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Lamartine de Montceau.

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La branche cadette de Montceau, dont est issu le poète, a pour auteur Jean-Baptiste, fils cadet d'Estienne Alamartine et d'Anne Galloche. Il naquit en 1640, fit ses études de droit à l'université d'Orléans[20], et à la mort de son père hérita de la charge de conseiller au bailliage de Mâcon. Il épousa le 17 avril 1662 Françoise Albert, fille d'Abel Albert, conseiller du roi, receveur des consignations, et de demoiselle Françoise Moisson. C'est par l'alliance avec les Albert que la terre de Montceau entra dans la famille; c'était un beau domaine d'environ 50 hectares, situé sur les communes actuelles de Prissé et de Saint-Sorlin, à une dizaine de kilomètres de Mâcon. Bien qu'on ne retrouve aucune reprise de fief pour Montceau, ses possesseurs s'en qualifiaient seigneurs, alors qu'en réalité, Montceau faisait partie de la terre et châtellenie de Prissé. On trouve en 1603 un dénombrement de Prissé par «honorable Guyot Fournier», dont une fille, on l'a vu plus haut, avait épousé un Benoît Alamartine; on y voit que «ladite châtellanie a de tout temps appartenu au roi et au seigneur révérend évêque de Mâcon, par indivis, et à chacun d'eux la moitié». Le 17 juillet 1675 on rencontre une reprise de fief et dénombrement par les héritiers de Pierre Fournier, au nombre desquels figure Abel Albert, beau-père de Jean-Baptiste de Lamartine. Non seulement dans cet acte Abel Albert se qualifie de seigneur de Montceau, mais il affirme encore que «si ladite châtellenie est au roi pour une moitié et à l'évêque pour l'autre moitié», les rentes, toutefois, appartiennent pour un tiers au roi, un autre à l'évêque et le dernier au seigneur. En 1679 Abel Albert augmenta sa part en rachetant celles des deux co-héritiers Fournier, et à partir de cette date on ne retrouve plus de reprise de fief pour Prissé. Au début du xviiie siècle, par suite de la mort du fils d'Abel Albert, sa sœur, Françoise, femme de Jean-Baptiste, hérita de Montceau. Ce n'est d'ailleurs pas Montceau qui permit aux Lamartine de la branche cadette d'entrer aux chambres de la noblesse du Mâconnais, puisque seule, on l'a vu, la châtellenie de Prissé qu'ils ne possédaient pas était terre noble, mais bien le fief de la Tour de Mailly acquis au milieu du xviiie siècle.

Le testament de Jean-Baptiste et de sa femme, rédigé le 1er mars 1707, nous montre que, dès cette époque, la situation des Lamartine était déjà solidement établie:

Nous léguons, y est-il dit en effet, aux pauvres de l'Hôtel-Dieu et de la Charité de cette ville, à chacun (sic), la somme de trois cents livres, les invitant à prier Dieu pour nous. À notre fils Nicolas de la Martine, nous donnons et léguons pour sa part et portion de nos biens et hoirie notre domaine situé à Milly et lieux circonvoisins, et celui des Fortins, paroisse de Bertzé-la-Ville consistant en maison garnie des meubles qui y sont présentement, caves, pressoirs, et généralement tout ce qui en dépend, prés, terre, vignes, bois, maisons des grangers et vignerons et leurs dépendances, avec les bestiaux qui servent à la culture. Plus, nous lui léguons notre maison sise en cette ville, près les religieuses Sainte-Ursule qui est habitée présentement par son frère aîné, suivant qu'elle se comporte chargée du passage qui y est présentement pour la desserte de la grande maison que nous habitons. Nous lui donnons et léguons de plus la charge de conseiller magistrat au bailliage et présidial de Mâcon, avec tous les droits en dépendant, la part que nous avons aux charges de receveur des épices, et en tout ce que dessus, instituons ledit Nicolas de la Martine notre héritier particulier, à la charge de payer par lui, annuellement et par avance, à sœur Françoise de la Martine, religieuse à la Visitation Sainte-Marie, et à sœur Anne de la Martine[21], religieuse Ursule, à chacune d'elles quinze livres de pension pendant leur vie.

