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PROJET D’UN NOUVEAU MUSÉE DE SCULPTURE GRECQUE

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Parlons maintenant de l’apparition prochaine de cette autre collection de plâtres que nous avons tout à l’heure annoncée, et qui est destinée à donner aussi un abondant sujet d’études aux amis de l’art grec. Ce n’est encore que le premier essai, le spécimen d’une collection plus vaste, d’un véritable musée dont l’idée appartient à un membre de l’Institut initié non-seulement à la philosophie, mais aux beautés plastiques de l’antiquité grecque. M. Ravaisson parviendra-t-il à faire bientôt adopter son projet? Nous l’espérons, sans oser l’affirmer, et c’est une raison de plus pour que, dès aujourd’hui, nous signalions les avantages que l’art et la science pourraient en recueillir.

Il s’agit d’enseigner l’histoire et la chronologie de la sculpture grecque, en réunissant et en classant avec méthode, d’après les données les plus récentes de l’archéologie, les statues, bas-reliefs, figurines et fragments divers, de tout âge et de toute dimension, qui passent à bon droit pour l’œuvre du ciseau grec.

Un tel plan, comme on voit, suppose la création d’un musée tout nouveau, car aucune des collections jusqu’à présent connues ne peut suffire à cette tâche. Les plus riches et les plus variées sont pleines de lacunes. Ici l’archaïsme domine, là au contraire il manque absolument. Pas plus au Vatican qu’au Louvre, pas plus au British museum qu’aux glyptothèques de Munich et de Berlin, on ne peut offrir au spectateur sur chacune des phases principales de la sculpture hellénique, des séries d’exemples concluants. Il faudrait compléter ces musées les uns aux dépens des autres, ou plutôt leur emprunter à tous leurs principaux chefs-d’œuvre pour en former un magnifique ensemble; et encore vous laisseriez dans l’ombre bien des points incertains. Ces classifications ne seraient que provisoires, puisque chaque jour des découvertes imprévues révèlent dans cet art fécond des faces entièrement nouvelles; mais vous auriez du moins, pour l’artiste et pour l’archéologue, composé l’enseignement le plus complet et le plus efficace que l’état actuel de la science permette de rêver.

Ce n’est, en effet, qu’un rêve: quelque fraternité qu’on suppose entre les peuples, jamais on ne les verra, pour créer ce musée des musées, se dépouiller de trésors dont ils sont justement jaloux. Mais ce qui est chimérique, s’il s’agit des marbres eux-mêmes, des chefs-d’œuvre originaux, devient aisément pratiquable pour peu qu’on se contente de réunir et de classer de simples reproductions. L’opération du moulage, quand elle est faite avec soin, endommage si peu les œuvres de sculpture, que posséder un marbre antique sans consentir à le laisser mouler, ce serait aujourd’hui, de nation à nation, un égoïsme presque sauvage. Les collections particulières peuvent seules, sur ce point, faire encore exception; mais de la part des dépôts publics, si peu libéralement qu’ils soient administrés, il n’y a pas de refus à craindre. Rien ne serait donc plus aisé, même sans grands efforts de la diplomatie, que de réunir ainsi tous les morceaux de sculpture grecque possédés par nos divers voisins. Ne voit-on pas chez eux, dans leurs écoles et leurs gymnases, des plâtres de notre Vénus de Milo et des principales statues du Louvre, de même que chez nous, à l’École des beaux-arts, se trouve un nombre déjà considérable de moulages provenant de tous les grands musées d’Europe? Il ne s’agit donc, à vrai dire, que de généraliser et de systématiser ce qui existe déjà.

Dès lors, est-il bien nécessaire de créer tout à neuf? Et, par exemple, n’atteindrait-on pas le but que M. Ravaisson se propose, en se contentant de compléter et de classer cette collection de l’École des beaux-arts? Nous le pensions d’abord, puis, après examen, nous sommes forcés de convenir qu’il n’y aurait pas grand profit à procéder ainsi et que bien des raisons s’y opposent.

