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DES LAINES.

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Table des matières

Les laines furent, dès le principe, les seules matières premières qui furent employées pour la fabrication des chapeaux. Maintenant elles ne servent que pour ceux de qualité inférieure. Toutes les laines ne donnent pas un aussi beau feutrage ni une égale qualité de chapeaux; il est donc indispensable que nous entrions dans quelques détails sur leur connaissance et leur choix.

Connaissance et choix des laines pour la chapellerie.

On distingue deux sortes de laines: les laines mortes, ou provenant des animaux morts, et coupées ou arrachées de la peau, et les laines de toison ou tondues sur l'animal vivant. Ces dernières méritent la préférence tant pour la chapellerie que pour la draperie. On divise aussi les laines en surge ou en suint et en lavées. Celles en suint se conservent plus long-temps. Quant à leur couleur, elles sont en général blanches et parfois noires, roussâtres, etc.; ce ne sont que les premières qu'on soumet à la teinture. Quant à leur longueur, les plus courtes ont un pouce de longueur, et les plus longues (en Angleterre) ont jusqu'à vingt et même vingt-deux pouces 1.

Note 1: (retour) Cette longueur nous paraît avoir été exagérée, à moins qu'on ne laisse les brebis plus d'une année sans les tondre. En effet, M. Tessier rapporte que dans une expérience qu'il a faite et répétée à Rambouillet, la laine des bêtes espagnoles, tenues trois ans sans être tondues, avait dix-huit pouces de long.

Les laines diffèrent entre elles par leur couleur, leur force, leur finesse, leur longueur, et ce qu'on appelle leur nerf ou leur corps; de là viennent leur division en:

Laines superfines,

Laines fines,

Laines moyennes,

Laines grosses,

Laines grossières ou supergrosses.

Pour qu'une laine soit réputée de très bonne qualité, il faut qu'elle soit fine, douce, moelleuse, élastique et forte en même temps.

Pour reconnaître leur degré de force, qui fait, avec celui de leur finesse, leur premier mérite, on en tire des filamens par les deux bouts, et l'on juge, par leur résistance à se casser, leur force ou leur faiblesse. Pour les juger comparativement on recourt à un procédé plus rationnel. On en fait des fils d'égale grosseur et longueur qu'on attache à un point fixe, et l'on place à l'autre extrémité de petits poids qu'on multiplie jusqu'à ce que le fil casse. On estime, par le nombre de poids que chaque fil exige pour se casser, le degré de sa force. Outre la laine, l'animal porte sur quelques parties une sorte de poil mêlé avec de la laine qu'on nomme jarre, poil mort ou poil de chien, qui ne sert qu'à la confection des étoffes très grossières. Les laines des pattes et du dessous du ventre, brûlées pour ainsi dire par le fumier, sont aussi d'une moindre valeur.

Les laines du nord de la France sont plus longues et plus grosses que celles du midi; ainsi celles des département de l'Hérault, de l'Aude et surtout de tout le Roussillon, l'emportent de beaucoup sur celles de la Flandre, de la Picardie, de l'Ile-de-France et de la Champagne. Les laines du Midi, notamment celles de Narbonne et de la Salanque, sont courtes, frisées et très fines. Ces dernières se rapprochent de celles de l'Espagne.

Nous devons cependant convenir que les laines des mérinos espagnols l'emportent en tous points sur les meilleures de la France. Aussi dans les départemens méridionaux et dans quelques uns du Nord les propriétaires n'ont pas hésité à croiser leurs troupeaux au moyen des béliers espagnols élevés dans les bergeries royales. La plupart des laines d'Italie sont également très fines. Celles d'Angleterre et de Nord-Hollande sont longues et plus fines que les laines communes, sans avoir cependant la finesse de celles qui proviennent des mérinos. Parmi celles d'Espagne, celles de Léon et de Ségovie tiennent le premier rang: encore même les Espagnols en font quatre qualités.

1º La première qualité est celle qui existe depuis le cou jusqu'à cinq à six pouces de la queue, en comprenant le tiers du corps; celle des épaules et du dessous du ventre, préservée de l'action du fumier, est également comprise dans celle classe. Cette qualité est nommée floreta, ou fleur de la laine.

2º La deuxième qualité est celle qui recouvre les flancs et s'étend depuis les épaules jusqu'aux cuisses.

