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ОглавлениеLA PEINTURE DE MARINE DANS L’ANTIQUITÉ ET AU MOYEN AGE
La mer tient une grande place dans les théogonies de l’antiquité. Les différents peuples d’Europe et d’Asie, surtout les peuples maritimes, lui rendaient des honneurs. Poseidon, souverain de la mer, représentait un des grands dieux des races éolique et dorienne. Autour de lui, se groupait une série de divinités qui se partageaient, sous ses ordres, l’empire des eaux. Les poèmes sanscrits célèbrent Varouna, dieu de l’océan occidental. Les princes et les héros se disaient fils des nymphes de la mer.
Les anciens peuples considéraient la mer comme l’auxiliaire des puissances divines. Elle s’irritait et s’apaisait selon le caprice des dieux. Elle était pour eux un élément mystérieux et insondable. Des poètes, Homère et Virgile, l’ont chantée en des vers admirables. Dans les idylles de Théocrite et les odes de Pindare, on l’aperçoit sans cesse à l’horizon.
Dans l’Odyssée et l’Iliade se déroule la vie navale des anciens. Longues navigations, tempêtes furieuses, combats de mer, Homère a tout décrit, et lorsque l’on parcourt la mer Ionienne, c’est le nom du poète qui revient le plus souvent à la pensée. Apollonius de Rhodes et C.-Valerius Flaccus, dans leurs poèmes sur l’expédition des Argonautes, nous montrent la vie maritime des anciens. Dans l’Enéide, Virgile paraît initié aux détails de la navigation avec une telle science, que l’archéologue Jal a pu écrire un livre, Virgilius nauticus, constatant l’exactitude des renseignements donnés par le poète.
Les bardes saxons et scandinaves ont raconté les aventures de ces peuples hardis, vrais rois de la mer, qui se risquaient sur les flots avec des navires bien défectueux qu’ils appelaient, en leur langage imagé, les «grands chevaux de la mer». Le poème Gudren rappelle une légende maritime des Germains du Nord. Le joli conte de la Nef Catherinette est célèbre en Portugal, etc., etc. Nous devons constater que nos vieux poètes français parlent rarement de la mer.
Les Egyptiens, seuls, regardaient la mer comme impure. Dans leurs peintures merveilleusement conservées, ils ne nous ont laissé que la silhouette de quelques galères. Leurs artistes étaient plutôt des enlumineurs que des peintres, et leurs œuvres naïves et sans lumière ni perspective manquent d’intérêt pour l’étude que nous avons entreprise.
Il ne nous reste rien de la peinture des Chaldéens et des Assyriens. Mais, d’après les bas-reliefs qui nous sont parvenus, nous pouvons imaginer ce que devaient être leurs tableaux, les objets s’y superposaient sans art. «Les eaux étaient représentées par des lignes ondulées, mêlées d’enroulements pour figurer les flots et aussi par des hachures qui se coupaient à angle droit» .
Les Phéniciens ont été surtout des trafiquants. Pour ce peuple de navigateurs et de marchands, la mer était un chemin qui facilitait leurs entreprises commerciales.
Les anciens Perses ont fondé un empire riche et puissant. Nous ignorons si la peinture servait à la décoration de leurs fastueux palais; elle ne devait guère être employée que pour des ornements symboliques.
La mer a été pour la Grèce une parure admirable. Ses flots bleus baignent amoureusement les découpures de ses côtes, et entourent ses îles d’une ceinture d’azur. C’est près d’elle que le peuple plaçait les plus beaux monuments, voulant l’associer à sa vie religieuse et intime. Elle a été non seulement chantée par les poètes, mais des artistes l’ont représentée dans des œuvres peintes. Elles ont malheureusement disparu par l’effet du temps, des guerres, des incendies et du pillage. Il ne nous reste plus que des peintures sur vase qui indiquent un art fin et délicat. Si nous considérons la splendeur des monuments encore debout, nous devons supposer que les peintures des artistes grecs rivalisaient en éclat et en beauté avec les chefs-d’œuvre de l’architecture et de la sculpture. Apelle, Zeuxis, Polygnotte n’étaient pas moins célèbres que Phidias et Praxitèle.
Nous avons quelques indications sur la peinture de marine des Grecs par Pausanias , qui parcourut la Grèce au deuxième siècle de notre ère, et par Pline , qui nous donne des renseignements sur les peintres anciens. Pausanias nous apprend qu’on voyait au Poecile une bataille de Marathon où les Grecs poursuivaient les Perses qui cherchaient à monter sur les vaisseaux phéniciens. Dans le temple de Thésée, il signale des peintures de Micon reproduisant des épisodes de la vie aventureuse du héros.
Dans la Lesché de Delphes, il admire des fresques de Polygnotte qui représentaient le départ des Grecs de Troie; on apercevait le vaisseau de Ménélas avec son équipage, le pilote Phrontis tenant des avirons, au-dessous de lui, un personnage qui descendait du vaisseau par une échelle. D’autres scènes, peintes dans cette énorme composition, se passaient près de la mer.
