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Chapitre 6

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Tears have turned to ice [5]

(tears from your eyes). No one here but I (only dreams survive). Nothing can survive (thought you’d never die).

She - Fields of the Nephilim

Un couloir illuminé par la faible lumière de dizaines de bougies. Elga avança, accompagnée des flammes vacillantes dansant sur les murs. Au loin, elle pouvait apercevoir un cercueil blanc posé au centre d’une chapelle ardente. Le torse d’une fillette assise s’y dressait et une foule de gens l’entourait.

«Tu dois rester allongée, tu es morte!» tonna la voix du docteur Abruzzo.

«Obéis, Martina, autrement Jésus se fâchera» lui fit écho Elisa.

Au nom de sa fille, la femme accéléra le pas. «Laissez-la partir!» cria-t-elle en se jetant sur le cercueil.

La petite fille s’accrocha à elle, la serrant dans un étau qui l’empêcha presque de respirer. « Maman, aide-moi! Dis-le toi aussi, dis-leur que je ne suis pas morte, je ne veux pas être enfermée ici!»

Elga lui rendit son étreinte puis, d’une main tremblante, lui caressa la tête. Une larme lui mouilla les doigts alors qu’ils couraient sur les mèches soyeuses. Ce contact provoqua un frisson le long de son dos, mais la sensation de plaisir initiale se transforma soudain en quelque chose de différent.

Faux. Ses cheveux sont faux, fut tout ce qu’elle arriva à penser avant de poser les yeux sur la petite tête appuyée contre sa poitrine. La chevelure noire l’atteignit comme un coup de fouet en plein visage.

«Nooooon!» hurla-t-elle, et elle la repoussa si violemment qu’elle la fit tomber.

Le docteur Abruzzo se jeta en avant, tentant maladroitement de l’attraper avant qu’elle ne touche terre. Il réussit à lui saisir un poignet et, au même instant, il y eut un claquement, semblable au bruit de quelque chose qui se brise. L’homme resta immobile, le petit bras à la main, pendant que le reste du corps de la petite s’écrasait au sol, éclatant en mille morceaux.

La tête de Rea roula aux pieds de sa maman, ses yeux vitreux paraissaient la fixer, dans un visage qui n’était plus humain.

«Voilà, tu l’as cassée, pontifia Elisa en se baissant pour ramasser le buste en tissu. Tu abîmes toujours tout!» s’énerva-t-elle en l’agitant sous le regard abasourdi d’Elga. De petits morceaux d’éponge voltigèrent autour d’elle comme des confettis. Ce n’était pas une fillette en chair et en os.

«C’est juste une poupée… La poupée…»

***

«La poupée…» répéta Elga en s’éveillant. Elle était couverte de sueur et son cœur battait à tout rompre. Il n’y avait aucune aiguille dans ses bras, mais elle se souvenait vaguement avoir avalé quelques comprimés sous le regard vigilant du médecin avant de se rendormir. Un sommeil artificiel, même s’il n’avait pas été vide de rêves, qui durait depuis… Combien de temps? La femme réalisa qu’elle avait perdu la notion du temps. Il lui sembla se rappeler que le soir était tombé lorsque le docteur Abruzzo, à la fin de son interrogatoire exténuant, avait pris congé en lui recommandant le repos absolu. La lumière qui filtrait maintenant par les fenêtres entrouvertes lui suggérait qu’il faisait de nouveau jour.

Sa mère n’était pas revenue, aucune trace de l’étrangère.

Elle se leva lentement, affaiblie, sa tête tournait; titubante, elle se dirigea vers la porte. L’ouvrit sans faire de bruit et jeta prudemment un coup d’œil sur le palier. Il n’y avait personne dans les parages et la maison semblait plongée dans le silence.

L’idée de tomber à nouveau sur Rea, qui ou quoi qu’elle soit, la terrifiait mais elle ne pouvait pas rester confinée dans sa chambre pour toujours. Elle prit son courage à deux mains et continua vers l’escalier. Devant la petite chambre de Martina, elle eut envie d’entrer pour contrôler si la poupée était de retour, mais le courage lui manqua.

Plus tard, se dit-elle en descendant à l’étage inférieur.

