Читать книгу Toutes les Oeuvres Majeures du Marquis de Sade - Маркиз де Сад - Страница 56
XXIV - Vingtième journée
ОглавлениеIl était arrivé quelque chose de très plaisant le soir précédent : le duc, absolument ivre, au lieu de gagner sa chambre, avait été se mettre dans le lit de la jeune Sophie, et quelque chose que pût lui dire cette enfant, qui savait bien que ce qu’il faisait était contre les règles, il n’en démordit pas, soutint toujours qu’il était dans son lit avec Aline, qui devait être sa femme de nuit. Mais comme il pouvait prendre avec Aline de certaines privautés qui lui étaient encore interdites avec Sophie, quand il voulut mettre celle-ci en posture pour s’amuser à sa guise, et que la pauvre enfant, à qui on n’avait encore rien fait de pareil, sentit l’énorme tête du vit du duc frapper à la porte étroite de son jeune derrière et vouloir l’enfoncer, la pauvre petite se mit à faire des cris affreux et à se sauver toute nue au milieu de la chambre. Le duc la suit, en jurant comme un diable après elle, la prenant toujours pour Aline : “Bougresse, lui disait-il, est-ce donc la première fois ? ” Et croyant l’attraper dans sa fuite, il tombe sur le lit de Zelmire qu’il prend pour le sien, et embrasse cette jeune fille, croyant qu’Aline s’est mise à la raison. Même procédé avec celle-ci qu’avec l’autre, parce que, décidément, le duc voulait en venir à ses fins ; mais dès que Zelmire s’aperçoit du projet, elle imite sa compagne, qui s’était sauvée la première, voyant bien qu’il n’y avait d’autres moyens de mettre ordre à ce quiproquo que d’aller chercher et de la lumière, et quelqu’un de sens froid qui pût venir mettre ordre à tout, en conséquence elle était allée trouver Duclos. Mais celle-ci, qui s’était saoulée comme une bête aux orgies, était étendue sans presque de connaissance dans le milieu du lit du duc, et ne put lui donner aucune raison. Désespérée, et ne sachant à qui avoir recours dans une telle circonstance, et entendant toutes ses camarades appeler au secours, elle osa entrer chez Durcet qui couchait avec Constance, sa fille, et lui dit ce qui arrivait. Constance, à tout événement, osa se lever, malgré les efforts que Durcet, ivre, faisait pour la retenir, en lui disant qu’il voulait décharger. Elle prit une bougie et vint dans la chambre des filles : elle les trouva toutes en chemise au milieu de leur chambre, et le duc les poursuivant les unes après les autres et croyant toujours n’avoir affaire qu’à la même, qu’il prenait pour Aline et qu’il disait être sorcière cette nuit-là. Enfin Constance lui montra son erreur, et le priant de permettre qu’elle le conduisît dans sa chambre où il trouverait Aline très soumise à tout ce qu’il voudrait en exiger, le duc qui, très ivre et de très bonne foi, n’avait réellement point d’autre dessein que d’enculer Aline, se lassa conduire ; cette belle fille le reçut, et on se coucha ; Constance se retira, et tout rentra dans le calme chez les jeunes filles. On rit beaucoup, tout le lendemain, de cette aventure nocturne, et le duc prétendit que si malheureusement, dans un tel cas, il eût fait sauter un pucelage, il n’aurait pas été dans le cas de l’amende parce qu’il état saoul : on l’assura qu’il se trompait, et qu’il l’aurait très bien payée. On déjeuna chez les sultanes à l’ordinaire et toutes avouèrent qu’elles avaient eu une furieuse peur. On n’en trouva cependant aucune en faute, malgré la révolution ; tout était de même ordre chez les garçons et le dîner, non plus que le café, n’ayant rien offert d’extraordinaire, on passa au salon d’histoire, où Duclos, bien remise de ses excès de la veille, amusa l’assemblée, ce soir-là, des cinq récits suivants :
“Ce fut encore moi, dit-elle, messieurs, qui servis à la partie que je vais vous conter. C’était un médecin ; son premier soin fut de visiter mes fesses et comme il les trouva superbes, il fut plus d’une heure à ne faire autre chose que les baiser. Enfin, il m’avoua ses petites faiblesses : il s’agissait de chier ; je le savais, et m’étais arrangée en conséquence. Je remplis un vase de porcelaine blanche qui me servait à ces sortes d’expéditions ; dès qu’il est maître de mon étron, il se jette dessus et le dévore ; à peine est-il à l’œuvre que je m’arme d’un nerf de bœuf (tel était l’instrument dont il fallait lui caresser le derrière), je le menace, je frappe, le gronde des infamies auxquelles il se livre, et sans m’écouter, le libertin, tout en avalant, décharge, et se sauve avec la rapidité de l’éclair en jetant un louis sur la table.
