Читать книгу Le Faust moderne: Histoire humoristique en vers et en prose - Maurice Bouchor - Страница 4
ОглавлениеAprès nous, le déluge.
I
Les dieux et les héros ne sont plus de ce temps;
Et, désormais fermés aux grandes espérances,
Nous vivons trop nos deuils, nos plaisirs, nos souffrances,
Pour sonder du regard les cieux inquiétants.
D’aventureux combats nul ne se met en quête!
Nous ne poursuivons plus l’infini, l’au delà
Vers quoi l’Humanité plus jeune s’envola;
Nous gardons le réel, notre seule conquête.
Et les cieux entrevus, les voiles soulevés,
Les grandes voix parlant dans les forêts sacrées,
Les idoles et les chimères adorées,
Sont des rêves que nous n’avons.jamais rêvés.
Et maintenant, débris d’églises démolies,
De temples ruinés, dieux de marbre ou d’airain
Qui jadis souriaient, nus, sous le ciel serein,
Symboles, souvenirs, images abolies,
Nous sommes fossoyeurs et nous enterrons tout!
Nous ne sourcillons pas, et nous sommes si crânes
Que nous jonglons avec des fémurs et des crânes
Et que ce métier-là, nous le faisons par goût.
Quelquefois, cependant, une pure madone,
Un Christ, un Apollon sublime de beauté,
Nous émeuvent; mais nous suivons la volonté
Du Temps, un destructeur qui jamais ne pardonne.
Puis, nous oublions vite, et ce travail nous plaît;
Le ciel est d’un bleu clair et flambe sur nos têtes,
Et quand le vent d’été chasse un rire de fêtes,
Nous avons la gaîté des fossoyeurs d’Hamlet!
Nous savons où laisser notre mélancolie:
C’est dans un pot de vin, de vieux vin vénéré
Que le soleil a fait savoureux et pourpré,
Et que, sans âcreté, l’on boit jusqu’à la lie!
Le rêve est notre exquis et cruel échanson;
Notre cerveau voyage au pays des vignobles,
Et nous avons pour tous, vilains, bourgeois et nobles,
Le même coup de bêche et la même chanson.