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Traquée

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Trois coups violents résonnèrent dans l’une des ruelles de Londres. Lucious enfonça ses mains dans les poches. Un rapide coup d'œil par-dessus son épaule lui apprit que la rue était déserte. Il plissa du nez. La puanteur de viande pourrie venant d'une grande poubelle entrouverte à quelques mètres de là, raviva son odorat affiné.

Lucious fixa la porte métallique. Il sortit sa main de la poche, prêt à frapper de nouveau lorsqu'il entendit le bruit des lourds verrous.

Enfin, pensa-t-il en redressant sa posture.

La porte s'entrouvrit.

- Pourquoi t’es ici ?

Lucious se renfrogna. La moitié du visage d’un petit vampire à la peau tannée apparut à l’entrebâillement de la porte.

- C'est toi qui m’as demandé de venir, répondit-il en poussant la porte. Qu’est-ce qui se passe ?

L'homme maigre recroquevillé l'étudia de ses yeux aussi sombres que la ruelle.

- Tu sais très bien ce qui se passe ! dit Phil en le laissant entrer.

Lucious entra dans la pièce terne aux murs gris et se laissa choir sur une chaise. Les semelles de ses bottes collaient au lino. À côté de son pied, il nota une tache de sang.

- C’est toi l'informateur, dis-moi ce qui se passe.

Une fois les cinq verrous refermés, Phil s’approcha de son bureau et s'assit dans son siège en cuir. Il s’entrelaça les doigts sur la pile de journaux et regarda Lucious comme s'il essayait de deviner ses pensées.

Déterminé, Lucious lui rendit son regard. Il se moquait de l’âge de Phil ou de son influence. Ce qui lui importait, c'était les informations qu’il avait réunies.

Phil passa une main tremblante sur sa tête chauve.

- Tu ne sais pas que le Conseil te cherche, c’est ça ?

S’il avait un cœur qui battait, il se serait arrêté.

- Pourquoi moi ?

- Je ne sais pas. Aucune explication ne m’a été donnée. Tout ce que je sais est qu’on est à ta recherche et qu’ils aimeraient te voir.

Lucious se pinça le nez. Qu'est-ce que le Conseil tout-puissant pouvait bien lui vouloir ? Pour autant qu'il le sache, il avait respecté toutes les lois. Pourquoi donc cette convocation ?

- T’as dit que t’avais trouvé une nouvelle piste, non ?

- Tu as idiot, répondit Phil en hochant la tête, de ne pas t’enfuir dès que en entendant les mots « Conseil » et « à ta recherche » dans la même phrase. Mais je comprends que retrouver les meurtriers de ta Sire est plus important pour toi. Après tout, tu m'as aidé à nettoyer ma merde.

Le vampire âgé fouilla dans une pile de papiers tachés de café sur son bureau. Il y avait tant de fouillis, de dossiers manille et tout un attirail d’objet qu’on ne voyait pas un seul centimètre de sa surface en bois.

Se souvient-il au moins de la couleur d'origine de ses meubles ?

Phil fit un sourire narquois et sortit une note de la pile. Il la tendit à Lucious, qui fouilla dans la poche de sa veste en cuir pour sortir un petit étui en velours.

- J'espère qu'elle l’aimera, déclara Lucious.

Phil accepta la boîte et la rangea dans le tiroir de son bureau.

- J’en suis sûr.

Lucious se leva et fourra le morceau de papier dans sa poche. Il espérait que ce serait la dernière fois qu’il chasserait les loups-garous responsables de la mort d’Anna.

- Es-tu certain que ces informations sont correctes, cette fois-ci ?

- Ça fait plus d'un siècle, Lucious. Personne n'a rien vu et nous avons épuisé toutes les sources.

Il lui donna du dos lorsque Phil ajouta :

- Fais attention aux loups-garous du Conseil. Ils arrivent toujours à leur but.

Avec une inclination de la tête, Lucious sortit. Il n’avait pas beaucoup de temps.

En écoutant le son de ses pas, il se dirigea vers le magasin de téléphone le plus proche. L'une des ampoules halogènes clignota, mais aucun humain à l'intérieur ne le remarqua.

La fille au service clients ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans. Un sourire radieux orna ses lèvres à son entrée. Ses cheveux décolorés se balancèrent d'un côté à l'autre. Elle sentait la cigarette bon marché et un parfum suffoquant.

- En quoi puis-je vous aider ?

