ont modifiées au point qu’il est tout à fait impossible de les reconnaître; il n’y a que les races de Chevaux importées à une époque relativement récente et qui sont l’objet de soins continuels qui ont conservé leurs caractères; quant aux autres, elles ont subi l’influence des milieux, au point qu’elles ont acquis tous les caractères des races du pays. Ainsi il n’est pas possible, suivant nous, de faire remonter l’origine de telle ou telle race soit à l’invasion des Romains, des Francs, des Arabes, ou aux croisades; un peu d’histoire va le démontrer.

Les fouilles archéologiques de ces derniers temps ont prouvé que, pendant la période qu’on appelle antéhistorique, les Chevaux sauvages parcouraient le sol de notre pays par troupeaux immenses; leurs restes ont même été trouvés accumulés en si grande quantité en certains endroits, que l’on s’est demandé si réellement, à ces époques reculées, le Cheval n’était point déjà domestique. De ce que l’homme à ces époques était encore sauvage, ce ne serait pas une raison à invoquer contre la domesticité du Cheval, puisque nous voyons aujourd’hui les Sioux et les autres peuplades de Peaux-Rouges de l’Amérique du Nord se servir parfaitement du Cheval, bien que l’agriculture et l’industrie des métaux leur soient totalement inconnues. Attendons pour vider cette question que de nouveaux faits, apportant des preuves évidentes pour ou contre l’une ou l’autre opinion, se soient produits.

Aussi loin que l’on puisse remonter dans l’histoire écrite de notre pays, on voit que les Chevaux sont extrêmement abondants et que la cavalerie fait la principale force des armées. (STRABON, Géographie, lib. IV, cap. III.) Veut-on savoir pour quelle proportion comptait l’élément cavalerie dans ces immenses armées de valeureux Gaulois devant qui tout pliait, Etrusques, Romains, Grecs, Macédoniens, Perses, etc.? L’armée celtique qui écrasa Sosthène et la phalange macédonienne, l’an 280 av. J.-C. et qui pilla le temple de Delphes, se composait de 150,000 fantassins et de soixante mille cavaliers sans compter les innombrables chariots qui transportaient les femmes, les enfants et les valétudinaires (H. MARTIN, Histoire de France, 4e édit., II, p. 26); ainsi il y avait deux cavaliers pour cinq fantassins, c’est-à dire trois fois plus que dans les armées actuelles. Pausanias (Phocide, XIX, 10, 11), parlant des anciens Gaulois qui avaient pénétré jusqu’ à Delphes, dit: «Chacun de leurs cavaliers avait avec lui deux écuyers aussi à cheval; lorsque la cavalerie avait engagé le combat, ces écuyers se tenaient derrière le corps d’armée soit pour remplacer les cavaliers tués, soit pour donner leur cheval à leur compagnon, s’il perdait le sien, soit pour remplacer celui-ci dans le cas où il était blessé, tandis que l’autre écuyer l’emportait hors de la mêlée.... Leurs armées traînaient après elles une multitude de chariots même dans les expéditions les moins importantes. »

La cavalerie gauloise avait tant de réputation que c’était à qui se l’adjoindrait: Annibal en avait à Cannes et à Trasimène, et l’histoire a constaté que c’est aux troupes gallo-kymriques qu’il dut la victoire. (D’HALLWIN, Les deux yeux de l’histoire.) Dans la guerre de Jules César contre Arioviste «la cavalerie était composée presqu’en totalité d’auxiliaires gaulois.» (Jules CÉSAR, Commentaires.) Et dans celle qui décida du sort de la Gaule, ce n’est qu’en appelant à son aide la cavalerie germaine qu’il pût vaincre ses anciens alliés: «Sachant que l’ennemi tire sa principale force de la cavalerie, il mande un corps de cavaliers germains qu’il achève d’équiper avec les montures mêmes de ses officiers.» (CÉSAR, De Bell. gall., lib. VII, c. LXV.)

Ces faits prouvent que les Chevaux étaient très-rares dans les armées romaines du temps de Jules César, et, en effet, les légions étaient alors exclusivement composées de fantassins. Les Chevaux étaient même devenus très-rares en Gaule à la même époque, puisque dans l’armée de Vercingétorix, la dernière de la Gaule libre et qui comptait 80,000 hommes, il n’y avait plus que 15,000 cavaliers, nombre bien réduit et qui atteste les pertes énormes qu’avait faites la Gaule dans la guerre de l’indépendance.

Par suite de l’usage qu’avaient les cavaliers gaulois de se faire enterrer avec leurs armes et leur cheval de bataille, on a retrouvé, dans les nombreux tumuli celtiques que l’on a explorés, assez de squelettes pour se rendre compte de la conformation des Chevaux de la période gauloise depuis les temps historiques les plus reculés jusqu’à la conquête romaine: pendant toute cette période, la taille des Chevaux et leur conformation ont très-peu varié ; ils étaient de petite taille, la tête un peu forte, les membres minces mais solides et le pied très-petit; ils étaient en un mot tout à fait comparables aux Chevaux cosaques ou tartares modernes, et rien n’indique qu’il y eût diverses races en Gaule; partout où les tombeaux gaulois ont rendu des squelettes de Chevaux, partout on a retrouvé à peu près le même type. Le Cheval germain ne différait pas du Cheval gaulois et présentait exactement les mêmes caractères indiqués, surtout la même petitesse de pied, dont la mesure est donnée par les fers à cheval, authentiquement germains et gaulois, que l’on a trouvés souvent avec le squelette et les armes du guerrier inhumé ; car nous pouvons dire, dès à présent, que les Gaulois et les Germains d’avant l’ère chrétienne, connaissaient la ferrure du Cheval ainsi que nous le démontrerons plus loin.

Pendant la période gallo romaine, époque où l’agriculture prit un grand développement, le Cheval grandit un peu et s’étoffa, ce qui est encore constaté par les squelettes et surtout par les fers du temps trouvés dans le sol des grandes voies de communications dont la surface du pays fut sillonnée. Mais il faut croire que pendant cette période on s’occupa beaucoup plus de la production et de la multiplication des animaux de trait lent, bœufs et mulets, que des Chevaux, car à l’arrivée des Francs, le Cheval était d’une très-grande rareté en France, peu prisé, même par les nouveaux envahisseurs, et il faut arriver jusqu’à Charlemagne pour voir le Cheval de nouveau en honneur; ce qui prouve que les Gaulois avaient pris les goûts et les mœurs de leurs conquérants, les Romains, qui furent d’admirables fantassins mais jamais cavaliers.

