Читать книгу Bluette et Coquelicot : conte instructif pour les enfants - Maurice Barr - Страница 4

Оглавление

I

Table des matières

LA FÉE PRÉVOYANTE

Au milieu d’un beau champ de blé jaune comme l’or, s’épanouissaient au soleil d’été la petite Bluette et le large Coquelicot.

En ce moment ils causaient, car la fée des Moissons, leur souveraine, leur avait accordé ce don merveilleux.

Bluette tournait de tous côtés sa jolie tête, encadrée d’une fraîche collerette bleue brodée de petits points blancs.

Elle regardait, la coquette, si personne ne traversait le champ, et elle soupirait en songeant que sa tige élancée, son joli chaperon bleu, sa corolle délicate n’étaient vus que de Coquelicot, son frère, un paysan comme elle.

«Hélas! soupira-t-elle, personne ne s’arrête devant ce grand vilain champ de blé qui nous cache et nous étouffe!

— J’ai beau lever ma tête, redresser ma taille, fit à son tour Coquelicot; j’ai beau étaler mes larges pétales éclatants de pourpre, et agiter ma calotte de velours noir, on ne fait pas attention à moi!

— Le monde est injuste, Coquelicot! Vois-tu, ils ont de belles fleurs odorantes dans leurs jardins, et ils se soucient peu des fleurs des champs...

«Et pourtant ma jolie couleur bleue s’harmonise si heureusement avec la chevelure blonde des enfants! Elle éclaire si délicatement la peau fine et blanche des jeunes filles!

— Oui, mais tu ne produis pas assez d’effet. Le bleu, c’est fade; tandis que le rouge est éclatant et se voit de loin.

— Prétendrais-tu être plus beau que moi, parce que ta tige est plus haute que la mienne et que ta couleur attire les yeux?... Mais, mon cher Coquelicot, je suis bien mieux faite que toi!

«Admire un peu mes petites étamines pointillées de blanc et de noir, et ma verte collerette découpée comme une ruche de ruban! Toi, tu es bâti tout uniment...

— Va, ma chère, repartit Coquelicot un peu froissé, tu auras beau faire, tu ne seras jamais qu’une fleur des champs, une paysanne enfin! et, quoi que tu dises, tes fleurs bleues, dont tu es si fière, deviennent grises quand le soleil est trop vif.

La fée Prévoyante.


— Tu es un jaloux!» s’écria Bluette, prête à pleurer.

Mais elle s’arrêta en voyant les épis de blé se mouvoir et se courber sous une pression inusitée.

Au milieu du sillon une créature singulière s’avançait vers eux.

Elle semblait vêtue d’un nuage, tant les draperies grises qui enveloppaient son corps étaient diaphanes et délicatement tissées.

Elle portait à la main une branche de tilleul toute chargée de feuilles et de fleurs odorantes.

«Bluette, dit-elle d’une voix douce et triste en s’arrêtant devant celle-ci, tu es mécontente de ton sort, tu murmures, tu te plains, et te voilà malheureuse.

«Toi aussi, Coquelicot, tu es jaloux des autres fleurs, et tu envies leur sort.

«Que vous manque-t-il cependant?

— La liberté ! s’écria Coquelicot.

— L’espace, le mouvement, le monde nouveau! continua Bluette.

— Je suis la fée Prévoyante, reprit la jolie petite créature. Mon devoir est d’accourir près de tous les êtres qui se plaignent et qui ne se trouvent pas heureux...

— Ah! si vous êtes une fée, exaucez notre vœu! s’écria de nouveau Coquelicot avec feu. Accordez-nous le pouvoir de quitter ce champ de blé, et d’aller chercher un sort plus prospère, une destinée plus brillante!

La fée donne à Bluette et à Coquelicot la branche de tilleul qui doit les guider et les rendre invisibles.


— Coquelicot, tu es bien imprudent et bien ingrat. Tu as ici tout ce qu’il te faut pour être heureux... Chaque matin, la rosée bienfaisante te baigne de sa fraîche ondée, le zéphir te berce et t’apporte les parfums de la campagne, le soleil te réchauffe et t’éclaire; la terre enfin t’envoie le plus pur, le plus précieux de son sang, pour te vivifier et te faire resplendir.

La fée Prévoyante s’envola, les laissant Interdits.


«Ta destinée est plus brillante encore que tu ne le crois.

«Ainsi que ta sœur Bluette, tu fais l’ornement de ce champ de blé.

«Tu es le rubis de cet or pur qui t’environne, comme Bluette en est le saphir!...

— J’aimerais mieux être le rubis d’une belle dame et briller à son doigt, murmura Coquelicot.

— J’aimerais mieux être un joli saphir dont chacun admirerait la limpidité, fit Bluette.

— Eh bien! dit la fée Prévoyante en soupirant, soyez donc satisfaits.

«Vous verrez tous les mondes qui vous sont inconnus.

«Mais j’y mets une condition.

— Laquelle? demandèrent-ils en même temps.

— C’est que vous me trouviez un être humble et modeste, complètement satinait de sa destinée.

— Il me semble, dit Coquelicot, que ce ne sera pas bien difficile.

«Il y a tant d’êtres plus heureux que nous!

— T’engages-tu à me le chercher? demanda la fée.

— Je m’y engage.

— Et toi. Bluette?

— Moi aussi, bonne fée Prévoyante.

— Eh bien! donc, qu’il soit fait selon votre désir! dit-elle en leur présentant la branche de tilleul.

«Prenez ceci. C’est un talisman précieux qui vous guidera et vous rendra invisibles.

«Mais souvenez-vous que si dans quinze jours vous n’avez pas trouvé ce que je vous demande, vous redeviendrez Bluette et Coquelicot comme devant, dans votre champ de blé, mais fanés et vieillis...

Bluette.


Coquelicot.


«Et comme vous aurez démérité de la Prévoyance, jamais aucune fée ne viendra plus à votre secours. Adieu!»

Et elle s’envola, montée sur un char enveloppé d’un nuage gris qui la déroba bientôt à leurs yeux étonnés.

En même temps ils ressentirent une grande secousse, et ils se regardèrent tout surpris.

Bluette n’était plus fleur.

C’était une jolie petite paysanne qui portait un jupon bleu rayé de blanc et de noir, un corsage bleu clair, de mignons sabots et une cornette blanche dont les ailes s’envolaient au vent.

Coquelicot était un jeune paysan fort avenant et d’une tournure très agréable, vêtu d’une veste rouge et d’un gilet noir croisé sur sa poitrine. Une belle culotte rayée noir et rouge, des bas verts, comme ceux de Bluette, et enfin un chapeau noir à larges bords et des sabots élégamment taillés complétaient son costume.

La nouveauté de cette forme, la fraîcheur de leur costume, l’éblouissante jeunesse de leurs visages, tout cela les charma.

Ils s’admirèrent, franchement enchantés et heureux.

«Et maintenant, s’écria Coquelicot en mettant la branche de tilleul à son chapeau, puisque nous sommes libres d’aller où bon nous semblera, allons admirer ces mondes merveilleux que nous étions condamnés à ne jamais connaître!...

— Et n’oublions pas surtout de chercher ce que la fée Prévoyante nous a demandé,» ajouta Bluette en suivant son compagnon.

Bluette et Coquelicot : conte instructif pour les enfants

Подняться наверх