Sa voix aigüe lui disait qu’elle allait le soûler, une chose pour laquelle il n’avait pas le temps.

- J’aimerais le téléphone le moins cher que vous avez.

La vendeuse se mordit les lèvres. Après quelques secondes de réflexion, elle se rendit d’un pas rapide vers le mur décoré de téléphones portables. Elle lui désigna quatre modèles volumineux.

- Ils coûtent entre dix et cinquante livres. Lequel aimeriez-vous ?

Lucious voulait vraiment qu’elle se taise, il ne voulait pas se sentir poussé à l'emmener dehors pour mettre fin à sa voix de harpie. Il n’avait pas faim, il venait récemment de s’abreuver de sang, mais sa voix lui transperçait les tampons.

Il sortit deux billets de cinquante livres de sa poche.

- Je te l’ai déjà dit, gamine.

Elle se renfrogna.

- Pas besoin de te comporter comme un con, mon pote.

Lucious scruta l'intérieur orange. Les clients étaient tous sortis et il était seul avec cette humaine effrontée. Il leva la tête pour attirer son attention. Son corps se détendit lorsque leurs regards se croisèrent. Être un mort-vivant avait ses avantages. Il avait la capacité de forcer les humains à obéir à ses ordres.

Une lueur bleue jaillit de ses iris, intensifiant l'effet sur son emprise. Il a suffi d’une faible force pour que sa volonté de se battre soit brisée. Une fois qu'il était certain d’avoir le contrôle, il recula.

- Donne-moi le moins cher, humaine. Tu peux garder la monnaie en crédit.

Il lui tendit l'argent et elle se dépêcha d’exécuter ses ordres, impatiente de satisfaire ses désirs. Il sortit du magasin et copia le minimum de ses contacts sur son nouveau téléphone. Il sortit la batterie de son ancien appareil et la jeta dans la poubelle la plus proche. Les anciens pouvaient le traquer de plusieurs manières.

Il composa le numéro de la seule personne en qui il pouvait faire confiance et son ami répondit après la première sonnerie.

- Alexander, c’est moi.

Il entendit un lourd soupir au bout de la ligne.

- Où es-tu ?

Il scruta les ruelles sombres.

- Toujours à Londres. J'ai une nouvelle piste.

- T'es fou ? Le Conseil te cherche et, toi, tu te promènes dans les rues comme si de rien n’était ?

Lucious afficha un sourire narquois en apprenant que son ami était inquiet pour lui.

- Ne t'inquiète pas. Si cette information est bonne, je pourrais enfin me détendre et Anna aura la paix.

- Et si tu te fais prendre, qu'est-ce qui se passera ?

Il entendit un bruit de clavier en arrière-plan alors qu’il parlait.

- Ecoute, tu peux prendre mon jet privé et te planquer dans mon club un temps.

- Je ne peux pas. Pas pour le moment. Et si...

Alexander jura.

- Et si tu venais te planquer ici et que je suive moi-même ta nouvelle piste.

- C’est à moi de le faire. Je te verrai une fois que tout sera fini.

Lucious raccrocha en entendant le début d'une riposte furieuse.

Il fourra le téléphone dans sa poche arrière et se décida de se rendre dans sa cachette. Au cours du siècle, il avait appris que rester longtemps au même endroit finissait toujours par des ennuis. Les anciens n'étaient pas les seuls à vouloir le retrouver. La personne qui avait averti le Conseil devait sûrement être quelqu’un qui lui en voulait.

En utilisant sa vitesse de vampire, il se dissipa à travers les ruelles sombres en traversant quelques bâtiments au cas où il serait suivi. Arrivé à son appartement, le temps continuait à saper le ciel nocturne.

Finalement. Il sortit le morceau de papier que Phil lui avait donné et il lut le nom écrit dessus. Ses épaules s'affaissèrent. Ça ne lui disait rien. Une fois que tous les proches d'Anna ont été rayés de la liste, les noms étaient devenus une étiquette générique. À quoi s'attendait-il ?

Lucious se rendit directement au frigo, ouvrit la lourde porte et sortit une bière. Il fit sauter le bouchon, but une gorgée de la boisson fraîche et se laissa s'effondrer sur son divan déchiré pour réfléchir.