Il faut admettre aussi que les invasions successives des barbares qui ravagèrent la Gaule pendant les IVe et Ve siècles contribuèrent pour une grande part à l’arrêt de la production du Cheval; toujours est-il que, pendant toute la période mérovingienne, le Cheval disparaît pour ainsi dire des armées franques qui, au dire de Sismondi «étaient constituées par une excellente infanterie, constante, inébranlable au combat et cependant facile à manœuvrer. Aucun autre peuple ne pouvait mieux remplacer dans les armées de l’empire l’ancienne infanterie romaine qui avait dû aux mêmes qualités la conquête du monde.» (SISMONDI, Histoire des Français, t. I, p. 40.)

Les chefs supérieurs, seuls dans l’armée franque, étaient montés et, même chez les descendants de Clovis, leurs écuries étaient si peu fournies que c’était un grand luxe pour le roi d’avoir six Chevaux. (GRÉGOIRE DE TOURS, lib. III, p. 24, 198.)

«Appelé par Justinien, Théodebert, petit-fils de Clovis, entra lui-même en Italie (539) avec une armée qu’on évaluait à cent mille combattants. Parmi ceux-ci il n’y avait que quelques cavaliers, armés de lances, qui formaient la garde du roi; tout le reste combattait à pied (Agathiæ » (SISMONDI, loc. cit., t. I, p. 275.)

Une preuve encore que chez les Francs les Chevaux étaient rares, nous est fournie par l’historien que nous avons déjà cité, Grégoire de Tours: Clovis ayant défait les Visigoths à Vouglé, va au tombeau de saint Martin remercier Dieu de sa victoire; il offre en présent au monastère le Cheval sur lequel il était monté le jour de la bataille. Mais bientôt, tant un bon coursier est chose rare, Clovis regrette son offrande; il redemande son cheval au prix de 50 marcs d’argent. Les moines répondent que saint Martin tenait beaucoup au présent qui lui avait été fait. Clovis fut obligé de doubler la somme pour faire taire les scrupules du monastère. Ce fut alors que le rude Sicambre murmura, dit-on, dans sa barbe: «Saint Martin sert bien ses amis, mais il vend ses services un peu cher.»

Si les rois et les chefs supérieurs francs ont des Chevaux, ce sont pour eux de pures machines, aucune idée de noblesse n’est attachée à leur possession, comme cela arrivera plus tard. Quand ils voyagent, c’est en basterne traînée par des bœufs et ceci n’est pas particulier aux rois fainéants: les plus nobles dames du temps de Clovis ne voyagent pas autrement. (H. MARTIN, Histoire de France, t. I, p. 416.) Quand un prince fait son entrée solennelle dans une ville, c’est à pied, ainsi que toute sa suite, qu’il se présente. (H. MARTIN, loc. cit., t. I, p. 406, note.) Si les rois francs ont un tribut à imposer aux Saxons qu’ils ont vaincus, ce sont des Vaches qu’ils demandent; Pépin le Bref est le premier à changer ce tribut annuel de 500 Vaches contre un autre de 300 Chevaux. (SISMONDI, loc. cit., t. II, p. 32, et FRÉDÉGAIRE, contin. cap. CXVIIII, p. 1.) Ce dernier regarde ce tribut comme extrêmement onéreux.

Le goût du Cheval reparut en France à l’avènement des Carlovingiens, et cela pour plusieurs raisons:

Avec saint Colomban, ce druide christianisé, avec les savants qu’il amena à sa suite de la verte Erin «oasis de lumière où s’unit la charité chrétienne à la science druidique» on vit les légendes celtiques renaître de toute part. Or, ces légendes celtiques étaient trop pleines des hauts faits des «colliers d’or» des chevaliers gaulois, pour que les Francs, qui avaient fini par aimer la fixité, la propriété et la vie fastueuse, ne cherchassent pas à les imiter; pour marcher sur les traces des chevaliers de la Table-Ronde, il fallait d’abord des Chevaux: voilà pourquoi nous les voyons les rechercher et se les procurer même par la conquête sous Pépin.

Et puis, les guerres avec les Maures commencées avec Charles-Martel, se continuant ensuite des siècles durant, mirent en évidence l’utilité du Cheval de guerre, ce précieux auxiliaire des peuples orientaux. Charles-Martel put les vaincre à Poitiers grâce à la solidité de son infanterie, mais s’il eût eu de la cavalerie, sa victoire eût été complète et les débris de l’armée musulmane ne lui eussent pas échappé avec leurs armes et leurs chevaux, «Le lendemain, quand les Francs voulurent recommencer la lutte, ils constatèrent que le camp des musulmans était vide. Les débris harassés de l’armée d’Abd-er-Rhaman étaient partis en silence à la faveur des ténèbres, abandonnant tout, hormis leurs Chevaux et leurs armes.» (H. MARTIN, loc. cit., t. II, p. 203.) — Les auteurs hippiques qui ont avancé que la race limousine descendait des Chevaux des Sarrasins abandonnés après la bataille de Poitiers, ne connaissent pas le fait historique que nous venons de rapporter, car il prouve la fausseté de leur opinion.

Charlemagne comprit si bien l’utilité de la cavalerie qu’il s’attacha pendant tout son règne à s’en créer une formidable, à en assurer le recrutement et à en réglementer les moindres détails (voyez les Règlements militaires dans ses Capitulaires): aussi lui doit-il la plupart de ses succès (EGINHARD, Annales, p. 206 et suiv.), et il lui accordait une telle confiance qu’après qu’une épizootie meurtrière la lui eut moissonnée en Pannonie (EGINHARD, Annales, p. 210), il préféra rester dans l’inaction trois longues années malgré les provocations qu’il recevait, et ne reprit l’offensive que quand, grâce aux nombreux chevaux d’Espagne que ses lieutenants lui envoyaient comme sa part de leurs conquêtes sur les Maures, sa cavalerie fut enfin reconstituée. Cette source fut dans la suite assez abondante pour lui permettre d’envoyer en cadeau au roi de Perse, des chevaux et des mulets d’Espagne. (LE MOINE DE SAINT-GALL, Histoire des Gaules.)

