Читать книгу LUPIN: Les aventures complètes - Морис Леблан - Страница 74

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Lupin lança violemment ses deux poings de droite et de gauche, puis les ramena sur sa poitrine, puis les lança de nouveau, et de nouveau les ramena.

Ce mouvement, qu’il exécuta trente fois de suite, fut remplacé par une flexion du buste en avant et en arrière, laquelle flexion fut suivie d’une élévation alternative des jambes, puis d’un moulinet alternatif des bras.

Cela dura un quart d’heure, le quart d’heure qu’il consacrait chaque matin, pour dérouiller ses muscles, à des exercices de gymnastique suédoise.

Ensuite, il s’installa devant sa table, prit des feuilles de papier blanc qui étaient disposées en paquets numérotés, et, pliant l’une d’elles, il en fit une enveloppe – ouvrage qu’il recommença avec une série de feuilles successives.

C’était la besogne qu’il avait acceptée et à laquelle il s’astreignait tous les jours, les détenus ayant le droit de choisir les travaux qui leur plaisaient : collage d’enveloppes, confection d’éventails en papier, de bourses en métal, etc.

Et de la sorte, tout en occupant ses mains à un exercice machinal, tout en assouplissant ses muscles par des flexions mécaniques, Lupin ne cessait de songer à ses affaires.

Le grondement des verrous, le fracas de la serrure…

– Ah ! C’est vous, excellent geôlier. Est-ce la minute de la toilette suprême, la coupe de cheveux qui précède la grande coupe finale ?

– Non, fit l’homme.

– L’instruction, alors ? La promenade au Palais ? Ça m’étonne, car ce bon M. Formerie m’a prévenu ces jours-ci que, dorénavant, et par prudence, il m’interrogerait dans ma cellule même – ce qui, je l’avoue, contrarie mes plans.

– Une visite pour vous, dit l’homme d’un ton laconique.

« Ça y est », pensa Lupin.

Et tout en se rendant au parloir, il se disait :

« Nom d’un chien, si c’est ce que je crois, je suis un rude type ! En quatre jours, et du fond de mon cachot, avoir mis cette affaire-là debout, quel coup de maître ! »

Munis d’une permission en règle, signée par le Directeur de la première division à la Préfecture de police, les visiteurs sont introduits dans les étroites cellules qui servent de parloirs. Ces cellules, coupées au milieu par deux grillages, que sépare un intervalle de cinquante centimètres, ont deux portes, qui donnent sur deux couloirs différents. Le détenu entre par une porte, le visiteur par l’autre. Ils ne peuvent donc ni se toucher, ni parler à voix basse, ni opérer entre eux le moindre échange d’objets. En outre, dans certains cas, un gardien peut assister à l’entrevue.

En l’occurrence, ce fut le gardien-chef qui eut cet honneur.

– Qui diable a obtenu l’autorisation de me faire visite ? s’écria Lupin en entrant. Ce n’est pourtant pas mon jour de réception.

Pendant que le gardien fermait la porte, il s’approcha du grillage et examina la personne qui se tenait derrière l’autre grillage et dont les traits se discernaient confusément dans la demi-obscurité.

– Ah ! fit-il avec joie, c’est vous, monsieur Stripani ! Quelle heureuse chance !

– Oui, c’est moi, mon cher prince.

– Non, pas de titre, je vous en supplie, cher monsieur. Ici, j’ai renoncé à tous ces hochets de la vanité humaine. Appelez-moi Lupin, c’est plus de situation.

– Je veux bien, mais c’est le prince Sernine que j’ai connu, c’est le prince Sernine qui m’a sauvé de la misère et qui m’a rendu le bonheur et la fortune, et vous comprendrez que, pour moi, vous resterez toujours le prince Sernine.

– Au fait ! Monsieur Stripani… Au fait ! Les instants du gardien-chef sont précieux, et nous n’avons pas le droit d’en abuser. En deux mots, qu’est-ce qui vous amène ?