“J’en remis un autre, peu après, entre les mains de Lucile qui n’eut pas peu de peine à le faire décharger. Il fallait d’abord qu’il fût sûr que l’étron qu’on allait lui présenter était d’une vieille pauvresse, et pour s’en convaincre, la vieille était obligée d’opérer devant lui. Je lui en donnai une de soixante-dix ans, pleine d’ulcères et d’érésipèle, et qui, depuis quinze ans, n’avait plus une dent aux gencives : “C’est bon, c’est excellent, dit-il, voilà comment il me les faut.” Puis, s’enfermant avec Lucile et l’étron, il fallut que cette fille, aussi adroite que complaisante, l’excitât à manger cette merde infâme. Il la sentait, il la regardait, il la touchait, mais il avait bien de la peine à se décider à autre chose. Alors Lucile, employant les grands moyens, met la pelle au feu, et la retirant toute rouge, elle lui annonce qu’elle va lui brûler les fesses pour le déterminer à ce qu’elle exige de lui, s’il ne s’y décide pas sur-le-champ. Notre homme frémit, il s’essaye encore : même dégoût. Alors Lucile, ne le ménageant plus, rabaisse ses culottes, et s’exposant un vilain cul tout flétri, tout excorié de semblables opérations, elle lui grésille légèrement les fesses. Le paillard jure, Lucie redouble, elle finit par le brûler très serré sur le milieu du derrière ; la douleur le détermine enfin, il mord une bouchée ; on le réexcite par de nouvelles brûlures, et tout y passe à la fin. Tel fut l’instant de sa décharge, et j’en ai peu vu de plus violentes ; il jeta les hauts cris, il se roula par terre ; je le crus frénétique ou attaqué d’épilepsie. Enchanté de nos bonnes manières, le libertin me promit sa pratique, mais aux conditions que je lui donnerais et la même fille, et toujours de nouvelles vieilles. “Plus elles sont dégoûtantes, me dit-il, et mieux je vous paierai. Vous n’imaginez pas, ajouta-t-il, jusqu’où je porte la dépravation sur cela ; je n’ose presque en convenir moi-même.
“Un de ses amis, qu’il m’envoya le lendemain, la portait cependant, selon moi, bien plus loin que lui, car, avec la seule différence qu’au lieu de lui grésiller les fesses, il fallait les lui frapper fortement avec des pincettes rouges, avec cette seule différence, dis-je, il lui fallait l’étron du plus vieux, du plus sale et du plus dégoûtant de tous les crocheteurs. Un vieux valet de quatre-vingts ans, que nous avions dans la maison depuis un temps immense, lui plut étonnamment pour cette opération ; et il en goba délicieusement l’étron tout chaud, pendant que Justine le rossait avec des pinces qu’on pouvait à peine toucher tant elles étaient brûlantes. Et encore fallait-il lui pincer avec de gros morceaux de chair et les lui rôtir presque.
“Un autre se faisait piquer les fesses, le ventre, les couilles et le vit avec une grosse alêne de savetier, et cela avec à peu près les mêmes cérémonies, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il eût mangé un étron que je lui présentais dans un pot de chambre sans qu’il voulût savoir de qui il était.
“On n’imagine pas, messieurs, où les hommes portent le délire dans le feu de leur imagination. N’en ai-je pas vu un qui, toujours dans les mêmes principes, exigeait que je le rossasse à grands coups de canne sur les fesses, jusqu’à ce qu’il eût mangé l’étron qu’il faisait tirer devant lui du fond même de la fosse des lieux. Et sa perfide décharge ne coulait dans ma bouche, à cette expédition, que lorsqu’il avait dévoré cette fange impure.”
