Читать книгу A la Recherche de Traces en Périgord - Jürgen Mietz - Страница 5
2 Comment tout a commencé
ОглавлениеA partir du moment où des descendants de soldats de la Wehrmacht veulent avoir des renseignements sur leur histoire et savoir ce qu’ils sont devenus, ils sont obligés de se rendre à la « Deutsche Dienststelle » à Berlin. Et effectivement, ce service a répondu à mes questions. Le 28.06.2000, trois semaines à peine après ma demande, la « Deutsche Dienststelle » me faisait parvenir la liste des endroits où mon père avait séjourné durant sa période à la Wehrmacht.
Si je comprends bien les indications notées sur la copie d’une fiche, il était depuis le 30.1.1941, donc à l’âge d’un peu plus de 19 ans, affecté à la marine. Peut-être pas officiellement comme soldat, mais dans ce que l’on appelait « une entreprise de chantier naval » puisqu’on peut lire dans une colonne de la fiche intitulée « cause du licenciement » qu’on l’avait licencié parce que cette entreprise « s’était séparée du chantier naval » le 31.3.1943. On précise bien qu’il travaillait comme mécanicien.
Il faisait partie, comme le mentionne bien le dossier d’ensemble de la « Deutschen Dienststelle », du « 3-ième Bataillon de Grenadiers de la Marine » en tant que soldat. On a également noté le numéro de matricule, le jour et le lieu de la captivité, à savoir : le 10.5.1945 à Pornic. Ensuite, il a fait 4 camps :
• Le 13.6.1945,il se trouvait au Dépôt de Tulle, Corrèze
• le 15.8.1945 au Dépôt 125 à Brantôme, en Dordogne,
• le 16.9.1946 au Dépôt 222 à Fort-de-Noisy,dans le département de la Seine,
• le 11.2.1947 au Dépôt 62 à Sainte Mènehould, dans le département de la Marne,
• le 16./17.3.1947, on lit que Kurt Mietz s’est enfui du camp.
Je n’ai jamais appris pourquoi il avait été prisonnier à différents endroits. On pourrait cependant supposer que les administrations françaises avaient des difficultés à caser les prisonniers, à les répartir de telle façon que leur travail puisse être investi selon les besoins de la reconstruction. Karin Scherf raconte qu’il y avait plus d’un million de prisonniers de guerre en France qui, en grande partie, avaient été livrés par l’armée américaine.
Les deux premiers camps de captivité tout au moins se trouvaient à des endroits où la Wehrmacht et les SS avaient répandu la peur et l’horreur par leurs exécutions, leurs incendies et prises d’otages. Les habitants avaient alors face à eux les prisonniers qui faisaient partie de l’organe de domination et de répression des années passées. Et les prisonniers se retrouvaient face à des hommes blessés physiquement et moralement et face à des parents de personnes qui avaient trouvé la mort. Les prisonniers, dont Kurt lui-même, ont du ressentir de la honte et la peur d’être punis. Peut-être avaient-ils aussi le sentiment d’être innocents, d’être traités injustement puisqu’ils « n’ avaient fait qu’ » obéir aux ordres. On ne peut pas en vouloir aux autochtones s’ils attendaient, aussi bien de la part des administrations que de la part des prisonniers qu’ils aident (au moins) à la reconstruction du pays. En apportant leur aide, les prisonniers allemands pouvaient déjà se trouver satisfaits qu’on ne veuille pas se venger sur eux ou qu’on les haїsse.
Je sais moi-même ce que cela signifie que de ressentir des sentiments de culpabilité, de honte et d’insécurité. Le fait d’ exiger de moi-même des explications et de ne pas être en mesure de les fournir, me pose des problèmes; le fait que je n’ignore nullement que la politique et la justice dissimulent des faits, que je sais fort bien qu’elles sont superficielles et ne veulent rien savoir des profondes répercussions de la guerre ni des incendies ni des crimes; et le fait de constater que la RFA se soit concentrée sur le succès économique et la banalisation de l’inhumanité me désorientent et me déséquilibrent à chaque fois.
Une autre question s‘impose toujours et toujours: quelle attitude est-ce que j’adopterais si j’étais confronté à des ordres et des exigences de la part de l’Etat? De quelle façon est-ce que je pourrais résister? A partir de quel moment la résistance devient-elle un devoir? Et comment puis-je empêcher qu’il soit « trop tard » pour se lancer dans la résistance? Est-ce que je ne devrais pas déjà me montrer solidaire avec ceux qui sont menacés et opprimés sachant très bien que durant le fascisme grand nombre d’hommes avaient eu l’espoir d’être épargnés et se sont quand même retrouvés pris dans les contraintes et les pressions du régime ? Comment peut-on alors s’armer pour ne pas prononcer la phrase : « De toute façon, je n’aurais rien pu faire tout seul »?