Читать книгу Toutes les Oeuvres Majeures du Marquis de Sade - Маркиз де Сад - Страница 54
XXII - Dix-huitième journée
ОглавлениеDuclos, belle, parée, et toujours plus brillante que jamais, commença ainsi les récits de sa dix-huitième soirée :
“Je venais de faire l’acquisition d’une grosse et grande créature nommée Justine ; elle avait vingt-cinq ans, cinq pieds six de haut, membrée comme une servante de cabaret, d’ailleurs de beaux traits, une belle peau, et le plus beau corps du monde. Comme ma maison abondait en ces sortes de vieux paillards qui ne retrouvent quelque notion de plaisir que dans les supplices qu’on leur fait éprouver, je crus qu’une telle pensionnaire ne pouvait que m’être d’un grand secours. Dès le lendemain de son arrivée, pour faire l’épreuve de ses talents fustigateurs que l’on m’avait prodigieusement vantés, je la mis aux prises avec un vieux commissaire de quartier, qu’il fallait fustiger à tour de bras depuis le bas de la poitrine jusqu’aux genoux et depuis le milieu du dos jusqu’au gras des jambes, et cela jusqu’à ce que le sang distillât de partout. L’opération faite, le libertin troussait tout simplement la donzelle et lui plantait son paquet sur les fesses. Justine se comporta en véritable héroïne de Cythère, et notre paillard vint m’avouer que je possédais là un trésor, et que, de ses jours, il n’avait été fustigé comme par cette coquine-là.
“Pour lui faire voir le cas que je faisais d’elle, je l’assemblai, peu de jours après, à un vieux invalide de Cythère qui se faisait donner plus de mille coups de fouet sur toutes les parties du corps indistinctement, et lorsqu’il était tout sanglant, il fallait que la fille pissât dans sa main à elle, et le frottât de son urine sur toutes les parties les plus molestées de son corps. Cette lotion faite, on recommençait la besogne ; alors il déchargeait, la fille recueillait avec soin dans sa main le foutre qu’il rendait, et elle le frictionnait une seconde fois avec ce nouveau baume.
“Succès égaux de la part de ma nouvelle emplette, et chaque jour plus ample louange ; mais il n’était plus possible de l’employer avec le champion qui se présentait cette fois-ci. Cet homme singulier ne voulait du féminin que l’habit, mais, dans le fait, il fallait que ce fût un homme, et, pour m’expliquer mieux, c’était par un homme habillé en femme que le paillard voulait être fessé. Et de quelle arme encore se servait-on ! N’imaginez pas que ce fussent des verges : c’était un faisceau de houssines d’osier, dont il fallait barbarement lui déchirer les fesses. Dans le fait, cette affaire-ci sentant un peu la sodomie, je ne devais pas trop m’en mêler ; cependant, comme c’était une ancienne pratique de la Fournier, un homme véritablement attaché de tout temps à notre maison, et qui, par sa place, pouvait nous rendre quelque service, je ne fis pas la difficile, et ayant fait joliment déguiser un jeune garçon de dix-huit ans qui faisait quelquefois nos commissions et qui était d’une très jolie figure, je le lui présentai armé du faisceau d’osier. Rien de plus plaisant que la cérémonie (vous imaginez bien que je voulus la voir). Il commença par bien regarder sa prétendue pucelle, et l’ayant sans doute trouvée très à son gré, il débuta par cinq ou six baisers sur la bouche qui sentaient le fagot d’une lieue loin ; cela fait, il montra ses fesses, et ayant dans le propos toujours l’air de prendre le jeune homme pour une fille, il lui dit de les lui manier et de les pétrir un peu durement ; le petit garçon que j’avais bien instruit fit tout ce qu’on lui demandait. “Allons, dit le paillard, fouettez-moi, et surtout ne m’épargnez pas.” Le jeune garçon s’empare du paquet de gaules, laisser tomber alors d’un bras vigoureux cinquante coups tout de suite sur les fesses qui lui sont offertes ; le libertin, déjà vigoureusement marqué des cinglons formés par ces houssines, se jette sur sa masculine fouetteuse, il la trousse, une main vérifie son sexe, l’autre saisit avidement les deux fesses. D’abord, il ne sait quel temple il encenser le premier : le cul le détermine à la fin, il y colle sa bouche avec ardeur. Oh ! quelle différence de culte rendu par la nature à celui qu’on dit qui l’outrage ! Juste Dieu, si cet outrage était réel, l’hommage aurait-il tant d’ardeur ? Jamais cul de femme n’a été baisé comme le fut celui de ce jeune garçon ; trois ou quatre fois la langue du paillard disparut en entier dans l’anus. Se replaçant enfin : “O cher enfant ! s’écria-t-il, continue ton opération.” On reflagelle ; mais comme il était plus animé, il soutient cette seconde attaque avec bien plus de force. On le met en sang ; pour le coup son vit dresse, et il le fait empoigner avec empressement au jeune objet de ses transports. Pendant que celui-ci le lui manie, l’autre veut lui rendre un pareil service ; il trousse encore, mais c’est au vit qu’il en veut cette fois : il le touche, il le branle, il le secoue, et l’introduit bientôt dans sa bouche. Après ces caresses préliminaires, il se représente une troisième fois aux coups. Cette dernière scène le mit tout à fait en fureur ; il jette son Adonis sur le lit, s’étend sur lui, presse à la fois et son vit et le sien, colle sa bouche sur les lèvres de ce beau garçon, et, étant parvenu à l’échauffer par ses caresses, il lui procure le divin plaisir au même moment qu’il le goûte lui-même ; tous deux déchargent à la fois. Notre libertin, enchanté de la scène, tâcha de lever mes scrupules, et me fit promettre de lui procurer souvent le même plaisir, soit avec celui-là, soit avec d’autres. Je voulus travailler à sa conversion, je l’assurai que j’avais des filles charmantes qui le fouetteraient tout aussi bien : il ne voulut seulement pas les regarder.”