3º La troisième est celle du cou et de la croupe.

4º La quatrième est celle qui est depuis la partie du devant du cou jusqu'au bas des pieds, y compris une partie de celle des épaules et les deux fesses, jusqu'à l'extrémité des pieds. C'est cette laine que les Espagnols nomment cayda.

Les personnes habituées au commerce ou à l'emploi des laines reconnaissent au coup d'oeil leur degré de finesse. Il en est qui s'en assurent en étendant les filamens sur une étoffe noire et les regardant à la loupe. Mais Daubenton qui, comme on sait, s'est occupé d'une manière spéciale de l'éducation des bêtes à laine, a conseillé aux manufacturiers de soumettre ces filamens de laine à un micromètre placé dans un microscope. Ce micromètre, dit M. Tessier, représentait un petit réseau ou un composé de mailles. Il n'y avait qu'un 10e de ligne entre les deux côtés parallèles des carrés du micromètre dont se servait M. Daubenton, et sa lentille grossissait quatorze fois. Ayant reconnu, par des observations soigneusement faites, que les gros filamens 2 de vingt-neuf échantillons de laine superfine, apportés de diverses manufactures, occupaient rarement plus des deux carrés du micromètre, il a fixé le dernier terme des laines superfines à celles dont les plus gros filamens remplissent par leur largeur un carré du micromètre, et dont le diamètre est la 70e partie d'une ligne. La largeur des plus gros filamens de la laine la plus grossière occupait jusqu'à six carrés du micromètre, qui équivalent à la 23e partie d'une ligne. Les plus gros filamens du jarre remplissaient jusqu'à onze carrés du micromètre, qui font 1712 de ligne. Un pareil examen est presque impraticable par les bergers, dont l'oeil et l'habitude suffisent pour cette opération. Nous ajouterons que sans recourir au micromètre de Daubenton, on peut fort aisément s'assurer du degré de finesse des laines au moyen du microscope d'Amici ou d'Euler, perfectionné par MM. Vincent Chevalier et fils.

Note 2: (retour) Toutes les laines sont composées de fils très fins, et de plus ou moins gros. Ces derniers, d'après l'observation de Daubenton, se trouvent au bout des mèches.

L'état de santé de l'animal et l'époque de la tonte influent singulièrement sur la bonté et la beauté des laines. Ainsi les animaux malades non seulement perdent une partie de leur laine, mais l'autre manquant de nourriture est sèche et se détache aisément de la peau. Il en est de même de celle qu'on extrait de ces animaux qui ont succombé. Quant à celle provenant des peaux des moutons tués pour la boucherie, ces laines s'éloignent d'autant plus de leur point de maturité que ces animaux ont été égorgés à une époque plus ou moins rapprochée de celle de leur tonte. Il manque à ces laines ce moelleux que leur communique le suint et qui les nourrit; si l'on ajoute à cela la chaux ou les cendres qu'on emploie pour les détacher de la peau, on se rendra compte de leur rudesse. Quant aux peaux à laine longue, les bouchers les font tondre en toison.

Il est donc bien évident que l'époque la meilleure pour couper les laines est celle où elles sont en pleine maturité. On ne doit pas dépasser ce point parce qu'en France les animaux, surtout ceux qui sont faibles, en perdent une partie 3. Si on les tond, au contraire, avant cette maturité, les filamens semblent adhérer entre eux par leur base, et la laine est, comme on dit, tendre, c'est-à-dire qu'elle manque de nerf ou de force.

Note 3: (retour) Il n'en est pas de même des mérinos; ceux-ci, hors les cas de maladie, peuvent conserver leur laine jusqu'à trois ans, presque sans en perdre. Tessier, Nouveau Cours complet d'agriculture.

Dans le midi de la France on tond les laines de la mi-mai au 15 juin; dans les autres départemens, dans tout ce dernier mois. Il est une raison qui doit engager les propriétaires à ne pas dépasser cette époque, c'est qu'alors les chaleurs survenant, les toisons, outre leur poids, interceptent la transpiration, échauffent l'animal et permettent à la vermine de s'y fixer, etc.