Item, nous donnons à Marie et à Marie-Anne de la Martine, nos filles, à chacune la somme de dix-huit mille livres.

Item, nous léguons et donnons à François de la Martine, notre fils, chanoine en l'église de Mâcon, la somme de quinze mille livres et, outre ce, nous lui léguons la somme de mille livres que nous lui avons avancée pour fournir aux frais de son baccalauréat en Sorbonne. Au résidu de nos autres biens desquels nous n'avons pas disposé cy-devant, ni n'entendons disposer cy-après, nous nommons et instituons notre héritier universel, seul et pour le tout, Philippe-Étienne de la Martine, notre fils aîné.

Voulons de plus que si moi, ledit de la Martine, décède le premier, qu'au moment de mon décès, notre héritier entre en jouissance du domaine et vignoble de Pérone et des biens qui sont venus de monsieur Litaud depuis son mariage.

Ce testament est curieux, à plus d'un titre. On y voit figurer en effet la petite maison de Milly, la maison natale de Lamartine située rue des Ursulines, et l'hôtel Lamartine, élevé près des remparts de Mâcon et qui portait alors le numéro 87 de la rue de la Croix-Saint-Girard, devenue sous la Révolution rue Solon et au xixe siècle rue Bauderon de Senécé.

La petite maison de Milly date de 1705, époque à laquelle elle fut solennellement bénite par le curé de la paroisse[22]. Quant à la maison de la rue des Ursulines, acquise sans doute au début du xviie siècle, elle dénote une construction du xvie siècle. Les fenêtres ont été remaniées depuis et l'intérieur semble avoir subi de nombreuses transformations. Sa porte est surmontée d'un écu chargé d'une flamme en pointe et de deux étoiles à cinq rais en chef, qui se réfère à une famille actuellement inconnue dans le Mâconnais. Cette maison n'était pas, comme l'a dit Lamartine, une maison de retraite pour les vieux domestiques. Dans les testaments qui suivent celui de Jean-Baptiste on voit qu'elle était toujours léguée au fils cadet, mais que, du vivant du chef de famille, elle était habitée par l'aîné. La maison de la rue des Ursulines communiquait par une cour et des jardins avec l'hôtel Lamartine, belle construction à deux étages qui, d'après son architecture, dut être édifiée dans la deuxième moitié du xviie siècle. Vers 1760, elle subit d'importants remaniements intérieurs et l'on y voit encore une salle à manger décorée de jolis trumeaux en camaïeu dans le goût des bergeries de Watteau. Sa porte est surmontée d'une décoration en fer forgé où l'on remarque deux L entrelacés, manifestement inspirée du chiffre royal.

Quant à la propriété de Pérone, elle était située non loin de Mâcon (canton actuel de Lugny) et dépendait de la seigneurie d'Uchisy. Les Lamartine y possédaient une maison de campagne, qui date également de la fin du xviie siècle.

Ainsi, comme on peut s'en rendre compte, la plupart des biens—à part Saint-Point—qui composeront plus tard le patrimoine du poète, se trouvaient dès le début du xviiie siècle en possession de sa famille.

Jean-Baptiste de Lamartine mourut le 1er septembre 1707. De son mariage, très prolifique, il avait eu seize enfants dont peu lui survécurent[23]. Des trois fils qu'il nomme dans son testament, l'un, Nicolas, était né le 31 octobre 1668; il avait fait ses études de droit à l'université d'Orléans comme son père, de 1687 à 1690, époque à laquelle il fut reçu licencié[24]. Puis, il succéda à son père dans les fonctions de conseiller au bailliage, et mourut célibataire à Vichy le 19 mai 1714[25]. «Il devait aller de là aux eaux de Bourbon, dit Claude Bernard qui l'avait connu; mais la mort l'en empêcha; sa maladie était une phtisie pulmonaire, et on ne seconda pas assez l'effet des eaux par des purgatifs décidés».

