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FABRICATION DE LA FAÏENCE

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Table des matières

Son usage, sa fabrication. — Le titre et les sous-titres que nous donnons à ce livre indiquent suffisamment. au lecteur le but que nous nous proposons: celui de l’initier promptement, non seulement aux procédés de fabrication des arts céramiques, mais encore à la connaissance rapide de leurs formes et de leurs décors, par les figures qui vont émailler notre texte. Donc, point de préface inutile.

Aimez-vous la muscade? On en a mis partout, disait un célèbre poète. Humble descendant de ce grand maître, adoptant cette phrase à notre sujet, nous dirons après lui: Aimez-vous la faïence? mettez-en partout! de la cuisine au vestibule; de la salle à manger au cabinet de travail, du salon à la chambre à coucher. En aucun lieu sa note brillante et gaie ne sera déplacée

Si la lourde et criarde faïence des fabriques secondaires se trouve à l’aise dans la cuisine et le vestibule; les faïences de Nevers, de Rouen, de Moustiers, de Delft, etc., plus sveltes de formes, plus chatoyantes de couleurs, s’étaleront complaisamment sur le fond sombre du papier de la salle à manger ou du cabinet de travail qu’elles égayeront de leurs reflets scintillants.

Fig. 1.


La porcelaine de Sèvres, par la texture fine et délicate de sa pâte, la richesse artistique de son décor, trônera en véritable souveraine sur les meubles du salon. Dans la transparente profondeur des glaces de Venise, se mirera coquettement, sortant de l’onde, la blanche nymphe en biscuit de Sèvres.

La vitrine placée dans la chambre à coucher renfermera les objets précieux: sujets en Saxe, miroirs, boîtes à mouches, tasses de Sèvres, en un mot tous les petits objets dont les fines et délicates décorations réclament les soins assidus de la dame du logis. Toute la céramique enfin, comme on le voit, a sa place marquée dans l’ornementation de nos demeures.

La plupart de ces objets, après avoir été affectés jadis aux usages domestiques et avoir subi les outrages et les brutalités de valets mécontents, viendront dorénavant, dans l’immobilité fixe, au clou qui les retient, jouir en paix d’un repos bien légitimement mérité.

Fig. 2.


C’est de ces précieux auxiliaires, ayant rendu tant de services à nos aïeux, faisant aujourd’hui nos délices, que nous allons essayer de vous retracer l’histoire, encore si peu connue, de la fabrication.

Les personnes étrangères aux arts céramiques ne se doutent guère que l’élément principal constituant la faïence n’est autre que de la terre calcaire ou marne, extraite dans des terrains principalement riches en sulfate de chaux (plâtre), ou en carbonate de chaux (pierres à chaux).

Pour que cette terre, que l’on trouve presque partout, devienne propre à fabriquer la faïence, il faut qu’elle contienne de la silice, de l’alumine, du carbonate de chaux et une certaine quantité d’oxyde de fer, et cela, dans des proportions déterminées auxquelles on arrive aisément en mélangeant différentes terres entre elles.

Fig. 3, 4, 5.


Nous n’entrerons pas dans les détails concernant leur extraction; cela nous importe peu, ce qu’il nous suffit de connaître, c’est la préparation à laquelle on soumettait ces terres pour les rendre propres à la fabrication de la faïence.

Prenons les terres charriées à l’usine; elles y restaient pendant quelque temps exposées aux intempéries de la pluie, du vent et du soleil, pour se bonifier, puis on les concassait et on les broyait soigneusement, afin de les mélanger plus intimement entre elles.

Ainsi préparées, les terres étaient mises au gâchage, c’est-à-dire réduites à l’état de bouillie claire avec de l’eau, puis passées au tamis pour leur enlever toutes les impuretés qu’elles contenaient.

