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Le journal

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Cinq jours avant…

Le dernier carton fermé, Helena s'étira pour soulager la douleur au bas de son dos. Elle essuya son front en sueur et inspecta sa chambre : un océan de cartons et de valises.

Après une dernière vérification, elle ferma les yeux. Le rythme des battements de son cœur la confortait. De joyeux souvenirs se confondaient avec l'odeur familière des bougies parfumées à la rose posées sur le rebord de sa fenêtre. Du rez-de-chaussée, les voix étouffées de sa mère et de Richard naviguaient vers sa chambre. C'était ici qu'elle avait grandi et cette maison allait beaucoup lui manquer.

Ses doigts la démangeaient d’impatience et un sourire se dessina sur ses lèvres. Assise sur le bord de son lit, elle glissa sa main sous l’oreiller pour sortir un journal intime. Elle posa la masse de deux pouces d'épaisseur sur ses genoux. Elle n'avait pas arrêté d'y penser depuis qu'elle l’avait trouvé dans le grenier poussiéreux la veille au soir. Dès qu'elle avait posé les yeux sur sa couverture en cuir gravé de feuilles de fougère, elle avait senti une envie pressante de lire les secrets qu'il contenait. mais la priorité était empaqueter se affaires. Si elle n’avait pas fini à temps, elle aurait été obligée d’écouter les plaintes de Laura jusqu’à en avoir mal aux oreilles.

Elle ouvrit le journal, qui révéla la première page, vieille et jaunie. Une liste de noms écrits à la main par différentes personnes. Peut-être que le journal n’appartenait pas à un seul propriétaire. Un nom en particulier avait attiré son attention. Elle avait parcouru les étranges croquis et dessins de plantes, et reconnu quelques-unes du jardin de sa grand-mère lorsqu'elle était petite. Une langue archaïque, dans une encre ternie, couvrait les pages usées.

Elle reconnut certaines des belles lettres incurvées et sa main se figea. Sa grand-mère était la dernière propriétaire de ce journal. Helena sourit au souvenir doux-amer du temps qu'elles avaient passé ensemble. La vieille femme avait souvent pour habitude de lui lire des histoires de sorcières qui combattaient les forces du mal - des histoires qu'elle n'oublierait jamais.

Ses souvenirs heureux s’effacèrent pour être remplacés par les épisodes tragiques du passé. Sa mère lui avait tout simplement dit que sa grand-mère aimante s’était suicidée en mettant le feu à leur maison, suite à une crise de folie. Mais ces épisodes tirés de son enfance étaient une énigme qu'elle n'avait jamais réussi à résoudre.

Elle entendit soudain Michael lui parler dans sa tête et elle sursauta.

- Sasha a fini les préparatifs. Tu devrais te changer.

- Je suis occupée, répondit-elle.

- C'est ta dernière nuit, ici. Ce que tu fais en ce moment ne peut pas être plus important que de passer un peu de temps avec tes parents.

Elle ferma le journal en le claquant.

- Très bien !

Elle se leva, jeta un regard fugace à la cachette et se planta devant son vestiaire. Les vêtements qu'elle avait préparés pour le dîner de ce soir étaient posés sur l'étagère du haut. Elle retira son survêtement tâché de sueur et mit un t-shirt ample et un jean.

Dès qu’elle ouvrit la porte, elle sentit l’odeur exquise du dîner. Son estomac gargouilla alors qu’elle descendait les escaliers. Elle se retrouva face à plusieurs délicieux mets disposés sur la table ronde en chêne. Sa mère, comme d'habitude, avait mis le paquet. Mais Helena s'abstint de le souligner et se contenta de se réjouir de l'odeur délectable du poulet rôti.

Les cheveux poivre et sel de son beau-père se dressèrent devant ses yeux, alors qu’il se démenait pour ouvrir une bouteille de vin.

- Allez, tu ne vas pas rester là à rien faire !

Le petit accent russe de sa mère ne manquait jamais à se manifester quand elle était inquiète. Elle renifla et empila des assiettes et des couverts dans les mains d'Helena, avant de redisparaître dans la cuisine.

Helena se mit à préparer la table en marmonnant :

- Bonjour, maman !

Richard posa la bouteille sur la surface laquée et fit la moue. Le bouchon était à moitié coincé dans le goulot de la bouteille et refusait de bouger.