Elle franchit le seuil de la cuisine en tremblant. Les volets étaient grand ouverts et une chaude lumière de septembre inondait la pièce. La télévision était allumée, réglée à très faible volume sur un quelconque bulletin d’informations, signe incontestable de la présence de sa mère.

Elisa était assise sur le canapé, elle sirotait une tasse de lait en suivant attentivement les images qui défilaient sur l’écran. Elle avait empilé les poupées dans un coin pour se faire une place.

Elga enregistra ce détail en étouffant à grand-peine un geste d’agacement profond. Elle remarqua en même temps que la petite fille n’était pas là. Se serait-elle évanouie comme les rêves à l’aube? Aurait-elle tout imaginé? Elle l’espéra intensément, bien qu’une voix intérieure persiste à lui souffler l’idée que quelque chose faussait toujours dans le cadre.

«Tu es réveillée» commença Elisa en l’aperce­vant. Tu en veux un peu aussi?

«Tu sais que je n’aime pas le lait…»

«Oh!» répondit l’autre aussi dépitée que si elle venait d’apprendre une mauvaise nouvelle. J’espère au moins que la nuit t’a porté conseil.

«Quel jour on est?»

«Mercredi… C’est hier que tu as perdu la tête, si c’est ça que tu veux savoir. Je suis restée ici toute la nuit. Tu peux imaginer à quel point c’était désagréable de dormir assise sur le canapé avec toutes ces horreurs autour. Bref, je me suis occupée de la petite. Je lui ai expliqué que tu es malade et qu’elle doit être patiente, et ce matin je l’ai accompagnée à l’école.» Elle se tut un instant seulement, peut-être parce qu’elle perçut une étrange lueur dans le regard de sa fille, puis poursuivit: «Tu sais que l’instruction est la chose la plus importante. Il ne fallait pas lui faire rater le premier jour d’école parce que tu as subitement recommencé à perdre la tête et puis… Comment justifier son absence? Tu comprends bien que certains détails malsains ne doivent pas filtrer à l’extérieur. Je n’ose même pas imaginer ce que les gens diraient s’ils savaient que tu es devenue folle.»

«Je ne suis pas folle» murmura Elga, mais l’autre ne sembla pas l’entendre. Non qu’elle eût imaginé le contraire, elle la connaissait depuis toujours. Sa mère était ainsi faite, quand elle commençait à parler elle était comme un fleuve en crue et n’admettait aucune réplique. Elle donnait parfois l’impression d’avoir même oublié son interlocuteur, continuait à exprimer ses pensées, indifférente à tout et tous. Et pour ce qui était des insultes, elles n’avaient jamais cessé de faire mal mais, après des années de dur entraînement, Elga ne les remarquait plus. Elle n’était pas la fille qu’Elisa aurait voulu et elle ne perdait une occasion de le souligner. Point.

«Bien, nous sommes d’accord sur le fait que nous ne dirons rien de ce qu’il s’est passé. Quoi qu’il en soit, tu as retrouvé la mémoire? Le docteur Abruzzo a dit qu’après suffisamment de repos et grâce aux médicaments qu’il t’a donnés, tu reprendrais tes esprits… Tu as retrouvé la raison, n’est-ce pas? Non, parce que j’ai un tas de choses à faire, je ne peux pas rester ici, j’ai confié Fernando à la voisine, je ne peux pas abuser de sa disponibilité et puis… N’oublie pas, Rea a besoin de toi.»

Elga ressentit une douleur à l’estomac. Le jour n’avait pas chassé les hallucinations finalement. Elle serra les poings. «Je.Ne.Connais.Aucune.Rea» martela-t-elle.