Un étrange parfum fleuri l'enveloppa, envahissant ses boucliers mentaux d'une énergie étrangère. Sa main droite serra fort la bouteille et l'autre se flanqua sur son estomac. Il se plia en deux de douleurs et se laissa glisser au sol. La bouteille se cassa et il poussa un grognement lorsque le verre lui coupa la main. La bière mélangée à son sang tacha le tapis sale.

L’énergie étrangère se dissipa, laissant derrière elle une connexion singulière.

Il se redressa en position assise et se frotta le ventre. La douleur s'était calmée aussi vite qu'elle avait apparue. Il n'aimait pas du tout ça. Plusieurs vampires avaient juré que le Conseil avait des sorcières qui travaillaient pour eux. Les deux races n'étaient pas sur la même longueur d’ondes, mais il y avait quelques lascars prêts à enfreindre les règles de leur communauté à leur avantage.

Il sortit son téléphone et appela Alexander. Une fois de plus, son ami avait répondu aussitôt.

- Est-ce que tu connais des sorciers dans mon quartier ? demanda Lucious.

- Qu’est-ce qui se passe ?

- Une chose est arrivée à laquelle je ne m’attendais pas.

Alexander soupira.

- As-tu été ensorcelé ?

Lucious éclata de rire. La façon dont les choses s’étaient déroulées aujourd'hui, il ne serait pas du tout surpris que le Conseil se rabatte sur cette dernière solution.

- Non, je crois que j’ai été suivi par l’un d’eux.

- Tu as toujours ton sens de l'humour, mon vieux pote, mais le moment est mal choisi pour ça.

Lucious se leva. En regardant la bouteille de bière en morceaux sur le sol, il se demandait s'il devait vraiment s’en ouvrir une autre.

- Alors, tu peux m'aider ou non ?

Alexander grommela une chose en russe et le son des touches de son ordinateur portable traversa le haut-parleur.

- Désolé, la seule sorcière qui pourrait nous aider se trouve ici.

- Tu ne dis pas ça pour que je vienne, n'est-ce pas ?

Un bruit traînant derrière la porte l’interrompit. Il n’y avait que très peu de locataires habitant dans ce bâtiment et il s’était également assuré que personne ne vivait au même étage que lui. Il raccrocha et glissa son téléphone portable dans sa poche arrière. D'un pas léger, Lucious se rapprocha de la porte et tendit les oreilles.

La porte éclata de ses gonds. En une fraction de seconde, il s'était retrouvé cloué au sol par un vampire qui ferait un très bon lutteur professionnel.

Un objet froid et dur se pressa contre son flanc et il s’arrêta de se débattre. Les traqueurs portaient des armes à munitions en argent qui, tiré au mauvais endroit, étaient une condamnation à mort pour les êtres de leur espèce.

C’est vraiment pas mon jour, aujourd’hui.

- Lucious Ellwood, tu as pour ordre par la présente d'assister à ton procès demain et je suis venu ici pour t'y escorter.

Le vampire saisit Lucious par la gorge.

- Toute tentative de résistance entraînera ton exécution immédiate. Lucious garda la majeure partie de son corps aussi immobile que possible. Il cherchait avec sa main libre un objet qu’il pourrait utiliser comme arme. Ses doigts se posèrent sur la bouteille cassée et il l’agrippa.

- Ai-je été suffisamment clair ?

- Parfaitement clair.

Lucious se redressa à moitié et plongea l'extrémité dentelée de la bouteille dans la poitrine du loup-garou. Un bruit d'os craquelé domina la forte explosion du pistolet.

L’homme émit un cri strident en reculant. Son dos cogna contre le mur et, avec les mains tremblantes, il attrapa la bouteille en verre dépassant de sa cage thoracique tout en visant son pistolet sur Lucious.

Lucious devait agir vite. Là où il y avait un loup-garou, il pouvait y en avoir un autre.

Il jura et se dissipa hors du bâtiment. Il courut jusqu'à ce que la fatigue le submerge et que ses mollets le brûlent. Il n’y avait pas un seul endroit où il serait le bienvenu, maintenant qu’Alexander avait appris la nouvelle. Il était foutu.

Lucious appuya son dos contre le mur latéral d'un immeuble de bureaux et réfléchit à ce qu'il devait faire. Il avait deux options : abandonner sa piste et savoir pourquoi les anciens le poursuivaient ou rester et essayer d’échapper au Conseil en continuant ses recherches. Aucune des deux options ne lui plaisait.

