Читать книгу Une Croisade au XXe siècle - Lois Dabbadie - Страница 3
PRÉFACE.
ОглавлениеAdmirons la France: dans la plus épouvantable des guerres qu’enregistre l’Histoire, elle a un rôle digne de son passé.
Nos aïeux tinrent en échec les meilleures troupes de l’Europe coalisée, un siècle auparavant. L’irrésistible valeur des bataillons républicains, alertes et impétueux, décida du gain des batailles. Mais la puissance d’engins destructeurs, et l’emploi meurtrier d’innombrables projectiles, modifient les conditions du combat aujourd’hui. Sans un matériel suffisant, la victoire n’est acquise que par le courage stoïque et l’esprit de sacrifice poussés aux plus extrêmes limites. Or nos soldats, pris au dépourvu, firent des prodiges. Dieu a béni leur héroïsme.
Lorsque plusieurs nations rivalisent d’intrépidité au cours d’une lutte épique, soutenue contre l’infernal pangermanisme, soyons fiers d’avoir obtenu, en ce mémorable conflit, d’extraordinaires victoires, dont nos alliés reconnaissent l’importance.
Or ce loyal hommage, venu de nos dignes frères d’armes, faciliterait singulièrement la tâche des historiens, si un pareil esprit de justice animait nos généraux et nos hommes politiques. Malheureusement il est à craindra que des contradictions se multiplient. Car plusieurs personnages ont un culte exagéré pour leur gloire; et certains veulent se parer de celle d’autrui.
Allons-nous subir la mauvaise foi de mémorialistes orgueilleux?
Quand se succédèrent tout-à-coup les formidables évènements, qui occuperont toute l’attention du monde pendant un siècle, sinon davantage, les travaux historiques relatifs à l’intéressante période, entre l’avènement de Louis XVI et la chûte de Napoléon Ier furent interrompus. Et nul ne sait comment s’effectueront d’utiles mises au point ajournées par décision de prudents libraires-éditeurs.
Cela impose dès maintenant, aux partis et aux individus, l’obligation de ne pas mentir avec effronterie. Autrement quatre cents ans ne suffiraient point à ceux qui voudront fixer, en toute justice, dans les annales du monde, le souvenir de cette, horrible éruption du pangermanisme, vomi par l’enfer sur les peuples chrétiens.
Le rôle de notre France est si beau qu’on doit l’expliquer sans aucune emphase, avec la plus rigide indépendance On réfutera donc les impostures de maints politiques ambitieux, qui cherchent, par tous les moyens, une justification de leurs œuvres. On dédaignera leurs discours grandiloquents contre les attentats inhumains et sacrilèges de nos ennemis teutons ou ottomans! Car ils sont responsables d’avoir désarmé le pays et attiré sur lui des châtiments; eux-mêmes n’ont-ils pas, sans bombes mais avec leurs lois iniques, fait la guerre aux crucifix?
Reconnaissons loyalement nos fautes et celles de nos alliés. N’expliquons pas un manque d’élémentaire vigilance par des phrases. Ne nous vantons point d’avoir été pacifiques envers d’implacables ennemis, lorsque nous vécûmes au sein des discordes civiles suscitées par une secte anti-française. Chassons nos endormeurs, qui flattent notre vanité en donnant, aux mirages dont ils éblouirent le peuple, un faux air de généreux idéalisme. Ne soyons pas toujours des dupes aux simulacres d’Union Sacrée, quand la tyrannie blocarde subsiste. Démasquons les fourbes qui, parlant de fraternité, s’embusquent au Parlement, pour faire la loi aux grands stratégistes dont les victoires nous sauvèrent.
Point d’orgueil intempestif qui nous retienne dans l’aveu nécessaire de nos défaites! Il faut décrire la puissance des Allemands, leur prodigieuse organisation, les magistrales tactiques de leurs généraux, l’immense péril dans lequel se débattit notre race, la terrible perte d’existences, et d’autres calamités qui décimèrent une population déjà insuffisante.
Mentir n’est point acte de patriotisme. Si l’on doit sagement taire d’inquiétantes nouvelles, tout en proclamant celles qui réconforteraient le peuple, vouloir l’endormir dans une quiétude trompeuse est expédient criminel. Bientôt sa méfiance, une fois éveillée, le porte au plus sombre pessimisme. Et pourquoi tromper systématiquement ceux qui ne combattent pas? Nos soldats ont-ils manqué de force d’âme en présence d’épouvantables réalités, bien qu’elles fussent pour eux des surprises complètes?
M. Barthou l’a dit excellemment: “ après deux ans de
“ guerre et d’expériences, nous n’avons plus le droit de nous
“ monter la tête et de nous réchauffer le cœur avec des
“illusions. Cette monnaie, dont on a trop souvent payé un
“ peuple qui avait droit à la vérité, n’est plus digne d’avoir
“ cours.”