La faveur croissante dont les choses équestres devinrent l’objet sous Charlemagne et ses successeurs s’étendit bientôt à tout ce qui s’y rattachait; aussi voyons-nous les fonctions serviles du comte de l’étable (comes stabuli) devenir une distinction honorifique (le connétable), donnant droit au commandement des armées. Le maréchal (mar cheval, schalk serviteur, valet chargé de ferrer et de donner ses soins à douze chevaux, d’après les lois allemandes), qui était sous les ordres du comte de l’étable, bénéficia naturellement de l’élévation de son supérieur, car moins d’un siècle après, c’est-à-dire lorsque la chevalerie est définitivement constituée, nous le retrouvons réunissant à ses anciennes fonctions celles qu’a abandonnées le connétable, c’est-à-dire le gouvernement de l’écurie et des haras et portant le titre d’écuyer, ou d’officier du seigneur féodal auquel il est attaché : «A la suite d’un noble de grande maison, il y avait un écuyer de corps: c’était le plus élevé en grade, un écuyer de chambre ou chambellan, un écuyer de table ou tranchant, un écuyer d’écurie ou maréchal, un écuyer d’échansonnerie, de fauconnerie, etc. Servait-on un pauvre chevalier, il fallait lui tenir lieu de quatre ou cinq écuyers. Ce n’était pas assez de se connaître en oiseaux, en chiens, en chevaux, de savoir manier avec adresse la lance, la hache et l’épée, franchir une haie ou un fossé, grimper à l’assaut, parler avec politesse aux dames et aux princes, habiller son maître et le déshabiller, le servir à table, parer les coups qu’on lui portait dans la mêlée; on devait en outre s’entendre en médecine afin de pouvoir au besoin poser le premier appareil sur la blessure; on devait être en état de ferrer un cheval, de réparer avec un marteau une armure faussée et avec l’aiguille un manteau troué ; — les connaissances variées acquises formaient l’écuyer accompli, et on pouvait aspirer après aux honneurs de la chevalerie et se flatter d’en être digne.» (A. CALLET, Dictionnaire historique; art. Écuyer.)

Le roi de France, comme tous les nobles, ses vassaux, avait parmi ses officiers un maréchal qui veillait à ses écuries et aux soins à donner à ses Chevaux, le tout sous la surveillance du connétable, et ce qui prouve bien que ses fonctions étaient les mêmes que celles qui sont dévolues aux vétérinaires militaires actuels, c’est ce passage qu’on lit dans le Père Anselme, à propos des fonctions du connétable: «Le roi payait aux cavaliers les Chevaux qu’ils perdaient à la guerre et tous ceux tuez ou estropiez au service; le connétable doit faire priser par son maréchal les Chevaux d’armes de lui et ses compagnons et de tous les gens de son hôtel, et tel prix comme son maréchal y met le roi lui doit rendre. (Privilége du connétable, dans l’Histoire de la maison royale de France, par le P. ANSELME.)

Le premier maréchal du roi qui commença d’élever sa position et de la rendre essentiellement militaire, fut Albéric Clément, seigneur du Mez en Gâtinais. Il accompagna Philippe-Auguste en terre sainte, et s’y signala par son courage au siège de Saint-Jean d’Acre où il fut tué à un assaut en 1101, selon Guillaume le Breton et Rigord; d’après ces chroniqueurs il commanda souvent l’avant-garde dans plusieurs combats et c’est lui qui commence la série des maréchaux de France. Son fils, Jean Clément, seigneur du Mez et d’Argentan, fut conservé par le roi Philippe-Auguste, en la charge de maréchal, quoiqu’il fût fort jeune, en reconnaissance des services de son père. Il en faisait l’exercice au mois de juillet 1223, comme il s’apprend d’une charte du trésor du roi, de laquelle charte il résulte que, malgré sa position militaire de commandant d’avant-garde, il conserva le gouvernement des Chevaux de la maison du roi en tant qu’entretien et soins de toutes sortes. (Le Père ANSELME, loco citato.) Il faut arriver au quinzième siècle pour voir les maréchaux de France n’avoir plus aucune relation avec l’écurie et marcher à la suite du connétable à la conquête de la position où nous les voyons actuellement, la première après celle du souverain.

Quant aux maréchaux ferrants, c’est-à-dire aux manouvriers à qui resta dévolu le soin des Chevaux, après que le vrai maréchal ne daigna plus s’en occuper, la route qu’ils suivirent fut précisément l’inverse: au seizième siècle nous les trouvons au dernier degré de l’abjection et de l’ignorance.

Ainsi l’époque où le Cheval eut le plus d’importance, puisque sa possession constitue un titre de noblesse, et le droit de s’en servir à la guerre un privilége réservé à l’aristocratie, ce sont les siècles qui suivirent celui de Charlemagne et où la féodalité prit naissance. C’est de là que date réellement la production du Cheval en France. A cette époque tous les seigneurs eurent leurs haras dont les soins et la surveillance étaient la principale occupation. Les plus en réputation étaient ceux des ducs de Normandie, qui se trouvaient spécialement aux environs de Rouen et de Caen; ces princes avaient, pour présider aux soins de leurs Chevaux et à la récolte des foins que fournissaient leurs immenses prairies, un officier noble qui portait le titre de maréchal et qui, en raison de cet office, possédait le fief de Venoix, aussi était-il appelé maréchal de Venoix ou maréchal de la Prairie.

C’est de cette époque, et sous l’influence des diverses qualités du sol et des prairies où l’on élevait les Chevaux en France, que datent les diverses races qui se sont produites dans notre pays; avant Charlemagne, nous le répétons, les races de Chevaux n’étaient pas distinctes puisque cet animal était une rareté et presque un mythe.

Races françaises actuelles.

Les différents centres de production du Cheval qui se créèrent en France à l’époque de la féodalité, dans chaque province ou subdivision de province, amenèrent à la longue, l’influence du sol aidant, la formation de variétés de l’espèce cheval à types constants qui donnèrent ce qu’on est convenu depuis d’appeler des races ; ainsi il y eut la race normande, la race flamande, la race ardenaise, la race comtoise, la race auvergnate, la race limousine, la race navarine, etc., et il est très-facile, sans chercher des causes éloignées, ante-historiques, de s’expliquer la création des susdites races, rien que par l’influence du sol prolongée durant une longue suite d’années et même de siècles. Quand nous disons le sol, nous voulons parler surtout des influences de la végétation ou de la nourriture végétale propre au cheval que produit ce sol, auxquelles influences, il faut joindre celles du climat, du milieu enfin.