D’abord les bâtiments de l’école seraient à coup sûr insuffisants. Les salles maintenant occupées par les plâtres sont littéralement encombrées. L’œil pénètre à grand’peine dans cette forêt de sculptures plutôt emmagasinées qu’exposées, et ce n’est encore là que le tiers tout au plus de celles qu’il faudrait réunir. Quelques salles, il est vrai, deviendront disponibles par suite de la construction du bâtiment nouveau en façade sur le quai, mais cette addition elle-même serait d’un médiocre secours. Il faudrait donc bâtir, ce qui n’est pas une petite affaire, sans compter que les terrains qui restent disponibles dans l’enceinte de l’École des beaux-arts ne présenteraient que des surfaces d’un agencement très-difficile. Enfin, n’oublions pas que ce qui importe à l’École, c’est beaucoup moins l’histoire que les beautés de l’art; qu’il lui faut avant tout des modèles, des œuvres qui exercent non pas l’esprit critique, mais le talent pratique de ses élèves, et que, par conséquent, pour se composer un musée, elle a besoin de consulter bien plus l’artiste que l’antiquaire.

Ainsi point d’amalgame, point de mélange; que l’école des beaux-arts garde ses plâtres et les dispose à sa façon. Ce n’est pas là qu’il faut placer notre futur musée. Le parti le plus simple serait qu’on voulût bien nous faire ad hoc un vaste et commode édifice. On en construit tant aujourd’hui et pour de moindres sujets! Telle n’est pourtant pas l’ambition de M. Ravaisson: il ne va pas jusqu’à prétendre que, par amour du grec, on fasse à son projet l’honneur d’une construction spéciale. Le problème est pour lui de trouver un local tout bâti et de grandeur suffisante. Dans l’intérieur de Paris il chercherait en vain; mais, grâce aux chemins de fer, la banlieue est encore Paris. Aussi M. Ravaisson a-t-il jeté les yeux sur le château de Saint-Germain, aujourd’hui presque sans destination, ou occupé par des services qui le dégradent et le déshonorent. On a bien converti Versailles en musée, on en peut faire autant de Saint-Germain. Sans entreprendre une restauration princière de ces immenses constructions, sans trop de peine ni trop d’argent, on mettrait en état ce vieux palais et on l’approprierait à sa destination nouvelle. Il faudrait se garder de rien changer, ni aux anciennes distributions, ni aux fragments malheureusement trop rares de la décoration primitive. Pour un musée d’étude aucun luxe ne serait nécessaire, et cette grande quantité de salles, de dimension moyenne, serait de beaucoup préférable à quelques grandes et longues galeries; le classement par époque et par nature d’objets s’y ferait plus facilement.

Il y a donc les meilleures raisons pour adopter l’idée de M. Ravaisson. C’est un projet qui n’a rien d’effrayant, tout à la fois modeste et grandiose, qui, du même coup, utilise et conserve un de nos monuments historiques les plus intéressants et les plus abandonnés. S’il s’agissait de marbres et non de plâtres, on pourrait faire une objection. Le château, malgré son étendue, serait en ce cas peut-être insuffisant; l’espace manquerait, car le rez-de-chaussée seul pourrait être occupé ; mais les plâtres, quel qu’en soit le volume, sont toujours d’un si faible poids qu’on pourrait en remplir tous les étages du château sans qu’un seul des planchers fût tenté de fléchir.

Supposons donc le projet adopté, puisqu’il est si peu contestable. Voilà le local convenu; occupons-nous de le remplir. C’est là surtout qu’est la question et le principal intérêt.

Et d’abord, il faut bien savoir qu’on ne laissera rien entrer dans ce musée qui ne soit authentiquement grec. Cette consigne rigoureuse aura pour conséquence non-seulement de ne donner accès qu’aux sculptures d’origine certainement hellénique, mais, ce qui étonnera peut-être, de mutiler plus ou moins presque toutes les statues antiques le plus justement célèbres. Il faudra qu’elles laissent à la porte, tantôt un pied ou une main, tantôt une jambe ou un bras, quelquefois même jusqu’à la tète, et presque toutes au moins le nez. Ce n’est, en effet, que de nos jours et depuis peu de temps qu’on s’impose la loi, lorsqu’un heureux hasard a fait sortir de terre une sculpture plus ou moins mutilée, de la laisser telle qu’elle est, telle que le temps l’a faite, sans souffrir qu’une profane main, si habile qu’elle soit, ose refaire ce qui est détruit et incruster son propre ouvrage dans l’œuvre du sculpteur antique. Si le marbre est seulement fracturé et que les morceaux existent, s’il ne s’agit que de les fixer et de les rendre adhérents sans soudure étrangère, sans pièces de rapport, les critiques les plus rigides et les plus scrupuleux admettent la restauration; mais dès qu’il faut combler une lacune, remplacer tout ou partie d’un marbre, imaginer une attitude, c’est-à-dire composer, interpréter, créer, refaire à neuf, la restauration dans ce cas, tout le monde en est d’accord, n’est vraiment qu’une barbarie; mieux vaut accuser franchement et laisser clairement paraître le lavage du temps. Parfois, sans doute, l’effet en sera disgracieux, et la plupart des spectateurs maudiront notre rigorisme; mais il sera béni par tous ceux qui font de l’art antique une sérieuse et véritable étude.