- Ça fait longtemps que nous n’avons pas bu de champagne, dit Helena.

- Tu as raison. Je crois que Sasha en a acheté pour l'occasion.

Il sortit de la pièce et sa mère réapparut. Ses deux yeux marrons se fixèrent sur Helena. Elle passa ses doigts dans ses cheveux courts platine et le bombardement émotionnel commença.

- Es-tu sûre de vouloir déménager ? Tu peux rester avec nous jusqu'à la fin de tes études ou…

Helena croisa les bras.

- Maman, nous avons déjà eu cette discussion la semaine dernière.

- Oui, je sais.

Elle se serait donné un coup de pied, elle avait horreur de contrarier sa mère. Sa vie universitaire serait plus facile si elle emménageait avec ses amis. Elle jeta un coup d'œil à la porte de la cuisine. Richard prenait plus de temps que prévu pour revenir. Elle tapa du pied pour rompre le silence.

La scène de tristesse joué par sa mère était terminée, elle redressa ses épaules avec la désapprobation encore gravée dans les rides de son visage.

- Je sais que tu t’inquiètes pour moi, maman, mais je serai avec Laura et Andrew.

Sasha se décontracta et serra sa fille dans ses bras.

- Tu es ma fille unique, comment veux-tu que je ne m’inquiète pas ?

Helena lui tapota le dos, ne sachant pas quoi dire ou faire. Heureusement, Dieu lui vint en aide. Elles entendirent un grand bruit venant de la cuisine et un léger tintement de verres.

Richard refit son apparition avec un grand sourire aux lèvres révélant ses dents nacrées, une bouteille de champagne débouchée et trois flûtes.

- Alors comment ça va, vous deux ?

- Très bien, répondit sa mère.

Elle s'écarta d'Helena, plia son tablier sur le dossier de sa chaise et s'assit.

Helena s’installa sur la chaise à côté.

Richard leur versa à chacune un verre et s’assit à table. Il fit la grimace en buvant une gorgée.

Helena baissa ses yeux sur ses cuisses. Elle aimait beaucoup son beau-père. Même s'il était toujours très occupé par son poste de directeur du département des sciences, il aimait la vie de famille. Il ne se plaignait jamais. Il avait pris soin d'elle et de sa mère, après que son père les avait quittées sans leur donner d’explication.

- Est-ce que tu as rendu ton formulaire d’inscription ? demanda Richard.

Helena leva la tête.

- Ouais, le jour où je l’ai reçu.

- Ce que tu as choisi ne me plaît pas beaucoup. Le salaire de médecin ou avocat est plus élevé qu'un…

Sa mère leva la main en l'air cherchant le mot juste.

- C’est quoi déjà ce que tu fais ?

Helena détourna son regard. Des yeux froids de sa mère émanait assez de déception pour y noyer toute une armée. Le silence se prolongea et Helena serra ses couverts. Le métal chauffait dans le creux de ses paumes.

- Si je découvre que c’est ennuyeux, je pourrais toujours changer.

Discussion terminée, Helena reporta son attention sur son assiette.

Richard s'éclaircit la gorge.

- J'ai entendu dire que demain il y aura une pluie torrentielle. J'espère que ton déménagement se passera bien.

Sa mère lança à Helena un regard bref lui disant que leur conversation n'était pas encore finie. Elle se tourna vers son mari.

- J’espère que le temps ne sera pas trop mauvais, j’ai rendez-vous avec les filles.

Helena prit le changement de sujet comme un sursis et fit à Richard un « merci » de la tête et il lui répondit par un clin d'œil.

*****

Le dîner terminé, Helena était affairée de mettre la vaisselle dans le lave-vaisselle.

- Est-ce que je peux te parler une minute ? la fit sursauter la voix profonde de baryton de Richard.

Elle hocha la tête et se redressa.

- D'abord et avant tout, tu es toujours la bienvenue ici…

Ses yeux scrutèrent la cuisine.

Helena le fixait en lui souriant.

- Euh, Richard ?

- Bien ! Deuxièmement, j’aimerais que tu saches que nous t'aimons. Si tu as besoin de quoi que ce soit, nous serons toujours là pour toi.

Il hésita une seconde avant d’ouvrir les bras pour l'attirer dans une étreinte maladroite. Son corps maigre irradiait de chaleur et elle sentit un serrement au cœur.