L’influence du milieu, qui se fait sentir de nos jours absolument comme autrefois, est très-facile à constater, et les preuves ne manquent pas si on veut se donner la peine de les chercher; en voici quelques-unes: les éleveurs de cette belle race percheronne qui fait l’orgueil de notre pays, sont loin de produire en poulains tout ce qu’ils écoulent en chevaux faits; ils complètent ce qui leur manque en poulains avec de jeunes animaux, bien choisis, qu’ils vont chercher dans le Berry, le Boulonnais et même la Franche-Comté ; eh bien! les poulains de ces derniers pays, élevés au milieu des herbages du Perche, prennent tellement les caractères de ceux de leur pays d’adoption que, lorsqu’ils sont grands, il est impossible de les distinguer au point de vue de la conformation de ceux qui sont nés dans le pays même. Dans les riches prairies de Castel-Sarrasin, qui bordent la Garonne, on élève des Chevaux qu’on va chercher à l’état de poulains dans la plaine de Tarbes; ces poulains, devenus chevaux faits, ont gagné une taille et une corpulence proportionnelle qui dépasse de plusieurs centimètres celle de leurs frères restés dans leur pays d’origine; en même temps leurs formes sont devenues plus élégantes, leurs jarrets moins crochus, leurs pieds plus développés, au point que la remonte de l’armée trouve maintenant, aux environs de Castel-Sarrasin, des chevaux susceptibles de remonter des officiers de cavalerie de ligne, qui auraient été tout au plus bons à remonter de petits hussards ou de petits chasseurs, s’ils étaient restés dans leur pays. Enfin, nous avons vu à Vatan, près d’Issoudun (Berry), dans la propriété de M. Ferdinand de Lesseps, une jument et des étalons arabes ramenés d’Égypte par l’éminent créateur du canal de Suez, donner dans la susdite propriété des produits pur sang arabes qui, à trois ans, avaient déjà 3 à 4 centimètres de plus de taille que père et mère, avec un développement proportionnel, ce qui indique qu’il ne faudrait peut-être pas un très-grand nombre de générations pour que ces chevaux arabes, transplantés en France, deviennent à la longue, en tout, semblables aux chevaux berrichons indigènes.

Ainsi donc, les caractères des différentes races de chevaux de la France et de tous les pays en général, ont surtout pour origine l’influence du milieu et surtout du sol et de ses productions végétales.

Jusqu’à Louis XIV, les races françaises furent très-distinctes les unes des autres et à-peu près les seules employées par les nobles et les bourgeois commerçants qui ne voyageaient, les uns et les autres, qu’à cheval. A la suite des guerres du Grand Roi, les Chevaux étant devenus rares en France, l’importation des Chevaux d’Espagne commença sur une vaste échelle, d’autant plus que les Chevaux andalous entre autres, étaient très-propres aux exercices de manége, très en vogue depuis l’arrivée de nombreux écuyers italiens venus à la suite des princesses de la famille de Médicis. Les Chevaux andalous ont le chanfrein légèrement busqué ; cette conformation et même son exagération étant devenue très à la mode, on alla, jusqu’ en Danemark chercher les Chevaux qui la présentaient d’une manière très-prononcée, et on vit bientôt toute la noblesse du temps de Louis XIV et de Louis XV montée sur ces énormes Chevaux danois à croupe double et à tête busquée qui figurent dans tous les tableaux de bataille de Lebrun, de Vandermeulen, de Philippe de Champagne, etc., aussi bien que dans les œuvres des sculpteurs du même temps.

La Normandie étant le plus grand centre de production des forts Chevaux de selle, et la mode ayant imposé ses caprices à cette production, c’est là l’origine des Chevaux à tête busquée que cette province produisait encore en grande quantité, il y a quelques années, mais qui tendent à disparaître sous l’influence des croisements avec la race anglaise dont le goût est dominant dans les hautes classes de la société depuis les premières années de la Restauration, mais que commence à lui disputer sérieusement la race arabe.

En sorte que, actuellement, outre les anciennes races françaises, nous avons maintenant quelques représentants encore des races espagnoles et danoises, et beaucoup de sujets des races anglaises et arabes qui ont imprimé des modifications profondes chez quelques-unes de nos vieilles races.

Nous allons donner maintenant les caractères les plus résumés possible des différentes races qui existent aujourd’hui en France, en les classant d’après leur conformation et le service auquel elles sont aptes, c’est-à-dire en Chevaux fins de selle ou de trait léger, et en Chevaux communs, de gros trait ou de charrue.

A. Chevaux fins.

Nous commencerons la description des races de cette catégorie par celles des races qui ont fourni des étalons dits régénérateurs, avec lesquelles nos races indigènes légères ont été croisées.

RACE ARABE. — Caractères typiques d’après M. Sanson: Brachycéphalie la plus prononcée qui soit dans l’espèce, accusée par un front très-large, plat, donnant la tête carrée des hippologues; protubérance occipitale longue et épaisse; arcade orbitaire saillante; cavités orbitaires très-grandes et séparées l’une de l’autre par une forte distance correspondant au diamètre transversal du crâne; face courte, chanfrein droit, aplati et large formant exactement un triangle renversé, crête zygomatique accusée; maxillaire inférieur à branches écartées, relevées à angles droits; arcades incisives petites; naseaux larges.

Ensemble de conformation dans laquelle se retrouve, avec des formes sveltes, l’application complète de la théorie de la similitude des angles; épaule longue, inclinée; poitrine, cuisse et jambe bien musclée; direction parfaite des aplombs; avant-bras long, canon court, tendons bien détachés; jarrets larges et nets; garrot élevé mais non tranchant; reins larges; croupe simple, inclinée; poitrine profonde et large, côtes arrondies.

La race arabe pure se trouve dans l’Arabie-Heureuse et dans les haras des souverains et des grands chefs des pays voisins comme l’Egypte et la Syrie. Des sous-races, très-voisines de la race type, se trouvent en Syrie, en Perse, eu Asie-Mineure, dans la Tunisie, le Maroc et l’Algérie; dans ces trois derniers pays, cette sous-race porte même le nom de race barbe et on regarde, comme en dérivant, les Chevaux d’Espagne et même ceux du midi de la France et du Limousin, dont l’importation serait due aux Maures; mais ce sont de pures hypothèses qui n’ont aucune base certaine; ils se rapprochent bien plus au contraire, au moins ceux du midi de la France, des Chevaux gaulois dont on a découvert les restes, et on peut, par suite, les regarder comme autochthones, c’est-à-dire comme appartenant en propre au pays qui les produit encore maintenant.

Une race, par exemple, qui est bien dérivée de la race arabe, c’est la suivante:

RACE DE COURSE ANGLAISE. — Le Cheval anglais, dit de pur sang, a exactement les caractères typiques crâniens du Cheval arabe, et ses caractères secondaires seuls ont été modifiés par l’institution des courses: le squelette s’est allongé en tous sens, sauf le sens transversal, et les rayons des membres surtout ont pris beaucoup de développement en longueur.

