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CHAPITRE UN

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Andronicus parcourait fièrement la cité royale des McCloud, en compagnie de centaines de ses généraux. Il traînait derrière lui son bien le plus précieux : le Roi McCloud lui-même, dépouillé de son armure, à moitié nu, son corps velu débordant de bourrelets et entravé par des liens. Une corde nouée autour de ses poignets le retenait attaché à la selle de son triomphateur.

Andronicus se délectait de sa victoire. Son destrier marchait au pas, tirant McCloud à travers les rues, sur les galets, dans la poussière qui se soulevait sur son passage. Le peuple se pressait autour d'eux, bouche bée. Le souverain déchu criait et se tordait de douleur, exposé comme un trophée dans les rues de sa propre cité. Andronicus rayonnait. Autour de lui, il n’apercevait que des visages déformés par la peur. Voilà votre ancien Roi, maintenant le plus humble des esclaves. De la mémoire de Andronicus, c'était une des plus belles journées de sa vie.

Il avait été surpris de prendre la ville aussi facilement. Sans doute, le désespoir et l’état d’accablement de ses adversaires lui avaient mâché le travail, avant même le début de l’assaut. Les troupes impériales avaient anéanti toute résistance en l'espace d'un coup de tonnerre : ses soldats, chargeant l'ennemi, l'avaient emportée sur les quelques hommes d'armes assez vifs pour se défendre, puis ils avaient envahi la cité en un clin d'œil. Leurs adversaires avaient dû comprendre qu'il était inutile de résister. Tous avaient déposé leurs armes, en espérant que leur triomphateur les ferait prisonniers suite à leur reddition.

C'était mal connaître le grand Andronicus. Il méprisait toute capitulation et ne faisait pas de prisonniers. Qu'ils baissent leurs armes ! Cela n'avait fait que lui rendre la tâche plus facile.

Le sang inondait les rues de la ville, à mesure que les troupes impériales sillonnaient les allées, les ruelles, massacrant tout homme sur leur passage. Les femmes et les enfants seraient réduits en esclavage, comme toujours. Les soldats pillaient les maisons, l’une après l’autre.

Comme Andronicus parcourait lentement les rues, en contemplant son triomphe, il apercevait ça et là les cadavres, les butins entassés et les foyers détruits. Il adressa un hochement de tête à l'un de ses officiers. Celui-ci leva immédiatement une torche enflammée et fit signe à ses hommes. Des centaines d'entre eux se dispersèrent à travers la ville, en incendiant les toits de chaume. Des flammes s'élevèrent pour lécher le ciel. Où il se tenait, Andronicus sentait déjà leur chaleur sur sa peau.

– NON ! cria McCloud, qui s'agitait par terre, derrière lui.

Le sourire de son triomphateur s'élargit. Il poursuivit sa route, en prenant soin de passer par-dessus un caillou particulièrement gros. Il entendit un bruit sourd très satisfaisait et sut que le corps de McCloud avait heurté l'obstacle.

Quel plaisir de voir la cité brûler ! Comme il l'avait fait dans chacune des villes conquises, Andronicus commencerait par tout raser, puis il reconstruirait avec ses hommes, ses généraux et son Empire. Aucune trace de l'ancien ne devait subsister. Andronicus bâtissait un nouveau monde. Le monde de Andronicus.

L'Anneau, l'Anneau sacré qui avait échappé à tous ses ancêtres, faisait maintenant partie de son territoire. Il réalisait à peine l’étendue de son exploit. Il prit de profondes inspirations, tout en songeant à quel point il était grand. Bientôt, il traverserait les Highlands et conquerrait l'autre moitié de l'Anneau. Il n'y aurait alors sur cette planète plus aucune terre que son pied n'aurait pas foulée.

