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L’homme noir

Table des matières

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En cet instant, Arsène Lupin eut l’impression, la certitude, qu’il avait été attiré dans un guet-apens, par des moyens qu’il n’avait pas le loisir de discerner, mais dont il devinait l’habileté et l’adresse prodigieuses.

Tout était combiné, tout était voulu : l’éloignement de ses hommes, la disparition ou la trahison des domestiques, sa présence même dans la maison de Mme Kesselbach.

évidemment tout cela avait réussi au gré de l’ennemi, grâce à des circonstances heureuses jusqu’au miracle – car enfin il aurait pu survenir avant que le faux message ne fît partir ses amis. Mais alors c’était la bataille de sa bande à lui contre la bande Altenheim. Et Lupin, se rappelant la conduite de Malreich, l’assassinat d’Altenheim, l’empoisonnement de la folle à Veldenz, Lupin se demanda si le guet-apens était dirigé contre lui seul, et si Malreich n’avait pas entrevu comme possibles une mêlée générale et la suppression de complices qui, maintenant, le gênaient.

Intuition plutôt chez lui, idée fugitive qui l’effleura. L’heure était à l’action. Il fallait défendre Dolorès dont l’enlèvement, en toute hypothèse, était la raison même de l’attaque.

Il entrebâilla la fenêtre de la rue, et braqua son revolver. Un coup de feu, l’alarme donnée dans le quartier, et les bandits s’enfuiraient.

« Eh bien ! Non, murmura-t-il, non. Il ne sera pas dit que j’aurai esquivé la lutte. L’occasion est trop belle… Et puis qui sait s’ils s’enfuiraient ! Ils sont en nombre et se moquent des voisins. »

Il rentra dans la chambre de Dolorès. En bas, du bruit. Il écouta, et, comme cela provenait de l’escalier, il ferma la serrure à double tour.

Dolorès pleurait et se convulsait sur le divan.

Il la supplia :

– Avez-vous la force ? Nous sommes au premier étage. Je pourrais vous aider à descendre… Des draps à la fenêtre…

– Non, non, ne me quittez pas… Ils vont me tuer… Défendez-moi.

Il la prit dans ses bras et la porta dans la chambre voisine. Et, se penchant sur elle :

– Ne bougez pas et soyez calme. Je vous jure que, moi vivant, aucun de ces hommes ne vous touchera.

La porte de la première chambre fut ébranlée. Dolorès s’écria, en s’accrochant à lui :

– Ah ! Les voilà… les voilà… Ils vous tueront… vous êtes seul…

Il lui dit ardemment :

– Je ne suis pas seul : vous êtes là… vous êtes là près de moi.

Il voulut se dégager. Elle lui saisit la tête entre ses deux mains, le regarda profondément dans les yeux, et murmura :

– Où allez-vous ? Qu’allez-vous faire ? Non ne mourez pas, je ne veux pas, il faut vivre… il le faut…

Elle balbutia des mots qu’il n’entendit pas et qu’elle semblait étouffer entre ses lèvres pour qu’il ne les entendît point, et, à bout d’énergie, exténuée, elle retomba sans connaissance.

Il se pencha sur elle, et la contempla un instant. Doucement il effleura ses cheveux d’un baiser.

Puis il retourna dans la première chambre, ferma soigneusement la porte qui séparait les deux pièces et alluma l’électricité.

– Minute, les enfants ! cria-t-il. Vous êtes donc bien pressés de vous faire démolir ?… Vous savez que c’est Lupin qui est là ? Gare la danse !

Tout en parlant il avait déplié un paravent de façon à cacher le sofa où reposait tout à l’heure Mme Kesselbach, et il avait jeté sur ce sofa des robes et des couvertures.

La porte allait se briser sous l’effort des assaillants.

– Voilà ! J’accours ! Vous êtes prêts ? Eh bien ! Au premier de ces messieurs !

Rapidement, il tourna la clef et tira le verrou.

Des cris, des menaces, un grouillement de brutes haineuses dans l’encadrement de la porte ouverte.

Et pourtant nul n’osait avancer. Avant de se ruer sur Lupin, ils hésitaient, saisis d’inquiétude, de peur…

C’est là ce qu’il avait prévu.

Debout au milieu de la pièce, bien en lumière, le bras tendu, il tenait entre ses doigts une liasse de billets de banque avec lesquels il faisait, en les comptant un à un, sept parts égales. Et tranquillement, il déclarait :

– Trois mille francs de prime pour chacun si Lupin est envoyé ad patres ? C’est bien ça, n’est-ce pas, qu’on vous a promis ? En voilà le double.

Il déposa les paquets sur une table, à portée des bandits.

Le Brocanteur hurla :

– Des histoires ! Il cherche à gagner du temps. Tirons dessus !

Il leva le bras. Ses compagnons le retinrent. Et Lupin continuait :

– Bien entendu, cela ne change rien à votre plan de campagne. Vous vous êtes introduit ici : 1°pour enlever Mme Kesselbach ; 2°et accessoirement, pour faire main basse sur ses bijoux. Je me considérerais comme le dernier des misérables si je m’opposais à ce double dessein.

– Ah ! ça, où veux-tu en venir ? grogna le Brocanteur qui écoutait malgré lui.

– Ah ! Ah ! Le Brocanteur, je commence à t’intéresser. Entre donc, mon vieux… Entrez donc tous… Il y a des courants d’air au haut de cet escalier et des mignons comme vous risqueraient de s’enrhumer… Eh quoi ! Nous avons peur ? Je suis pourtant tout seul… Allons, du courage, mes agneaux.