«Oh, Jésus, Jésus, tu l’entends? Cette femme me fera mourir de chagri!» Elisa se leva d’un bond et tourna les yeux vers le plafond. Elle sortit le chapelet de la poche de sa chemise et continua à tourner en rond quelques minutes en suivant le périmètre de la pièce, murmurant les versets de quelque prière. Enfin, elle s’arrêta et darda son regard sévère dans celui de sa fille. «Écoute, dit-elle, je sais très bien que tu as subi un traumatisme en perdant ton mari. J’ai moi aussi souffert énormément quand papa est mort et je comprends ce que l’on éprouve, mais deux ans sont passés et il est temps d’aller de l’avant. Je sais, je sais… Le docteur Abruzzo m’a expliqué l’histoire… Rea a distrait Andrea avec ses caprices et dans ton inconscient, tu lui as attribué la responsabilité de l’accident. Elle est devenue une meurtrière à tes yeux et, ne pouvant le tolérer, tu l’as complètement éliminée. À ta sortie du coma, tu disais que tu n’avais jamais eu de fille… Très bien, nous avons compris, aidée et tu semblais guérie. Mais maintenant, tu ne peux pas me trahir avec une rechute, tu ne peux pas me faire ça!»

«Maman, je ne sais pas de quoi tu parles» l’interrompit Elga, qui ne comprenait pas du tout son discours. Martina était ma fille, elle est morte avec son père et c’est une calèche qui a provoqué l’accident en nous coupant la route. Malheureusement, elle ne s’est pas arrêtée et n’a jamais été retrouvée, et le salopard qui la conduisait est resté impuni.

«Martina? Martina? Tu persistes à sortir ce prénom imaginaire?» La voix d’Elisa se fit perçante. Tu confonds réalité et imagination, ma chère, tu perds la boule et tu sais pourquoi? Parce que tu as quitté la voie du Seigneur. Si tu avais la foi, Jésus t’aiderait à surmonter ton deuil et te donnerait la force d’aimer ta fille, ta vraie fille, comme il convient. Le douleur vient du ciel, c’est le moyen dont se sert Dieu pour te mettre à l’épreuve et tu… Tu t’es laissée prendre au dépourvu!

«Je n’ai pas demandé à être mise à l’épreuve.»

«Chuuuut! Ne blasphème pas… Faisons ceci, on se prépare une bonne camomille, on se calme, puis tu prends un bain et tu commences à te préparer pour accueillir dignement la petite quand elle sortira de l’école. Je sais que tu le veux aussi. Même si tu n’as pas les idées claires, essaie de ne pas y penser, comporte-toi en bonne maman et prends les médicaments que le docteur t’a prescrits. Tu verras que ta mémoire te reviendra petit à petit et alors, tu auras honte des méchancetés que tu dis… Si Dieu le veut, on en rira même.»

«Non.» Elga secoua violemment la tête. Je ne peux pas.

«Pardon?»

«Ce n’est pas ma fille. Je ne veux pas d’elle ici.»

«Et que voudrais-tu faire?»

«Je ne sais pas. Je te dis qu’elle n’est pas ma fille, ses vrais parents sont sûrement quelque part… Peut-être que quelqu’un la cherche. Je pourrais la signaler à la police ou me tourner vers les services sociaux…»

«Tu es folle. Tu es complètement folle! Rea est ta fille, que ça te plaise ou non, et tu ne te tourneras vers personne. Les services sociaux, la police? Mais tu te rends compte? Tu veux provoquer un scandale? Tu veux qu’on finisse tous dans les journaux et salir définitivement le nom de la famille?»

Elga sentit un profond sentiment de panique gonfler sa poitrine. Ce ne pouvait être réel. C’était un cauchemar, un horrible cauchemar dont elle devait absolument se réveiller. «Ce n’est pas ma fille! Ce n’est pas ma fille!» hurla-t-elle.

Elisa lissa méticuleusement des plis imaginaires sur sa jupe. Elle fit encore quelques fois le tour de la pièce, reprenant sa litanie silencieuse, s’arrêta et défia Elga d’un froncement de sourcils combattif. «J’ai compris que tu ne veux pas collaborer, admit-elle. Dans ce cas, faisons ainsi : je prends la petite chez moi quelques jours, pour que tu puisses te soigner, te reposer et t’éclaircir les idées. J’attendrai patiemment que tu reprennes tes esprits avant de te la rendre, mais essaie de ne pas trop te la couler douce. Tu sais que je suis très occupée et que la paroisse a besoin de moi. Il y a une vente de charité à organiser, j’ai les tours pour la récitation du rosaire et les cours de formation continue pour les catéchistes. Je n’ai pas beaucoup de temps à consacrer à Rea, donc agis en conséquence.»