- Appelle-nous si quelque chose arrive ou…

- C’est bon, j’ai compris, marmonna-t-elle sur son épaule.

Il la lâcha et se frotta la nuque.

- Tu devrais aller te reposer. Tout le monde se réveillera très tôt demain matin.

- Oui, tu as raison.

Dès qu’il sortit de la cuisine, elle s'empressa de ranger le reste de la vaisselle en pensant au comportement de Richard. Était-il inquiet pour elle ? Pourquoi ? Elle haussa les épaules et appuya sur le bouton « marche » du lave-vaisselle.

En haut des escaliers, elle entendit de faibles chuchotements venant de la chambre de sa mère. Elle se faufila dans le couloir et appuya son dos contre le mur.

- ... tu lui as dit ? entendit-elle la voix agitée de Sasha en premier.

- Oui, tu ne devrais pas t'inquiéter. Tout ira bien, répondit Richard.

Sa mère parla plus fort.

- Et s’il se passait quelque chose et qu’elle se souvienne ?

- Chut, Sasha. Si elle nous entend, elle nous posera des tas de questions. Tout ce que nous devons faire est de la surveiller. Interférer dans sa vie pourrait créer une mésentente entre vous deux et je ne pense pas que c’est ce que tu veux.

Choquée, Helena posa sa main sur son torse. Elle tituba jusqu'à sa chambre et traîna ses pieds jusqu'à ce qu'elle s'effondre sur son lit. Elle laissa échapper un soupir en fixant le plafond.

- Qu’est-ce qu’ils me cachent ?

Michael se matérialisa à côté d'elle. Il suivit son regard fixé sur les étoiles phosphorescentes qui avaient pour habitude de la fasciner dans son enfance.

- Je me souviens du jour où ton beau-père les a collées. Il était tombé de ce lit deux fois.

- Quoi ?

- Est-ce que tu te rappelles pourquoi il avait fait ça ?

- Richard m’a dit que j'avais l'habitude de faire des cauchemars quand j'étais plus jeune. Des cauchemars dont je ne me souviens pas…

-Tu étais une enfant. Tu ferais mieux d’oublier.

Helena se redressa.

- Tu parles sérieusement ? Ils me cachent quelque chose, une chose importante. Je le sens.

Michael se tourna et leurs yeux se croisèrent. Elle adorait fixer les profondeurs azur de ses yeux. Ils étaient d’une beauté enchanteresse, ils ressemblaient à deux pierres précieuses renfermant des milliers de secrets.

Elle savait qu’il lui cachait beaucoup de choses la concernant. Elle savait que quelque chose ne tournait pas rond, il lui cachait des secrets qu’il n’était pas autorisé à lui révéler.

- Tu étais trop jeune pour t’en souvenir.

Elle lui lança un regard sévère.

- J'ai une bonne mémoire, Michael.

- Ne me regarde pas avec ces yeux de meurtrier. J'ai répondu à ta question.

Les terreurs nocturnes de son enfance ne pouvaient pas être l’explication plausible de l’inquiétude de ses parents.

- Tu finiras par avoir des rides, si tu continues à faire la grimace !

Elle se laissa tomber sur le lit et soupira.

- D'accord, je vais laisser tomber, pour l'instant.

Michael s’était allongé à côté d'elle, sans que le matelas ne s’enfonce d’un seul millimètre. Le fait qu'il n'ait pas de corps physique la troublait encore aujourd'hui.

- Repose-toi. Tu as beaucoup de choses à faire demain.

sans prendre la peine de se mettre en pyjama, elle se glissa sous les couvertures et demanda :

- quoique je choisisse, tu seras toujours là pour moi ?

- Bonne nuit, Helena.

*****

Elle se brossait les cheveux pour la deuxième fois ce matin-là et leurs yeux se croisèrent dans le miroir. Au moins, Michael s'abstenait de faire son apparition lorsqu'elle était sous la douche ou aux toilettes.

Elle plissa des yeux.

- Quoi ?

- Rien !

- Tu n'as pas arrêté de me regarder depuis mon réveil. Dis-moi qu'est-ce qui ne vas pas ! Est-ce que c'est mes cheveux ?

Il retroussa les coins de ses lèvres.

- Tu es nerveuse.

Helena se retourna.

- C’est normal, non ? J’ai pris une décision qui va chambouler toute ma vie.

- Moi qui croyait que tu étais une fille très calme, recueillie et observatrice ?