Du reste, on connaît parfaitement l’origine de ce Cheval. Déjà, sous Jacques Ier, on signale l’introduction en Angleterre d’étalons orientaux, mais c’est surtout un étalon syrien du nom de Darley-Arabian, et un autre d’origine inconnue rencontré dans les rues de Paris, traînant une charrette, par lord Godolphin, qui l’admit dans son haras, au commencement du siècle dernier, qui sont regardés comme souche de la race anglaise de pur sang, et inscrits comme tels en tête du Stud-Book de nos voisins d’outre-Manche.

Ce n’est que par des soins continuels, une grande sévérité dans les accouplements et une hygiène particulière, que les Chevaux anglais de course conservent leurs caractères et leurs qualités particulières, et il est évident que si ces soins et cette hygiène venaient à disparaître, il ne faudrait pas longtemps, peut-être pas un siècle, pour que, sous l’influence des milieux et du sol, cette race se fonde complètement dans celles qui sont propres aux pays où elle a été importée.

Plus tard, nous parlerons des courses et de l’entraînement, cette préparation particulière que l’on fait subir aux Chevaux que l’on veut faire courir.

Nous arrivons maintenant aux races réellement françaises.

RACE NORMANDE. — De tout temps la Normandie a produit d’excellents Chevaux, mais après les croisements successifs que, depuis Louis XIV, la race normande a subis, il est difficile de rencontrer des spécimens de la race pure autochthone; les bidets d’allure du Cotentin en sont peut-être les derniers représentants. Depuis une centaine d’années, mais surtout depuis 60 ans, c’est avec la race anglaise dite de pur sang que l’on croise les Chevaux normands, — on fait même en Normandie du pur-sang qui ne se distingue en aucune façon du pur-sang anglais et qui nous revient sous ce nom après un petit voyage à travers la Manche, ou même simplement à travers l’embouchure de la Seine.

Sous le Grand Roi, alors que la mode était aux grands Chevaux à chanfrein busqué, la Normandie surtout se mit à en faire et importa pour cela un grand nombre de Chevaux danois. C’est de cette époque seulement que date le chanfrein busqué chez les Chevaux normands et non pas, ainsi que le croit M. Sanson, de l’établissement des Nortmans en Neustrie, car il est prouvé que ces pirates, aussi bien que leurs chefs ignoraient l’usage du Cheval ou tout au moins ne savaient pas s’en servir et que par conséquent ils n’ont pu en amener en France. Toutes les œuvres d’art, jusqu’à Louis XIV, entre autres la fameuse tapisserie de Bayeux qui date de la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant, représentent les Chevaux normands avec le chanfrein droit, absolument comme tous les Chevaux gaulois que l’on trouve dans les tumulus, ou comme les Chevaux sauvages contemporains du Mammouth et du Renne.

Le caractère typique des Chevaux de Normandie n’est donc pas uniforme depuis la tête longue à front étroit, ou dolichocéphale, et à chanfrein étroit et fortement busqué, jusqu’à la tête brachycéphale, à front carré et à chanfrein droit et large, il y a place pour tous les intermédiaires. De même pour les caractères secondaires: les formes du corps et ses proportions un peu fortes laissant en général à désirer sous le rapport de l’élégance, accompagnent généralement la tête longue, étroite et busquée; au contraire les Chevaux à tête droite sont moins lourds et mieux faits. Dans tous les cas la robe baie ou d’une couleur foncée domine.

Les produits du croisement de la race normande avec le pur-sang anglais, appelés anglo-normands, sont en général beaux, bien faits, vigoureux et énergiques; ceux que l’on produit aux environs de Merlerault surtout sont remarquables. Le sang anglais soit pur soit croisé, a eu pour effet en Normandie de faire disparaître et d’anihiler l’influence néfaste qu’avait eue le sang danois; à ce point de vue il a rendu un immense service et si on continue à se servir des produits ainsi améliorés comme étalons en diminuant de plus en plus l’emploi du pur-sang anglais, la Normandie arrivera à récupérer complètement sa vieille race à réputation séculaire et bien méritée.

RACE BRETONNE LÉGÈRE. — «La vieille terre de Bretagne possède de temps immémorial une population chevaline d’une rusticité et d’une vigueur à toute épreuve, d’un aspect sauvage comme ses landes et ses halliers, qui se rattache en toute évidence au type arabe» (Sanson, loco citato). Et l’auteur cité part de là pour dire que les Chevaux bretons descendent de Chevaux arabes ramenés des croisades. Il serait facile de faire ressortir la contradiction qu’il y a entre le commencement de cette phrase et la fin, car nous ne voyons pas comment dès l’instant qu’il y a eu du temps immémorial des Chevaux en Bretagne, les Chevaux bretons seraient originaires des croisades ou même de l’invasion sarrasine et de la bataille de Poitiers. Il est certain que des croisés non-seulement bretons, mais normands, flamands, lorrains, picards, provenceaux, etc., ont pu revenir de Terre-Sainte avec des Chevaux pris dans ce dernier pays, — bien que beaucoup soient revenus, comme Richard Cœur-de-Lion. misérables et à pied, en mendiant de château en château comme les troubadours, — et que ces Chevaux ont pu fournir quelques croisements avec les juments indigènes, mais cela a-t-il suffi pour créer une race dans des contrées où il existait déjà des Chevaux en grand nombre? Les Chevaux du roi Artus et de sa cour n’étaient pas arabes que nous sachions. Donc, tout en reconnaissant une grande analogie entre le caractère typique crânien du Cheval breton et celui de l’arabe, entre leur taille, leur énergie et leur rusticité, — analogie qui ne se soutient plus dans les caractères secondaires, puisque M. Sanson reconnaît lui-même que «les formes de leur corps manquent d’harmonie» — reconnaissons aussi que leur parenté date de bien plus loin que les croisades et les Sarrasins et qu’elle se perd dans la nuit des temps.

RACE VENDÉENNE ET CHARENTAISE. — La Vendée et les Charentes élèvent une race de Chevaux fins, d’une origine assez récente, car elle ne date que du dessèchement des marais de Saint-Gerrais et Saint-Louis et de leur transformation en prairies aujourd’hui consacrées en grande partie à l’élevage du Cheval. Comme les reproducteurs employés sont des demi-sang anglo-normands, il s’ensuit que ces Chevaux ont une grande analogie de conformation avec ceux de la Normandie; ils sont cependant plus uniformes, mais ils sont plus lymphatiques, plus lents à se faire en raison de l’humidité constante du sol sur lequel ils se développent. Ce n’est qu’à force d’avoine qu’on arrive à les tremper, mais une fois faits ils durent longtemps et ont bon caractère, à l’inverse des demi-sang normands qui sont souvent par trop nerveux, sont ombrageux et s’emballent facilement quand le tempérament de leur père de course domine par trop dans leur constitution.