Andronicus dirigea sa monture vers l'imposante statue de McCloud, au milieu de la grande place, et s'arrêta devant elle. Haute de quinze mètres, en marbre, elle se dressait comme un autel sacré. Elle représentait une version du Roi que Andronicus ne reconnut pas – un McCloud jeune, mince, musclé, brandissant fièrement une épée. Une démonstration de son égocentrisme – quelque chose que Andronicus admirait chez lui. Une partie de lui eut envie de ramener la statue dans son domaine, pour l'exposer dans son palais comme un trophée.

Mais il éprouvait également du dégoût. Sans réfléchir davantage, il se pencha pour saisir sa fronde – trois fois plus grande que celle de tout autre homme et qui pouvait lancer des galets de grande taille –, prit son élan et tira une pierre de toutes ses forces.

Le galet fila dans les airs et heurta la tête de la statue qui se brisa en plusieurs morceaux, laissant le reste de son corps décapité. Andronicus poussa un cri, leva son fléau à deux mains, chargea et frappa de toute sa rage.

Le torse de la statue se renversa, puis s'écrasa au sol, explosant dans un grand fracas. Andronicus fit alors volter son cheval et s'assura d'écorcher le corps de McCloud en le traînant sur les tessons.

– Tu vas payer pour ça ! s'écria faiblement son prisonnier à l'agonie.

Andronicus éclata de rire. Il avait rencontré bien des hommes au cours de sa vie, mais celui-ci lui semblait le plus pathétique de tous.

– Vraiment ? hurla-t-il.

Ce McCloud était trop borné. Il ne mesurait pas encore la puissance du grand Andronicus. Il faudrait lui donner une leçon, une bonne fois pour toutes.

Andronicus balaya la ville du regard et ses yeux tombèrent sur ce qui était certainement le château de McCloud. Il éperonna sa monture et partit au galop, ses hommes sur ses talons, traînant son prisonnier à travers la cour poussiéreuse.

Il chevaucha jusqu'aux escaliers, hauts de plusieurs dizaines de marches en marbre, le corps de McCloud cahotant derrière lui, criant et gémissant à chaque pas. Sans descendre de cheval, Andronicus monta jusqu’au seuil. Ses soldats se tenaient déjà au garde-à-vous devant les portes, les cadavres ensanglantés des précédents gardiens à leurs pieds. Andronicus sourit avec satisfaction en voyant que, déjà, chaque recoin de la cité lui appartenait.

Il passa les portes du château, longea un couloir sous une voûte d’ogives de marbre, s'émerveillant devant les excès de ce Roi McCloud. Visiblement, pour son propre plaisir, celui-là ne s'était refusé aucune dépense. Aujourd'hui, son heure était venue.

Andronicus et ses hommes suivirent les couloirs, le bruit des sabots retentissant entre les murs, jusqu'à trouver la salle du trône. Ils ouvrirent à la volée les grandes portes en chêne et s'avancèrent jusqu'au trône obscène tout en or qui se dressait au milieu de la pièce.

Andronicus mit pied à terre, monta lentement les marches dorées et s'assit sur le trône.

Il prit une grande inspiration et balaya du regard ses officiers, qui attendaient les ordres sur le dos de leurs chevaux, et ce McCloud ensanglanté, toujours attaché à sa monture, qui éructait des grognements. Il promena ses yeux dans la pièce, examina les murs, bannières, armes et armures. Il baissa le regard vers ce trône et admira la qualité de l'ouvrage. Il songea à le faire fondre… Mais peut-être le ramènerait-il plutôt chez lui. Peut-être l’offrirait-il à l'un de ses généraux.

Bien sûr, ce siège était bien peu de choses comparé au trône de Andronicus, le plus massif et le plus impressionnant de tous les trônes, un trône qui avait demandé quarante années de travail à vingt artisans. Sa construction avait commencé sous le règne de son père et s'était achevée le jour où Andronicus avait assassiné ce dernier. Une merveilleuse coïncidence.