Rien n’altère, en effet, le caractère d’une sculpture et ne porte à la mal juger comme une addition parasite; et cette sorte d’altération est d’autant plus profonde que la cause en est mieux cachée. Devant une restauration à peine déguisée, le danger n’est pas grand. Les yeux souffrent, sans doute, et ne sont pas trompés. L’esprit est sur ses gardes et rétablit, en quelque sorte, par une intuition rapide, les lignes harmoniques que le restaurateur a comme interrompues. Si le faire est habile, au contraire, si l’épiderme du travail antique, servilement imité, dissimule au premier coup d’œil les disparates et les écarts du style, vous vous laissez aller en toute confiance à ne voir que par vos yeux, vous acceptez pour vraies ces ligues altérées, énervées et banales, et le caractère de l’œuvre antique se modifie à votre insu. Telle statue perd ainsi tout son nerf et toute sa fierté pour quelques morceaux de chair ou seulement de draperie qu’un adroit praticien s’est permis de lui restituer. Il ne faut pas conclure de là qu’une mauvaise restauration soit préférable à une bonne: nous voulons seulement dire que la meilleure ne vaut rien, et que le seul parti raisonnable est de ne pas restaurer du tout.

D’où vient donc qu’il ait fallu trois siècles pour admettre cette vérité ? D’où vient que tant d’habiles gens, tant de fins connaisseurs, qui, certes, nous valaient bien, aient, dès les premiers temps de la Renaissance, accepté et même encouragé ce système d’achèvement et de restauration, ce mélange bâtard d’antique et de moderne? Quelle façon singulière d’honorer des chefs-d’œuvre que de vouloir à tout prix déguiser leurs blessures et cacher leurs mutilations! Le torse du Belvédère lui-même n’a échappé que par miracle à la main des restaurateurs. Sans Michel-Ange, et sans l’amour dont il se prit pour ce débris sublime, on l’eût traité comme les autres; il aurait aujourd’hui une tète, des jambes et des bras. C’est qu’au premier moment, lorsqu’on fouilla de toutes parts le sol de l’Italie pour en tirer ces marbres et ces bronzes enfouis depuis plus de mille ans, l’idée d’en faire le but de recherches savantes, de laborieuses comparaisons, de les déposer dans des musées, d’en doter des écoles, de les consacrer, en un mot, seulement à l’étude, ne fut pas l’idée dominante. Les souverains, les grands seigneurs, les banquiers opulents qui payaient et dirigeaient les fouilles, songeaient à eux avant de s’occuper dès artistes et des savants, et leur premier désir était de faire de ces sculptures la parure de leurs palais, la gloire de leurs jardins. C’est comme objets d’ameublement, de décor et presque de mode que les antiques furent d’abord recherchées en Italie et en Europe; de là cet impérieux besoin de les rendre agréables aux yeux, de les rajeunir, de les achever, d’en compléter l’ensemble, d’en restaurer les détails. Aujourd’hui, nous leur avons donné une plus noble destination: c’est à la science et à l’art qu’elles appartiennent avant tout; nous leur rendons un culte presque religieux, c’est bien le moins qu’on nous permette de les garder vierges et pures.

Faut-il pousser ce goût de pureté jusqu’à détruire les restaurations existantes, et demander, par exemple, que toutes nos statues du Louvre soient immédiatement réduites à ce qu’elles ont de vraiment antique? Ce serait aller un peu trop loin. D’abord on risquerait, en procédant ainsi, d’en voir un trop grand nombre disparaître presque en totalité. Pour ne citer qu’une des plus charmantes et des plus populaires, que pense-t-on qu’il nous restât de cette gracieuse figure de femme qui semble si bien rêver, le corps penché sur ce rocher, et dont la longue draperie retombe en plis si délicats? De cette élégante muse nous ne conserverions, je crois, que le talon et le bas de la robe: tout le reste est moderne, il faut bien l’avouer. Ce n’est pas là, sans doute, un exemple ordinaire; on ne voit pas souvent les rôles à ce point renversés et l’accessoire devenir principal; mais parmi nos statues, pour la plupart acquises au seizième ou au dix-septième siècle, et destinées à embellir nos palais et nos jardins royaux, il en est un bien petit nombre qui ne soient pas profondément restaurées. Et ce n’est pas seulement au Louvre qu’il en est ainsi, c’est à Rome, à Florence, dans toutes les galeries qui ne sont pas de formation récente. L’ère des restaurations n’a commencé à prendre fin qu’après l’apparition de la Vénus de Milo; et encore nous ne voudrions pas répondre que souvent, depuis cette époque, on n’ait même, chez nous, rhabillé bien des marbres.

