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DES POILS.

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Table des matières

Poil de lapin.

Le poil de lapin est d'un emploi général dans la chapellerie; non seulement il contribue essentiellement à faire feutrer cette sorte d'étoffe, mais encore à lui donner de la fermeté. Il entre dans la confection des chapeaux, terme moyen, pour un quart de leur poids. Il est bien évident que ces proportions augmentent suivant la beauté ou la finesse des chapeaux qu'on se propose de fabriquer. On calcule que la chapellerie de France achète seule annuellement pour quinze millions de peaux de lapin. Depuis la perte du Canada, le prix du poil de castor a triplé de prix, ce qui fait qu'on en emploie beaucoup moins, et par suite beaucoup plus de celui de lapin; aussi nos manufacturiers sont-ils obligés d'en faire venir de l'étranger.

Dans la vente et l'achat des peaux de lapin, il y a une remarque importante à faire, c'est que pendant l'hiver elles se vendent de 50 à 60 francs le cent, tandis qu'en été elles ne valent que de 25 à 30 fr. Cette différence est due à ce que l'animal mue à cette dernière époque, et que, par conséquent, la peau est bien moins riche en poil.


Le poil de lapin varie en beauté suivant l'espèce à laquelle il appartient. Ainsi la variété dite lapin riche, cuniculus argenteus, de Linné, qui a son poil en partie couleur d'ardoise plus ou moins foncée, et partie argentée, l'emporte de beaucoup sur celui du lapin gris ordinaire; il est en effet plus doux, plus long et plus soyeux, aussi est-il employé en fourrure. En Suède et dans diverses parties de l'Allemagne, ces peaux valent le double du prix ordinaire; en Angleterre, elles valent jusqu'à 25 francs la douzaine. Cette espèce s'acclimate très bien en France; on pourrait la multiplier aisément.

Poil de lapin angora.

Le lapin angora, cuniculus angorensis, Lin., est déjà assez commun en France où il réussit très bien. Son poil est long, touffu et soyeux. Lors de sa mue il en donne beaucoup, et on peut lui en arracher deux ou trois fois pendant l'été, surtout le long du dos, du cou, des côtes et des cuisses, en laissant aux mères celui du ventre, qui est de qualité inférieure, et qui sert pour faire leur nid. Ce poil est excellent pour la chapellerie; on en fait aussi des gants, des bonnets, etc., dits d'angora.

Poil de lapin sauvage ou de garenne.

Le poil de ceux-ci est plus court que celui de ceux de clapier; mais en revanche il est plus fin et donne un plus beau feutre.

Les parties de la France qui produisent les meilleures peaux ou poils de lapin sont: Narbonne et ses environs, le Boulonnais, Meaux, Compiègne, Chantilly, Dammartin, Pontoise, Rambouillet, Saint-Germain, Senlis, etc.


Observations sur le poil des peaux de lapin.

Le poil du lapin diffère suivant la saison où l'on se trouve; nous allons l'examiner dans les quatre époques de l'année.

En hiver. C'est la saison la plus favorable pour la beauté du poil de lapin. C'est alors que le grain de la peau, ou, si l'on veut, le côté superposé sur le corps, est d'une couleur uniforme, sans tache ni rayure 7; ajoutez à cela, 1º que le cuir est plus épais, que le poil est long, fin, touffu, et qu'en soufflant fortement dessus, la partie qui adhère à la peau est d'un gris bleu velouté plus intense dans le lapin de garenne que dans celui de clapier, tandis que l'extrémité supérieure ou bien sa pointe, qui est d'un gris foncé, est surmontée d'un autre poil gris, à pointe noirâtre et brillante, qui est très gros, et qu'on nomme jarre du lapin.

Note 7: (retour) Dans les lapins de clapier, ce côté est plus blanc que dans ceux de garenne.

Au printemps. Cette partie de l'année est la saison des amours du lapin; son poil est alors plus terne et sa peau moins fourrée; chez les mâles, à cause des combats qu'ils se livrent; chez les femelles, par cause de la gestation. Ces peaux se vendent de 20 à 30 pour cent au-dessous du prix de celles d'hiver.

En été. Nous avons déjà dit que c'était l'époque de la mue du lapin. Les peaux sont alors dépouillées d'une grande partie du poil, ainsi que du jarre à pointe noire qui dépasse le poil fin; celui-ci est terne, et la peau est plus épaisse et parsemée, du côté de la chair, de taches et de raies noires; ces peaux sont connues dans le commerce sous le nom de peaux barrées. Enfin les peau d'été valent de 50 à 75 pour cent de moins que celles d'hiver.

En automne. Les peaux d'automne sont préférables à ces dernières; le poil est renouvelé, mais il n'a encore acquis ni le nerf, ni la longueur convenables, et le jarre ne le dépasse point; ce qui en rend la séparation non seulement très difficile, mais encore incomplète. On les nomme peaux foineuses. Le jarre qui y reste uni rend ce poil très commun; aussi ces peaux s'achètent de 20 à 25 pour cent au-dessous du prix de celles d'hiver.