Le volume et le poids des toisons est relatif à la taille de l'animal, à son espèce et au climat sous lequel il vit, indépendamment des soins et de la nourriture plus ou moins abondante qu'on lui donne. Nous allons faire connaître, par aperçu, le poids de la plupart des laines connues, tel que M. Tessier l'a donné.

1º La toison des moutons alençons, ardennois et de la Sologne, pèse de deux à quatre livres. Cette dernière laine est entre-mêlée de poils roux et est impropre à la chapellerie. On en fait des couvertures.

2º Celle des moutons briards, bourbonnais, champenois et de Langres, pèse également de deux à quatre livres; elle est employée pour la bonneterie, et très peu propre à la chapellerie.

3º Celle des moutons du Bar pèse trois livres. La première qualité sert pour la bonneterie et à faire des ratines.

4º Celle des moutons de Faux, Valières ou Bocagers, pèse de trois à quatre livres. La plus grande partie de ces laines est mêlée de blanc, de noir et de rouge, ce qu'en termes de bonneterie on nomme beige. On en fait de grosses étoffes sans avoir besoin de les teindre.

5º Celle des moutons du Cotentin pèse trois livres.

6º Celle des moutons de Cauchois, cinq livres. Elle est unie à quelques poils roux. On en fait des couvertures et des draps dits de Châteauroux.

7° Celle des moutons cholets est de quatre livres. On en fait des couvertures.

8° Celle des moutons du Vexin ou du Santerre pèse de six à huit livres. La laine en est belle et employée pour la chaîne des pièces de tricot.

9° Celle des moutons d'Artois et de Gravelines est de neuf à dix livres. Elle sert pour des chaînes d'étoffes.

10° Celle des moutons hollandais ou liégeois est de neuf à dix livres. Cette laine ne sert que pour l'habillement des troupes.

11° Celle des moutons flamands pèse dix à douze livres. Elle est forte et sert pour des chaînes d'étoffes.

12° Celle des moutons allemands est de six à sept livres. Elle est souvent beige.

13° Celle des moutons alsaciens, lorrains et suisses est forte et propre à être peignée.

14° Celle des mérinos varie suivant les localités, et que l'animal broute dans la plaine ou dans les montagnes. Dans le premier cas, elle est de huit à dix livres; dans l'autre, de sept à neuf.

15° Les laines de l'arrondissement de Narbonne sont, après celles du Roussillon, les plus estimées du midi de la France, surtout celles des bêtes à laine qui broutent dans les montagnes des Corbières et de la Clape, dans les communes de Fitou, Lapalme, Sigean, Leucate, Portel, Armissan, Saint-Laurent, Thézan, Bize, Treilles, etc.

D'après un relevé que j'ai fait du produit approximatif de la tonte des laines de l'arrondissement de Narbonne, il s'élevait en 1822:

Laine mérinos à 3,000 kil.

Laine métis à 40,000

Laine indigène à 365,500

-------------

408,500 kil.

Les toisons de toutes les bêtes ayant été calculées, terme moyen, deux kilog. chacune. D'après une lettre adressée au ministre de l'intérieur, le 23 décembre 1813, il y aurait dans l'arrondissement de Narbonne, en bêtes à laine, mérinos, métis ou indigènes, 2,042,500; outre les 65,187 qui périrent en 18l3, par suite de la sècheresse et de la mauvaise qualité de l'herbe. Dans cet arrondissement de Narbonne, les toisons pèsent de quatre à dix livres, suivant que les bêtes à laine paissent dans les montagnes ou certaines plaines comme celles de Coursan. Il est certains troupeaux qui sont presque tous métis, et qui sont remarquables par leur beauté et la finesse de leur laine. Nous nous bornerons à citer celui de mon honorable ami M. le chevalier Angles, à Sigean; de MM. Caunes, à Ginestas; Tapie Mengaud, à Celeyran; Caumettes, à Vires; Fournier, à Moujean, etc.

16° Les laines de l'arrondissement de Carcassonne se rapprochent de celles de celui de Narbonne; mais en général elles leur sont inférieures en qualité. Elles sont employées pour les casimirs, draps superfins, les draps communs, cordelats et molletons 4.

17° Les laines de l'arrondissement de Castelnaudary sont bien moins fines que celles de Carcassonne; elles servent à la fabrication des draps communs, cordelats et couvertures 5.