Il donna un coup de poing au mur, faisant éclater des morceaux de brique rouges. La coupure qu’il s’était faite avec le verre cassé de la bouteille s’était déjà cicatrisée et une nouvelle peau avait poussé. Il n’avait plus le choix. Il sortit son téléphone portable de sa poche et envoya un message à Alexander : J’accepte ton offre. L

*****

Lucious monta à bord du jet privé d'Alexander lorsque le soleil se levait à l'horizon. Au moins, la météo était de son côté, cachant les rayons cruels derrière des nuages gris orageux.

Une belle hôtesse de l'air balançait ses hanches sous sa jupe moulante en l'accompagnant à son siège. Elle lui tendit un smartphone et une enveloppe avec son nom inscrit dessus.

Il accepta les objets et se laissa tomber dans le fauteuil en cuir. Il déchira le haut de l'enveloppe.

- Aimeriez-vous vous restaurer, M. Ellwood ? demanda-t-elle en poussant ses mèches d'ébène de son cou.

Il avait la gorge sèche et la douleur à son estomac lui disait qu'il était vide. J'aurais dû finir ma bière.

La femme se glissa sur ses genoux, lui tendant son cou en guise d'offrande. Son parfum épicé envahit ses sens. En posant ses paumes sur ses épaules, elle se rapprocha jusqu'à ce qu'elle soit à quelques centimètres de ses lèvres.

En utilisant le coussinet de son pouce pour caresser sa jugulaire, il fit ressortir la veine palpitante à la surface, la faisant gémir. Elle enfonça ses ongles dans sa veste. Mal à l'aise dans son siège, il se décala. Une lueur argentée à côté de son cou le mit en garde.

Il repoussa la fille, l'envoyant au sol avec un bruit sourd.

- Vous n’auriez pas dû faire ça, M. Ellwood !

Elle se jeta sur lui avec une seringue dans la main. Il lui saisit les poignets, les tirant au-dessus de sa tête.

- Bâtard ! cria-t-elle en se débattant.

Il lui arracha la seringue de la main et la jeta au sol. Le pilote se précipita hors du cockpit.

- Quelque chose ne va pas ?

Lucious s'était retenu de rire en voyant l'humain paniqué, jeter un coup d’œil de derrière le rideau, la bouche bée.

L'hôtesse de l'air profita de sa distraction pour lui donner un coup de pied dans les joyaux.

Une agonie électrisante se répandit dans sa moitié inférieure et il se plia en deux. Des taches noires lui gâchaient la vue alors qu'il se débattait pour rester debout. Ses narines se dilatèrent. Oubliant la douleur entre ses jambes, il se concentra sur sa colère montant en flèche.

La fille se précipita à quatre pattes vers la seringue.

- C’est une bonne idée, dit Lucious en attrapant une poignée de ses cheveux noirs pour lui relever la tête et croiser ses yeux, un dîner n’est pas de refus.

Il enfonça ses canines dans son cou sans se soucier de lui faire mal. Elle criait en se débattant dans ses bras alors qu'il lui suçait son sang. Un grondement s'échappa de sa gorge. Cette humaine avait le goût de cendre de cigarette et de terre, ruinant son plaisir.

Une fois vidée de son sang, il jeta son corps sans vie sur le côté.

- Monsieur, est-ce que vous allez bien ? demanda le pilote en s'essuyant les paumes sur son pantalon noir.

Lucious leva un sourcil en réponse. Alexander avait le don d'embaucher des gens bizarres, certains plus meurtriers que d'autres.

- Très bien, merci.

Le pilote retourna dans le cockpit les jambes tremblantes, laissant Lucious seul.

Dans l’enveloppe, il trouva une carte écrite par Alexander. Une phrase à l'encre noire : Méfie-toi de l’hôtesse de l’air.

Lucious se pinça le nez. Son ami avait certainement un sens d'humour bizarre. Épuisé après cette lutte, il ferma les yeux. Il sentit le lien lui tirer les tripes. Mais, pour une raison quelconque, plus il s'éloignait de l'Angleterre, plus le lien s’intensifiait.

*****

Lucious fut réveillé par une sonnerie. L'heure sur l'écran lumineux de son téléphone lui indiquait qu'il était 18h10.

Il grommela et essaya de savoir où il était. Il était dans une chambre d'hôtel, allongé sur un lit, des rideaux à pois roses tirés sur les fenêtres. L'endroit était assez sombre. Il dût plisser des yeux pour voir où se trouvait la porte. Le pilote a dû l'amené ici après son évanouissement. Avec les loups-garous sur sa piste et ses recherches du tueur de son père, il était devenu vulnérable.