La femme n’y réfléchit qu’un instant. Un peu de temps pour rassembler ses idées et découvrir ce qu’il se passait réellement était exactement ce dont elle avait besoin. D’autre part, elle ne pourrait tolérer la présence de cette étrangère qui se faisait passer pour sa fille et c’était bien que sa mère l’emmène, même provisoirement.

«J’accepte, répondit-elle simplement. On fera comme tu dis.»

D’un coup, les traits crispés d’Elisa se détendirent en un sourire radieux.

«Viens ici, dit-elle joyeusement, embrasse-moi, ma petite. Tu verras qu’avec l’aide du Seigneur, on résoudra tout.»

Elle serra Elga dans ses bras. «Sur la table, il y a les médicaments que t’a prescrits le docteur Abruzzo. Je te les ai achetés après avoir accompagné Rea à l’école. Promets-moi de les prendre et d’aller le voir pour la visite de contrôle dans deux jours. Je t’ai noté la date et l’heure du rendez-vous, j’ai collé un post-it sur le frigo.»

«Je te le promets» affirma sa fille d’une voix atone. Le fait que sa mère ait utilisé un post-it signifiait qu’elle avait fouillé dans ses tiroirs pour trouver le bloc, ce qui l’ennuyait beaucoup. Elle ne commenta pas toutefois, ayant des questions plus importantes dont se préoccuper.

«Si nous sommes d’accord, je m’en vais dans ce cas. Je suis très inquiète pour Fernando, tu sais qu’il n’est pas habitué à rester avec des étrangers.»

«Bien sûr, pas de problème.» Vu les circonstances, l’inquiétude de sa mère pour son perroquet lui sembla presque grotesque, mais elle l’envia un instant. Bien qu’un temps elle aurait vendu son âme pour bénéficier des mêmes attentions, elle devait reconnaître qu’elle ne pouvait pas rivaliser avec sa diligence. Quoi qu’il en soit, Fernando connaissait par cœur plus de prières qu’elle.

«Je vais dans la chambre de Rea prendre quelques vêtements, ils lui seront utiles dans les prochains jours» reprit Elisa en changeant de sujet.

«Non!» explosa Elga en se raidissant. La chambre de Martina était un lieu sacré, inviolable. Je ne veux pas que cette enfant porte les vêtements de ma fille.

L’autre haussa les épaules, consternée.

«En effet, j’oubliais que tu es encore en proie aux hallucinations. Ça ne fait rien, laisse tomber, conclut-elle. Je lui achèterai de nouveaux vêtements, elle aura ainsi l’occasion de se changer les idées avec la douleur que tu lui causes mais, le moment venu, je te présenterai la facture.»

Bien sûr, maman, avec l’argent on résout toujours tout, c’est toi qui me l’as appris.

***

Restée seule, Elga éteignit la télévision. Elle se prépara un café pour chasser sa torpeur, jeta les boîtes de médicaments laissées bien en vue sur la table, choisit un CD dans sa collection et alluma la chaîne-hifi; très soigneusement, elle remit en place les poupées malmenées par sa mère, ne laissant qu’un petit espace pour elle au milieu.

Elle attendit que la voix de Valor Kand ait empli chaque coin de la pièce et libéra enfin ses pensées pour les réordonner.

“Dès que tu peux, va voir Costanza, dis-lui que tu as un fait un malaise mais que tout va bien, même si ce n’est pas vrai. Tu sais combien cette femme est bavarde, je ne voudrais pas qu’elle aille raconter partout que tu ne reconnais plus ta fille”. Ce fut la dernière recommandation d’Elisa avant de la laisser et c’est à partir de là qu’Elga voulut recommencer à reconstituer les évènements.

La voisine n’avait pas hésité à reconnaître Rea comme sa fille. Si elle était victime d’un complot ourdi par sa mère et le médecin, pour des raisons qu’elle n’arrivait pas à deviner, Costanza en aurait été exclue. En outre, Elisa lui avait dit avoir accompagné la petite à l’école ce matin-là et ceci signifierait l’implication d’autres personnes dans la mise en scène, s’il s’agissait de cela. Était-il possible qu’autant de personnes se soient accordées pour se moquer d’elle? Et dans quel but?