Ce serait donc une immense affaire que de toucher à tout cela. La plupart de ces restaurations, si regrettables qu’elles soient, sont déjà d’un assez grand âge pour qu’une sorte de prescription les protège. Elles sont, d’ailleurs, si bien ajustées, et font tellement corps avec les parties antiques, qu’en essayant de les faire disparaître on pourrait tout briser; et, pour réparer une sottise, on commettrait une erreur plus grave. Ainsi, point de système d’épuration complète: c’est un essai dont il faut s’abstenir. Mais s’il n’y a pas prudence à le tenter sur les marbres eux-mêmes, rien n’est moins dangereux sur des plâtres. Une fois la statue moulée, vous taillez, vous rognez, vous supprimez tout à votre aise; vous ne conservez que ce qui est à elle, vous lui rendez sa pureté et ses mutilations. On ne saurait croire tout ce qu’elle peut gagner à perdre ainsi quelques membres postiches. Quelle nouveauté d’aspect! quel caractère plus franc et plus individuel! Telle figure dont le style était louche et suspect, semble se transformer et devient vraiment grecque après ce genre d’amputation. Nous eh jugeons par les exemples que M. Ravaisson met déjà sous nos yeux. Officiellement autorisé à faire mouler en Italie un certain nombre de sculptures qu’il croit de travail grec, et qui sont presque toutes inconnues à Paris, il a eu soin d’en retrancher les parties restaurées. Ces plâtres, au nombre d’environ soixante, sont déposés en ce moment au Palais de l’industrie, et doivent bientôt, nous le pensons, être soumis au public. C’est à la fois un premier fonds pour le futur musée, et la démonstration d’une méthode. Il va sans dire qu’on trouve là, en proportion beaucoup plus forte que dans les musées ordinaires, des torses d’hommes et de femmes, de simples fragments, des têtes isolées: c’est le résultat naturel du système. Ces fragments, ces torses, ceux qui les ont connus transformés en situes, au Vatican, au Capitole, aux Offices ou au palais Pitti, auront peine à les reconnaître: ce sont de vraies révélations. Voyez ces deux corps de femmes provenant dd jardin della Pigna, ce fragment d’une amazone que vous avez remarqué peut-être dans la cour du palais Borghèse, ce torse de Vénus du jardin Boboli, et tant d’autres qu’il faudrait citer; jamais, convenez-en, vous n’en avez, sur place, soupçonné la beauté ni le style, tant les parties modernes qui leur sont annexées ont distrait vos regards et détourné votre attention.

Tel est donc le trait distinctif, la principale nouveauté du projet de M. Ravaisson: ne pas admettre un morceau de sculpture qui ne soit pur de tout mélange, et qui ne fasse preuve, dans toutes ses parties, d’une noblesse immaculée. Ce musée sera le livre d’or de la statuaire antique. Pour ce travail d’épuration, un grand discernement sera nécessaire. Il faudra de bons yeux, beaucoup de tact, un sens exquis. Même en opérant sur le plâtre, il faut encore ne rien tailler de trop, et distinguer, sans jamais se méprendre, les parties véritablement refaites de celles qui ne sont que rétablies et rajustées.

Voilà le premier problème: ce n’est pas le plus difficile. Constater l’existence d’une restauration d’une pièce de rapport incrustée dans un marbre antique, ce n’est, après tout, qu’une question matérielle, un litige à débattre entre experts, comme une vérification d’écritures. Les cas vraiment douteux ne sont jamais très-fréquents, et n’ont pas grande conséquence; tandis que pour le choix et pour le classement des sculptures elles-mêmes, tout sera matière à discussion, et ce ne sera pas trop de faire appel au dévouement et aux lumières des hommes les plus compétents, des plus habiles appréciateurs, des juges les plus expérimentés.