- Je vois que tu es toujours en vie, dit Alexander.

- La prochaine fois que tu m'envoies un cadeau comme celui-là, appelle-moi. Je n'ai pas eu le temps de lire ta carte avant qu'elle essaye de me tuer.

Alexander rit.

- Je ne l'ai pas envoyée, mais j'avais des doutes.

Son amusement se dissipa :

- Il est temps que tu te lèves. Tu as rendez-vous avec la sorcière.

Lucious se glissa dans sa veste en cuir noir.

- Dis-moi où et quand.

*****

Une grande partie de Dublin n’avait pas changé. Les humains détestaient le changement autant que les vampires. Plus le monde changeait, plus leur ajustement était difficile, c'était son interprétation personnelle.

Il s'arrêta aux feux de signalisation. Sa douleur au ventre l'avait repris. Il se frotta l’estomac, mais il avait toujours mal. Il jura dans sa barbe et essaya d’ignorer les douleurs en regardant devant lui. Quelques personnes sur le côté opposé de la rue le fixaient, la plupart étaient des femmes, mais l'une d'elles se démarquait du groupe. Ses yeux noisette disséquaient son âme. Lorsqu'il se força à lui sourire, elle détourna son regard comme une voleuse.

Le feu passa au vert et il traversa la rue à côté de la femme. La tête baissée, elle lui rentra dedans et il la rattrapa. Au moment où ses mains se posèrent sur ses épaules, la douleur se dissipa et ses doigts bourdonnèrent d'une énergie étrange.

Qui est-elle ?

Elle le dévisagea. Elle n’était sûrement pas une sorcière bien entraînée comme il s'attendait. Elle avait moins de vingt ans. Aucune chance qu'elle possède le pouvoir de le suivre d’un pays à un autre. Elle devait sûrement faire partie du cercle local.

Le vent soufflait, remplissant ses narines de son parfum fleuri. Il savait qu'il ne se trompait pas.

Elle s'arracha de lui et partit en trombe.

La voiture sur sa gauche klaxonna, lui indiquant que le feu n'était plus vert pour les piétons.

Sans plus tarder, Lucious la suivit. Innocente ou pas, elle avait créé un lien entre eux. Si le Conseil arrivait à la retrouver, il pourrait le localiser. Il refusait que cela arrive.

La fille jetait un coup d'œil par-dessus son épaule de temps en temps. Sa prudence ne le dérangeait pas. Se cacher dans l'obscurité était une chose à laquelle il s'était habitué lorsqu'il chassait ses proies.

Une fois arrivée à l’arrêt de bus, elle posa sa main sur sa poitrine comme pour essayer de se calmer. Elle n’avait rien de particulier. Elle portait des vêtements simples : un jeans et un anorak. En se précipitant à l’intérieur d’un magasin, elle se cogna dans un homme musclé. Une rafale d'excuses sortit de sa bouche, la tête baissée. Elle fit le tour du magasin pour trouver le vendeur, qui lui remit une chose. Elle ressortit du magasin en courant et sauta dans un bus.

Lucious attendit que le bus s’éloigne. Il entra dans le magasin rempli de clients et se dirigea à grands pas vers le vendeur.

- Puis-je vous aider ? lui demanda un adolescent derrière le comptoir.

Il fixa son regard dans les yeux du gamin et l'expression de l'adolescent se détendit.

- Donne-moi ce que la fille aux cheveux violets vient de te remettre.

L'adolescent lui tendit quelques feuilles de papier agrafé intitulées 'CV'.

Assis sur le banc dans le parc voisin, il parcourut le CV. Elle avait dix-neuf ans - une enfant. Elle avait donné ses coordonnées, mais pas d'adresse - intelligente. Il parcourut les pages pour avoir une idée de ce qu'elle était. À sa grande consternation, les informations lui étaient inutiles. Il enregistra son numéro de téléphone.

*****

Lucious était arrivé à la propriété privée de son vieil ami. Il s'arrêta devant le manoir victorien de trois étages qu'Alexander avait converti en boîte de nuit. Une enseigne en néon rouge au-dessus de l'entrée affichait des lettres courbées « Russian Roulette », qui illuminait la rue tout comme un arbre de Noël.