LES CHEVAUX ANGEVINS tiennent à la fois des bretons et des normands modernes; ils sont en général plus légers que ceux-ci et mieux faits que ceux-là ; ce sont aussi des métis où le demi-sang normand a imprimé ses principaux caractères. Les landes de l’Anjou, où ces chevaux s’élèvent, ont un peu l’influence de celles de Bretagne, c’est-à-dire qu’elles affinent et rapetissent la taille.

RACE LIMOUSINE. — On a pour habitude de répéter dans les ouvrages de Zootechnie, que la race limousine a pour origine la nombreuse cavalerie des Sarrasins, abandonnée après leur défaite à Poitiers par Charles Martel. L’histoire dit pourtant, ainsi que nous l’avons rapporté plus haut, que l’armée franque, composée entièrement de solides fantassins «qui reçurent les charges des Sarrasins, comme des murs inébranlables, pendant toute une journée de combats acharnés, » fut très-surprise, le lendemain, de ne plus voir un seul ennemi, «ils étaient partis laissant leur camp intact, mais emmenant seulement leurs chevaux et leurs armes.» (H. Martin.) Le Limousin, comme la Bretagne, comme la Normandie, a été de tout temps un pays d’élevage de chevaux; l’aridité du sol en grande partie granitique a entretenu la finesse et l’énergie native des races autochthones, Les grandes remontes de Chevaux que Charlemagne tirait d’Espagne (H. Martin) ont dû particulièrement prospérer dans un pays qui, comme le Limousin, a une grande analogie de nature avec leur pays d’origine, mais les Chevaux qui les composaient ont dû vite se mettre à l’unisson avec les Chevaux autochthones du pays, c’est-à-dire avec les Chevaux gaulois.

Les Chevaux limousins ont pour type caractéristique une tête brachycéphale, c’est-à-dire carrée avec le chanfrein droit, et pour caractères secondaires une petite taille et des proportions rappelant beaucoup la variété africaine ou barbe de la race arabe, mais ils n’ont pas comme les Chevaux en question les aplombs réguliers et le canon large; ils ont, au contraire, les jarrets crochus, le canon mince et le tendon failli, c’est-à-dire collé à l’os en arrière et en dessous du genou; l’encolure est aussi plus maigre et la côte plus plate; en un mot, les limousins se rapprochent beaucoup des Chevaux de la plaine de Tarbes.

Le Cheval limousin est très-rustique, très-énergique, très-courageux, très-solide malgré ses défauts d’aplombs; c’était le Cheval de selle le plus élégant et le plus estimé de nos pères. Il n’a pas disparu comme on le croit, il s’est seulement modifié avec les progrès de l’agriculture qui ont gagné même le Limousin.

RACE AUVERGNATE, — «En quoi différent les limousins des Chevaux auvergnats? En rien, quant au type, mais seument par de légères modifications accommodées au séjour alpestre. Il sont moins d’élégance dans la physionomie; leur tête paraît plus forte parce qu’ils sont plus petits; leur croupe est plus courte, plus anguleuse, plus basse; leurs membres postérieurs sont moins longs, ils ont les jarrets crochus et ils sont clos, avec des paturons courts, ainsi que le veut la loi de similitude des angles du squelette.

» Cela ne constitue point des caractères de race, mais tout simplement des caractères de montagnards.» (Sanson). Ce portrait est frappant de ressemblance, mais, pour être logique, pourquoi l’auteur ne fait-il pas descendre le Cheval auvergnat, comme son frère le limousin, des Sarrasins de Poitiers? C’est qu’il sait bien qu’il n’y a pas à chercher ses ascendants ailleurs que dans les Chevaux des cavaliers arvernes de Vercingétorix.

RACE DES PYRÉNÉES. — On distingue le long de la chaîne pyrénéenne trois groupes principaux de Chevaux ayant tous les caractères typiques des variétés africaines ou espagnoles de la race arabe, et ne différant entre eux que par quelques caractères secondaires. Le premier groupe de ces Chevaux se rencontre dans les Pyrénées occidentales; ce sont les plus petits et ce sont les mêmes qui, élevés dans les Landes, deviennent, ces petits Chevaux nains remarquables par leur énergie et leur gentillesse. On les appelle ordinairement des Chevaux navarrins.

Dans les Hautes-Pyrénées et la plaine de Tarbes se trouve la race que l’on appelle maintenant du nom de cette dernière ville et que quelques auteurs nomment aussi race navarrine Il est rare de trouver cette dernière race pure; en cherchant bien, on rencontre cependant encore quelques échantillons qui ont échappé aux croisements inconsidérés de l’administration des Haras, qui, espérant grandir la taille de cette race au moyen du sang anglais, a mis de ce sang partout et n’a obtenu que de grandes ficelles décousues et dégingandées, comme en Limousin. Nous avons déjà dit plus haut et nous montrerons encore plus loin qu’on n’obtient l’exhaussement de la taille chez le Cheval, tout en conservant l’harmonie des formes, qu’au moyen d’une alimentation appropriée et en favorisant les progrès de l’agriculture.

Le Cheval de Tarbes a la tête relativement un peu forte, mais bien expressive, l’encolure longue et gracieusement recourbée, le garrot élevé, les reins longs, les membres secs. le pied solide et sûr; il est doué dans ses allures d’une souplesse cadencée dont nos anciens écuyers de l’École française faisaient le plus grand cas; mais il a les formes un peu anguleuses, surtout dans la croupe qui est courte, la cuisse plate et le poitrail peu ouvert. C’est le type du Cheval de cavalerie légère.

Dans l’Ariége, se trouve un Cheval montagnard qui se développe sur les hauts plateaux à des altitudes de plus de mille mètres dans des pâturages où il passe toute la belle saison. il a tous les caractères des montagnards donnés déjà pour le Cheval auvergnat. Voici le portrait qu’en a tracé M. Gayot: La taille est petite, 1m,45 à 1m,50 au plus; la tête est lourde, souvent mal attachée et mal coiffée; l’encolure est grêle; tout le système musculaire participe de cette condition qui fait le Cheval plat, mince et manquant de grâce; le garrot est bas comme chez tous les Chevaux qui mangent habituellement à terre; la croupe est avalée. Les pieds antérieurs sont panards; les jarrets sont clos; les extrémités sont couvertes de poils; la physionomie est rude et le caractère assez ordinairement indocile... Toutes.ces imperfections s’affaiblissent ou s’effacent sous l’influence d’une alimentation plus substantielle et plus égale, de quelques soins donnés aux produits et du choix judicieux des reproducteurs. Les qualités se développent alors avec une incroyable facilité et dominent vite dans ces natures généreuses, inépuisables et remplies dé feu. On n’apprécie bien les Chevaux de l’Ariége qu’après en avoir usé ; mais alors on est étonné de la dépense d’énergie dont ils sont capables, de la dureté qu’ils montrent au travail le plus fatigant et le plus soutenu. Leur réputation est faite dansées régiments de cavalerie légère où ils ont une excellente renommée. Les postes et les messageries du pays se remontent, exclusivement dans les rangs de cette population.