Elle croisa les bras sur sa poitrine.

- T’as fini ?

- Non, une dernière chose, Andrew est à la porte.

Elle fixa son ange gardien et se précipita en bas. Des gazouillements d'oiseaux lui remplirent les oreilles et elle grogna. La sonnette ringarde était l'idée de sa mère.

A la dernière marche, elle évita de justesse de trébucher. Elle ouvrit la porte entre deux respirations profondes et sourit à son futur colocataire.

- Alors, comment as-tu prévu de t’y prendre ?

Le sourire d’Andrew s’effaça. Il se tapota le menton de l’index.

- Hum, la première étape serait d’entrer.

Il entra sans attendre d'y être invité.

- Et, maintenant, on prend tes affaires.

Helena roula des yeux.

- C'est très drôle. Je voulais dire, est-ce que tu as une idée pour transporter mes affaires ?

- Ne t'inquiète pas, Épine, on le saura à temps.

Elle ignora le surnom agaçant que ses amis lui avaient donnée à l'école et jeta un coup d’œil derrière lui. Il y avait une fourgonnette blanche garée dans l’allée.

- Elle est à toi ? demanda-t-elle.

- Papa m'a prêté une de ses voitures d'entreprise pour la journée. Il m'a demandé de ne pas la bousiller, alors j'espère que tes affaires ne sont pas trop lourdes.

Helena cacha son irritation derrière un faux sourire. Elle lui fit signe de la suivre.

- Allons-y !

- Allons-y, s'il te plaît.

Elle lui lança un regard agacé.

- Rabat-joie !

Il la suivit dans les escaliers. Arrivé à la porte de sa chambre, il dit :

- Je parie que tout est rose et à froufrous là-dedans.

- Plus tu parles, plus tu sors de conneries du trou que tu appelles une bouche.

Il claqua sa main sur sa poitrine d'un geste dramatique.

- Tu me vexes, Épine.

Helena hocha la tête et ouvrit la porte.

Andrew balaya la pièce du regard et son expression révéla une pointe de déception. Elle sourit.

- Déçu ? Pas de rose et pas de froufrous.

- Des vêtements amples, des cheveux violets et une chambre triste… Je me demande si tu es une fille normale ?

- mm mm.

*****

Jusqu'à présent, Andrew et Laura avaient gardé secrets les détails de leur appartement. Ils voulaient la surprendre et ils avaient réussi. Ses yeux s'écarquillèrent à la vue de l'immeuble en briques rouges, ressemblant à une forteresse. Vivre dans un château n'était peut-être pas une mauvaise idée, surtout qu’ils avaient des fenêtres surdimensionnées donnant sur le paysage urbain.

- Ouah, l’appart est là-dedans ? demanda-t-elle.

Andrew la regarda avec un soupçon d'amusement.

- Tu aimes ?

Elle se retint de sauter sur place et afficha un visage légèrement désintéressé.

- Tant que je n’ai pas vu l’intérieur, c'est difficile de juger.

- Ne vous inquiétez pas, Votre Altesse, nous l'avons choisi en prenant en compte tout ce que vous aimez.

Elle lui lança un regard perçant et il lui tira la langue. Elle se demandait si sa décision d'emménager avec ses deux meilleurs amis était une bonne idée.

Andrew ouvrit la porte vitrée et la laissa entrer en premier. Elle évalua le hall d'entrée blanc et simple. Un gardien potelé au comptoir près de l'ascenseur les ignora. Si une chose arrivait, elle savait qu’il ne lui proposerait pas son aide.

- Reviens sur terre.

Le visage d'Andrew apparut à quelques centimètres du sien. L'odeur de son après-rasage frais emplit ses narines, alors que ses yeux vert forêt la fixaient.

- Est-ce que tu veux visiter l'endroit ou non ?

Elle sentit ses joues chauffer. Espérant mettre fin à son embarras, elle se dirigea vers l’ascenseur où elle écrasa le bouton jusqu'à ce que les portes s'ouvrent, avant d’entrer dans l’enceinte métallique.

Avec un petit rire, il appuya sur le bouton et l’ascenseur se mit à bouger.

Au cinquième étage, le sol était couvert d’un tapis vert mousse et les murs étaient tous blancs. Le soleil du matin des tons bleus dans le couloir des tons bleus. Arrivés à la porte de leur appartement, Andrew glissa une carte-clé au-dessus de la poignée.