“Tout se conçoit, dit Curval en maniant les fesses de Desgranges ; je suis persuadé qu’on peut aller encore plus loin que tout cela. -Plus loin ? dit le duc, qui pelotait un peu ferme le derrière nu d’Adélaïde, sa femme du jour. Et que diable veux-tu que l’on fasse ? -Pis, dit Curval, pis ! et je trouve qu’on n’en fait jamais assez sur toutes ces choses-là. -Je pense bien comme lui, dit Durcet, qu’enculait Antinoüs, et je sens que ma tête raffinerait encore toutes ces cochonneries. -Je parie que je sais ce que Durcet veut dire, dit l’évêque, qui n’opérait point encore. -Et quoi diable est-ce donc ? dit le duc. Alors l’évêque se leva, parla bas à Durcet, qui dit que c’était cela, et l’évêque fut le rendre à Curval qui dit : “Eh ! vraiment oui”, et au duc qui s’écria : “Ah ! foutre, je n’aurais jamais trouvé celle-là.” Comme ces messieurs ne s’expliquèrent pas davantage, il nous a été impossible de savoir ce qu’ils ont voulu dire. Et, le sussions-nous, je crois que nous ferions bien par pudeur de le tenir toujours sous le voile, car il y a tout plein de choses qu’il ne faut qu’indiquer ; une prudente circonspection l’exige ; on peut rencontrer des oreilles chastes, et je suis infiniment persuadé que le lecteur nous sait déjà gré de toute celle que nous employons avec lui ; plus il ira en avant, plus nous serons sur cet objet digne de ses plus sincères louanges, c’est de quoi nous pouvons presque déjà l’assurer. Enfin, quoi qu’on en puisse dire, chacun a son âme à sauver : et de quelle punition, et dans ce monde et dans l’autre, n’est pas digne celui qui, sans aucune modération, se plairait, par exemple, à divulguer tous les caprices, tous les dégoûts, toutes les horreurs secrètes auxquels les hommes sont sujets dans le feu de leur imagination. Ce serait révéler des secrets qui doivent être enfouis pour le bonheur de l’humanité ; ce serait entreprendre la corruption générale des mœurs, et précipiter ses frères en Jésus-Christ dans tous les écarts où pourraient porter de tels tableaux ; et Dieu qui voit le fond de nos cœurs, ce Dieu puissant qui a fait le ciel et la terre, et qui doit nous juger un jour, sait si nous aurions envie d’avoir à nous entendre reprocher par Lui de tels crimes !
On acheva quelques horreurs qui étaient commencées. Curval, par exemple, fit chier Desgranges ; les autres, ou la même chose avec différents sujets, ou d’autres qui ne valaient pas mieux, et l’on passa au souper. Aux orgies, Duclos, ayant entendu ces messieurs disserter sur le nouveau régime plus haut, et dont l’objet était de rendre la merde plus abondante et plus délicate, leur dit que, pour des amateurs comme eux, elle était étonnée de leur voir ignorer le véritable secret d’avoir des étrons très abondants et très délicats. Interrogée sur la façon dont on devait s’y prendre, elle dit que le seul moyen était de donner sur-le-champ une légère indigestion au sujet, non pas en lui faisant manger des choses contraires ou malsaines, mais en l’obligeant à manger précipitamment hors des heures de ses repas. L’expérience fut faite dès le même soir : on fut réveiller Fanny, dont on ne s’était pas soucié ce soir-là et qui s’était couchée après son souper, on l’obligea de manger sur-le-champ quatre très gros biscuits, et le lendemain matin elle fournit un des plus gros et des plus beaux étrons que l’on se fût encore procuré. On adopta donc ce système, avec la clause cependant de ne point donner de pain, que Duclos approuva et qui ne pouvait qu’améliorer les fruits que produirait l’autre secret. Il n’y eut pas de jour où l’on ne donnât ainsi de demi-indigestions à ces jeunes filles et à ces jolis petits garçons, et ce que l’on en obtint ne s’imagine pas. Je le dis en passant, afin que si quelque amateur veuille user de ce secret, il soit fermement persuadé qu’il n’en est pas de meilleur. Le reste de la soirée n’ayant rien produit d’extraordinaire, on fut se coucher afin de se préparer le lendemain aux noces brillantes de Colombe et de Zélamir, qui devaient former la célébration de la fête de la troisième semaine.