Читать книгу A quoi tient l'amour? - Марк Твен, ReadOn Classics, Charles Dudley Warner - Страница 23
I
Lucile Fraisier
XXI
ОглавлениеUn matin, Fraisier voulut faire une dernière tentative auprès de
Rouillon.
«Je n'ai pas pu lui parler! dit-il en rentrant au magasin. Il ira jusqu'au bout; il ne nous fera grâce de rien.
– Dois-je me vendre à cet homme? répliqua Lucile avec énergie. Si nous en sommes là, est-ce ma faute?»
Mais subitement, elle se dressa, transfigurée, radieuse:
«André! André!» s'écria-t-elle.
Et, emportée par un irrésistible élan, elle se jeta dans les bras du jeune homme, qui venait d'apparaître sur le seuil.
«Oui, père, reprit-elle après la première effusion, oui, c'est lui que j'aime. Il nous défendra, il nous sauvera, j'en suis sûre. Je ne crains plus rien maintenant. Mais regardez donc! Il a la croix! Il a l'uniforme d'officier! Oh! que je suis heureuse! Il ne nous en avait rien dit dans sa lettre, l'égoïste! Il voulait voir notre surprise. Vite, il faut nous mettre au courant.»
André dut raconter tout au long, puis répéter et répéter encore, la suite accidentée de ses aventures militaires. Après Sedan, après les tortures subies au funèbre campement de la presqu'île d'Ige, il avait pu s'échapper, gagner la Belgique. Revenu en France, incorporé à l'armée du Nord, il avait pris part aux batailles de Villers-Bretonneux et de Pont-Noyelles, au combat d'Achier-le-Grand. Il avait été décoré et promu sous-lieutenant le 3 janvier, après la victoire de Bapaume.
Blessé au front et à l'épaule droite devant Saint-Quentin, il était retombé entre les mains de l'ennemi, et il avait été interné dans la Prusse orientale.
A son tour, il voulut savoir tout ce qui s'était passé à Verval en son absence.
«Tranquillisez-vous! dit-il à Fraisier, en apprenant les dernières manoeuvres de Rouillon, Lucile a raison de ne plus rien craindre. D'après ce que m'a montré ma mère, nous avons une fortune à présent; et je pourrai bientôt désintéresser cet homme.
– Oui, c'est la vérité, ajouta Mme Jorre, qui avait accompagné son fils. Le notaire est venu en personne, hier soir, à la maison, pour m'annoncer que, toutes informations prises, nous héritons des Moussemond. Ce malheureux Victor a été fusillé sur la côte, tandis que son père succombait dans l'incendie. Nous sommes les plus proches, et, je crois, les seuls parents qui leur survivent.
– Ne perdons pas une minute! reprit André. Monsieur Fraisier, accompagnez-moi chez Rouillon. Nous ne reviendrons pas sans l'avoir vu. Je lui donnerai ma parole, et au besoin ma signature. Il faut que ses poursuites cessent immédiatement.