Читать книгу Mademoiselle Pourquoi - Louise Hameau - Страница 5

Оглавление

CHAPITRE II

Table des matières

La première poupée. — Une belle journée.

Alice vient d’atteindre sa sixième année; c’est une belle fillette, vive, intelligente, un peu espiègle; son principal défaut est de se montrer assez changeante dans ses goûts. Pour cette raison, peut-être, sa maman ne lui a donné jusque là que des jouets sans importance.

Cependant, l’année précédente, Alice a eu une belle poupée, la première, donnée par sa marraine. Quoique ce cadeau l’eut ravie tout d’abord, elle s’en est lassée comme de toutes choses.

Mme Monval, s’étant aperçue de cet abandon, se promit d’en faire le prétexte d’une leçon comme les mères savent en donner. Ayant ramassé, un jour, dans le coin où elle gisait, la pauvre poupée abandonnée, la maman d’Alice la fit réparer, habiller richement; puis elle acheta une jolie bercelonnette, garnie de dentelles et de rubans, et cachant le tout dans une armoire, attendit une occasion, qui ne tarda pas à se présenter.

— Maman, dit un matin notre fillette, si tu savais comme Yvonne a de jolies poupées; je voudrais bien l’inviter à venir jouer avec moi, mais je n’ose pas.

— Cependant, ce serait très naturel, puisque c’est ta petite amie, observa Mme Monval.

— Oui, mais c’est que moi je n’ai plus une seule poupée à lui montrer.

— Comment, plus une seule?.... et celle que votre marraine vous avait donnée?

— Je ne sais pas ce qu’elle est devenue.

— Petite désordonnée!.... une poupée ne se perd pas ainsi; vous devez savoir où vous l’avez laissée?

— Dans un coin; elle était sale, mal habillée, je ne voulais plus la voir... j’ai dit à ma bonne qu’elle pouvait la jeter aux ordures.

— C’est très vilain ce que vous avez fait là.

— Pourquoi?

— Parce qu’une poupée n’est pas un joujou ordinaire; vous étiez la petite mère de la vôtre. Si les mamans jetaient leurs enfants à la rue, chaque fois qu’ils sont sales, mal peignés, mal habillés, que deviendraient les pauvres petits?

Alice comprit sa faute, mais il était trop tard. Comment la réparer? Elle chercha de tous côtés; la vieille poupée demeurait introuvable. Deux jours plus tard, l’enfant n’y pensait plus, lorsqu’on lui amena sa petite amie pour passer l’après-midi avec elle.

Yvonne était une blondinette à peu près du même âge que Mlle Pourquoi, mais d’un caractère plus tranquille. Elle paraissait surtout aimer beaucoup ses poupées, car même pour aller en visite ou à la promenade, l’enfant consentait avec peine à s’en séparer. Ce jour-là, le sacrifice lui avait paru encore plus difficile, car Yvonne arrivait chez Mme Monval avec une jolie poupée dont la robe de soie bleue était encore très fraîche. Alice ne put s’empêcher d’en faire la remarque, et de peur que son amie ne demandât à voir les siennes, elle s’empressa de l’entraîner au jardin.

Le temps était magnifique, on courut d’abord à travers les allées, sans but, comme de petits oiseaux échappés; puis on joua au ballon. C’était le jeu préféré d’Alice; mais Yvonne, moins habile, le lança à plusieurs reprises dans les carrés de fleurs, ce qui mécontenta le jardinier. A la fin, le bonhomme se lassa de voir massacrer toutes ses plantes, et pria ces demoiselles d’aller jouer plus loin.

Au même instant, Mme Monval appela sa fille; c’était l’heure du goûter; le soleil devenait très chaud. Les deux amies se dirigèrent donc vers la salle à manger; mais, en les voyant accourir ainsi toutes rouges, essoufflées, ayant oublié ou perdu leurs chapeaux de paille en route, la maman se fâcha.

— Je ne veux plus que vous retourniez jouer au jardin, dit-elle.

— Pourquoi? questionna effrontément notre lutin.

— Pourquoi? vous osez le demander, petite vilaine?

Voyez dans quel état vous vous êtes mise; et si votre petite amie attrapait du mal ici, j’en serais responsable. Aussitôt que vous aurez goûté, continua Mme Monval, vous viendrez près de moi, au salon.

— Oui, maman, dit faiblement Alice, qui devint soucieuse.

La fillette se disait avec raison:

— Une fois au salon, la question des poupées va revenir, c’est certain; comment vais-je me tirer de là ?

Une grande surprise attendait mademoiselle Pourquoi.

En rentrant dans cette pièce, la première chose qui frappa ses regards fut la jolie bercelonnette dont nous avons parlé plus haut. Cependant, elle n’osait en approcher. Déjà Yvonne avait repris sa jolie poupée, posée en arrivant sur un fauteuil, et proposait de jouer à la maman.


— Eh bien? dit Mme Monval, tu ne réponds pas à ton amie; ce jeu n’est-il pas de ton goût?

Puis voyant que le silence de l’enfant se prolongeait:

— Voyons, reprit-elle, ce n’est pas poli à la fin, je suis sûre qu’Yvonne ne demandera plus à venir te voir.

Alice, toujours hésitante, s’approchait lentement du petit berceau; tout à coup elle en souleva le rideau et poussa un cri de joie. Une poupée en riche toilette blanche était couchée sur les coussins. La prenant dans ses bras, la fillette courut la montrer à Yvonne; puis, l’examinant elle-même avec plus d’attention:

— Mère, demanda-t-elle, est-ce qu’il y a aussi des médecins pour les poupées?

— A quel propos me fais-tu cette question? dit Mme Monval, je crois que celle-ci a l’air assez bien portante.

— Oui, maintenant... mais je me souviens que Nelly, ma vieille poupée, avait un bras arraché, une jambe tordue et l’œil droit presque enfoncé.

— Il eût fallu, en effet, un bien habile docteur pour remettre tout cela, fit la maman en souriant. Cependant si tu es sûre de reconnaître cette pauvre Nelly?

— A présent, j’en suis sûre.

— Eh bien, je n’ai qu’une chose à te dire, mon enfant, soigne-la mieux à l’avenir, si tu veux la conserver; car pour les poupées, comme pour les petites filles, le meilleur médecin ne vaut pas les soins, la sollicitude d’une bonne mère.

Comprenant tout ce qu’elle devait à la sienne dans cette circonstance, Alice lui sauta au cou et l’embrassa bien fort, en promettant d’être plus soigneuse. Les deux fillettes jouèrent ensuite à la maman; puis, lorsque les poupées eurent été couchées et promenées tour à tour, on leur fit faire la dînette dans un joli petit service de porcelaine qui, par hasard, se trouvait encore au complet.

Cette belle journée se termina par une promenade aux Tuileries, où l’on entendit la musique militaire. Il fallut ensuite reconduire Yvonne chez sa maman, où Alice fut invitée à son tour à venir passer toute une après-midi.

Mademoiselle Pourquoi

Подняться наверх