Pline nous parle de Pamphile qui avait représenté un Ulysse en mer; du macédonien Héraclide qui peignait des vaisseaux; de Néalce, artiste habile et spirituel qui, voulant reproduire un combat entre les Egyptiens et les Perses, sur le Nil, dont l’eau a la même couleur que celle de la mer, et désespérant d’exprimer par l’art le lieu de la scène, eut recours à un symbole; il mit sur la rive un âne qui boit et un crocodile qui le guette.
C’est la mer qui a servi de cadre au chef-d’œuvre d’Apelle, la Vénus Anadyomène. «Ce fut au retour de la pompe sacrée, nous dit Beulé , sur cette plage mollement arrondie qui forme la baie d’Eleusis, et sur laquelle le flot paresseux expire sans qu’on entende son murmure, en face des montagnes de Salamine et de Mégare dont les contours bleuâtres se découpent sur le ciel, au milieu de tous les sourires de la nature, que l’on vit tout à coup sortir de l’onde la courtisane Phrynée, nue comme Vénus, belle comme une statue; puis, Posée sur le sable, les pieds baignés par l’écume de la mer, elle se mit à tordre dans ses mains sa chevelure humide. Apelle fut tellement frappé de ce spectacle, qu’il rentra chez lui Pour en fixer le souvenir, et peignit la Vénus Anadyomène, c’est-à-dire son œuvre la plus accomplie.»
De tout cet art aujourd’hui disparu, il ne reste plus que des dessins de galères et des combats navals peints sur vases.
Dans les peintures étrusques, nous ne voyons rien qui se rapporte à notre sujet. Les fresques trouvées dans les chambres sépulcrales retracent des scènes familières de danseurs, de banquets, de chasse, de pêche, des paysages dont la mer est exclue.
La peinture était en grand honneur chez les Romains. Elle servait non seulement à la décoration des monuments, niais aussi à la glorification de la Patrie, en retraçant les hauts faits de l’histoire nationale. La lutte de Rome et de Carthage, les combats de terre et de mer, etc., etc., fournissaient de nombreux sujets aux artistes. Les généraux vainqueurs faisaient volontiers peindre des tableaux où se voyaient leurs actions d’éclat. Il n’est pas douteux que la mer entrât dans ces compositions. Nous en sommes réduits à des conjectures.
Au siècle d’Auguste, Rome paraissait remplie de chefs-d’œuvre. Le goût des tableaux était très répandu, et on les payait fort cher. Le Bacchus du temple de Cérès valait six cent mille sesterces (146,410 fr.); deux tableaux, l’un représentant Ajax et l’autre Vénus, avaient atteint le prix de trois cent mille deniers (417,332 fr.); une Médée de Timomaque, de Byzance, avait été achetée quatre-vingts talents attiques (417,332, fr.) etc., etc.
Malgré ce penchant des Romains pour la Peinture, ils comptaient parmi eux fort peu d’artistes indigènes. Les Fabius et les Pacuvius étaient rares. La peinture, considérée autrefois comme une occupation de grand seigneur, avait cessé, nous dit Pline, d’être cultivée Par des mains honnêtes; on la laissait aux esclaves et aux affranchis. Des artistes grecs, venus en foule à Rome, exécutèrent la plus grande partie des œuvres que l’on voyait alors en Italie.
La peinture décorative ne semblait pas moins goûtée que la peinture historique. Les Romains se plaisaient à couvrir de fresques les murs de leurs palais et de leurs maisons de campagne. Ils y faisaient représenter des scènes mythologiques, des épisodes de la guerre de Troie, des sites agrestes, des prairies, des bois, des fleurs, des ports de mer. Ludius, le plus célèbre des artistes décorateurs, contemporain d’Auguste, peignait des paysages à l’aspect riant et aussi des marines. Il jouissait d’une grande renommée. Ses œuvres, exposées aux outrages du temps, ont disparu. Les découvertes de Pompéi nous donnent une idée du genre.
Dans les premiers siècles de l’ère chrétienne. la peinture paraît en décadence. La nouvelle religion proscrit tableaux et statues qu’elle considère comme des instruments de perversion. Un mouvement de réaction se produit et l’art renaît de ses cendres. Sous le règne de Constantin, il prend un développement considérable. On construit de superbes églises, de magnifiques palais, et la querelle des iconoclastes ne parvient pas à entraver ce bel essor. La domination de la maison macédonienne (867-1057) est aussi favorable à l’art. L’époque de décadence ne commence qu’au XIe siècle et se continue pendant les croisades. Dans ces temps troublés, la peinture semble complètement négligée.
L’art byzantin a surtout un caractère hiératique et ornemental, éloigné de la nature. Cependant certaines compositions empruntées à l’ancien et au nouveau Testament, telles que le Passage de la Mer rouge, Jésus apaisant les flots, la Pèche miraculeuse, devaient nécessairement reproduire la mer, et les peintures et les mosaïques qui ornaient les murs des palais impériaux représentaient parfois des paysages et des marines. Il ne nous reste rien de ces œuvres.
Au moyen âge, quelques miniatures de manuscrits reproduisent des navires et des combats navals. Citons celles de la Ricardienne, de la bibliothèque de Saint-Gall, de la bibliothèque nationale de Paris. Les fresques d’Andréa da Firenze, au Campo Santo de Pise, attribuées faussement à Simone Memmi, le tableau de Pietro Lorenzetti aux offices de Florence, sont aussi des spécimens de la peinture de marine à cette époque.