L'autre, François, né le 20 mai 1677, fut chanoine de Saint-Pierre de Mâcon, et pourvu d'un archidiaconé en 1725: il fut élu doyen par le chapitre de cette église le 29 mai 1728, et mourut à une date inconnue.

Quant à l'aîné, Philippe-Étienne, né le 26 mai 1665, il servit de 1689 à 1702 comme capitaine dans Orléans-infanterie, d'où son père le retira pour le marier en 1703 à Sibylle Monteillet, d'une famille lyonnaise dont nous n'avons pu retrouver trace. Il mourut le 22 mars 1765 ayant eu de son mariage sept enfants, cinq filles[26] et deux fils; le cadet, né le 17 novembre 1717 embrassa comme son père la carrière militaire: il fut lieutenant dans Tallard-infanterie le 1er décembre 1733, capitaine le 21 mai 1738, et mourut chevalier de Saint-Louis le 27 octobre 1750, des suites de ses blessures.

Quant à l'aîné, Louis-François, propre grand-père du poète, c'est une curieuse figure de gentilhomme, dont on a déjà vu les prétentions nobiliaires. Il était né le 4 octobre 1711 et, par le relevé de ses états de services, on voit qu'il fut enseigne le 3 octobre 1730 au régiment de Tallard-infanterie—devenu par la suite régiment de Monaco,—promu lieutenant le 22 août 1731, capitaine le 10 novembre 1733, et qu'il quitta l'armée le 1er octobre 1748 avec la croix de Saint-Louis. Comme son corps fit les campagnes de 1733, 34, 35 sur le Rhin, celle de 1744 et 46 en Flandre et de 1745 en Allemagne, il prit donc part à la guerre de succession de Pologne et à la guerre de Sept ans.

Lamartine, qui l'avait d'ailleurs à peine connu mais pouvait en parler d'après les souvenirs de son père, nous en a laissé un agréable portrait, un peu inexact quant aux détails, puisqu'il en a fait un capitaine de cavalerie: «Il avait été superbe, dit il, dans sa première jeunesse; en garnison à Lille, sous Louis XV, il avait frappé les yeux de Mlle Clairon qui y débutait alors, et en avait été remarqué. J'ai encore vu les restes de ses équipages tels que sa magnifique argenterie de campagne... Il avait servi longtemps dans les armées de Louis XV, et avait reçu la croix de Saint-Louis à la bataille de Fontenoy. Rentré dans sa province avec le grade de capitaine de cavalerie, il y avait rapporté les habitudes d'élégance, de splendeur et de plaisirs contractées à la Cour et dans les garnisons.»

Si les Mémoires de la Clairon sont muets sur son séjour à Lille, tout au moins retrouve-t-on trace des équipages dans le laissez-passer que lui délivra le 27 juillet 1748, à Bruxelles, le maréchal de Saxe[27]. Quant à ses habitudes de luxe et de splendeur, nous en avons la preuve dans les embellissements qu'il apporta à ses propriétés et à sa belle bibliothèque où chaque volume était timbré de ses armes[28].

Quelques années après son retour à Mâcon, il épousa le 23 août 1749 Jeanne-Eugénie Dronier, fille de Claude-Antoine Dronier, seigneur du Villard et de Pratz, conseiller au Parlement de Besançon, et de Cécile-Eugénie Dolard, qui lui apporta en dot d'importants domaines dans le Jura[29]. Ainsi, à la fin du xviiie siècle, la famille de Lamartine était, on le voit, un des plus considérables du pays. Le 18 novembre 1760, Louis-François fut même élu de la noblesse aux États particuliers du Mâconnais, où les représentants des trois ordres réglaient les affaires de leur province[30].