– Ce qui m’amène ? Oh ! Mon Dieu, c’est bien simple. Il m’a semblé que vous seriez mécontent de moi si je m’adressais à un autre qu’à vous pour compléter l’œuvre que vous avez commencée. Et puis, seul, vous avez eu en mains tous les éléments qui vous ont permis, à cette époque, de reconstituer la vérité et de concourir à mon salut. Par conséquent, seul, vous êtes à même de parer au nouveau coup qui me menace. C’est ce que M. le Préfet de police a compris lorsque je lui ai exposé la situation…

– Je m’étonnais, en effet, qu’on vous eût autorisé…

– Le refus était impossible, mon cher prince. Votre intervention est nécessaire dans une affaire où tant d’intérêts sont en jeu, et des intérêts qui ne sont pas seulement les miens, mais qui concernent les personnages haut placés que vous savez…

Lupin observait le gardien du coin de l’œil. Il écoutait avec une vive attention, le buste incliné, avide de surprendre la signification secrète des paroles échangées.

– De sorte que ?… demanda Lupin.

– De sorte que, mon cher prince, je vous supplie de rassembler tous vos souvenirs au sujet de ce document imprimé, rédigé en quatre langues, et dont le début tout au moins avait rapport…

Un coup de poing sur la mâchoire, un peu en dessous de l’oreille… le gardien-chef chancela deux ou trois secondes, et, comme une masse, sans un gémissement, tomba dans les bras de Lupin.

– Bien touché, Lupin, dit celui-ci. C’est de l’ouvrage proprement « faite ». Dites donc, Steinweg, vous avez le chloroforme ?

– êtes-vous sûr qu’il est évanoui ?

– Tu parles ! Il en a pour trois ou quatre minutes… mais ça ne suffirait pas.

L’Allemand sortit de sa poche un tube de cuivre qu’il allongea comme un télescope, et au bout duquel était fixé un minuscule flacon.

Lupin prit le flacon, en versa quelques gouttes sur un mouchoir, et appliqua ce mouchoir sous le nez du gardien-chef.

– Parfait !… Le bonhomme a son compte… J’écoperai pour ma peine huit ou quinze jours de cachot… Mais ça, ce sont les petits bénéfices du métier.

– Et moi ?

– Vous ? Que voulezvous qu’on vous fasse ?

– Dame ! Le coup de poing…

– Vous n’y êtes pour rien.

– Et l’autorisation de vous voir ? C’est un faux, tout simplement.

– Vous n’y êtes pour rien.

– J’en profite.

– Pardon ! Vous avez déposé avant-hier une demande régulière au nom de Stripani. Ce matin, vous avez reçu une réponse officielle. Le reste ne vous regarde pas. Mes amis seuls, qui ont confectionné la réponse, peuvent être inquiétés. Va-t’en voir s’ils viennent !…

– Et si l’on nous interrompt ?

– Pourquoi ?

– On a eu l’air suffoqué, ici, quand j’ai sorti mon autorisation de voir Lupin. Le directeur m’a fait venir et l’a examinée dans tous les sens. Je ne doute pas que l’on téléphone à la Préfecture de police.

– Et moi j’en suis sûr.

– Alors ?

– Tout est prévu, mon vieux. Ne te fais pas de bile, et causons. Je suppose que, si tu es venu ici, c’est que tu sais ce dont il s’agit ?

– Oui. Vos amis m’ont expliqué…

– Et tu acceptes ?

– L’homme qui m’a sauvé de la mort peut disposer de moi comme il l’entend. Quels que soient les services que je pourrai lui rendre, je resterai encore son débiteur.

– Avant de livrer ton secret, réfléchis à la position où je me trouve… prisonnier impuissant…

Steinweg se mit à rire :

– Non, je vous en prie, ne plaisantons pas. J’avais livré mon secret à Kesselbach parce qu’il était riche et qu’il pouvait, mieux qu’un autre, en tirer parti ; mais, tout prisonnier que vous êtes, et tout impuissant, je vous considère comme cent fois plus fort que Kesselbach avec ses cent millions.

– Oh ! Oh !