Ils pénétrèrent dans la pièce, intrigués et méfiants.

– Pousse la porte, le Brocanteur on sera plus à l’aise. Merci, mon gros. Ah ! Je vois, en passant, que les billets de mille se sont évanouis. Par conséquent, on est d’accord. Comme on s’entend tout de même entre honnêtes gens !

– Après ?

– Après ? Eh bien ! Puisque nous sommes associés…

– Associés !

– Dame ! N’avez-vous pas accepté mon argent ? On travaille ensemble, mon gros, et c’est ensemble que nous allons : 1°enlever la jeune personne ; 2°enlever les bijoux.

Le Brocanteur ricana :

– Pas besoin de toi.

– Si mon gros.

– En quoi ?

– En ce que vous ignorez où se trouve la cachette aux bijoux, et que, moi, je la connais.

– On la trouvera.

– Demain. Pas cette nuit.

– Alors, cause. Qu’est-ce que tu veux ?

– Le partage des bijoux.

– Pourquoi n’as-tu pas tout pris, puisque tu connais la cachette ?

– Impossible de l’ouvrir seul. Il y a un secret, mais je l’ignore. Vous êtes là, je me sers de vous.

Le Brocanteur hésitait.

– Partager… partager… Quelques cailloux et un peu de cuivre peut-être…

– Imbécile ! Il y en a pour plus d’un million.

Les hommes frémirent, impressionnés.

– Soit, dit le Brocanteur, mais si la Kesselbach fiche le camp ? Elle est dans l’autre chambre, n’est-ce pas ?

– Non, elle est ici.

Lupin écarta un instant l’une des feuilles du paravent et laissa entrevoir l’amas de robes et de couvertures qu’il avait préparé sur le sofa.

– Elle est ici, évanouie. Mais je ne la livrerai qu’après le partage.

– Cependant…

– C’est à prendre ou à laisser. J’ai beau être seul. Vous savez ce que je vaux. Donc…

Les hommes se consultèrent et le Brocanteur dit :

– Où est la cachette ?

– Sous le foyer de la cheminée. Mais il faut, quand on ignore le secret, soulever d’abord toute la cheminée, la glace, les marbres, et tout cela d’un bloc, paraît-il. Le travail est dur.

– Bah ! Nous sommes d’attaque. Tu vas voir ça. En cinq minutes…

Il donna des ordres, et aussitôt ses compagnons se mirent à l’œuvre avec un entrain et une discipline admirables. Deux d’entre eux, montés sur des chaises, s’efforçaient de soulever la glace. Les quatre autres s’attaquèrent à la cheminée elle-même. Le Brocanteur, à genoux, surveillait le foyer et commandait :

– Hardi, les gars ! Ensemble, s’il vous plaît Attention ! Une, deux Ah ! Tenez, ça bouge.

Immobile, derrière eux, les mains dans ses poches, Lupin les considérait avec attendrissement, et, en même temps, il savourait de tout son orgueil, en artiste et en maître, cette épreuve si violente de son autorité, de sa force, de l’empire incroyable qu’il exerçait sur les autres. Comment ces bandits avaient-ils pu admettre une seconde cette invraisemblable histoire, et perdre toute notion des choses, au point de lui abandonner toutes les chances de la bataille ?

Il tira de ses poches deux grands revolvers, massifs et formidables, tendit les deux bras, et, tranquillement, choisissant les deux premiers hommes qu’il abattrait, et les deux autres qui tomberaient à la suite, il visa comme il eût visé sur deux cibles, dans un stand. Deux coups de feu à la fois, et deux encore…

Des hurlements… Quatre hommes s’écroulèrent les uns après les autres, comme des poupées au jeu de massacre.

– Quatre ôtés de sept, reste trois, dit Lupin. Faut-il continuer ?

Ses bras demeuraient tendus, ses deux revolvers braqués sur le groupe que formaient le Brocanteur et ses deux compagnons.

– Salaud ! gronda le Brocanteur, tout en cherchant une arme.

– Haut les pattes ! cria Lupin, ou je tire… Parfait ! Maintenant, vous autres, désarmez-le sinon…

Les deux bandits, tremblants de peur, paralysaient leur chef, et l’obligeaient à la soumission.

– Ligotez-le ! Ligotez-le, sacré nom ! Qu’est-ce que ça peut vous faire ? Moi parti, vous êtes tous libres… Allons, nous y sommes ? Les poignets d’abord avec vos ceintures… Et les chevilles. Plus vite que ça…

Désemparé, vaincu, le Brocanteur ne résistait plus. Tandis que ses compagnons l’attachaient, Lupin se baissa sur eux et leur assena deux terribles coups de crosse sur la tête. Ils s’affaissèrent.

– Voilà de la bonne besogne, dit-il en respirant. Dommage qu’il n’y en ait pas encore une cinquantaine… J’étais en train… Et tout cela avec une aisance, le sourire aux lèvres… Qu’en penses-tu, le Brocanteur ?

Le bandit maugréait. Il lui dit :

– Sois pas mélancolique, mon gros. Console-toi en te disant que tu coopères à une bonne action, le salut de Mme Kesselbach. Elle va te remercier elle-même de ta galanterie.

Il se dirigea vers la porte de la seconde chambre et l’ouvrit.

– Ah ! fit-il, en s’arrêtant sur le seuil, interdit, bouleversé.

La chambre était vide. Il s’approcha de la fenêtre, et vit une échelle appuyée au balcon, une échelle d’acier démontable.

– Enlevée… enlevée… murmura-t-il. Louis de Malreich Ah ! le forban…

LUPIN: Les aventures complètes

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