Helena posa un pied à l’intérieur et ses chaussures de course grincèrent sur le parquet poli. À chaque pas, ses yeux s'écarquillaient encore plus et elle se retrouva très vite dans un salon spacieux. Deux confortables canapés en cuir et une grande télévision LED accrochée au mur, ainsi que des photographies de monuments de la ville et de rues célèbres. Elle aimait même le détail de la petite ballerine en céramique sur la table basse.

- C’est combien, le loyer ? demanda Helena.

A Dublin, impossible de louer un appartement aussi spacieux sans débourser une fortune.

- Le père de Laura est propriétaire du bâtiment et, comme il aime beaucoup sa fille… disons qu'il nous a laissé l'appartement à un prix abordable.

Helena leva un sourcil.

D'un pas furtif, Laura émergea derrière eux et tapota Helena sur les épaules.

- Heureuse de te voir. Où sont tes affaires ?

Helena essayait de contrôler son excitation. Andrew tapota la tête de Laura et se mit à jouer avec ses boucles blond vénitien.

Laura Quinn n'était pas grande, 1m 50, mais sa taille était compensée par sa personnalité. Se disputer avec elle était comme se battre nue et seule contre une horde de sauvages. Helena se rappela la fois où elles avaient débattu sur le possible vainqueur d’un concours de chant. Sa défaite avait été tournée en une frasque, se décolorer les cheveux et se les teindre en violet lors d'une soirée pyjama.

- Je croyais que tu allais nous aider, déclara Andrew.

Laura fit la moue.

- J'ai trop mal aux bras d’avoir porté mes affaires… Elle lui pointa l`index contre la poitrine, puisque tu ne t'es pas donné la peine de m'aider.

Andrew leva les mains comme pour se rendre.

- Hé, je suis allé chercher Épine. Elle n’a pas de voiture, contrairement à toi. Je parie que si tu voulais de l'aide, tu aurais facilement pu convaincre le gardien de jouer le rôle d’esclave.

- Très drôle, ce n’est pas mon genre.

Helena se frotta les yeux. Ces deux-là avaient trop d’énergie et il n’était même pas dix heures.

- J'ai besoin de la carte-clé et des clés de la voiture.

- Ne t'inquiète pas, Épine, je ne vais pas t'abandonner et te laisser porter tes cartons extrêmement lourds toute seule, dit Andrew.

Laura croisa les bras.

- Très bien ! Mince ! Il faut que je vous donne un coup de main.

- Excellent ! Plus on est fous, plus on rit.

Helena se dirigea vers la porte et Laura se mit en travers de son chemin.

- J'ai oublié de te demander, comment ça se passe ta recherche d’emploi ? Est-ce que t’as besoin d'aide ?

- Non, merci. Je me débrouillerai toute seule.

- Très bien, n’hésite pas à m’en parler si tu as un problème. Ah, je vais te faire visiter l'étage pendant qu'Andrew va chercher tes affaires.

Laura n’attendit pas sa réponse et la traîna presque dans l'escalier métallique.

- Hé, qui va me donner un coup de main ? cria Andrew après elles.

Laura se pencha par-dessus la rampe.

- On viendra t’aider une fois que j’aurai montré sa chambre à Helena.

- Ouai et ça n'a rien à voir avec le fait que tu sois trop paresseuse pour donner un coup de main. Alors, tu lui apprends à glander comme toi ?

- On te rejoindra en bas dans quelques minutes, hurla Laura en retour. Elle traîna Helena et la poussa dans une pièce sur la gauche.

- Qu'en penses-tu ?

Le cœur d’Helena fondit de bonheur. La chambre était très bien éclairée avec des murs bordeaux. Des draps bleu pâle recouvraient le lit double placé entre deux tables de chevet brun orangé. Le mobilier n’était pas vraiment à son goût. De la fenêtre, on voyait la mer d'Irlande et elle poussa un léger soupir.

- Je savais que tu l’aimerais. J'ai dû lutter contre mon instinct intérieur pour te laisser cette chambre.

- Ce paysage est superbe, mais pourquoi tu fais ça ?

Laura lui fit un clin d'œil.

- Tu peux prendre ça comme un pot-de-vin.