Il se rendit à la tête de la file d'attente où un videur gardait la porte principale du club.

- Je suis ici pour voir Alexander.

L'homme portant un badge avec le nom « Dean » le dévisagea d’un coup d’œil rapide.

- Et vous êtes ?

- Attendu ! Sois sympa, mon pote et laisse-moi passer.

Sa patience à bout, Lucious relâcha sa prise sur ses boucliers mentaux. Il laissa son énergie encercler le videur. Un siècle de vie en plus permettait aux vampires d’avoir plus de pouvoir sur les plus jeunes.

Dean sentit l'intrusion et recula d'un pas incertain. Il fit signe à Lucious de passer.

- J'espère que vous n'êtes pas là pour semer le trouble.

Lucious l'ignora et déambula à l'intérieur. Les choses n’avaient pas beaucoup changé depuis sa dernière visite. La salle de réception de couleur prune semblait plus sombre avec les ampoules faibles encastrées dans le plafond. Le boom de la musique rock le guida vers l'endroit où Tanya, l’unique infant d'Alexander, était assise avec un magazine de mode sur les genoux.

Sans lever les yeux, elle désigna la liste des prix sur le mur.

- Tanya, où est-il ?

Elle laissa tomber son exemplaire de Vogue au son de sa voix et rebondit de sa chaise. Sans prévenir, elle se jeta sur lui, le piégeant dans une étreinte serrée.

- Tu m'as manquée. Ça fait une éternité que tu n'es pas venu ici, lui murmura-t-elle à l'oreille.

Lucious lui retira les bras et recula légèrement.

- Je suis désolé, j’étais très occupé.

En rejetant ses cheveux blonds en arrière, elle fit la moue.

- Ils disent tous ça.

Comme il s’était tu, elle soupira et désigna le couloir sur sa gauche.

- Il doit être dans son bureau. Tu connais le chemin.

Il se dirigea vers la porte et elle lui attrapa le bras. Elle pausa sa paume sur sa poitrine et ses ongles longs s'enfoncèrent dans le cuir de sa veste. Il ne ressentait vraiment rien envers elle. Peu importait le nombre d'années qui s’étaient écoulées, il n'avait jamais eu une attraction sexuelle pour elle.

- Reviens me voir dès que tu as fini, peut-être que tu auras besoin de moi, lui dit-elle en lui faisant un clin d'œil.

Lucious voulait se débarrasser d'elle, il lui donna un léger baiser sur la joue.

- D'accord, ma chérie, murmura-t-il.

- Tu es un allumeur, dit-elle en se rasseyant sur sa chaise.

Lucious décida de ne pas lui répondre et de se rendre directement au bureau d’Alexander. Il longea un long couloir faiblement éclairé, encombré d'affiches de groupes qui ne l'intéressaient pas. Arrivé à une porte en acier au bout du couloir sans fenêtre, il s'arrêta.

Il frappa. Le son traversa le métal épais. En entendant l’invitation, il fit son entrée dans la pièce. Il gémit de mécontentement en voyant Alexander dans une scène intime.

Alexander était connu pour avoir plusieurs partenaires. Il ne changera jamais. Un homme maigre et pâle était allongé entre deux femmes nues sur un très grand lit. Ils étaient tous les trois nus.

Lucious détourna son regard vers le bureau en ébène jonchés de paperasses et d'affiches. Des carreaux de marbre noir brillaient sous ses pieds bottés, contrastant avec les meubles ivoires. Les deux seules couleurs approuvées par Alexander.

- Ne fais pas ton timide ! lui dit Alexander. Tu peux te joindre à nous, si tu veux.

Lucious hocha la tête et se laissa tomber dans un fauteuil face au bureau.

Alexander chuchota quelques mots aux filles et elles se levèrent du lit. Il enfila le pantalon blanc jeté sur le sol. A moitié rhabillé, il donna un coup de coude à la jeune femme aux cheveux courts châtains.

- Permets-moi de t'offrir le dîner.

La jeune femme lança un coup d’œil à Alexander par-dessus son épaule comme pour lui demander la permission.

Avec une expression désintéressée, Lucious la suivit du regard alors qu’elle se rapprochait de lui. Elle avait l'air trop jeune pour être ici. Elle avait une dizaine de marques de morsure sur le corps.

Lucious leva la main en signe de protestation.

- Non, merci, je me suis déjà nourri.

La brune se caressa les seins.