Poil de lièvre.

Malgré tous les rapports de conformation qui existent entre le lapin et le lièvre, malgré que celui-ci ait le poil très fin et d'une légèreté extrême, il est cependant bien moins susceptible de se feutrer que celui du lapin. Ce n'est qu'à l'aide de quelques préparations qu'on lui fait subir qu'il devient propre au feutrage; mais grâce à ces préparations il devient la matière feutrante la plus belle et la plus estimée de notre sol.

Quoique les lièvres soient multipliés sur tous les points de la France, cependant leurs peaux diffèrent en qualité suivant les localités. Celles du Roussillon, de Saint-Chinian, Saint-Pons, de l'Anjou, de la Bretagne, du Poitou, etc., sont préférées pour la beauté et la qualité du poil, et celles qui proviennent de l'Alsace sont recherchées pour la grandeur de l'espèce.

Observations.

Ce que nous avons dit de l'influence des quatre saisons de l'année sur les peaux de lapin, s'applique également à celles du lièvre. Voici les moyens de les reconnaître.

1º Les peaux d'hiver ont le cuir mince, et le côté qui s'applique sur la chair a une couleur claire et unie, parsemée de petits vaisseaux sanguins qui vont se réunir à d'autres plus gros. Le poil en est fin, blanc, ayant la couleur et l'éclat de la soie; sa pointe est d'une couleur noire veloutée; le jarre la dépasse; il est jaune-roussâtre dans toute sa longueur, à l'exception de son extrémité supérieure qui est noire et brillante.

2º Les peaux du printemps ont le cuir un peu plus épais et rougeâtre du côté de la chair; le poil est terne et moins touffu.

3º Les peaux d'été. Cuir épais et fort; couleur, du côté de la chair, rouge mais inégale; les gros vaisseaux sanguins sont seuls visibles. Comme à la peau de lapin, le poil de celui-ci est court, rare, d'un blanc sale et uni à du jarre long et court.

4º Les peaux d'automne. Cuir un peu épais et taché. Poil renouvelé, mais court et uni au jarre, qui est de la même longueur et d'une séparation toujours incomplète.

Il est bon de faire observer qu'il est une différence importante à faire sur le jarre du lapin et du lièvre; le jarre du premier tient moins au cuir que le poil, tandis que chez le second c'est tout le contraire. Aussi pendant la mue le lièvre perd-il la plus grande partie de son poil, et conserve-t-il presque tout son jarre, tandis que le lapin conserve beaucoup plus de poil fin que de jarre. Cette remarque est importante, tant pour la valeur respective de ces peaux que pour leur préparation, relativement aux saisons de l'année auxquelles on en a dépouillé l'animal.

Poil des castors.

Le castor, castor fiber de Linné, ordre des loirs, se distingue de tous les animaux rongeurs par une queue aplatie horizontalement, de forme ovale, et couverte d'écailles. C'est ce caractère qui le classe parmi les amphibies. Il est assez commun dans le Canada, la Nouvelle-Angleterre, la Russie, la Sibérie, la Pologne, l'Allemagne, etc.; on en a même trouvé en France dans le Rhône. Le castor a quatre pieds; les deux de derrière sont plus particulièrement destinés à la natation; ils offrent cinq doigts liés par une membrane; il a dans les aines quatre poches membraneuses qui contiennent une liqueur d'une odeur très forte qui s'épaissit facilement à l'aide du calorique, et constitue une substance concrète, brune, onctueuse, d'une odeur très forte, qu'on nomme castoreum. Nous ne décrirons point ici les moeurs ni l'industrie des castors, nous renvoyons sur ce point à Buffon. Nous allons nous borner à parler de ce qui se rattache à la chapellerie.

Le poil de castor est la matière la plus précieuse pour la fabrication de chapeaux; il réunit la finesse à la légèreté et à la solidité, et c'est en même temps le feutrier par excellence. Malheureusement le prix élevé auquel il se trouve, en raison de sa rareté, en rend l'emploi très restreint. Du temps de l'établissement de la compagnie des Indes françaises, les peaux de castor étaient moins rares en France; maintenant nous n'en recevons que très peu, encore même du commerce anglais ou des États-Unis. Dans le commerce on divisait les peaux de castor en castor gras et en castor sec.

1º Les peaux dites de castor sec étaient séchées au soleil sans aucune autre préparation.

2º Les peaux dites de castor gras étaient celles qui avaient déjà servi aux indigènes, soit de vêtement, soit de couche. Il est évident qu'ils faisaient choix pour cela des plus belles, ou, si l'on veut, des plus grandes et des plus fourrées, qu'ils en enlevaient soigneusement les parties musculaires et membreuses, et qu'ils les faisaient sécher à l'air et non au soleil, en ayant soin de les frotter souvent entre les mains et de les enduire de la graisse de ces animaux afin de leur donner une souplesse convenable. Outre que ces peaux étaient donc plus belles, par leur usage, elles étaient empreintes du liquide sécrété par la transpiration, de telle manière que leur poil était d'un bien meilleur feutrage; aussi leur prix était-il plus élevé que celui du castor sec.

