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III
Conte de l'epee enchantee

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Ivan se faisait sans se plaindre à sa nouvelle vie. Au début, il avait fort peu à faire. Mais par la suite, le tsar s'avisa qu'il n'était pas si bête que ça. Simplement, il avait fort peu d'instruction. Agaphon envoya donc son gendre étudier. Ivan se montra très doué pour les études. Il apprit très vite à lire et écrire et se mit à dévorer livre sur livre. Il fit des prodiges en diverses sciences et excella particulièrement en mathématiques et en navigation. Il apprit à diriger un navire, à tracer son chemin en se guidant sur les étoiles. Il se prit aussi de passion pour la chasse. Dès qu'il trouvait un moment, il courait dans la forêt traquer quelque gibier.

Tout le monde était très satisfait d'Ivan. Il apparut bientôt intelligent et instruit. Il n'offensait jamais personne. Les gens l'aimaient. Et tous se mirent à l'appeler désormais Ivan Tsarévitch.

Un jour, Ivan Tsarévitch partit à la chasse. Il s'élança imprudemment à la poursuite d'un renne et s'égara. Le soir le surprit perdu en pleine forêt. Ivan tenta bien d'appeler son cheval enchanté, mais Zlatibor n'entendit pas son appel étouffé par l'épaisseur des fourrés. Il lui fallut donc dormir dans les bois. Durant la nuit, son cheval soudainement effrayé par quelque bruit brisa les sangles et s'enfuit. Ivan perdit soudain courage.

Ivan vit le jour poindre et erra au hasard. Il pensait: "Si seulement je pouvais trouver un semblant d'allée ou croiser quelqu'un en chemin", – pensait-il. Il aperçoit au même moment au beau milieu de la forêt une petite izba. Aucune allée, aucun sentier n'y mène. Ivan approche de cette izba, jette un oeil par la fenêtre et reste pétrifié. Un énorme ours assis à table face au samovar prend tranquillement son thé!

Epouvanté, Ivan a le réflexe de fuir, mais l'ours l'a aperçu, l'a rattrapé et le traîne à l'intérieur de l'izba. Il dépose Ivan sur un banc et lui parle d'une voix très humaine:

– N'aie pas peur de moi, passant, et raconte-moi plutôt comment tu t'es retrouvé au fin fond de cette forêt profonde?

Surpris de ce qu'il entendait, Ivan raconta quand même comment il était arrivé à cet endroit de la forêt. L'ours, tout content d'avoir un visiteur, lui sert du thé, lui offre des confitures de framboises et du miel des bois. Plus il observe cet ours hospitalier, plus Ivan est étonné. Certes, il a l'apparence d'un ours, mais il se comporte tout comme un homme. Quand Ivan lui a tout raconté, il lui demande à son tour:

– Mais toi, quelle drôle d'animal es-tu donc? Pourquoi ne vis-tu pas dans une grotte plutôt que dans cette izba, comment se fait-il que tu boives du thé au lieu de te lécher les pattes?

A ces mots, l'ours s'assombrit et soupira, tête baissée:

– Tu as raison Ivan Tsarévitch. J'étais un homme autrefois, on m'appelait Vassilii. Je travaillais au service d'un magicien qu'il y avait dans la région. C'était un très bon magicien qui ne souhaitait de mal à personne. Son rêve secret était de réussir à fabriquer une épée à laquelle pas un seul ennemi ne pourrait jamais résister. De longues années durant, il a surveillé la cuisson de la potion magique. Où ne m'a-t-il seulement pas envoyé chercher pour lui ses chères herbes et racines! Ces expéditions étaient semées de dangers et d'aventures. Mais un beau jour, le magicien se mit à l'oeuvre pour réaliser la fameuse épée. Il saisit l'épée, voulut la plonger dans le chaudron, mais l'épée s'éparpilla en poussière! "Visiblement, c'est un mauvais artisan qui l'a fabriquée!" – conclut-il. Des quantités d'épées finirent ainsi dans son chaudron, jusqu'au moment tant attendu où l'une d'elles résista et ne s'effrita pas. Alors sa mixture se mit à faire d'énormes bulles, à bouillir et à donner sa force enchantée à l'épée. Trois jours durant la mixture resta en ébullition. Et tout ce temps le magicien resta à prononcer des formules secrètes au-dessus de ses chaudrons. La première formule pour que la lame soit solide et ne se brise jamais. La seconde pour que le tranchant reste toujours finement aiguisé. La troisième pour que jamais un point de rouille ne vienne souiller l'épée enchantée. Le magicien prononçait ces formules et bien d'autres encore. Il les répéta l'une après l'autre pendant trois jours sans arrêt. Il avait tellement envie d'avoir réalisé une très bonne épée. Au bout de trois jours, il sortit le chaudron du feu. L'épée devait avoir reçu toute la force enchantée. Le magicien la sortit du chaudron et comprit que sa magie avait pleinement réussi. L'épée s'était chargée de tant d'énergie qu'elle volait elle-même dans les mains. Le magicien brandit l'épée et fendit d'un geste un énorme chêne. C'était effectivement une excellente épée! mais le magicien comprit bientôt qu'il avait fait cuire beaucoup trop longtemps sa mixture, qu'entretemps il était devenu déjà si vieux et qu'il ne pourrait jamais venir à bout d'une si forte épée. Qu'il aurait été pourtant content, mais ses forces à lui avaient hélas déjà tant baissé! Il réfléchit donc à ce qu'il pourrait faire. Puis il décida d'offrir cette merveille d'épée à qui saurait l'utiliser à de nobles fins. Mais voilà, toute la question était à présent de trouver la bonne personne! Alors le magicien se rendit au pied d'un immense chêne qui se trouvait au coeur même de la forêt. Et il planta l'épée dans le tronc jusqu'à la garde. Puis il appliqua une formule terrible et très puissante. Dès lors, seul celui qui se servirait de cette épée à de nobles fins réussirait à la sortir du tronc. Mais celui qui tenterait de s'en saisir à des fins mauvaises serait changé en bête sauvage et serait condamné à passer la fin de sa vie dans la forêt. Nombreux ceux qui vinrent ici bien résolus à repartir avec l'épée, mais aucun n'y parvint jamais. De toute évidence, certains étaient faibles d'esprit et les autres manquaient de muscles. Certains furent transformés à vie en bêtes sauvages. Puis le temps passa. Le magicien devint si vieux qu'il se traînait à grand peine. Un beau jour, il m'appela et me dit: "Maintenant, l'heure est venue pour moi de mourir, mais je ne peux laisser l'épée sans surveillance. Moi, c'est fini, je ne suis plus capable de rien. Mais toi, qui es dans la fleur de l'âge, c'est à toi de prendre la relève". Ce disant, il me transforma en ours. J'étais fou furieux et voulais le déchirer en morceaux, mais il m'expliqua que je redeviendrai un homme le jour où le maître de l'épée enchantée serait venu la chercher. Enfin, cela fait déjà quarante ans que je vis ainsi, à garder l'épée au coeur de la forêt. Au début, des jeunes hommes valeureux venaient tenter leur chance avec cette épée, puis ils ont oublié jusqu'au chemin qui mène ici. Il y a tant d'années que je n'ai vu personne en ces lieux!

Contes de l'empire Primorskoie tsarstvo

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