- Tu es sûr, chéri ?

- Assez, dit-il en écartant l'humaine et en fixant Alexander du regard. Il faut qu'on parle.

Son ami se passa les doigts dans ses cheveux courts platine. Ses yeux gris pâle inspectaient Lucious sous des sourcils sombres. Il aboya en italien et les filles se dispersèrent pour ramasser leurs vêtements. Elles sortirent rapidement du bureau, en marmonnant leur mécontentement.

Alors qu'Alexander s'approchait de lui à grands pas, Lucious essaya de se souvenir de leur dernière rencontre. Même s’il était venu en Irlande il y avait dix ans, c’était la première fois qu’il venait au club. Ses recherches à l’époque lui avaient pris tout son temps. La dernière fois qu'ils s'étaient rencontrés remonte à près de cinquante ans, lorsque les choses avaient mal tourné avec Zafira - une époque qu’il aimerait effacer de sa mémoire.

Lucious se leva et tendit sa main vers Alexander.

- Ça fait longtemps.

- Oui, c'est vrai, répondit Alexander.

Il ignora sa main et attira Lucious en une forte étreinte. Comme toujours, des manières et des maladresses.

- Vous, les britanniques, vous devez apprendre à vous détendre un peu.

Immobile dans ses bras, Lucious tapota le dos d'Alexander.

Alexander gloussa et le relâcha sans dire un mot de plus. Il ouvrit la porte du bar de son bureau.

- Est-ce que je peux t'offrir un verre ?

- J’en ai vraiment besoin avec tout ça !

- Que se passe-t-il ?

Alexander sortit deux verres en cristal du deuxième tiroir de son bureau, les remplit à moitié d’un alcool ambré d'une carafe et lui en tendit un.

- Je crois que tu le sais déjà.

- Si je le savais, je ne risquerais pas mon immunité pour cacher un fugitif à Eliza et au Conseil. Suis-moi !

Ils traversèrent des doubles portes pour se retrouver dans un salon spacieux. Des étagères de livres et des vitrines de poignards de l’antiquité ornaient les murs.

Alexander s'assit sur le canapé Chesterfield en cuir blanc.

- Je t'écoute.

Lucious accepta l'invitation et se détendit dans un fauteuil, face de son ami. Il posa son verre sur la table basse et croisa ses mains sur son ventre.

- Par quoi veux-tu que je commence ?

- Et si tu commençais par m'expliquer pourquoi tu n'es pas allé voir la sorcière ? Apparemment je lui ai fait perdre son temps et elle pourrait nous jeter un sort à tous les deux.

- C'est parce que je l'ai trouvée.

Alexander arqua ses sourcils noirs.

- Trouvé qui ?

- La sorcière ou ce qu'elle est, qui a créé le lien entre nous.

Il se souvint de son apparence - presque trop innocente.

- Et quoi ? Tu l'as laissée partir ?

Lucious sourit.

- J'ai son nom et son numéro de téléphone.

Alexander avala son poison de premier choix.

- Pour être honnête, je ne comprends pas pourquoi tu ne l'as pas amenée ici avec toi. Je l’aurais influencée et je lui aurais fait l’amour jusqu'à ce qu'elle m’avoue pour qui elle travaille.

- Je n'aime pas les gamines, Alexander.

Alexander haussa les sourcils.

- Hum, une jeune sorcière avec un sort de traquage ? Je suis vraiment impatient de voir ça.

- Ce n’est pas un sort de traquage. C’est autre chose.

- Très bien, je t’écoute.

Alexander prit son ordinateur portable du siège à côté de lui et le nicha dans ses genoux.

- Donne-moi ses coordonnées et je verrai ce que je peux trouver sur elle.

Lucious obéit. Alors que son ami faisait des recherches sur son ordinateur, il sirotait son scotch.

Au bout de dix minutes, Alexander poussa un grand soupir.

- Elle n'appartient à aucun cercle Wiccan de mes bases de données. Elle est… étudiante et presque normale.

- Presque normale ?

- On dirait que notre petite sorcière a bénéficié d’une thérapie lorsqu'elle était enfant, mais ses dossiers sont scellés. Je ne peux pas accéder aux informations. Veux-tu que j'envoie quelqu'un trouver plus d’informations sur elle ?

Lucious se frotta le menton.

- Pourquoi ne pas le lui demander en personne ? J'ai une idée.

Roulette Russe

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