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Sainte Blanche et les Anglais

Il était une fois un petit garçon dont la mère mourut; son père, qui était capitaine de navire, resta avec lui et cessa de naviguer pour l'élever de son mieux. Mais quand ses économies eurent été mangées, il recommença à naviguer, après avoir mis son fils au collège. Celui-ci, qui apprenait tout ce qu'il voulait, entra à l'école navale, en sortit officier, et, en se battant contre les Anglais, il devint capitaine de vaisseau.

Cependant les Anglais débarquèrent en France; partout où ils passaient, ils dévastaient tout, brûlaient les églises et les châteaux, éventraient les couettes pour mettre les plumes au vent, et quand ils ne pouvaient plus boire, ils défonçaient les tonneaux pour s'amuser à voir le cidre courir dans les ruisseaux.

Il y avait dans ce temps-là, au village de l'Isle en Saint-Cast, une jeune fille, nommée Blanche, qui était un modèle de sainteté. Plusieurs fois ce pays avait été envahi par les Anglais, qui prenaient aux pauvres pêcheurs leurs bateaux et leurs filets. Un jour qu'ils étaient débarqués à l'Isle, ils surprirent Blanche qui disait ses prières du soir dans une vieille chapelle. Ses voisins eurent beaucoup de chagrin de la voir ainsi emmenée, car elle était aimée de tout le monde; mais elle leur dit de ne pas pleurer, parce que dans huit jours elle serait de retour à Saint-Cast.

Blanche fut conduite à bord d'un des vaisseaux, et l'escadre anglaise mit à la voile; quand elle fut arrivée dans le port de Londres, tous les Bretons qui avaient été enlevés furent désignés pour être guillotinés. L'exécution devait avoir lieu devant le Palais du roi, et on embarqua les condamnés dans des chaloupes pour les y conduire. Blanche, qui était avec les autres, s'écria tout d'un coup, en sautant à la mer:

—Je ne suis plus en votre pouvoir, Dieu m'appelle, et je retourne en Bretagne.

Un des Anglais essaya de la retenir, et il lui coupa même deux doigts de la main gauche; mais Blanche se dégagea, et elle se mit à marcher sur l'eau, où sa trace reste marquée par un ruban de mer plus blanc que l'eau voisine. Quelques heures après elle était de retour dans son pays.

Le chemin de sainte Blanche, dessin de Paul Chardin

Les habitants furent bien étonnés de la voir revenir sur l'eau, et tous les journaux du temps (sic) racontèrent comment Blanche s'était sauvée des mains des Anglais. Le capitaine de vaisseau, qui était aussi du pays, vint pour la voir, et s'apercevant que c'était une sainte, il lui demanda comment faire pour battre les Anglais; car il devait prochainement prendre le commandement d'une expédition contre eux: Blanche lui donna des conseils, et lui assura que dans quinze jours il reviendrait vainqueur.

Le capitaine suivit les avis de la jeune fille, et quand, après avoir battu les Anglais, il revint pour la remercier, il tomba amoureux d'elle, et Blanche consentit à l'épouser. Elle suivait son mari partout, même à la guerre. Un jour leur navire fut entouré d'ennemis; le capitaine fut tué à son poste, et le découragement se mit parmi l'équipage. Mais Blanche sauta à la mer, et, marchant sur les eaux, elle se dirigea vers les Anglais. Ceux-ci eurent tant de peur qu'ils s'enfuirent. Alors Blanche revint à bord, et ramena le vaisseau en France.

Elle pleura beaucoup son mari, et avec les sept enfants qu'elle avait eus de son mariage, elle se retira dans son village, où elle continua la vie d'une sainte. Quand elle mourut, on l'enterra dans la chapelle où elle avait coutume de prier, et depuis les gens du pays l'invoquent sous le nom de sainte Blanche.

Ses enfants furent tous les sept des évêques et des saints, et s'ils ne sont pas morts ils vivent encore.

(Conté en 1884, par François Marquer, de Saint-Cast).

Dans cette légende, où l'on trouve un singulier mélange d'anachronismes et d'emprunts à l'histoire populaire des guerres avec les Anglais, sainte Blanche est un personnage en chair et en os, une sorte de Jeanne d'Arc maritime: dans le récit suivant, ce n'est plus une sainte, c'est la statue elle-même, qui est funeste aux Anglais et opère des miracles.

Petite légende dorée de la Haute-Bretagne

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