Andronicus baissa les yeux vers McCloud, ce petit humain pathétique… Quel serait le meilleur moyen de le faire souffrir ? Il examina la forme et la taille de son crâne et songea qu'il aimerait faire réduire sa tête pour la porter en collier, avec les autres ornant déjà son cou. Avant de le tuer, il faudrait attendre que McCloud maigrisse et qu'il perde le gras de ses joues. L’effet autour de son cou serait alors plus extraordinaire. Andronicus ne voulait pas qu'un visage gros et dodu gâche l'harmonie de son collier. Oui, il laisserait McCloud vivre quelques temps et le torturerait en attendant, songea-t-il en souriant intérieurement. C'était une très bonne idée.

– Amenez-le-moi, ordonna-t-il à l'un de ses officiers d’un grognement profond et ancien.

L’homme qu’il désignait sauta à bas de sa monture sans une once d'hésitation, se précipita vers McCloud, coupa ses liens et tira le corps ensanglanté sur le carrelage, laissant une traînée rouge sur son passage. Il le jeta aux pieds de Andronicus.

– Vous ne vous en tirerez pas comme ça ! marmonna faiblement le prisonnier.

Andronicus secoua la tête : cet humain n'apprendrait donc jamais !

– Me voilà assis sur ton trône, dit-il. Et te voilà à mes pieds. Je pense qu’il est assez raisonnable de dire que je peux m’en tirer comme ça. Et c'est déjà fait.

McCloud gémissait et se tortillait.

– Mon premier commandement, dit Andronicus, sera de t’ordonner de rendre l’hommage que tu dois à ton nouveau roi et maître. Approche-toi, à présent. Tu auras l'honneur d'être le premier à t'agenouiller devant moi dans mon nouveau royaume, le premier à baiser ma main et à m'appeler souverain de ce qui fut autrefois la moitié McCloud de l'Anneau.

McCloud leva les yeux, se redressa pour se tenir à quatre pattes et siffla :

– Jamais !

Pour accompagner ces mots, il se retourna et cracha par terre.

Andronicus se renversa sur son trône et éclata de rire. Tout ceci lui plaisait follement. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas rencontré d'humain aussi obstiné !

Il se tourna et adressa à ses soldats un hochement de tête. L’un d’eux saisit McCloud par derrière, pendant qu'un autre l’attrapait par la tête. Un troisième fit un pas en avant, un long rasoir à la main. À sa vue, le prisonnier voulut se débattre, apeuré.

– Que faites-vous ? demanda-t-il, paniqué, sa voix soudain très aiguë.

L'homme se pencha et rasa en quelques gestes la moitié de la barbe de McCloud qui leva des yeux écarquillés, visiblement très surpris qu’on ne lui ait pas fait de mal.

Andronicus hocha la tête et un quatrième larron s'avança avec un long tisonnier, au bout duquel était gravé l'emblème du royaume de Andronicus – un lion avec un oiseau dans la bouche. Il étincelait d'une lueur orangée, incandescente. Pendant que les autres maintenaient le prisonnier au sol, l'homme abaissa le tisonnier sur la joue maintenant imberbe.

– NON ! hurla McCloud d’une voix stridente quand il comprit.

Mais c'était trop tard.

Un terrible cri perça les airs, accompagné d'un sifflement et d’une odeur de chair brûlée. Andronicus regarda avec joie le tisonnier s'enfoncer dans la joue de son prisonnier. Le chuintement s’accentua et les cris devinrent presque intolérables.

Enfin, bien dix secondes plus tard, les hommes lâchèrent McCloud.

Celui-ci se vautra, inconscient, la bave aux lèvres. De la fumée s'élevait de son visage. Sa joue portait maintenant l'emblème de Andronicus, inscrit au fer dans la chair.

Andronicus se pencha, baissa les yeux vers l'inconscient McCloud, admirant le travail.

– Bienvenue dans l'Empire.

Une Promesse De Gloire

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