Le liquide visqueux qu’on en obtenait était versé dans des fosses garnies en bois, parfaitement rainé ; là, abandonné à lui-même, après avoir été fortement remué, il se déposait en bouillie épaisse au fond de la fosse, laissant à sa superficie l’excédent d’eau qu’il n’avait pu absorber et dont on le débarrassait par écoulement.

Au bout de quelque temps, l’évaporation aidant, la terre devenue plus ferme était enlevée de la fosse dams des baquets, puis transportée sous des hangars aérés où elle achevait de sécher. Parvenue à un certain degré, on la mettait alors en cave, étant encore molle; là, elle conservait sa malléabilité.

Fig. 6.


Le séjour prolongé de la terre dans la cave lui faisait acquérir, par la fermentation, une souplesse et une élasticité qu’elle n’avait pas auparavant, et qui lui était indispensable pour l’exécution d’un bon travail.

Au moment de son emploi la terre était de nouveau soumise au malaxage, c’est-à-dire au marchage et pétrissage avec les pieds, puis à un battage réitéré, destiné à expulser les bulles d’air qui s’y trouvaient renfermées.

C’est dans cet état qu’elle était apte à recevoir, de la main du tourneur ou du modeleur, l’ébauche primitive de la forme que le tour devait achever de régulariser.

Ébauche de la forme. — La terre, après avoir été marchée, arrivait dans l’atelier du tourneur sous forme de ballons ou pains, que l’ouvrier pétrissait de nouveau avec la main, comme s’il se fût agi de faire une pâte feuilletée. Il la divisait ensuite en forme de petites balles destinées chacune à confectionner un objet.

Fig. 7.


Le tour mis en mouvement, l’ouvrier prenant de la main droite une de ces balles, la posait sur le tour; puis, enfonçant le pouce de la main gauche dans cette terre, il la refoulait et l’élargissait tour à tour par la pression suivant la forme qu’il voulait obtenir. De la main gauche, placée dans le vase ainsi monté, il donnait la régularité et l’uni aux contours extérieurs en appuyant légèrement contre la pièce un outil nommé estèque (espèce de calibre), dont il soutenait intérieurement la pression.

L’ébauche, une fois terminée, était détachée du tour à l’aide d’un fil de laiton que l’on passait vivement sur la girelle (planchette servant de support à l’objet placé sur le tour), pour faire place à une autre balle de terre qui, subissant à son tour la même opération, était ensuite mise à sécher sur des rayons.

Tournassage. — La pièce une fois arrivée au degré de dessiccation convenable, c’est-à-dire lorsqu’elle était apte à supporter le contact de l’outil (le tournassin), sans se briser, on la plaçait sur le mandrin du tour pour lui enlever les bavures et l’excédant d’épaisseur de terre qu’il avait fallu lui laisser, dans l’ébauche, pour qu’elle pût se tenir, sur les rayons, dans une position verticale, sans s’affaisser sur elle-même.

Fig. 8.


C’est entre les mains du tournasseur que l’objet acquérait de la légèreté et de l’élégance, suivant le goût, le savoir et le talent de l’ouvrier à qui ce travail était confié, et qui pouvait, à son gré, transformer la simple terre en un véritable objet d’art.

Les outils employés pour ce genre de travail étaient peu nombreux; quelques mandrins et tournassins (fig. 3 à 5), de formes différentes, un peu de corne pour polir, suffisaient amplement pour cette besogne.

Une fois la pièce bien assujettie sur le mandrin, on l’amincissait et découpait avec le tournassin pour la rendre svelte et légère, puis on la polissait ensuite avec la corne de manière à lui donner un brillant lisse et soyeux.

Fig. 9.


Fig. 10.


Fig. 11.


Parvenu à cet état, l’objet remis entre les mains du garnisseur recevait son complément de décoration, soit anse, oreille, soit bouton ou tout autre ornementation. On le portait alors se sécher complètement, avant sa mise au four, sur des rayons destinés à cet usage.

Fig. 12.


Fig. 13.