B. Chevaux communs.

Notre population de Chevaux de trait ou communs, ayant échappé à peu près complètement-à l’intervention systématique de l’administration des Haras, elle s’est conservée dans les lieux de sa production normale avec ses caractères propres et en suivant seulement les progrès réguliers de l’agriculture. C’est an nord, au centre et à l’est de la France que se trouvent ces races si estimées des étrangers, et que les Anglais eux-mêmes nous envient et nous empruntent, car bien qu’ils aient leurs Clydesdales, leurs Norfolks noirs et leurs Suffolks, ils leur préfèrent notre boulonnais et notre percheron.

RACE FLAMANDE. — Le Cheval flamand est autant belge que français. Il a pour caractères typiques: un crâne dolichocéphale; une face très-allongée, étroite, serrée à la région moyenne du chanfrein, puis busquée vers son extrémité ; des arcades orbitaires peu saillantes; la crête zygomatique effacée; le maxillaire inférieur à branches peu écartées, relevées à angle droit; arcades incisives, grandes. Sur le vivant, naseaux petits, bouche grande, joues plates, oreilles épaisses, longues et un peu tombantes; œil petit.

Caractères secondaires: taille de 1m,65 au moins, atteignant souvent au delà de 1m,70; encolure courte et surchargée de crins; poitrine profonde à côtes plates; corps long, garrot bas, croupe double, pointes des hanches basses mais très-musclées; épaule courte et droite, membres très-gros, abondamment pourvus de crins grossiers, comme la queue. Pieds souvent larges et plats comme tous ceux des Chevaux habitant des contrées humides. Tempérament lymphatique, froid au travail, puisant sa force principale dans son énorme masse.

Le Cheval flamand se trouve non-seulement dans le département du Nord et en Belgique, mais surtout à Paris comme cheval de brasseur ou de camion; on commence aussi à l’importer en Poitou concurremment avec le Norfolk, cheval de brasseur anglais, comme mulassier. Le dernier du reste n’est guère qu’un flamand amélioré par les éleveurs anglais entre les mains desquels il a perdu ses grossiers crins et sa peau épaisse, et acquis une robe uniformément noire.

RACE BOULONNAISE. — Caractères typiques, d’après M. Sanson: crâne brachycéphale, front large, arcade orbitaire peu saillante, orbite petit, face courte à chanfrein droit, crête zygomatique saillante, maxillaire inférieur à branches écartées relevées à angle droit, arcades incisives relativement petites, bouche petite, ganaches fortes, ce qui fait paraître l’ensemble de la tête court et volumineux; oreille petite et dressée, œil ouvert et vif.

Caractères secondaires: col épais donnant à l’attache de la tête un empâtement peu gracieux; encolure forte, rouée, paraissant courte, crinière touffue, double, courte; poitrail large, poitrine ample et arrondie, garrot bas et noyé ; dos bas, reins courts, croupe double fortement musclée et courts; épaule belle et oblique, membres forts, articulations larges, canons larges et épais. Taille de 1m,58 à 1m,66. Ensemble du corps épais, arrondi et près de terre. Couleur de robe très-variée, claire ou foncée, bai, gris de fer, pommelé, etc.

On élève le Cheval boulonnais dans les départements du Pas-de-Calais, de la Somme et dans la Seine-Inférieure, particulièrement dans le Vimeux et le pays de Caux; de là ils se répandent dans les provinces voisines et surtout dans les environs de Paris.

RACE PERCHERONNE. — Cette race ne diffère pas beaucoup de la race boulonnaise quant à ses caractères typiques; comme elle, elle a le chanfrein droit, le front carré, seulement la tête est souvent un peu longue et le bout du nez épais.

C’est surtout dans les caractères secondaires que les deux races diffèrent: d’abord le percheron est un peu plus petit que le boulonnais, car sa taille ne dépasse pas 1m,60; la croupe est beaucoup moins double et le sillon qui sépare les deux masses fessières presqu’effacé ; la queue est attachée haut; les membres sont aussi forts, aussi solidement articulés mais à canons un peu plus longs et presque dépourvus de crins. La robe est généralement gris pommelé.

Illiers et Montdoubleau (Eure-et-Loir) sont les centres de la production du Cheval percheron qui y est élevé concurremment avec des poulains, boulonnais, berrichons et même, franc-comtois, qui y prennent la plupart des caractères des Chevaux percherons et sont vendus dans le commerce comme gros percherons. Les poulains nés dans le Perche, dans les environs de Mortagne, Bellesme, Saint-Calais, Montdoubleau, et Courtalin donnent le petit et seul vrai percheron.

Le percheron était au temps des malles-postes et des diligences le cheval de poste par excellence; aujourd’hui il partage avec les bretons et les cauchois le service des omnibus de Paris et celui du transport des marchandises à grande vitesse. Il dessert aussi le Train des Équipages et de l’Artillerie de l’armée.

RACE BRETONNE. — Le Cheval de trait breton a encore, comme le précédent, les mêmes caractères typiques que le boulonnais: même face courte et carrée à front plat, à chanfrein droit, mais souvent relevé ou camus; même bouche petite, mêmes naseaux ouverts et ganaches épaisses, même oreille petite et dressée, et même œil vif qui lui donne une physionomie si expressive.

Les caractères secondaires diffèrent surtout au point de vue de la taille qui est plus petite, bien qu’on voie souvent en Bretagne, surtout dans le pays de Léon, des Chevaux qui atteignent 1m,65. Ceux qui sont élevés entre Lannion et Saint-Malo ont une taille qui varie entre 1m,48 et 1m,58. Quant aux autres caractères, l’encolure est courte et souvent disgracieuse, les membres robustes très-chargés de crins, mais l’épaule est droite et les paturons courts.

Les robes grises sont dominantes dans le pays de Léon et entre Lannion et Saint-Malo; mais au Conquet, où les Chevaux sont les plus petits, on trouve plus souvent des robes baies ou alezanes.

