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CHAPITRE PREMIER

Table des matières

Le baptême d’Alice. — Projets d’avenir. — Pourquoi? Toujours pourquoi?

La famille Monval était en fête; quelques jours auparavant, naissait une jolie petite fille, et les cloches de l’église sonnaient à toute volée pour annoncer son baptême. A la porte du lieu saint, une troupe de petits garçons se précipitait en se bousculant sur les poignées de dragées que leur jetaient le parrain et la marraine.

Le soir de ce beau jour, un excellent dîner réunissait les parents, les amis; chacun fêtait, le verre en main, cet heureux événement. Les grands-parents surtout étaient dans l’enchantement, car le bébé avait été très sage, et la cérémonie s’était bien passée. Mais voilà-t-il pas qu’au dessert, lorsque bonne-maman veut embrasser sa filleule, elle se met à éternuer; atchi!... atchi!... et cela avec une telle persistance qu’il fallut y renoncer. Le grand-papa s’approche à son tour; les éternuements redoublent. Atchi!... atchi!... C’était désespérant; chacun rit d’abord de cet incident; puis on s’inquiéta; les avis se partagèrent. — C’est un coup d’air, dirent les uns. C’est l’eau du baptême, qui était trop froide, dirent les autres. Enfin on envoya chercher le médecin de la famille qui, après examen, rassura tout le monde. Montrant à Mme Monval la tabatière des grands-parents:

— Voilà, dit-il, la seule cause de ce qui arrive.

Tous deux venaient en effet de prendre une prise de tabac, lorsqu’ils s’étaient penchés vers leur petite-fille pour l’embrasser. A partir de ce jour, ils se promirent bien de renoncer à leur plaisir favori, plutôt que de causer une souffrance à la chère petite créature.

Les bons vieux tinrent parole, aussi le même désagrément ne se renouvela plus à l’avenir, et l’enfant, toujours très calme, se laissa caresser sans sourciller.

C’était du reste la plus jolie petite fille que l’on pût voir; sa figure, toujours fraîche et rose, ses yeux bleus, déjà pleins de vivacité ; ses petites mains, toujours en mouvement, appelaient les baisers. Chacun portait envie à la jeune mère, qui ne confiait à personne le soin de veiller sur son cher trésor.

Assise près du joli berceau garni de soie bleue et de mousseline, on voyait Mme Monval pendant de longues heures contempler le sommeil de l’enfant; faisant, comme toutes les mères, les plus beaux projets d’avenir. Voyant la précoce sagesse de la petite, elle se réjouissait à la pensée de faire elle-même son éducation.

— Je veux, disait la maman, lui apprendre à parler, à marcher, et quel bonheur ce sera de voir un jour ma petite Alice trotter autour de moi!.... Je surveillerai ses jeux, je consolerai ses premiers chagrins.

Les vraies mères sont ainsi, elles veulent toutes les peines, afin de récolter un jour toutes les joies. Ces désirs, ces espérances maternelles devaient se réaliser pour Mme Monval. La fillette grandit, prit de la force et courut bientôt dans toute la maison comme un petit poulet.

Quelle fête surtout lorsqu’on partait pour la promenade! Aux Champs-Elysées, aux Tuileries, les promeneurs et surtout les promeneuses, en passant près de la petite voiture, admiraient le joli bébé ; mais bientôt ces compliments qui flattaient l’orgueil maternel ne suffirent plus à notre fillette. A trois ans, les petites jambes ont besoin de se remuer, de marcher, de courir. Alice voulut jouer avec les autres enfants de son âge; tous les jouets qu’elle leur vit alors lui firent envie; la poupée de caoutchouc fut délaissée pour la pelle, le petit seau et le ballon.

Quoi de plus gracieux que la réunion de toutes ces mignonnes créatures? Dans nos jardins, dans nos promenades publiques, ce n’est pas le coin le plus bruyant, mais c’est peut-être le plus intéressant; déjà le caractère, l’intelligence de chacun commencent à se montrer. Tandis que les nourrices causent entre elles, que les mamans lisent ou font du crochet, les bébés, très attentionnés, luttent à qui fera les plus beaux pâtés de sable. Les uns rient, les autres se fâchent; on tombe, on se relève; et chaque jour le temps de la promenade se passe de la même façon.

Plus tard, cette innocente occupation ne suffit plus; les garçons jouent aux chevaux; clic! clac! c’est la ceinture garnie de grelots, le fouet bruyant qu’il leur faut; les fillettes sautent à la corde ou lancent le ballon. C’est le moment où la surveillance devient plus difficile; il ne s’agit plus, pour la maman ou pour la bonne, de rester assise. L’enfant peut tomber, salir sa toilette, traverser une pelouse, s’égarer quelquefois dans l’immense jardin. Il y a aussi le danger des bassins, des cours d’eau; un malheur est si vite arrivé !

Cependant, avec la petite Alice il n’y avait pas trop à craindre; d’abord, elle ne se mêlait jamais aux jeux sans en demander la permission à sa mère, dont le regard la suivait alors. Le plus souvent, la fillette se contentait d’observer tout ce qui l’entourait; c’était ensuite des questions sans fin, auxquelles Mme Monval se voyait forcée de répondre.

Un jour que l’on se trouvait près d’un bassin et qu’une foule de petits pierrots venaient manger, autour de la fillette, les miettes de pain qu’elle jetait, tantôt aux oiseaux, tantôt aux poissons:

— Maman, demanda tout à coup Alice, pourquoi les poissons rouges ne viennent-ils pas aussi sauter près de nous, plutôt que de se cacher sous l’eau comme des peureux, lorsqu’on leur jette quelque chose?

— C’est que l’eau est leur élément, répondit Mme Monval, ils y trouvent leur nourriture; sur la terre, les poissons ne pourraient pas vivre, étant organisés pour nager, et non pour voler ou marcher, comme les oiseaux.

Bientôt, tout devint pour l’enfant un prétexte à ce mot: Pourquoi? Flattée de ce qu’elle regardait comme une preuve d’intelligence, Mme Monval ne se lassait jamais de répondre aux nombreuses questions de sa fille. Mais les bonnes ont quelquefois moins de patience; celle d’Alice se fatigua bientôt de ces interminables questions; un jour, ne sachant plus quelle réponse faire à l’enfant:

— Pourquoi ceci? pourquoi cela? dit cette fille, dame! mamzelle, à propos d’une mouche qui vole ou d’un chat qui trotte vous avez un pourquoi. Savez-vous que c’est gênant, à la fin, d’être curieuse comme ça? Pour mon compte, je ne vous appellerai plus que mademoiselle Pourquoi.

Cette fois, l’enfant s’éloigna, la tête basse, et vint conter sa mésaventure à sa maman, qui la consola de son mieux; mais ce surnom devait rester à la petite Alice.

Mademoiselle Pourquoi

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