18° Les laines de l'arrondissement de Limoux se rapprochent beaucoup de celles de Carcassonne; on en fait des draps fins et communs ainsi que des couvertures 6.

Note 4: (retour) On compte vingt-trois fabriques dans cet arrondissement.

Note 5: (retour) Cet arrondissement compte treize fabriques.

Note 6: (retour) Cet arrondissement qui comprend Chalabre, Limoux et Quillan, a soixante-neuf fabriques.

Nous ajouterons à cela que la plupart des qualités de laine de l'arrondissement de Narbonne sont très recherchées par toutes les fabriques des départemens de l'Aude et de l'Hérault, principalement par celles de Bédarieux, Saint-Chinian, Saint-Pons, etc., et même par un grand nombre d'autres localités.

Dans ce département, comme dans ceux de l'Hérault, des Pyrénées-Orientales, etc., on n'est pas dans l'usage de laver les laines sur les bêtes; loin de là, les bergers ont la mauvaise habitude de les faire coucher constamment sur le fumier sans litière, de les entasser dans des bergeries presque pas aérées, afin que la laine, en s'imprégnant de la sueur de l'animal et de l'urine du fumier, augmente de poids. On sent tout ce qu'une semblable pratique a de vicieux. Aussi une partie de la laine des jambes et du dessous du ventre est le plus souvent presque brûlée par le fumier; de plus elle a une couleur jaunâtre qu'elle ne perd point par le lavage.

18º Les laines de Roussillon sont supérieures même à celles de Narbonne. Il n'y a que celles de Fitou, Leucate, Lapalme et quelques unes de Sigean, qui en approchent. Les propriétaires roussillonnais ont également amélioré leurs races en les croisant avec les mérinos espagnols. Le poids de ces laines et leur qualité varient suivant que les troupeaux paissent dans les montagnes et les plaines, et suivant les localités. Ainsi du côté de Vingrau les toisons pèsent environ huit livres, tandis que dans la Sallanque leur poids est de dix à douze livres. Les laines du Roussillon sont très estimées et recherchées pour les fabriques des départemens de l'Aude, l'Hérault, etc.; on en fait des draps fins, des schalls, etc.

Laine des agneaux: dite agnelins, et en patois méridional, anissés.

La laine des agneaux est beaucoup plus estimée, pour la fabrication des chapeaux, que celle des adultes; elle est aussi d'autant plus recherchée qu'elle appartient à des troupeaux de race très fine. Dans tout le midi de la France, on tond les agneaux en même temps que les brebis et moutons, et les agnelins sont vendus le plus souvent séparément et toujours à un prix inférieur à celui de la laine. Dans d'autres localités on les tond plus tard, afin de donner à leur laine le temps de s'alonger. La première pratique nous parait préférable, parce que la nouvelle laine a plus le temps de croître, et qu'elle est alors plus longue en automne pour préserver les agneaux de l'intempérie de l'air pendant le parcage. Ce que nous avons dit de la laine provenant de la peau des animaux morts de maladie ou égorgés à la boucherie, s'applique aussi aux agnelins.

Nous devons ajouter qu'on donne aussi le nom d'agnelins à une laine de Hambourg provenant de la tonte des agneaux vivans ou mort-nés, qu'on ramasse dans les pays septentrionaux de l'Europe.

Laines des Antenois.

Les antenois sont les agneaux de la seconde année; il est des propriétaires qui ne tondent les agneaux que la seconde année ou bien à l'état d'antenois. Cette pratique est vicieuse, parce que cette laine est alors moins fine. L'expérience a, en effet, démontré que la laine des antenois qui ont été tondus étant agneaux, est constamment plus fine que celle des agneaux mêmes.

Laine de Vigogne.

Cette laine appartient à une race de moutons de ce nom qui paraissent indigènes du Pérou. C'est du moins de ces contrées que ces belles laines nous étaient transmises par l'Espagne. Cette laine est d'un brun qui tire sur le roux, surtout le dos; elle prend une couleur blonde en avançant vers les flancs et le ventre.

Laine de mouton cachemire.

Le mouton de Cachemire, comme la chèvre du Thibet, etc., a deux poils; l'un est long, gros et raide, et l'autre est une sorte de laine très fine, courte et crépue. Sa rareté et son prix élevé s'opposent à ce qu'on en fasse usage pour la chapellerie.


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