Les Chevaux bretons ont une physionomie qui respire l’énergie et la force, ils ont les allures vives et faciles mais courtes, une constitution excellente, un caractère doux; ils sont durs au travail et très-maniables.

RACES FRANC-COMTOISES. — Le seul moyen de mettre d’accord les différents hippologues qui ont écrit sur la race comtoise, et de rester en même temps dans le vrai, est de reconnaître au moins deux races de ce nom. En effet, les uns, comme M. Sanson, ne voient dans le Cheval comtois qu’un animal «n’ayant aucune qualité ni de conformation ni de tempérament»; les autres, comme M. Simonin et M. Magne, connaissent un comtois péchant, il est vrai, par certains points de sa conformation, mais rivalisant de qualités avec le boulonnais et le percheron. Le type de M. Sanson existe il est vrai, mais seulement chez le pauvre paysan de la Haute-Saône et dans les parties basses du département du Doubs et du Jura; mais il y a une autre race de Chevaux comtois que M. Samson ne connaît pas et qui fournissait, il y a quelque cinquante ans, tous les Chevaux de hallage des vallées du Rhône et de la Saône et tous les relais de postes et de diligence de l’est et du sud-est de la France. Cette race, qu’on pourrait appeler franco-suisse, s’élève sur les hauts plateaux du Doubs, dans les cantons de Maîche et du Russey aussi bien que sur les points correspondants de la frontière suisse et elle a une très-grande analogie avec la grande race ardenaise des Ardennes belges; la preuve, c’est que les poulains de cette race des montagnes du Jura, qui se vendent en très-grand nombre à la foire d’automne de Seignelégier, et qui s’exportent jusque dans le Perche et dans les Flandres, donnent très-bien des gros percherons ou des flamands peu distincts des indigènes.

La race comtoise de la montagne a pour caractères typiques: une tête un peu longue et sèche (dolichocéphale), à chanfrein droit, orbites petits, arcades orbitaires effacées, crête zygomatique peu accusée, maxillaire inférieur à branches peu écartées, arcades incisives grandes; naseaux petits, lèvres minces, oreilles fines et droites, œil petit mais vif.

Caractères secondaires: Encolure mince, peu chargée de crins, garot épais et effacé, épaule droite, dos bas, hanches saillantes, croupe large, double avalée; queue attachée bas; membres et articulations minces, mais secs et peu chargés de crins.

Le Cheval comtois est un excellent cheval de gros trait qui rivalise avec les autres Chevaux français employés à cet usage spécial, lorsqu’il est nourri convenablement d’avoine. Ce qui le fait péricliter dans les plaines de la Franche-Comté, où il devient si laid, c’est que le paysan franc-comtois ne lui donne jamais d’avoine; le régime complètement herbacé lui donne alors un ventre avalé, un dos ensellé, une épaule et une encolure minces, et une tête stupide et mal attachée qui déplaît tant à M. Sanson; mais qu’il aille voir le même cheval chez le riche éleveur de la montagne ou dans les entreprises de roulage qui existent encore le long du Doubs sur la frontière franco-suisse, là où il mange de l’avoine à satiété, et il ne le reconnaîtra pas, tellement il gagne de rondeur, à l’encolure, à la croupe, dans tout le corps enfin.

Dans le centre de la France et dans le nord-est se trouvent encore de nombreux Chevaux communs qui ne constituent pas à proprement parler de races, mais qui se rattachent plus ou moins aux races les plus voisines; ainsi dans la Bresse et la Bourgogne, on trouve des Chevaux qui se rapprochent plus ou moins des Comtois; il en est de même de ceux de la Lorraine, du Berry, du Nivernais qui se rattachent, les premiers aux Ardenais, les autres aux Percherons. Nous nous contentons de les signaler.

HYGIÈNE.

Le Cheval est un animal puissant et docile qui, pour nous, constitue une admirable machine, ayant la propriété de se mouvoir rapidement, à notre commandement, en traînant après elle ou en portant sur elle de lourds fardeaux ou notre propre personne.

Cette machine a, de plus, la propriété d’entretenir elle-même en bon état ses admirables rouages, à condition que nous la placions dans des conditions convenables et que nous lui fournissions les matériaux nécessaires à cet entretien. Sans ces conditions et sans ces matériaux, la machine sedétraque vite et d’une manière irrémédiable; aussi, est-il d’un intérêt capital, pour ceux qui utilisent cette machine, d’apprendre à les connaître. C’est l’objet de l’hygiène.

L’hygiène ayant pour objet la connaissance des conditions de bon entretien des différents organes de la machine animale et l’application de ces connaissances, il est nécessaire, au préalable, de connaître ces organes et leurs fonctions, voilà pourquoi l’étude de l’Anatomie et de la Physiologie est indispensable avant d’aborder celle de l’hygiène. Seulement nous ferons cette étude très-succincte, au fur et à mesure des besoins, et elle n’aura que juste l’étendue nécessaire pour se rendre compte du fonctionnement des organes et des conditions à réunir pour les conserver dans toute leur intégrité.

Le Cheval étant essentiellement utilisé comme machine locomotrice, ses organes locomoteurs seront les premiers à considérer, et surtout les points par lesquels ces organes locomoteurs prennent appui sur le sol, c’est-à-dire les pieds. Nous nous occuperons donc en premier lieu de l’hygiène du pied du Cheval, c’est-à-dire du moyen de conservation et d’entretien de cet organe, organe dont l’importance est telle, que quelque parfaite que soit la machine, elle est complètement anihilée, tout à fait hors de service et absolument inutile si l’intégrité des pieds et par suite de leur fonction vient à être détruite. C’est ce que la sagesse des nations exprime par ces mots: Pas de pieds, pas de cheval, no foot no horse.

La conservation des pieds du Cheval ayant pour principal moyen, dans les pays civilisés, la pratique de revêtir leur face inférieure d’une lame de fer qui les protège contre l’usure, l’hygiène du pied se trouve par suite être sous la dépendance complète des principes de cette partique. Un traité de ferrure est donc un véritable traité d’hygiène du pied du Cheval. Dans les pages qui vont suivre, nous allons essayer de mettre à la portée des gens du monde et surtout des éleveurs et des propriétaires de chevaux, les principes de la ferrure, de manière à ce qu’ils puissent veiller eux-mêmes à la bonne exécution de cette pratique, même, lorsque, au fond de quelque campagne reculée, ils n’auront sous la main qu’un ouvrier médiocre et peu instruit.

Hygiène du cheval : ferrure

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