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XII

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Elle était venue habiter avec les trois autres femmes de son maître un yali de campagne, dans un bois, sur le chemin de Monastir; là, on la surveillait moins.

Le jour je descendais en armes. Par grosse mer, toujours, un canot me jetait sur les quais, au milieu de la foule des bateliers et des pêcheurs; et Samuel, placé comme par hasard sur mon passage, recevait par signes mes ordres pour la nuit.

J'ai passé bien des journées à errer sur ce chemin de Monastir. C'était une campagne nue et triste, où l'oeil s'étendait à perte de vue sur des cimetières antiques; des tombes de marbre en ruine, dont le lichen rongeait les inscriptions mystérieuses; des champs plantés de menhirs de granit; des sépultures grecques, byzantines, musulmanes, couvraient ce vieux sol de Macédoine où les grands peuples du passé ont laissé leur poussière. De loin en loin, la silhouette aiguë d'un cyprès, ou un platane immense, abritant des bergers albanais et des chèvres; sur la terre aride, de larges fleurs lilas pâle, répandant une douce odeur de chèvrefeuille, sous un soleil déjà brûlant. Les moindres détails de ce pays sont restés dans ma mémoire.

La nuit, c'était un calme tiède, inaltérable, un silence mêlé de bruits de cigales, un air pur rempli de parfums d'été; la mer immobile, le ciel aussi brillant qu'autrefois dans mes nuits des tropiques.

Elle ne m'appartenait pas encore; mais il n'y avait plus entre nous que des barrières matérielles, la présence de son maître, et le grillage de fer de ses fenêtres.

Je passais ces nuits à l'attendre, à attendre ce moment, très court quelquefois, où je pouvais toucher ses bras à travers les terribles barreaux, et embrasser dans l'obscurité ses mains blanches, ornées de bagues d'Orient.

Et puis, à certaine heure du matin, avant le jour, je pouvais, avec mille dangers, rejoindre ma corvette par un moyen convenu avec les officiers de garde.

Aziyadé

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