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CDIII
A MADAME ARNOULD-PLESSY, A PARIS

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Nohant, 1er mai 1856.

Chère mignonne,

Donnez-moi de vos nouvelles. Ne me laissez pas ignorer ce que devient ma grande fille. Je sais bien qu'elle joue souvent et que, par conséquent, elle n'est pas malade; mais cela ne me dit pas si le coeur est mélancolique ou joyeux. Pourtant ce ne sont pas des questions que je vous adresse. Je sais comme les questions sont indélicates, quand elles ne sont pas bêtes. Je veux seulement que vous sachiez que, sans curiosité d'esprit, j'ai l'inquiétude du coeur, et que, sans savoir le remède à vos accès de spleen, je voudrais pouvoir le trouver.

Mais il n'y en a pas de radical en ce monde: nous sommes tous tristes ou soucieux plus ou moins.

J'ai retrouvé ici avec délices la campagne, l'air, les conditions tranquilles et logiques pour l'artiste, et l'amour de l'art plus que jamais, malgré les luttes, les fatigues, les mécomptes dans le passé et dans l'avenir. Tout cela, je crois, est bon et nous pousse en avant; mais ce que j'ai retrouvé aussi, c'est la présence de cette enfant qui, ici, ne me semble jamais possible à oublier. Dans cette maison, dans ce jardin, je ne peux pas me persuader qu'elle ne va pas revenir un de ces jours. Je la vois partout, et cette illusion-la ramène des déchirements continuels. Dieu est bon quand même: il l'a reprise pour son bonheur, à elle, et nous nous reverrons tous un peu plus tôt, un peu plus tard.

On m'écrit que vous êtes toujours belle et ravissante dans Célia21, je ne suis pas en peine de cela.

Soyez heureuse, d'ailleurs, autant qu'on peut l'être quand on est comme vous dans le corps d'élite.

21

De Comme il vous plaira.

Correspondance, 1812-1876. Tome 4

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