Читать книгу Petite légende dorée de la Haute-Bretagne - Paul Sébillot - Страница 6
II
ОглавлениеLa statue de sainte Blanche
Au temps jadis, lorsque les Anglais enlevaient les pêcheurs avec leurs bateaux, et qu'ils volaient les saints dans les églises, la statue de sainte Blanche, qui se trouvait à sa chapelle de l'Isle en Saint-Cast, fut mise sur un de leurs navires pour être transportée en Angleterre.
Pendant la traversée, les Anglais lui firent mille affronts, et même ils lui coupèrent deux doigts, au moment où le navire entrait dans le port de Londres. Mais la statue sauta par dessus le bord, et elle se mit à marcher sur l'eau comme une personne vivante. À cette vue, les Anglais furent saisis d'épouvante, et ils firent feu sur elle; mais au même instant le tonnerre tomba sur le vaisseau, qui fut mis en pièces, et les hommes qui le montaient furent brûlés ou noyés. C'est alors que les Anglais crurent que sainte Blanche était vraiment puissante, et qu'il ne faisait pas bon se moquer d'elle.
Cependant la statue continua sa route pour retourner à sa chapelle, et partout où ses pieds ont touché la mer, les traces sont restées sur l'eau, qui est plus claire que partout ailleurs; c'est ce qu'on appelle encore aujourd'hui le «Chemin de sainte Blanche».
Quand les habitants de Saint-Cast apprirent que leur sainte avait échappé aux Anglais, ils coururent à la chapelle, et furent bien heureux de la retrouver à la place même où elle était avant d'avoir été enlevée.
Mais les Anglais étaient furieux contre elle, parce qu'elle avait fait tomber le tonnerre sur leurs compagnons, et ils revinrent à Saint-Cast pour enlever de nouveau sainte Blanche et la brûler. Alors, la statue qui connaissait leurs projets, se cacha dans une cheminée, et ils ne purent la trouver. Quand les Anglais furent partis, elle sortit de sa cachette et alla se remettre à sa place; mais la fumée l'avait noircie, et les gens de l'Isle, qui croyaient que leur sainte revenait encore d'Angleterre disaient: «Ce n'est plus sainte Blanche, mais sainte Noire».
(Conté en 1883 par François Marquer).
D'après une autre version, dès que la sainte eut mis le pied en Angleterre, elle disparut si subitement qu'on ne sut ce qu'elle était devenue. Elle traversa pourtant la mer, et de Saint-Cast on la vit marcher sur l'eau. Quand elle aborda, elle n'avait point les pieds mouillés, et elle alla d'elle-même se replacer dans sa niche, qui était alors dans une vieille maison. Celle-ci s'écroula, mais la statue n'eut d'autre mal qu'une égratignure au doigt. Depuis le lieu de la côte anglaise d'où elle partit jusqu'à Saint-Cast, il y a sur la mer une trace blanche qu'on appelle le chemin de Sainte-Blanche.
La Vie des saints de Bretagne fait mention d'une sainte Blanche, épouse de saint Fracan, qui vivait à Ploufragan au Ve siècle, et qui est fêtée le 30 octobre; aucun des épisodes de notre légende n'y figure.
On raconte que jadis un habitant de Saint-Cast, étant tombé dangereusement malade, fit un vœu à sainte Blanche, et lui promit de faire repeindre sa statue que la fumée avait toute noircie. Dès qu'il fut guéri, il porta la statue chez un peintre auquel il raconta sa maladie et son vœu. Le peintre lui dit que ce n'était pas difficile, et il assura à son client que dans huit jours la statue serait aussi fraîche que lorsqu'elle était neuve. Le lendemain il se mit à l'ouvrage, et ayant voulu placer un peu de peinture rose sur les joues de la sainte, il lui fut impossible de la faire tenir; après avoir essayé à plusieurs reprises, il vit bien que la sainte voulait garder son nom et qu'elle ne voulait souffrir ni rose ni rouge sur sa figure.
La statuette de sainte Blanche est encore à l'Isle de Saint-Cast; elle se trouve dans une maison située auprès de l'endroit où était sa chapelle. Elle a soixante centimètres environ de hauteur, et elle tient à la main une petite baguette. On voit souvent à côté, de petits bonnets que les mères offrent pour que leurs enfants soient préservés des croûtes à la tête.
Sainte Blanche est invoquée à Saint-Cast pour la guérison du mal blanc, qui se nomme aussi le mal Sainte-Blanche; il consiste en une infinité de petits boutons qui couvrent entièrement le corps. On vient tremper les chemises des malades à une fontaine dite de sainte Blanche, au bas de la falaise. Une chapelle et une fontaine, qui sont dédiées à cette sainte, se trouvent près de l'abbaye en ruine de Lantenac, dans la forêt de Loudéac. Elle a tous les jours de nombreux visiteurs. On y vient de fort loin, tellement l'eau est réputée favorable à la guérison de cette maladie. Il faut boire un peu de cette eau et porter une chemise qui ait été trempée dans la fontaine, et toujours séchée à l'ombre: il ne faut pas oublier une prière et l'offrande à la bienheureuse. Il est recommandé aussi de ne pas négliger le culte de saint Froumi et de saint Pontin dont les images se trouvent aux côtés de sainte Blanche. (Revue des Traditions populaires, t. IV, p. 164).