“Je le crois, dit l’évêque. Quand on a décidément le goût des hommes, on ne change point ; la distance est si extrême qu’on n’est pas tenté de l’épreuve. -Monseigneur, dit le président, vous entamez là une thèse qui mériterait une dissertation de deux heures. -Et qui finirait toujours à l’avantage de mon assertion, dit l’évêque, parce qu’il est sans réplique qu’un garçon vaut mieux qu’une fille. -Sans contredit, reprit Curval, mais on pourrait pourtant vous dire qu’il y a quelques objections à ce système et que, pour les plaisirs d’une certaine sorte, tels que ceux, par exemple, dont nous parleront Martaine et Desgranges, une fille vaut mieux qu’un garçon. -Je le nie, dit l’évêque ; et même pour ceux que vous voulez dire, le garçon vaut mieux que la fille. Considérez-le du côté du mal, qui est presque toujours le véritable attrait du plaisir, le crime vous paraîtra plus grand avec un être absolument de votre espèce qu’avec un qui n’en est pas, et, de ce moment-là, la volupté est double. -Oui, dit Curval, mais ce despotisme, cet empire, ce délice, qui naît de l’abus qu’on fait de sa force sur le faible… -Il s’y trouve tout de même, répondit l’évêque. Si la victime est bien à vous, cet empire que, dans ces cas-là, vous croyez mieux établi avec une femme qu’avec un homme, ne vint que du préjugé, ne vint que de l’usage qui soumit plus ordinairement ce sexe-là à vos caprices que l’autre. Mais renoncez pour un instant à ces préjugés d’opinion, et que l’autre soit parfaitement dans vos chaînes : avec la même autorité, vous retrouvez l’idée d’un crime plus grand, et nécessairement votre lubricité doit doubler. -Moi, je pense comme l’évêque, dit Durcet, et une fois qu’il est certain que l’empire est bien établi, je crois l’abus de la force plus delicieux à exercer avec son semblable qu’avec une femme. -Messieurs, dit le duc, je voudrais bien que vous remettiez vos discussions pour l’heure des reps, et que ces heures-ci, qui sont destinées à écouter les narrations, vous ne les employassiez pas à des sophismes. -Il a dit raison, dit Curval. Allons, Duclos, reprenez.” Et l’aimable directrice des plaisirs de Cythère se renoua dans les termes suivants :
“Un vieux greffier du parlement, dit-elle, vient me rendre visite un matin, et comme il était accoutumé, du temps de la Fournier, à n’avoir affaire qu’à moi, il ne voulut pas changer sa méthode. Il s’agissait, en le branlant, de le souffleter par gradation, c’est-à-dire doucement d’abord, puis un peu plus fort à mesure que son vit prenait de la consistance, et enfin à tour de bras lorsqu’il déchargeait. J’avais si bien saisi la manie de ce personnage, qu’au vingtième soufflet je faisais partir son foutre.”
“Au vingtième ! dit l’évêque, corbleu ! il ne m’en faudrait pas tant pour me faire débander tout d’un coup. -Tu le vois, mon ami, dit le duc, chacun a sa manie ; nous ne devons jamais ni blâmer, ni nous étonner de celle de personne. Allons, Duclos, encore une et termine.”
“Celle dont il me reste à vous parler pour ce soir, dit Duclos, me fut apprise par une de mes amies ; elle vivait depuis deux ans avec un homme qui ne bandait jamais qu’après qu’on lui avait appliqué vingt nasardes sur le nez, tiré les oreilles jusqu’au sang, mordu les fesses, le vit et les couilles. Excité par les dures titillations de ces préliminaires, il bandait comme un étalon, et déchargeait en jurant comme un diable, presque toujours sur le visage de celle dont il venait de recevoir un si singulier traitement.”
De tout ce qui venait d’être dit, messieurs n’ayant échauffé leur cervelle que de ce qui tenait aux fustigations masculines, on n’imita ce soir-là que cette fantaisie. Le duc s’en fit donner jusqu’au sang par Hercule, Durcet par Bande-au-ciel, l’évêque par Antinoüs et Curval par Brise-cul ; l’évêque, qui n’avait rien fait de la journée, déchargea, dit-on, aux orgies, en mangeant l’étron de Zélamir qu’il se faisait garder depuis deux jours. Et l’on fut se coucher.