Des mensonges, répandus avec l’intention de rassurer le peuple, ne sont pas toujours excusables. Que dire d’impostures échafaudées pour les besoins d’un parti et de ses adeptes?
Si ardue ou périlleuse qu’apparaisse une patriotique mise au point, tout historien français osera l’entreprendre.
Comment y parvenir?
Pour qu’un menteur se taise, il est bon de lui faire savoir que maints témoignages véridiques peuvent infirmer le sien.
Voilà pourquoi des historiens ne relevant d’aucun parti, et n’ayant d’ailleurs pas d’orgueil personnel en jeu, commencent déjà leurs enquêtes.
M. Hanotaux bien promptement a publié quelques volumes sur la grande guerre; quoique écrits avec une extrême réserve, ils seront précieux pour quiconque voudra le suivre dans cette voie. Mais le devoir d’être fort discret, en certaine phase difficile, durant laquelle tout semblait imprudence, ne saurait plus réduire au mutisme ceux qui ont le droit, enfin, d’annoncer notre triomphe. Il est temps de substituer, au bluff des gouvernements et des journaux, l’histoire véridique. du grand péril que nous avons couru, époque douloureuse dont la France gardera toujours le souvenir!
Chacun sait aujourd’hui que rapports et communiqués sont pièces sujettes à caution. Chacun admet que les documents officiels et plusieurs déclarations publiques ne sont pas des blocs de vérité. Cette découverte un peu tardive nous rendra plus sagaces dans le choix des témoignages.
Il faut attentivement ouïr, sans crédulité, un grand nombre de versions relatives à maints événements peu connus; et parfois le dire d’obscurs héros nous dépeint mieux un état de choses que les assertions du premier ministre.
Nous sommes loin, certes, des temps où les soldats comprenaient quelque chose de la pensée stratégique du général-en-chef. Car, sur un point où les projectiles pleuvent, ils ne savent rien d’autres drames qui se déroulent simultanément ailleurs, sur une ligne immense. Donc les impressions des troupiers n’ont de valeur que pour l’historien désireux d’approfondir, par l’étude psychologique de leur superbe force d’âme, les causes d’inoubliables prouesses, d’héroïques sacrifices, de miraculeuses revanches!
En attendant que d’illustres serviteurs de la glande patrie nous révèlent mille choses secrètes, déblayons soigneusement nos fastes historiques, déjà encombrées de versions tendancieuses; dénonçons les intrigues d’une oligarchie toujours prête à mentir pour se disculper. Ainsi nous aiderons au triomphe de la vérité, nous préviendrons les machinations d’ambitieux qui, incapables d’abnégation, rêvent non point d’affranchir notre patrie du joug des sociétés secrètes, dont ils dépendent, mais de perpétuer l’incohérence, l’irréligion, les rapines, l’onanisme, le désordre social, l’amour des jouissances, l’alcoolisme, dans ce beau pays, dont l’indispensable triomphe aura été difficile par leur faute.
Plus tard la publication des papiers de Galliéni, du comte de Mun, de lord Kitchener, du colonel Driant, de Francis Charmes, les souvenirs des généraux Joffre, Pau, Castelnau, Foch, Dubail, Maunoury, lord French, de Lanrezac, Franchet d’Esperey, de Langle de Cary, Douglas Haig, Smith-Dorrien, Ruffey, Sarrail, de Maud’huy, d’Urbal, Roques, Ian Hamilton, d’Amade, Gouraud, Bailloud, Pétain, Nivelle et d’autres fameux guerriers, ainsi que divers témoignages émanant de Poincaré, Asquith, sir Edward Grey, Lloyd George, Redmond, Barthou, Delcassé, Balfour, Ribot, lord Lansdwne, Charles Humbert, Denys Cochin, serviront à établir, sous leur véritable jour, tant de faits que Jaurès, Caillaux, Messimy, Clémenceau, Briand, Doumergue, Bien-venu-Martin, Millerand, Gauthier, Pichon, Painlevé, Raffin-Dugens, Hervé, embrouillèrent à plaisir dans le but de pêcher en eau trouble.
Dès maintenant l’on discerne que la France, malgré tout, agit en état chrétien, par la force d’une vocation ancienne. L’armée française forme l’avant-garde indomptable des peuples qui luttent contre les hordes féroces du pangermanisme. Cette guerre ne semblait d’abord être que la défense du monde civilisé, aux prises avec les suppôts de la fausse science; Elle va se terminer eu croisade pour le triomphe des préceptes chrétiens.
LOÏS DABBADIE.
7 Avril 1917.