Elle n’en avait aucune idée, et pourtant… La seule alternative plausible lui semblait encore plus insensée. Elga ne nourrissait aucun doute quant à l’authenticité de ses souvenirs, elle était certaine de ne pas avoir perdu la tête et, en se le répétant, comprit la nécessité de le prouver au monde, parce que dans le cas contraire… Et bien, dans ce cas, elle deviendrait vraiment folle.

Réfléchis, se dit-elle en cherchant une solution. Pour commencer, il lui fallait des preuves de l’existence de Martina, sa seule vraie fille, que tous semblaient avoir écartée. Instinctivement, elle courut recontrôler les photos alignées sur le manteau de la cheminée. Elle espéra un instant qu’elles seraient redevenues normales, mais l’image de la fillette brune revint blesser son regard. C’était toujours elle qui occupait indignement la place de sa fille sur les clichés et elle paraissait même la défier de ses grands yeux bleus. Elle prit acte du fait que c’était une voie sans issue et dirigea son attention ailleurs.

Elle commença à fouiller partout, cherchant désespérément quelque chose qui ait conservé une trace de son existence. Elle courut vers le buffet et chercha la tasse de Blanche-Neige, celle qu’elle avait fait personnaliser avec son prénom et remplie de bonbons pour fêter la réussite de son année.

“Rea”, lut-elle avec horreur. Elle la jeta au sol et se précipita vers la salle de bain. Elle inspecta l’armoire pour y récupérer deux serviettes sur lesquelles elle avait fait broder les initiales de la fillette.

“R. L.” Elle les jeta en l’air et poursuivit.

Fébrile, elle sortit de vieux albums photos, des cartes de vœux reçues de Martina, des dessins, des travaux scolaires… Rien! Le prénom et l’image de Rea s’affichaient partout.

Après avoir retourné une bonne partie de la maison de long en large, la femme s’obligea à affronter la dernière pièce, celle qui avait exercé sur elle un appel irrésistible dès son réveil, mais qui la terrorisait tout autant.

Elle ouvrit prudemment la porte et entra à petits pas. Son regard tomba immédiatement sur le lit. La poupée manquait, exactement comme le matin précédent. Elga tenta de ne pas y penser et poursuivit sa recherche, attentive à ne rien casser cette fois et à remettre à sa place chaque objet examiné. La petite chambre semblait parfaitement en ordre, mais le fait que le sac à dos de Martina n’était plus à sa place ne lui échappa pas, signe évident que sa mère était visiblement passée par là. En vain, elle examina les initiales imprimées sur le sac que la petite emmenait à l’école de danse, la signature sur quelques vieux cahiers, les petites lettres en bois pendues à un mur et qui composaient son prénom.

Ce fut lorsqu’elle examina le contenu des tiroirs qu’elle le remarqua. Au début, elle entendit une sorte de bourdonnement ténu provenant du sol. Elle se pencha pour regarder sous la chaise et la vit. La poupée était là, sur le dos, étendue sur le carrelage. Le bruit étrange semblait provenir de son buste. L’esprit d’Elga pensa instinctivement à certaines poupées très en vogue dans son enfance, capables de parler ou de chanter grâce à des disques qui s’inséraient dans leur dos. Lorsque la voix se taisait et qu’on ne les arrêtait pas, elles continuaient à tourner à vide en émettant un craquement agaçant. Elle frissonna. Sa poupée n’était pas dotée d’un tel mécanisme et ne pouvait émettre aucun son.

Avec beaucoup de précaution, elle l’effleura puis la tira délicatement à elle. L’incroyable ressemblance avec Rea l’atteignit à nouveau comme un coup à l’estomac. Elle éprouva de la nausée à la seule idée de la toucher encore; elle prit deux profondes respirations et rassembla son courage. Elle l’attrapa et, après l’avoir retournée, souleva sa robe. Elle examina le dos à la recherche d’une improbable tirette ou autre ouverture.

Crétine! se dit-elle. Il était clair qu’il n’y avait rien et pourtant, il lui sembla encore entendre le bourdonnement en la manipulant. Elle fut prise d’un sentiment d’horreur qui lui tordit les intestins. Sans réfléchir, elle se leva d’un bond, enferma la poupée dans l’armoire et retourna se réfugier dans la cuisine.

Reborn

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