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A LOTI, DE SA SOEUR

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Brightbury, août 1876.

Frère aimé,

Tu cours, tu vogues, tu changes, tu te poses … te voilà parti comme un petit oiseau sur lequel jamais on ne peut mettre la main. Pauvre cher petit oiseau, capricieux, blasé, battu des vents, jouet des mirages, qui n'a pas vu encore où il fallait qu'il reposât sa tête fatiguée, son aile frémissante.

Mirage à Salonique, mirage ailleurs! Tournoie, tournoie toujours, jusqu'à ce que, dégoûté de ce vol inconscient, tu te poses pour la vie sur quelque jolie branche de fraîche verdure … Non; tu ne briseras pas tes ailes, et tu ne tomberas pas dans le gouffre, parce que le Dieu des petits oiseaux a une fois parlé, et qu'il y a des anges qui veillent autour de cette tête légère et chérie.

C'est donc fini! Tu ne viendras pas cette année t'asseoir sous les tilleuls! L'hiver arrivera sans que tu aies foulé notre gazon! Pendant cinq années, j'ai vu fleurir nos fleurs, se parer nos ombrages, avec la douce, la charmante pensée que je vous y verrais tous deux. Chaque saison, chaque été, c'était mon bonheur … Il n'y a plus que toi, et nous ne t'y verrons pas.

Un beau matin d'août, je t'écris de Brightbury, de notre salon de campagne donnant sur la cour aux tilleuls; les oiseaux chantent, et les rayons du soleil filtrent joyeusement partout. C'est samedi, et les pierres, et le plancher, fraîchement lavés, racontent tout un petit poème rustique et intime, auquel, je le sais, tu n'es point indifférent. Les grandes chaleurs suffocantes sont passées et nous entrons dans cette période de paix, de charme pénétrant, qui peut être si justement comparée au second âge de l'homme; les fleurs et les plantes, fatiguées de toutes ces voluptés de l'été, s'élancent maintenant, refleurissent vigoureuses, avec des teintes plus ardentes au milieu d'une verdure éclatante, et quelques feuilles déjà jaunies ajoutent au charme viril de cette nature à sa seconde pousse. Dans ce petit coin de mon Éden, tout t'attendait, frère chéri; il semblait que tout poussait pour toi … et encore une fois, tout passera sans toi. C'est décidé, nous ne te verrons pas.

Aziyadé

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