Helena savait ce qui allait suivre. Laura manigançait quelque chose et c’était pour elle une tentative minutieuse pour lui lécher les bottes en faisant semblant d’être altruiste. Elle attendit que son amie reprenne son souffle.

- Ne le prends pas mal, Hel, mais que penses-tu d’Andrew ?

Helena haussa un sourcil. Elle s'attendait à une chose comme des tâches ménagères ou l'aider à faire ses devoirs, mais pas du tout à ça.

- C’est juste un copain ?

Laura tapa du pied sur le doux tapis noir.

- Je veux dire en tant que mec. Est-ce qu'au moins tu le considères comme appartenant au sexe opposé ?

Helena fronça légèrement des sourcils.

- Où veux-tu en venir ?

- Ok, répondit Laura en roulant les épaules comme pour se préparer à une bagarre. J’ai été surprise lorsqu’il m’en a parlé. Qui aurait pu le croire ? Et moi, en tant que meilleure amie, je crois que je pourrais arranger les choses entre vous. Au début, j'avais quelques appréhensions. Est-ce que tu comprends où je veux en venir ?

Helena fronça encore plus des sourcils.

- Est-ce que tu peux être un peu plus claire, s'il te plait ?

- Bon Dieu, Hel, tu comprends vite lorsqu'il s’agit d’autre chose que de romance. En gros, Andrew m'a demandée si tu l'aimais bien.

- Oh…

Elle n'avait pas du tout pensé à ça. Andrew ne pouvait pas s'intéresser à elle. Bien sûr, il la taquinait tout le temps et il l'appelait par son surnom. L'idée de sortir avec lui, lui semblait aussi bizarre que de faire du sport. Mais était-ce une bonne idée ? Elle avait entendu trop d'histoires de disputes entre amis dès qu’ils sortaient ensemble.

- Très bien, je vois que tu es entrée dans ton propre petit monde, lui dit Laura.

- Je ne sais pas quoi te répondre. Je veux dire, je…

- Tu n'y a jamais pensé.

Helena hocha la tête.

- Eh bien, réfléchis-y. On a encore du temps. Maintenant, on ferait mieux d'aller l'aider, sinon il nous fera une plaintathon.

Helena renifla.

- Je pensais que c'était toi la pro pour faire ça.

- Je m'en souviendrai, Épine. Maintenant, allons-y !

*****

Vers vingt heures, Helena décida d’aller dans sa chambre sans attendre la livraison des plats chinois qu’ils avaient commandés. La vue splendide par sa fenêtre disparut lorsqu'elle alluma la lampe de chevet.

Enfin, un peu de paix, pensa-t-elle en cherchant dans sa valise le journal.

Helena feuilleta les pages, fascinée par les détails des dessins, jusqu'à ce qu'elle tombe sur l'écriture familière. Elle essaya de lire le texte en russe. Concentrée sur le journal, elle n’avait pas entendu les coups sur la porte. La porte s'ouvrit et elle ferma brusquement le journal et le glissa d’un geste rapide sous son oreiller.

- Oui ? demanda-t-elle à Laura.

- La bouffe est arrivée. J'ai appelé et j'ai frappé, mais…

Laura rentra et ferma la porte derrière elle.

- Qu'est-ce que tu lisais ?

Helena réfléchit à une réponse, elle ne voulait surtout pas que Laura pense qu’elle était folle de lire ce genre de chose.

- C'est juste un truc que j'ai trouvé dans mon grenier.

Les lèvres de Laura s’étendirent en un sourire narquois.

- Je parie qu’il s’agit des escapades amoureuses de ta mère.

Laura était une bonne amie, mais souvent sa curiosité la poussait à empiéter dans l’intimité des gens. Helena savait que Laura n’arriverait pas à le lire, mais elle savait qu’elle ne baisserait pas les bras. Grâce à l'internet et aux logiciels en ligne, tout pouvait être traduit. Alors, Helena joua le jeu.

- C'est embarrassant.

- Je le savais !

Laura s'avança à grands pas avec une main tendue vers le journal. Helena se redressa et serra les épaules de Laura.

- La bouffe va être froide.

- Très bien, mais tu me raconteras les détails dégoûtants plus tard.

- Bien sûr !

Helena poussa son amie hors de la pièce et appela mentalement Michael.

Il lui répondit aussitôt.

- Quoi ? Qui a-t-il ? Tu as l'air bouleversée.

- On doit parler de ce journal.

Roulette Russe

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