Du moulage. — Toutes les pièces ne passaient pas au tour. Il en était certaines que l’on confectionnait au moyen de moules, c’est ce qui avait lieu pour la faïence blanche ou plâtrerie recouverte d’un émail opaque.

On recourait pour cela à la tournette (fig. 2), instrument sur lequel se placent les moules A, qui servaient à confectionner les saladiers, les plats et les assiettes.

Fig. 14.


Fig. 15.


On préparait pour cela une certaine quantité de croûtes ou galettes; puis, ceci fait, mettant alors rapidement la tournette en mouvement, après y avoir ajusté le moule en plâtre, on y appliquait une croûte, sur laquelle, en appuyant légèrement le calibre B, ou un autre, la pression faisait alors prendre à la terre la forme intérieure du moule, et celle du calibre extérieur. Ceci fait, la tournette arrêtée, on enlevait le moule pour porter le tout se sécher sur les rayons, et on recommençait la même opération avec un nouveau moule. Quelques heures après la pièce étant sèche se détachait d’elle-même du moule, d’où elle était enlevée pour couper les bavures se trouvant sur les bords.

Fig. 16.


Fig. 17.


Le moulage des pièces ovales se faisait à la main, sur les genoux.

Les garnitures telles que les anses, les becs, les oreilles des plats et des vases, les fruits et les légumes servant de boutons, étaient moulés par pression et soudées au corps principal de la pièce à l’aide de barbotine ou terre délayée dans un peu d’eau, formant une bouillie un peu épaisse.

Du four. — La pièce arrivée à cet état, une fois complètement sèche, se trouvait prête à être mise au four.

Le four est, comme on le sait, l’agent principal de la fabrication. C’est par la chaleur qu’il dégage que la terre acquiert de la résistance, que les émaux blancs ou de couleurs la recouvrant s’y solidifient et s’y fixent par la vitrification des émaux, ce qui donne à l’objet ce brillant et cette couleur éclatante constituant le caractère tout particulier des faïences et des porcelaines.

De forme circulaire, terminée par une coupole demi-sphérique, la dimension du four variait suivant l’importance des établissements qu’il était appelé à desservir.

Les fours à allandiers (fig. 1), servaient à la cuisson des faïence fines et des porcelaines dures. La brique et la tuile, reliées entre elles par la terre grasse, étaient les seules matières employées à leur construction, la cuisson communiquait à toute cette masse de maçonnerie une grande solidité.

Le four se composait de cinq parties bien distinctes savoir: 1° le foyer I; 2° la bouche E; 3° la cave D; 4° la chambre ou laboratoire A; puis la cheminée F.

Fig. 18.


Le parquet de la chambre A, reposant sur la voûte de la cave, était percé de trous nommés carneaux C livrant passage à la flamme qui, chassée par l’air inférieur des bouches E, était aspirée par l’air supérieur de la cheminée F. Les flammes, passant alors par les ouvertures du plancher, léchant et caressant l’extérieur des murs et des cassettes ou manchons N, qu’elles faisaient rougir, opéraient la cuisson des objets en terre qui s’y trouvaient renfermés et vitrifiaient les émaux dont ils étaient couverts.

Une porte G, percée au-dessus d’un des foyers, donnait accès à la chambre et permettait l’encastage ou rangement des objets ainsi que leur défournement après leur cuisson.

Une fois la fournée préparée, cette porte était bouchée, puis lutée avec des briques et de l’argile, pour n’être rouverte qu’une fois la cuisson terminée.

La seule ouverture restant au four était la montre H, servant de regard pour suivre les progrès du feu.

La vue de notre figure 1 montre suffisamment les dispositions d’un four pour que nous puissions nous dispenser d’entrer dans d’autres détails.

Du combustible. — La cuisson au bois est la plus ancienne; sa flamme vive et claire, sa fumée transparente, l’emporte de beaucoup sur la houille, dont le feu rouge et la fumée bitumineuse, retombant en pluie noire et grasse, pénètre facilement à l’intérieur des cassettes et ternit la blancheur des objets qui y sont renfermés.