D’abord il s’agira de déterminer nettement le sens de ces mots: Sculpture grecque. C’est le travail hellénique qu’on prétend seul admettre et avec grande raison: en cela consiste, en partie, l’originalité du projet; mais dès qu’on entrera dans l’époque impériale et même, quelques siècles en deçà, dans la cour des Ptolémées, quel parti prendra-t-on vis-à-vis de sculptures qui sont grecques aussi, puisque des Grecs ont tenu le ciseau, et dont pourtant l’esprit, le caractère propre, on peut même dire la nationalité, s’effacent peu à peu sous l’influence étrangère qui les altère et les corrompt. La détermination des limites au delà desquelles le vrai style grec se perd et se confond, d’une part dans le goût romain, de l’autre dans l’alexandrin, ce lointain acheminement au byzantin, tel sera le premier devoir du jury d’admission! Puis, ces règles posées, viendra le classement: nouvelles difficultés, bien autrement ardues, surtout des qu’il sera question des temps avoisinant Phidias, des huit ou dix olympiades qui lui sont antérieures, des années qui viennent après lui, et même aussi de son propre temps. Lorsqu’à travers cette époque, pour classer chronologiquement chaque ouvrage, il faudra tenir compte de la possibilité d’une influence géographique, c’est-à-dire faire la part de ces écoles contemporaines, d’allures si diverses, les unes progressives, les autres stationnaires et presque rétrogrades, les opinions, il faut d’avance en prendre son parti, seront rarement unanimes.

On aura soin de réunir et d’étaler aux yeux du spectateur tous les termes de comparaison propres à éclairer le débat et à faire découvrir l’inconnu par le connu; on lui donnera le plus grand nombre possible de monuments à date certaine, et, en premier lieu, de médailles. Une collection complète des types principaux de tous les temps, une collection de camées et de pierres gravées, de petits bronzes, de bijoux, en un mot, d’objets plastiques de tout genre, sera l’accompagnement nécessaire de ce musée chronologique; et comme, néanmoins il se produira toujours des dissidences sur des questions si délicates, comme le moindre fait nouveau viendra modifier l’avis qui aura prévalu, sauf à être plus tard démenti par un autre fait, il faudra, par prudence, que les classifications de ces époques litigieuses restent toujours comme en suspens. Chaque décision qui sera prise, ne le sera que sous réserve et en attendant mieux; les affirmations du livret seront suivies de points d’interrogation; et pour que l’arrangement matériel du musée soit toujours en parfait accord avec l’état de la science, pour qu’il y ait toute facilité à corriger et à remanier, à faire changer de place, et voyager d’une salle dans l’autre, chaque fois que besoin sera, ces sculptures provisoirement classées, les piédestaux de tous les plâtres seront établis sur roulettes.

Nous ne donnons ici qu’un aperçu sommaire d’un projet qui, pour être exposé, demanderait d’amples détails; mais, dans ce peu de mots, on a dù sentir, ce nous semble, une idée qui peut être féconde? Nous ne promettons pas qu’à Saint-Germain les visiteurs, les étrange viendraient en foule comme à Versailles: ce n’est pas d’un succès de vogue, d’un spectacle populaire qu’il est ici question; il s’agit d’un sanctuaire d études, il s’agit d’un lieu ouvert à de nobles controverses qui jamais ne sommeillent sans que l’art, le grand art ne soit lui-même endormi. Et quelle heureuse et nouvelle façon de ranimer ces problèmes! placer notre jeunesse devant tous les chefs-d’œuvres connus du plus artiste des peuples! les lui faire tous embrasser et comparer d’un regard! Est-il un pays d’Europe qui ne nous enviat cette ingénieuse munificence? Là, point de faux brillants, point d’étalage industriel et théâtral. Ce ne serait pas un palais de cristal, sorte de grand bazar où cette chronologie de l’art, et ce vaste assemblage de monuments plastiques de tous les siècles n’ont d’autre but que d’amuser les yeux, et de laisser dans les esprits de superficielles images. Ce serait une institution sérieuse, scientifique, et profitable néanmoins aux artistes aussi bien qu’aux savants. On s’enquiert tous les jours des moyens les plus propres à protéger, à faire fleurir les arts: en serait-il un plus sûr, mieux combiné, plus efficace qu’une semblable création?

Études sur l'histoire de l'art. Antiquité : Grèce ; Rome ; Bas-Empire

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