Читать книгу De la cruauté religieuse - Paul Henri Thiry baron d' Holbach - Страница 6
SECTION III.
ОглавлениеDes cruautés religieuses que les hommes exercent sur eux-mêmes.
Après avoir, en peu de mots, exposé les opinions fatales que la plupart des hommes se font communément, soit des divinités, soit du Dieu qu'ils adorent, nous allons passer au second point, et nous examinerons les usages barbares et les rites cruels qu'ils ont souvent pratiqués dans leurs cultes divers.
Les pratiques de ces cultes doivent naturellement se conformer aux idées que les hommes se font de leurs divinités; d'ailleurs l'expérience le prouve. En effet les peuples s'étant généralement persuadés que leurs dieux, ou leur Dieu unique, étaient des Êtres cruels, leur culte s'est presque toujours senti de ces notions dangereuses.
Ces pieuses cruautés ont été exercées par les hommes, tantôt sur eux-mêmes, tantôt sur des animaux, tantôt sur les êtres de leur propre espèce.
Tout le monde connaît les étonnantes barbaries que les idolâtres et les payens, tant anciens que modernes, ont exercées sur eux-mêmes; le lecteur, pour peu qu'il soit instruit, ne peut manquer de s'en rappeler des exemples frappans, mais comme dans un autre ouvrage je me suis étendu sur ce sujet, je ne rapporterai ici que quelques traits, afin de passer à ceux que l'on rencontre parmi les chrétiens.
Il est vrai que les cruautés pratiquées par ces derniers ne paraissent pas au premier coup d'œil si révoltantes que celles des payens; on ne voit pas les chrétiens se précipiter, comme les Japonnais, tout vivans dans des abîmes; on ne voit pas des généraux chrétiens se dévouer à une mort certaine en se jetant au milieu d'une armée ennemie; on ne voit point parmi nous des hommes se briser contre des rochers, ou comme les Indiens se faire écraser sous les roues d'un chariot qui porte les dieux; cependant en regardant la chose de près nous trouverons les pratiques des chrétiens à plusieurs égards plus pernicieuses que celles des payens mêmes et dérivées comme les leurs des notions atroces qu'ils se font de la divinité qu'ils honorent: en effet, si ces chrétiens ne s'imaginaient pas que leur Dieu est très cruel, ils ne supposeraient pas qu'il peut approuver et encore moins commander les tourmens rigoureux qu'ils s'infligent à eux-mêmes.
Indépendamment des austérités pratiquées par un grand nombre de chrétiens qui se sont fait un mérite de vivre dans des déserts, parmi des rochers inaccessibles, dans des cavernes, de se refuser les besoins de la vie, de se laisser mourir de faim, etc, combien ne voyons-nous pas de gens des deux sexes s'enfermer pour la vie dans des monastères! Il est vrai que quelques-uns y vivent dans l'aisance; mais d'autres semblent s'être condamnés à une prison perpétuelle, et se trouvent entièrement privés des douceurs de la société. Ces pauvres reclus se soumettent à des austérités pénibles, à une mal-propreté brutale12; ils ne portent point de linge, ils gardent leurs habillemens jusqu'à devenir des objets dégoûtans les uns pour les autres; ils s'imposent des châtimens sévères, ils se donnent fréquemment la discipline; on les voit dans de certains pays se flageller publiquement dans les rues; en un mot, ils s'obligent par des sermens et des vœux à ne jamais travailler à leur bonheur.