Pour ce qui est de la conduite du feu, c’est une affaire de métier dont nous n’avons pas à nous occuper ici: il nous suffira de dire, pour terminer ce chapitre, que le rangement des pièces dans les cassettes, tel qu’il est indiqué figure 1 (N.), se faisait par superposition, à l’aide de pernettes ou petits supports en terre; ce qui avait lieu pour les assiettes et les plats.

Cuisson. — Les objets destinés à la cuisson étaient de deux sortes: 1° Les objets en cours de fabrication; 2° ceux qui avaient déjà vu le feu une première fois.

Pour les objets en cours de fabrication, la première cuisson, ou cuisson du cru, improprement appelée biscuit, et qui n’était autre que le dégourdi de la terre, avait pour but de remédier à sa trop grande fragilité, de permettre à l’ouvrier de la manier sans crainte de la déformer ou de la voir se briser entre ses mains.

Fig. 19.


Ayant été dégourdi ou solidifié par le premier feu, il pouvait alors lui faire subir, sans crainte d’accident, l’opération du trempage ou mise en couverte.

Pour le dégourdi, comme il ne fallait qu’une faible chaleur (le mot l’indique suffisamment), les pièces étaient placées à l’étage supérieur du four B, tandis que celles terminées, ayant déjà subi le premier feu et reçus leur couverte ou émail, étaient placées dans les parties basses du four, directement en contact avec la plus forte chaleur.

De l’émail. — En possession du biscuit ou dégourdi, résultant de la terre soumise à une première et demi-cuisson, il s’agissait alors de recouvrir ce biscuit d’une couche d’émail devant lui communiquer sa blancheur et son éclat.

L’émail, composé de sable, de plomb et d’étain, était un verre rendu fusible à une basse température, qui devenait opaque par l’introduction de l’oxyde d’étain. Une fois cuit, on le concassait et broyait à l’eau, sous des meules, puis on en faisait une espèce de bouillie minérale (potée d’étain), dans laquelle on plongeait l’objet à l’état de biscuit; l’émail y adhérait aussitôt et ne tardait pas à s’y sécher, débarrassé de l’eau qu’il contenait, tant par l’évaporation que par l’absorption de l’humidité par le biscuit lui-même.

Cuisson de l’émail. — L’émail une fois sec, on décorait la pièce dont la couleur pénétrait à l’intérieur et formait ce que l’on appelait le décor sur cru. On soumettait de nouveau l’objet à une seconde et forte cuisson liquéfiant cet émail et le rendant opaque et brillant après son refroidissement.

Plus on désirait obtenir de degrés de chaleur, plus les pièces placées dans les cassettes se trouvaient rapprochées du parquet de la chambre. La cuisson terminée, le four refroidi, les objets défournés étaient alors prêts à être livrés à la vente, après avoir subi un triage préalable d’après lequel on réglait à l’ouvrier le prix de son salaire.

Fig. 20.


Des marques. — Pour éviter les nombreuses contestations qui auraient pu surgir dans le triage des pièces, les ouvriers, dans chaque fabrique, adoptaient une marque différente pour reconnaître leurs travaux une fois cuits: les uns y apposèrent, au revers, leurs initiales (fig. 12, 15, 16, 17); d’autres un signe particulier qui leur tut propre (fig. 13 et 14). Le mouleur y gravait des lettres en creux dans la pâte; le peintre les traçait au pinceau sur l’émail. Le propriétaire de la fabrique y mettait également la marque de sa maison (fig. 9, 10, 12, 15), de sorte qu’il n’y avait plus alors aucune discussion possible.

Fig. 21.


Les pièces dépourvues de marques sont probablement celles exécutées par des ouvriers payés à la journée et non aux pièces; pour celles-là, il était indifférent de savoir de quelles mains elles provenaient.

Fig. 21 bis.


Faïences, porcelaines et biscuits : fabrication, caractères, décors

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