Observations.

Les peaux de castor, à cause de leur cherté et de leur rareté, sont maintenant très peu employées en France pour la confection des chapeaux. Leur fourrure, comme celle du lièvre et du lapin, est formée de deux sortes de poils: le poil fin et le jarre; comme chez ce dernier, le jarre du castor tient moins à la peau que le poil fin; aussi dans la mue ce dernier s'en détache plus vite. Les contrées d'où elles proviennent en plus grande quantité sont la baie d'Hudson, le Canada et la Louisiane.

A. La peau du castor de la baie d'Hudson offre une fourrure qui a la même beauté pendant tout le cours de l'année; elle doit cet avantage aux froids qu'on y éprouve presque en toutes les saisons.

B. Le Canada en fournit de grandes quantités; mais elles se ressentent, comme celles du lapin et du lièvre, de l'influence des saisons.

C. La Louisiane en produit assez, mais moins estimées que celles de la baie d'Hudson et du Canada. Comme cette contrée a ses quatre saisons également bien marquées, les peaux de castor diffèrent aussi en qualité suivant l'époque à laquelle l'animal a été dépouillé.

Poil de loutre.

Buffon décrit la loutre, mustela lutra de Linné, un animal vorace, plus avide de poisson que de chair, qui ne quitte guère le bord des rivières ou des lacs, et qui dépeuple quelquefois les étangs; elle a plus de facilité pour nager même que le castor. Celui-ci n'a des membranes qu'aux pieds de derrière, et il a les doigts séparés dans les pieds de devant, tandis que la loutre a des membranes à tous les pieds; elle nage aussi vite qu'elle marche. Elle ne va point à la mer, comme le castor; mais elle parcourt les eaux douces, et remonte ou descend des rivières à des distances considérables. Souvent elle nage entre deux eaux et y demeure assez long-temps, et vient ensuite respirer à la surface de l'eau. Elle n'est point amphibie. Elle a les dents comme la fouine, mais plus grosses et plus fortes relativement au volume de son corps; elle ne craint pas plus le froid que l'humidité; sa tête est mal faite: les oreilles placées bas, des yeux trop petits et couverts, l'air obscur, les mouvemens gauches, toute la figure ignoble, informe; un cri qui paraît machinal: tel est le portrait qu'en trace le Pline français. Nous ajoutons que le castor chasse la loutre et ne lui permet pas d'habiter sur les bords qu'il fréquente.

Le poil de la loutre ne mue guère; sa peau d'hiver est cependant plus brune et se vend plus cher que celle d'été; son poil est doux et soyeux, d'un gris blanchâtre, et le jarre brun et luisant. Cette espèce est généralement répandue en Europe, depuis la Suède jusqu'à Naples, et se retrouve dans l'Amérique septentrionale. On connaît encore la loutre du Canada, lutra Canadensis de Geoffroy. Celle-ci est plus grande que notre espèce et plus noire; la petite loutre de la Guiane, didelphis palmata de Geoffroy. D'après M. de Laborde, il y a à Cayenne trois espèces de loutres: 1º, la noire, qui peut peser de quarante à cinquante livres; 2º la jaunâtre, qui pèse de vingt à vingt-cinq livres; 3º la grisâtre, qui ne pèse que trois à quatre livres. Ces animaux sont très communs à la Guiane, le long de toutes les rivières et des marécages. D'après MM. Aublet et Olivier, on trouve à Cayenne et dans le pays d'Oyapok des loutres si grosses qu'elles pèsent jusqu'à cent livres. Leur poil est très doux, mais plus court que celui du castor, et leur couleur ordinaire est d'un brun minime.

Il est encore plusieurs autres animaux d'espèces voisines dont le poil pourrait être appliqué à la chapellerie; nous nous bornerons à citer la Saricovienne, lutra Brasiliensis, la petite fouine de la Guiane, mustela Guianensis de Lacépède, etc.

Poil de chameau.

Le poil du chameau nous arrive de l'Orient par Marseille; il varie par sa couleur, par sa finesse et par sa qualité, suivant le climat, l'âge, la nourriture et l'éducation de l'animal. Celui qui est blanchâtre a sa consommation locale; on n'emploie guère dans nos fabriques que celui qui est d'un gris noirâtre vers les extrémités inférieures du chameau. Nous ajouterons même qu'il est maintenant peu employé dans la chapellerie.

Pelotes rouges et noires.

Ce poil laineux vient de l'Orient, et prend son nom de la forme en boule qu'on lui donne dans les balles qui servent à ce transport; il est dû à des chèvres d'une espèce particulière de la Turquie asiatique. Il existe une différence notable entre les pelotes rouges et noires. Ces dernières se feutrent plus aisément, mais en revanche le poil des rouges est beaucoup plus fin. Les chèvres du Thibet ont aussi un duvet très fin, outre le jarre. On a constaté que nos chèvres ont aussi, au-dessous de leur long poil, une sorte de laine excellente pour la chapellerie.



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