Читать книгу Monter et dresser les chevaux : , remise en lumière par son élève - Le marquis de Nettancourt-Vaubecourt - Страница 4
PRÉFACE
ОглавлениеL’équitation, en France, est tombée en désuétude; sa décadence au point de vue de l’art est la conséquence de la privation d’écoles d’équitation dirigées par l’État.
Autrefois l’école française avait donné les premiers écuyers de l’Europe; aujourd’hui c’est un art sans maîtres, chacun peut se qualifier écuyer.
A la vérité, l’école de cavalerie de Saumur, fondée en 1763, conserve les vieux principes d’équitation: aussi cette école donne les meilleurs cavaliers, mais les écuyers-maîtres qui en sortent sont rares, parce que les élèves arrivent à Saumur dans un âge déjà trop avancé, que la préparation qu’ils ont reçue à l’école militaire de Saint-Cyr n’est suffisante qu’exceptionnellement.
Il faut le reconnaître, monter à cheval est une conséquence du métier des armes, mais non aujourd’hui une nécessité de premier ordre, de première éducation, de vocation.
D’ailleurs, l’école de Saumur n’est ouverte qu’à un très petit nombre d’élus, elle est égoïste, inutile aux autres jeunes citoyens qui, par la loi, seront appelés sous l’étendard, mais qui ne peuvent acquérir l’instruction préparatoire accordée tambour battant aux bataillons scolaires.
L’injustice est flagrante pour le pays, qui se flatte de principes égalitaires, et qui fait des largesses pour la prétendue instruction de tous.
Napoléon le Grand, ayant jugé les écoles d’équitation nécessaires à la jeunesse, qu’il voulait voir animée par des exercices relevés, avait eu l’intention d’en établir et de les placer, par décret de 1805, à Paris, Caen, Angers, Strasbourg, Lyon, Turin, Bruxelles, Toulouse, Rennes et Sienne: entraîné par la guerre, son projet n’a pu avoir de suite. Mais voilà que le héros de 1830, pour complaire aux polytechniciens et bourgeois, s’empresse de détruire la célèbre école de Versailles..... Napoléon III aurait bien voulu la rétablir lors de la formation de sa garde; mais tout enclin à donner des satisfactions aux révolutionnaires, il n’a jamais rien su finir royalement.
Quant à la troisième République, elle pouvait prendre sur le budget monstrueux dont elle gratifie la pédagogie, les sommes nécessaires pour organiser et construire des écoles d’équitation.
On aurait pu utiliser tout d’abord les chevaux de remonte qui mangent l’avoine dans les dépôts en attendant leur emploi et dresser des chevaux pour les officiers généraux et les officiers supérieurs d’infanterie.
Enfin, les peintres, les sculpteurs, les architectes, les acteurs, les chanteurs, les danseurs ont des écoles; l’escrime en possède une de date récente, et voilà les bataillons scolaires!
Si l’équitation, qui est un art relevé, n’a pas d’école, c’est parce qu’il est lié par l’histoire à l’ancienne société ; il rappelle la chevalerie, la Monarchie, que la République et tous ses servants sont sortis de l’ordre pédestre.
Les considérations que nous venons d’analyser rapidement sur la décadence de l’équitation en France nous ont conduit à relater pour les cavaliers les leçons que nous avons reçues pendant près de vingt ans d’un illustre écuyer, feu le comte de Lancosmes-Brèves.
Le comte de Brèves avait été élevé à l’école de Versailles comme page du roi; il avait été mis à cheval par M. d’Abzac d’illustre mémoire, et avait eu pour maître le comte Augerty, excellent écuyer, puis le vicomte d’Aure dont la réputation n’est pas éteinte, enfin le savant écuyer Baucher. C’est pour ce dernier maître que le comte de Brèves avait parié contre lord Seymour, de monter le fameux cheval Partisan ou Jéricho, qu’il gagna contre 10,000 francs: il l’enleva au galop malgré ses défenses, puis l’offrit à Baucher qui en tira un merveilleux parti.
Cette action hardie établit hautement là réputation du comte de Brèves qui déjà était un savant écuyer; depuis il devint maître parce qu’il possédait l’art d’enseigner; il se rendait compte de toutes les actions du cheval, savait les expliquer, les faire comprendre en donnant à l’élève le moyen d’agir.
Le comte de Brèves a beaucoup écrit sur l’équitation; parmi ses ouvrages, un des plus intelligents est intitulé : De la centaurisation; il serait difficile à un homme de cheval de ne pas y trouver des leçons.
Du Paty de Clam et le comte de Brèves sont, sans aucun doute, les deux écuyers qui ont laissé les plus savantes choses sur l’art de monter à cheval; ils sont peu lus aujourd’hui et ornent rarement les bibliothèques, parce que leurs livres ne sont pas enrichis de belles gravures, comme les ouvrages du duc de Newcastle, de Pluvinel et de la Guérinière.
Les œuvres de Du Paty de Clam et du comte de Brèves s’adressent uniquement à l’intelligence; pour les comprendre, il est utile de les méditer.
Que le souvenir affectionné de mon maître fasse revivre ma mémoire; que le cavalier qui voudra bien me lire soit indulgent pour la plume; je suis à cheval devant le comte de Brèves; comme jadis le capitaine Mazin devant le duc de Newcastle dans le manège de Welbeck, j’écris au pas, au trot, au galop.