– Et vous le savez bien ! Cent millions n’auraient pas suffi pour découvrir le trou où j’agonisais, pas plus que pour m’amener ici, pendant une heure, devant le prisonnier impuissant que vous êtes. Il faut autre chose. Et cette autre chose, vous l’avez.

– En ce cas, parle. Et procédons par ordre. Le nom de l’assassin ?

– Cela, impossible.

– Comment, impossible ? Mais puisque tu le connais et que tu dois tout me révéler.

– Tout, mais pas cela.

– Cependant…

– Plus tard.

– Tu es fou ! Mais pourquoi ?

– Je n’ai pas de preuves. Plus tard, quand vous serez libre, nous chercherons ensemble. À quoi bon d’ailleurs ! Et puis, vraiment, je ne peux pas.

– Tu as peur de lui ?

– Oui.

– Soit, dit Lupin. Après tout, ce n’est pas cela le plus urgent. Pour le reste, tu es résolu à parler ?

– Sur tout.

– Eh bien ! Réponds. Comment s’appelle Pierre Leduc ?

– Hermann IV, grand-duc de Deux-Ponts-Veldenz, prince de Berncastel, comte de Fistingen, seigneur de Wiesbaden et autres lieux.

Lupin eut un frisson de joie, en apprenant que, décidément, son protégé n’était pas le fils d’un charcutier.

– Fichtre ! murmura-t-il, nous avons du titre !… Autant que je sache, le grand-duché de Deux-Ponts-Veldenz est en Prusse ?

– Oui, sur la Moselle. La maison de Veldenz est un rameau de la maison Palatine de Deux-Ponts. Le grand-duché fut occupé par les Français après la paix de Lunéville, et fit partie du département du Mont-Tonnerre. En 1814, on le reconstitua au profit d’Hermann 1er, bisaïeul de notre Pierre Leduc. Le fils, Hermann II, eut une jeunesse orageuse, se ruina, dilapida les finances de son pays, se rendit insupportable à ses sujets qui finirent par brûler en partie le vieux château de Veldenz et par chasser leur maître de ses états. Le grand-duché fut alors administré et gouverné par trois régents, au nom de Hermann II, qui, anomalie assez curieuse, n’abdiqua pas et garda son titre de grand-duc régnant. Il vécut assez pauvre à Berlin, plus tard fit la campagne de France, aux côtés de Bismarck dont il était l’ami, fut emporté par un éclat d’obus au siège de Paris, et, en mourant, confia à Bismarck son fils Hermann… Hermann III.

– Le père, par conséquent, de notre Leduc, dit Lupin.

– Oui. Hermann III fut pris en affection par le chancelier qui, à diverses reprises, se servit de lui comme envoyé secret auprès de personnalités étrangères. À la chute de son protecteur, Hermann III quitta Berlin, voyagea et revint se fixer à Dresde. Quand Bismarck mourut, Hermann III était là. Lui-même mourait deux ans plus tard. Voilà les faits publics, connus de tous en Allemagne, voilà l’histoire des trois Hermann, grands-ducs de Deux-Ponts-Veldenz au XIXe siècle.

– Mais le quatrième, Hermann IV, celui qui nous occupe ?

– Nous en parlerons tout à l’heure. Passons maintenant aux faits ignorés.

– Et connus de toi seul, dit Lupin.

– De moi seul, et de quelques autres.

– Comment, de quelques autres ? Le secret n’a donc pas été gardé ?

– Si, si, le secret est bien gardé par ceux qui le détiennent. Soyez sans crainte, ceux-là ont tout intérêt, je vous en réponds, à ne pas le divulguer.

– Alors ! Comment le connais-tu ?

– Par un ancien domestique et secrétaire intime du grand-duc Hermann, dernier du nom. Ce domestique, qui mourut entre mes bras au Cap, me confia d’abord que son maître s’était marié clandestinement et qu’il avait laissé un fils. Puis il me livra le fameux secret.

– Celui-là même que tu dévoilas plus tard à Kesselbach ?

– Oui.

– Parle.

À l’instant même où il disait cette parole, on entendit un bruit de clef dans la serrure.

LUPIN: Les aventures complètes

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