D'autre part, d'heureux mariages avaient augmenté le patrimoine ancestral. En 1750, Louis-François avait acquis près de Dijon la seigneurie d'Urcy avec le château de Montculot, admirablement situé sur un plateau raviné et tourmenté, et entouré de magnifiques forêts; quatorze sources avaient été captées pour embellir le parc qui descendait en gradins sur les flancs de la colline, et les bâtiments, aujourd'hui ruinés, semblent avoir été élevés à cette époque.

En outre, il possédait en Mâconnais des vignobles importants: c'était Péroné, Champagne et Collonges[31]; La Tour de Mailly[32], Escole, Milly, dont les terres avaient presque doublé depuis Jean-Baptiste, et enfin Montceau, où rien n'avait été épargné pour en faire une résidence seigneuriale; on y accédait par une allée de noyers centenaires, longue d'un kilomètre, et que plus tard Lamartine fit abattre comme donnant trop d'ombre à ses vignes. À l'exemple du comte de Montrevel, Louis-François y avait même fait élever une salle de spectacle où l'on jouait la comédie. Les appartements étaient magnifiquement meublés et, à voir les inventaires dressés sous la Terreur, on comprend l'acharnement que Louis-François mit alors à défendre son bien, sans guère se douter, semble-t-il, qu'il jouait là sa tête.

Les gros revenus que nécessitait un pareil train étaient tirés, d'abord des terres de Bourgogne, mais principalement des biens considérables que Mlle Dronier avait apportés en dot, et situés en Franche-Comté. C'étaient d'abord le château et les bois de Saint-Claude et Pratz; les forêts du Franois, dont les sapins s'étendaient sur plusieurs centaines d'hectares, et qui vaudraient, dira plus tard Lamartine, «des millions», mais qui, d'après lui, furent vendues peu de temps avant la Révolution. Puis deux usines hydrauliques de fil de fer à Saint-Claude et à Morez en Jura, dont Louis-François s'occupait assidûment[33]; enfin, la terre des Amorandes, avec les ruines d'un vieux château féodal, et d'importants vignobles à Poligny.

Toute cette fortune devait selon l'usage passer un jour aux mains du fils aîné, François-Louis, né le 6 juillet 1750. À l'âge de quatorze ans, il avait été inscrit a l'école de la compagnie des chevau-légers du roi, après examen des fameuses preuves de noblesse établies par son père.

Mais il était d'une santé délicate, et dut en 1776 quitter la compagnie où il n'avait fait d'ailleurs que de rares apparitions, «n'ayant tardé à venir faire ses exercices dit une note de son dossier, que par sa maladie dont il a donné les preuves». Il souffrait de la poitrine, et bientôt son état s'aggrava à un tel point que les médecins lui déconseillèrent le mariage. Or le cadet, Jean-Baptiste, était entré dans les ordres; pour assurer la postérité, il fallut donc chercher plus loin encore, et tirer de l'ombre, où il était destiné à végéter, le troisième et dernier fils, le petit chevalier de Pratz, Pierre de Lamartine.

Il était né le 21 septembre 1751; selon l'usage du temps, il ne devait pas se marier, mais, comme l'a dit Lamartine, «vieillir dans le grade modeste de capitaine, gagner lentement la croix de Saint-Louis puis, dans un âge avancé, végéter dans une chambre haute de quelque vieux château de son frère aîné, surveiller le jardin, dresser les chevaux, jouer avec les enfants, aimé mais négligé de tout le monde, et achever ainsi sa vie, inaperçu, sans biens, sans femme, sans postérité, jusqu'à ce que les infirmités et la maladie le reléguassent dans la chambre nue où pendaient au mur son casque et sa vieille épée, et qu'on dît un jour dans le château: Le chevalier est mort.»

Cette triste et solitaire existence, Pierre de Lamartine semble l'avoir acceptée avec résignation. À dix-sept ans, après avoir déjà servi deux ans comme volontaire, il adressa au ministre de la Guerre une demande en vue d'obtenir un brevet de sous-lieutenant sans appointements dans le régiment de Dauphin-cavalerie, où commandait le comte de Vibraye, ancien compagnon d'armes de son père.

Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812

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